[2017] 1 R.C.F. F-1
Brevets
Demande présentée en vertu de l’art. 52 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, (la Loi) en vue d’obtenir une déclaration portant que les dossiers du Bureau des brevets relatifs au titre du brevet canadien no 2222058 (brevet ꞌ058) soient modifiés afin d’identifier la demanderesse comme étant la titulaire — La demanderesse veut également obtenir, entre autres, une ordonnance obligeant le commissaire aux brevets à enregistrer la rétrocession alléguée du brevet de manière à identifier la demanderesse comme étant la titulaire plutôt que le défendeur — Le brevet visé en l’espèce s’intitule « PROCÉDÉ D’EXTRACTION AMÉLIORÉ DE MATIÈRES D’UNE DÉCHARGE » et a été déposé au Canada par le titulaire original, l’inventeur, Monsieur Markels, Ph.D., un citoyen américain — M. Markels a également déposé une demande de brevet aux États-Unis, après quoi un brevet américain a été délivré — Le contexte de la présente instance comprend une série de cessions des brevets canadiens et américains en cause à d’autres sociétés — Le défendeur s’est impliqué à la présente affaire lorsqu’il a voulu acquérir les brevets canadiens et américains pour lui-même; à cette fin, il a conclu une entente et souscrit à une cession avec M. Markels — Le défendeur a par la suite enregistré ses droits de propriété afférents au brevet ꞌ058 auprès du Bureau des brevets — La demanderesse a commencé à participer à la présente affaire en 2015 lorsque M. Markels a signé une entente par laquelle il s’engageait à céder ses droits à l’égard du brevet ꞌ058 et à prendre des mesures pour que le nom du défendeur soit retiré à titre de titulaire enregistré — La rétrocession qui a résulté (rétrocession de 2015) a été signée par M. Markels, mais n’a jamais été souscrite par le défendeur, qui s’opposait à son enregistrement auprès du Bureau des brevets — Le Bureau des brevets a refusé d’enregistrer la rétrocession de 2015 parce qu’elle n’avait pas été souscrite par le défendeur, qui était inscrit comme étant le titulaire au dossier — À la suite de ce refus, la demanderesse a présenté la présente demande — Il s’agissait de déterminer si la Cour fédérale avait compétence pour instruire et trancher la présente demande et si la rétrocession de 2015 devait être enregistrée par le Bureau des brevets du Canada — En ce qui concerne la compétence de la Cour fédérale, il y a lieu de commencer par l’art. 20 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, qui, combiné avec l’art. 52 de la Loi, confère à la Cour un pouvoir d’origine législative de modifier ou de radier toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre d’un brevet en particulier — La Cour doit déterminer la nature primaire du conflit, en particulier si la présente demande concerne principalement le droit des contrats ou le droit des brevets — La Cour a compétence sur les affaires qui concernent principalement le droit des brevets, mais pas le droit des contrats — La jurisprudence examinée interprétant l’art. 52 de la Loi prévoit qu’afin de déterminer la propriété d’un brevet, il faut d’abord interpréter les documents contractuels — Bien que l’ordonnance (visant à modifier les registres du Bureau des brevets) que la demanderesse cherche à obtenir semble relever de la compétence de la Cour, la délivrance d’une telle ordonnance dépend de l’interprétation de diverses ententes de cession qui, selon la demanderesse, fait d’elle la véritable titulaire du brevet ꞌ058 en cause — L’interprétation des ententes en cause est une affaire qui relève clairement du droit des contrats plutôt que du droit des brevets et par conséquent, la Cour n’a pas compétence pour trancher la question de savoir si la demanderesse est titulaire du brevet ꞌ058 — En conséquence, la totalité de la réparation demandée par la demanderesse est secondaire à la détermination préalable des droits conférés par les ententes de cession relatives au brevet ꞌ058 — La question principale en l’espèce portait sur le droit des contrats (propriété du brevet ꞌ058 à la lumière de ces ententes) et non sur le droit des brevets; ainsi, tant que les questions reliées au droit de propriété ne seront pas réglées, l’affaire ne relève pas de la compétence de la Cour — Étant donné la conclusion selon laquelle la Cour n’a pas de compétence statutaire à l’égard de l’objet principal du conflit, la question secondaire de sa compétence personnelle et matérielle découlant des principes de conflit des lois était théorique — Néanmoins, certains commentaires ont été formulés — Le choix de la loi applicable pour les cessions relatives à la présente affaire ne porte atteinte à aucun des droits statutaires à l’égard du brevet ꞌ058 en soi — Les droits statutaires à l’égard d’un brevet sont régis par les lois du lieu dans laquelle le brevet existe; aucune cession ni transfert ne peut avoir lieu, sauf en conformité avec les lois de l’administration en question — Par conséquent, rien dans les ententes de cession ne pourrait avoir l’effet de les soustraire à l’application de l’art. 51, qui rend les cessions non enregistrées nulles et de nul effet à l’égard d’un cessionnaire subséquent — L’enregistrement de la rétrocession de 2015 exige d’abord que les droits de propriété des parties à l’égard du brevet canadien soient déterminés en vertu des ententes de cession pertinentes — Comme la Cour n’avait pas compétence pour rendre une telle décision, l’enregistrement de la rétrocession de 2015 ne pouvait être ordonné — Demande rejetée.
Salt Canada Inc. c. Baker (T-1620-15, 2016 CF 830, juge Boswell, jugement en date du 20 juillet 2016, 16 p.)