PEUPLES AUTOCHTONES |
Terres |
Jeddore c. Canada
A-709-01
2003 CAF 323, juges Sharlow, Evans, J.C.A.
28-8-03
39 p.
Taxation--M. Jeddore a fait appel de la nouvelle cotisation du ministre établissant son assujettissement à l'impôt et la Cour canadienne de l'impôt a rejeté l'appel: Jeddore c. La Reine, 2001 D.T.C. 1058 (C.C.I.)--Dans son appel, l'appelant soutient que, en 1870 ou 1872, le gouvernement de Terre- Neuve avait mis de côté les terres de Conne River pour l'usage exclusif du peuple mi'kmaq qui y vivait--Une réserve a donc été validement établie selon les lois de Terre-Neuve antérieures à l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération-- L'appelant a toute sa vie habité à Conne River, dans ce que l'on appelle aujourd'hui la réserve indienne Samiajij Miawpukek, créée en 1987--L'appelant affirme que les terres de Conne River constituaient une réserve en 1984 et que le revenu produit cette année-là par son entreprise sur la réserve est soustrait à l'impôt sur le revenu en tant que «biens meubles d'un Indien situés sur une réserve», en application de l'art. 87(1)b) de la Loi sur les Indiens (la Loi)--Le juge de la Cour de l'impôt a-t-il commis une erreur de droit parce qu'il ne s'est pas demandé si une réserve avait été validement établie à Conne River en conformité avec les lois de Terre-Neuve avant son entrée dans la Confédération?--La prémisse théorique de l'argument de l'appelant est que, selon le droit colonial de Terre-Neuve tel qu'il existait en 1872, il était peut-être logique pour le gouvernement colonial de mettre de côté la prétendue réserve, à l'usage et au profit du peuple mi'kmaq de Conne River, tout en conférant aussi des droits conditionnels, limités dans le temps, à certaines personnes pour l'acquisition de la pleine propriété de certaines parcelles de la même région (les permis d'occupation)-- L'argument n'est pas recevable, pour absence de preuve du contexte juridique nécessaire--L'appelant n'a pas droit à la tenue d'un nouveau procès qui lui permettrait de combler les lacunes de la preuve--Appel rejeté (motifs concordants par le juge Evans, J.C.A.): Le juge de la Cour de l'impôt a-t-il commis une erreur parce qu'il a conclu, d'après les pièces qu'il avait devant lui, qu'une «réserve» au sens de la Loi n'existait pas à Conne River en 1984?--Premièrement, est-il rédhibitoire pour l'appel de l'appelant que les terres en question ne fussent pas dévolues à la Couronne fédérale en 1984?--Bien que Sa Majesté du chef du Canada ne fût pas propriétaire des terres de Conne River en 1951, les terres en question pouvaient néanmoins être une réserve en 1984-- Deuxièmement, le critère juridique pour savoir si une réserve selon la Loi sur les Indiens avait été établie se trouve dans l'arrêt Conseil de la bande dénée de Ross River c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 816 (l'arrêt Ross River)--L'arrêt Ross River confirme que, en l'absence d'un texte législatif, les réserves sont établies par acte de la prérogative royale mettant de côté une terre à l'usage et au profit d'une bande indienne-- Troisièmement, application des critères à la présente affaire, lorsqu'elle a concédé une terre de Conne River, la Couronne entendait-elle mettre de côté et détenir la terre à l'usage et au profit des Mi'kmaq et les terres de Conne River concédées aux Mi'kmaq leur ont-elles été concédées en tant qu'Indiens ou en tant que colons qui se trouvaient être des Indiens?