Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

DROITS DE LA PERSONNE

Canada (Procureur général) c. Stevenson

T-9-02

2003 CFPI 341, juge Rouleau

24-3-03

20 p.

Redressements--Contrôle judiciaire d'une décision du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) qui avait jugé que le demandeur avait nié les droits reconnus au défendeur par la Loi canadienne sur les droits de la personne et lui avait ordonné de prendre diverses mesures correctives-- Le défendeur avait déposé auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) une plainte de discrimination contre son ancien employeur, le Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS), parce que le SCRS avait mis fin à son emploi pour cause de déficience mentale--La Commission a retenu la plainte du défendeur et l'affaire a été renvoyée au Tribunal pour instruction--Le Tribunal a rejeté la position adoptée par le SCRS et jugé que le SCRS avait ignoré les droits reconnus au défendeur par la Loi--Le Tribunal avait ordonné au SCRS de payer au défendeur la somme de 2 000 $ pour compenser les dépenses réellement engagées par le défendeur au titre de frais juridiques et a ordonné au directeur du SCRS de remettre au défendeur une lettre d'excuses--Le Tribunal a-t-il outrepassé sa compétence lorsqu'il a ordonné les redressements en question?--1) L'art. 53(2) et (3) de la Loi énonce plusieurs redressements généraux que peut prononcer le Tribunal s'il estime que la plainte est fondée, et notamment ordonner le versement d'une indemnité représentant les dépenses engagées par la victime par suite de l'acte discriminatoire--La jurisprudence ne dit pas clairement si la Loi habilite ou non le Tribunal à ordonner le versement d'une indemnité pour frais juridiques--Dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Thwaites, [1994] 3 C.F. 38 (1re inst.), le juge Gibson devait dire si le Tribunal avait commis une erreur de droit en accordant au plaignant des frais raisonnables au titre des honoraires que le plaignant avait dû payer dans cette affaire pour les services de son avocat et pour l'expertise actuarielle--Après examen de l'art. 53(2)c) de la Loi, le juge Gibson avait estimé qu'il n'y avait aucune raison de restreindre le sens ordinaire de l'expression «dépenses entraînées»--Le raisonnement suivi dans l'affaire Thwaites était ici applicable--Le texte de l'art. 53(2)c) est assez large pour englober le pouvoir d'accorder des frais juridiques-- Cette interprétation est autorisée par l'art. 50(1) de la Loi, qui prévoit que le plaignant doit avoir la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter, en personne ou par l'intermédiaire d'un avocat, des éléments de preuve ainsi que leurs observations--Le législateur voulait donc manifestement que le plaignant ait la possibilité de s'adresser à un avocat pour avoir une idée de la marche à suivre--Il n'y a aucune raison de limiter le sens ordinaire des mots «dépenses entraînées par l'acte discriminatoire» pour en exclure les frais du litige, de la poursuite ou autres procédures judiciaires--Les expressions «frais juridiques» ou «frais d'avocat» ne sont pas expressément mentionnées dans l'art. 53(2)c) ou d), mais cela ne veut pas dire que l'expression «dépenses entraînées par l'acte discriminatoire» exclut les «frais juridiques» engagés par un plaignant à l'occasion du dépôt de sa plainte de discrimination--Dans un cas comme celui-ci, où le plaignant consulte un avocat sur le bien-fondé de sa plainte, des dépenses de cette nature sont parfaitement justifiables--Par conséquent, le Tribunal n'a pas outrepassé sa compétence lorsqu'il a accordé une indemnité pour les frais juridiques engagés--2) La Loi ne renferme aucune disposition conférant au Tribunal le pouvoir de forcer un particulier ou une institution à présenter des excuses--En voulant contraindre le directeur du SCRS à écrire une lettre d'excuses selon une forme approuvée par la Commission, le Tribunal le contraignait en réalité à exprimer une opinion qui était trompeuse et fausse--Ni l'art. 53(2), ni l'art. 53(3), ni même la Loi tout entière, ne peuvent être interprétés d'une manière qui habilite le Tribunal à rendre de telles ordonnances--Le Tribunal doit par nécessité avoir le pouvoir d'imposer des redressements semblables à ceux qu'énumère l'art. 53(2) afin de rectifier et réparer les effets de la discrimination systémique, mais cela ne signifie pas qu'il est habilité à sanctionner un employeur en prétendant offrir une «véritable réparation» aux victimes de discrimination--Le Tribunal est un produit du législateur et non une cour supérieure investie d'une compétence propre--Par conséquent, le pouvoir d'ordonner que des lettres d'excuses soient envoyées aux plaignants qui obtiennent gain de cause doit être expressément prévu dans la Loi ou doit être déduit par implication nécessaire (un «pouvoir propre»)--Il serait plutôt étonnant en effet qu'une telle compétence propre, que n'a pas nécessairement la Cour fédérale ou une cour supérieure, soit dévolue à d'autres instances soumises au pouvoir de surveillance d'une cour de justice--Le Tribunal n'avait pas compétence pour ordonner au directeur du SCRS d'envoyer au défendeur une lettre d'excuses--Demande accueillie en partie --Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, art. 50 (mod. par S.C. 1998, ch. 9, art. 27), 53 (mod. idem)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.