Santé et Bien-être social
Action intentée par le procureur général du Québec visant à obtenir un jugement déclaratoire se rapportant au refus du Canada de partager, en vertu du Régime d’assistance publique du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-1 (le RAPC), les frais encourus par le Québec pour 1) les services dispensés aux jeunes délinquants, 2) les services sociaux dispensés en milieu scolaire, et 3) les services de soutien dispensés aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles—Par rapport aux services dispensés aux jeunes délinquants (point 1), la volonté du Parlement dans le volet « jeunesse » du RAPC était clairement de cibler les jeunes en besoin de protection, par opposition aux jeunes pouvant avoir des démêlés avec la loi—D’ailleurs, la Cour suprême a toujours refusé d’assimiler les méthodes de traitement, même les plus éloignées des méthodes punitives traditionnelles propres au droit criminel, à des mesures de protection ou de bien-être à l’enfance—Les coûts afférents aux services rendus aux jeunes délinquants n’entrent donc pas dans le champ d’application du RAPC—Cette lecture du RAPC se trouve en quelque sorte confirmée et renforcée par les exclusions découlant des définitions de « foyers de soins spéciaux » et de « services de protection sociale » à l’art. 2 du RAPC, en vertu desquelles les établissements correctionnels et les services de nature correctionnelle n’entrent pas dans le champ d’application de celui-ci—De plus, le sens courant du terme « correctionnel » déborde largement l’idée de punir, et la notion d’ « établissements correctionnels » a effectivement été interprétée par les tribunaux comme comprenant des établissements dont le mandat n’est pas (ou n’est pas seulement), de punir, mais plutôt (ou également) de réhabiliter ou encore de réformer ceux qui y séjournent—En ce qui concerne les services sociaux dispensés en milieu scolaire (point 2), ils ne sont pas non plus des « services de protection sociale » pour les fins du RAPC—La preuve a démontré que les services sociaux scolaires ont été conçus comme un service complémentaire à l’éducation, et n’ont rien à voir avec les objectifs de lutte contre la pauvreté du RAPC—Ces services sont d’ailleurs expressément exclus de la définition à l’art. 2 dans la mesure où ils concernent uniquement ou principalement l’enseignement—En choisissant le mot « education » dans la version anglaise (en français, le mot utilisé est « enseignement »), le législateur fédéral a clairement opté pour une conception ouverte de l’enseignement, qui englobe à la fois l’idée de l’apprentissage scolaire traditionnel et celle, plus ouverte, qui réfère à une vision plus large axée sur le développement complet de l’enfant—Cette interprétation s’accorde mieux avec le cadre de la loi dans lequel elle est utilisée—Quant aux services de soutien dispensés aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles (point 3), l’entrée en vigueur de la Loi de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces sur le financement des programmes établis, S.C. 1976-77, ch. 10 est venue modifier les règles de partage des services dispensés aux personnes nécessiteuses et handicapées adultes vivant dans des « foyers de soins spéciaux » et a ajouté un nouveau mode de financement pour, entre autres, les « soins en établissement pour adultes »—La notion d’ « établissement » est assimilée à l’art. 24(1) du Règlement de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces sur le financement des programmes établis, DORS/78-587 à la définition d’un foyer de soins spéciaux que l’on trouve dans le Règlement d’assistance publique du Canada, c.-à-d. un « établissement dont le principal objet est de fournir à ses résidents des soins personnels, infirmiers ou de réadaptation »—La preuve a révélé que les services offerts aux personnes handicapées en ressources résidentielles s’apparentent beaucoup plus aux services décrits à l’art. 24(2)b) du Règlement de 1977 qu’à des services de protection sociale tels que définis à l’art. 2 du RAPC—Il est clair à la lecture du RAPC, de la Loi de 1977 et de leurs règlements d’application que les notions de « foyer de soins spéciaux » et d’ « établissement » renvoient à la nature des services dispensés—Les services de soutien dispensés aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles étaient donc couverts par la Loi de 1977, et se trouvaient exclus du RAPC en vertu de l’art. 5(2)c) du RAPC, qui exclut du partage des coûts les frais que le Canada est tenu de partager en conformité avec une autre loi fédérale—Action rejetée.
Québec (Procureur général) c. Canada (T-2834-96, 2008 CF 713, juge de Montigny, jugement en date du 6 juin 2008, 256 p.)