--Par conséquent, analyse de deux éléments pertinents à l'appel; a) le procès- verbal de 1870 et les permis d'occupation; b) la preuve d'une tradition orale--Le procès-verbal de 1870 fait état d'une intention générale de la Couronne de concéder une terre aux Mi'kmaq de Conne River, mais il n'indique par la forme projetée de la concession--La délivrance des 17 permis d'une durée de cinq ans autorisant l'occupation de la majeure partie de la terre revendiquée comme réserve, deux ans après le procès-verbal de 1870, donne à penser que la Couronne n'avait pas l'intention de créer une réserve en 1870, parce que les permis conféraient des droits immobiliers individuels sur des parcelles définies--Le Conseil exécutif n'avait pas l'intention en 1870 de créer une réserve au sens de la Loi sur les Indiens, et cela est également confirmé par le fait que les permis contiennent les signatures de trois des membres du Conseil exécutif qui étaient présents à la réunion du Conseil le 27 avril 1870, à laquelle se rapportait le procès-verbal--Il est improbable qu'ils auraient consenti à la délivrance des permis d'occupation si, en 1870, le Conseil exécutif avait voulu que la concession prenne la forme inusitée de droits collectifs sur l'ensemble de la terre, plutôt que la forme de droits immobiliers individuels portant sur des parcelles déterminées--Le fait que l'une des parcelles de la zone revendiquée comme réserve était occupée par un non- Autochtone confirme encore que le Conseil exécutif entendait concéder des terres de Conne River aux occupants à titre de colons, non à titre d'Indiens--Examen de la preuve d'une tradition orale--L'instruction de cet appel a pris fin le jour où la Cour a rendu son arrêt dans l'affaire Benoit c. Canada (2003), 228 D.L.R. (4th) 1 (C.A.F.)--Dans l'arrêt Benoit, la Cour a appliqué les règles établies relatives à la preuve d'une tradition orale--Un tribunal ne peut ajouter foi à la preuve d'une tradition orale qui ignore les principes fondamentaux du droit de la preuve--Le tribunal doit plutôt évaluer la fiabilité et l'utilité d'une telle preuve à la lumière de l'intégralité de la preuve qu'il a devant lui--La preuve d'une tradition orale n'a pas été suffisamment convaincante pour qu'il soit possible d'affirmer que la conclusion générale du juge selon laquelle la Couronne n'entendait pas créer une réserve au sens de la Loi sur les Indiens était «manifestement erronée» ou «contraire au poids irrésistible de la preuve»--Pour que la Cour soit autorisée à intervenir au motif que le juge a commis une erreur sujette à révision en accordant si peu de poids à la preuve d'une tradition orale qu'il en résultait une erreur amendable, il faudrait que la preuve en question soit suffisamment claire et impérieuse pour jeter véritablement le doute sur l'à-propos des conclusions du juge--Le plus souvent, la preuve d'une tradition orale est très vague sur l'identité des fonctionnaires gouvernementaux--La croyance mi'kmaq selon laquelle Murray leur avait dit qu'une terre avait été ou serait mise de côté pour eux est confirmée par un rapport écrit en 1872 par Henry Camp, le gardien des pêches en eaux douces--Aucun des témoins n'a fait remonter la source de la croyance mi'kmaq à une personne qui vivait en 1869--Dans la mesure où la preuve d'une tradition orale prétend confirmer la création d'une réserve selon les lois coloniales, elle est hors de propos--Des contribuables n'ont droit à l'avantage de l'art. 87(1)b) que s'ils prouvent que leur revenu était situé sur une réserve, tel que ce mot a été interprété pour les réserves créées au Canada--La preuve d'une tradition orale est loin de correspondre à ce qui serait requis pour montrer que, dans un cas où la preuve documentaire est considérable, les conclusions tirées de l'ensemble de la preuve par le juge de la Cour de l'impôt sont manifestement erronées ou contraires au poids irrésistible de la preuve--La manière dont le juge de la Cour de l'impôt a apprécié la preuve d'une tradition orale ne constitue pas une erreur de droit--Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, art. 2(1) (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 32, art. 1; (4e suppl.), ch. 17, art. 1; L.C. 2000, ch. 12, art. 148), 36, 87(1)b).