LIBÉRATION CONDITIONNELLE |
Zarzour c. Canada
A-399-99
juge Létourneau, J.C.A.
18-12-00
35 pp.
Appel et appel incident d'une décision de la Section de première instance ((1999), 174 F.T.R. 162) ordonnant à l'appelante d'extirper des dossiers de l'intimé et de ceux de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada, deux lettres que son ancienne épouse, France Bélanger, avait envoyées à la Commission en 1994--L'intimé purge depuis 1977 une peine d'emprisonnement à perpétuité pour une infraction de meurtre au deuxième degré--Alléguant que les deux lettres de Mme Bélanger sont la source de ses difficultés avec la Commission et le Service, l'intimé a intenté une action contre l'appelante--Le juge de première instance s'est mépris sur le principe applicable en pareille situation--Les deux lettres acheminées à la Commission par Mme Bélanger renferment, au sens de l'art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, des renseignements personnels à propos de l'intimé--Ces lettres, dans la mesure où elles évoquaient une possibilité de violence et une crainte pour la sécurité de leur auteur et celle des membres de sa famille, constituaient de l'information pertinente dont la Commission devait, au besoin, tenir compte dans l'exécution de son mandat--Le rôle de la Commission est d'enquêter sur l'opportunité de remettre en liberté un individu condamné à l'emprisonnement et de s'assurer que, ce faisant, elle ne compromet pas l'objectif premier qui est d'assurer la protection de la société--L'art. 6(3) de la Loi sur la protection des renseignements personnels oblige une institution fédérale à ne disposer de renseignements personnels qu'en conformité avec le régime établi par règlement ou directive--Le juge de première instance ne pouvait ordonner que les lettres de France Bélanger soient extirpées du dossier de l'intimé et encore moins détruites ou supprimées complètement comme le veut le sens littéraire ou figuré du verbe «extirper»--La Commission doit agir conformément aux principes d'équité--Dans l'évaluation du risque pour la société, la Commission, si elle n'est pas soumise à la rigidité des règles de preuve applicables aux tribunaux judiciaires, a l'obligation d'examiner tous les renseignements sûrs disponibles--Dans la mesure où elle désire utiliser un renseignement pertinent, elle doit s'assurer de son exactitude et de sa valeur persuasive, sinon elle manque à son obligation d'agir équitablement--L'information venant de Mme Bélanger était pertinente et, à juste titre, la Commission l'a classée au dossier de l'intimé--Elle pouvait l'ignorer si elle n'était pas fiable, mais si elle désirait s'en servir, elle devait en vérifier l'exactitude et la valeur persuasive--La Commission ne s'est pas servie des lettres de Mme Bélanger lors de sa décision de février 1994 révoquant la libération conditionnelle de l'intimé, non plus que lors de ses audiences du 17 janvier 1966--Le refus d'accorder les libérations demandées était attribuable au risque élevé de récidive et à l'instabilité émotionnelle de l'intimé--À l'audition du 17 avril 1997, la demande de Mme Bélanger a été retenue en partie par la Commission et, en conséquence, le droit de sortie pré-libératoire de l'intimé a été assujetti à la condition de ne pas entrer en contact avec elle--Le juge de première instance a eu raison de conclure, à partir du fait qu'une telle condition avait été imposée, que la Commission avait utilisé les lettres de Mme Bélanger--La Commission a procédé à des vérifications suffisantes de la fiabilité des allégations de Mme Bélanger et elle en a mesuré la valeur persuasive--Compte tenu de l'objectif recherché par le législateur en adoptant l'art. 144 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Cour ne pouvait reprocher à la Commission d'avoir adopté l'approche libérale qu'elle a prise à l'endroit de la demande d'accès de Mme Bélanger en évitant d'imposer un formalisme tout aussi inutile que stérile--Ni la Commission ni le Service n'ont transmis à Mme Bélanger des renseignements auxquels elle n'avait pas droit--Les droits constitutionnels de l'intimé n'ont pas été brimés--Quant aux dommages-intérêts compensatoires, la transmission de l'information à Mme Bélanger est demeurée sans conséquence pour l'intimé--Celui-ci n'a subi aucun dommage matériel et il n'a fourni aucune preuve d'un tel dommage--Il aurait subi tout au plus un préjudice moral minime et un montant de 2 000$ constituerait une réparation juste et convenable--En l'absence de preuve de l'existence d'une relation commettant-préposé entre l'appelante et Mme Bélanger pour le délit allégué, l'appelante ne peut être tenue responsable des gestes posés par cette dernière--Appel accueilli--Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 3, 6--Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 144.