IMPÔT SUR LE REVENU |
Pratique |
Harris c. Canada
T-2407-96
juge Heneghan
20-12-00
20 p.
Requête pour obtenir des directives--Le demandeur est membre de «Choices», un organisme ne jouissant pas de la personnalité juridique qui s'intéresse à la justice sociale et aux questions fiscales--En 1991, le ministre du Revenu national a pris une décision anticipée en matière d'impôt et en faveur d'un contribuable non identifié--Cette décision faisait que le changement de résidence d'une fiducie résidente au Canada n'aurait pas comme résultat de la soumettre à l'impôt--La décision n'a été rendue publique qu'en 1996, lors de la publication d'un rapport du vérificateur général critiquant en «termes sévères» la décision elle-même et le secret dont elle semblait être entourée--Le demandeur a déposé une déclaration sollicitant un jugement déclaratoire portant sur la légalité de la décision de 1991--La requête en radiation de la déclaration au motif qu'elle ne révélait aucune cause raisonnable d'action a d'abord été accueillie, puis rejetée lors d'un appel devant la Section de première instance--La Cour d'appel fédérale a confirmé la décision en première instance--La demande d'autorisation d'en appeler devant la Cour suprême a été rejetée--La requête en l'instance fait suite à une demande de l'avocat du demandeur pour obtenir la divulgation de l'identité du contribuable qui a bénéficié de la décision de 1991, ainsi que de toutes les communications entre le contribuable et le ministre, y compris la demande d'une décision anticipée--La question porte sur l'application de l'art. 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu--L'art. 241(3)b) porte que l'interdiction de divulgation de l'art. 241(1) et (2) ne s'applique pas aux procédures judiciaires ayant trait à l'application ou à l'exécution de la Loi--Il est clair que les renseignements en cause sont des renseignements confidentiels--La décision d'impôt anticipée est couverte par la portée de la Loi--Dans Slattery (Syndic de) c. Slattery, [1993] 3 R.C.S. 430, la C.S.C. a énoncé les objets et la politique qui sous-tendent l'art. 241: l'art. 241 vise l'établissement d'un équilibre entre l'intérêt du contribuable au respect de sa vie privée et l'intérêt du ministre à être autorisé à communiquer des renseignements relatifs au contribuable dans la mesure où cela est nécessaire pour appliquer et exécuter efficacement la Loi; ce n'est que dans des situations exceptionnelles que l'intérêt de l'individu doit céder le pas à l'intérêt de l'État--La présente affaire est absolument l'une des «situations exceptionnelles» mentionnées dans l'arrêt Slattery--Elle porte sur des allégations directement liées à l'application et à l'exécution de la Loi--Ces questions, qui portent sur la mise en oeuvre générale de la Loi, sont d'une telle importance pour le public canadien que les intérêts du contribuable en matière de respect de sa vie privée doivent céder le pas aux intérêts de l'État--La présente affaire se situe dans le cadre de l'exception prévue à l'art. 241(3)b) de la Loi--C'est l'opinion de la majorité dans l'arrêt Slattery, rédigée par le juge Iacobucci, portant qu'il y a lieu d'adopter une interprétation large en examinant si une communication proposée se rapporte à des poursuites ayant trait à l'application ou à l'exécution de la Loi, qui lie la Cour--La présente action, qui conteste l'interprétation que le ministre a faite de la Loi à l'occasion de la décision visée en l'instance, se situe clairement dans le cadre de l'exception prévue à l'art. 241(3)b)--Finalement, le ministre ne peut utiliser l'art. 241 pour éviter de faire face à des allégations de «mauvaise administration» de la Loi--L'art. 241 n'a pas été adopté pour protéger le ministre, mais bien le contribuable: Diversified Holdings Ltd. c. Canada, [1991] 1 C.F. 595 (C.A.)--La réclamation du privilège au vu de l'intérêt public est fondée sur l'art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada--L'art. 37 porte que le ministre peut s'opposer à la divulgation en attestant que les renseignements ne devraient pas être divulgués pour des raisons d'intérêt public déterminées--Le certificat de Roy Shultis a été déposé à l'appui de la réclamation des défendeurs d'un privilège d'intérêt public--L'avis du sous-ministre qu'il y aurait préjudice à l'intérêt public suite à la divulgation des renseignements ne lie pas la Cour--L'exception de l'art. 241(3)b) à l'interdiction générale de divulgation de renseignements confidentiels prend le pas sur le privilège d'intérêt public réclamé en l'instance--L'intérêt public exige qu'on examine si le ministre s'est déchargé de ses obligations dans l'application de la Loi--Le même raisonnement couvre le privilège de common law contre la divulgation de renseignements fournis sur une base confidentielle--Dans l'arrêt M.(A.) c. Ryan, [1997] 1 R.C.S. 157, la C.S.C. a constaté que les catégories de renseignements qui peuvent faire l'objet d'un privilège ne sont pas exhaustives, mais Ryan ne s'applique pas en l'instance puisque les défendeurs ne cherchent pas à obtenir que le privilège s'applique à une nouvelle catégorie de preuve--Les défendeurs jouissent déjà de la protection générale contre la divulgation des renseignements confidentiels qui se trouve à l'art. 241--Cet obstacle disparaît si les renseignements demandés tombent sous le coup de l'art. 241(3)b)--Les prétentions qui s'appuient sur le privilège de common law fondé sur les circonstances ne peuvent justifier l'érection d'un nouvel obstacle--De la même façon, le privilège de common law portant sur les renseignements fournis sous le sceau de la confidentialité ne peut prendre la pas sur l'exception prévue à l'art. 241(3)b)--Les défendeurs doivent divulguer le nom du contribuable, sous réserve des art. 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale de 1998--Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 241 (mod. par L.C. 1994, ch. 7, annexe VIII, art. 137)--Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 37--Règles de la Cour fédérale de 1998, DORS/98-106, art. 151, 152.