COURONNE |
Responsabilité délictuelle |
A.O. Farms Inc. c. Canada
T-1620-95
juge Hugessen
27-10-00
7 p.
La demanderesse a conclu certains contrats de vente d'orge avec des clients américains pendant la période au cours de laquelle la politique relative au marché continental de l'orge était en vigueur--Ladite politique et le Règlement s'y rapportant ont été révoqués par le gouvernement nouvellement élu et la demanderesse n'a pu exécuter les contrats en question qu'avec difficulté et moyennant des coûts supplémentaires pour elle, d'où la demande de dommages-intérêts formulée à l'encontre de Sa Majesté--La demanderesse soutient que le gouvernement a fait preuve de négligence lorsqu'il a apporté les modifications au Règlement et qu'il a formulé une assertion négligente et inexacte--Requête en vue d'obtenir un jugement sommaire portant rejet de l'action de la demanderesse--Requête accueillie--Aucune action ne peut être intentée contre le gouvernement au motif que celui-ci a adopté un texte législatif subséquemment déclaré ultra vires--Le principe s'applique à la décision de légiférer et à la décision concernant la façon de le faire (en l'espèce, par des modifications apportées au Règlement)--En ce qui concerne l'allégation d'assertion négligente et inexacte, le premier critère à appliquer consiste à se demander s'il était raisonnable pour la demanderesse de se fonder sur l'assertion qui a été formulée--Très peu de gens diraient qu'il est raisonnable de se fonder sur des promesses formulées par des politiciens en période préélectorale--Une assertion est une déclaration concernant un événement antérieur ou actuel--En revanche, une promesse est un engagement concernant une mesure ultérieure--En l'absence de fraude ou de mauvaise foi, une promesse ne saurait constituer le fondement d'une action en négligence--Étant donné que les déclarations invoquées en l'espèce concernent toutes une conduite ultérieure, elles ne peuvent être fautives--Remarque incidente: le critère plus moderne qui est appliqué à l'égard des allégations de négligence formulées contre les autorités publiques est le critère Anns/Kamloops (Anns v. Merton London Borough Council, [1978] A.C. 728, Kamloops (ville) c. Nielsen et al, [1984] 2 R.C.S. 2)--Selon ce critère, il faut chercher à savoir: 1) Si le lien entre la partie demanderesse et l'autorité est suffisamment étroit pour donner lieu à un devoir de prudence--En l'espèce, le lien entre le gouvernement et l'entité administrée n'est pas un lien caractérisé par une grande proximité sur le plan individuel--Le gouvernement a un devoir à l'endroit de l'ensemble du public et non une obligation individuelle--2) S'il existe des facteurs d'ordre législatif ou politique pouvant atténuer ou modifier ce devoir ou en nier l'existence--L'autorité publique doit pouvoir faire librement ses choix en tenant compte uniquement des conséquences politiques de ceux-ci et non de la possibilité d'être poursuivie en dommages-intérêts--Le gouvernement ne peut être poursuivi en dommages-intérêts lorsqu'il légifère, même de façon erronée, incompétente ou stupide.