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PRATIQUE

Communications Privilégiées

Belgravia Investments Ltd. c. Canada

T-167-00

2002 CFPI 649, juge Heneghan

7-6-02

33 p.

Revendication du secret professionnel pour certains documents réclamés par l'ADRC à l'occasion d'une vérification en vertu de l'art. 231.2(1)a) et b) de la Loi de l'impôt sur le revenu --Vérification concernant les opérations des personnes morales demanderesses constituant un abri fiscal (les opérations)--Les demanderesses (le groupe des investisseurs) sont certaines des sociétés (les investisseurs de WNCLP) qui ont participé à la création de la société en commandite (WNCLP) possédant une participation dans une entreprise en participation de fabrication de papier journal--Des sociétés (d'abord RES, puis Chilcotin) ont successivement agi comme mandataire des investisseurs de WNCLP en ce qui concerne le projet d'entreprise en participation--Le rôle de mandataire comprenait la tâche de recruter des conseillers professionnels --RES a retenu les services d'un cabinet d'avocats (MT) pour obtenir des consultations juridiques au sujet des opérations-- RES a engagé un cabinet d'experts-comptables (SC) à titre de mandataire des investisseurs-demanderesses, en vue de fournir à MT des conseils et des renseignements au sujet de certains des aspects commerciaux et fiscaux des opérations--Les services d'un cabinet d'experts-comptables (LC) ont été retenus pour le compte de sociétés faisant partie des investisseurs de WNCLP et du groupe des investisseurs en vue de communiquer certains renseignements au nom de ces compagnies à MT pour aider les avocats à donner des consultations juridiques aux investisseurs de WNCPL ou au groupe des investisseurs--Un cabinet d'experts-comptables (CJ) a également fourni des services et des conseils comptables à la société CQI, faisant partie des investisseurs de WNCLP--CQI ne faisait pas partie du groupe des investisseurs et elle n'a pas participé aux opérations faisant l'objet de la vérification--Les services de CJ ont été retenus aussi pour le compte de CQI dans le but de communiquer certains renseignements concernant CQI à MT pour permettre à ce dernier de donner des consultations juridiques aux investisseurs de WNCLP au sujet des opérations--L'ADRC a envoyé des lettres réclamant la production de documents à chacun des membres leur enjoignant de fournir certains documents--Les demanderesses ont remis à leur avocat, chez MT, tous les documents relatifs aux opérations et lui ont donné pour instructions de revendiquer le privilège du secret professionnel sur ces documents--Les demanderesses ont chargé leur mandataire Chilcotin de répondre aux lettres réclamant la production de documents, mais en faisant exception de ceux qui faisaient l'objet d'une revendication de privilège--Le mandataire Chilcotin a expressément revendiqué un privilège, mais uniquement pour le compte du groupe des investisseurs--Les parties avaient convenu que certains des documents étaient protégés à la suite d'une ordonnance de la Cour fédérale--Les documents contestés entrent dans l'une des trois catégories suivantes: 1) les documents relatifs aux opérations des mandataires RES et Chilcotin, 2) les documents se rapportant à MT, 3) les documents relatifs à SC--Les demanderesses revendiquent le privilège à l'égard des documents contestés au motif que sont aussi protégées les communications confidentielles échangées par l'entremise des représentants du client en vue d'obtenir des consultations juridiques: Susan Hosiery Ltd. v. Minister of National Revenue, [1969] 2 R.C.É. 27--Les demanderesses soutiennent que l'application du principe posé dans Susan Hosiery, précité, ne se limite pas aux seuls cas dans lesquels un représentant sert de «simple intermédiaire» pour transmettre des renseignements entre l'avocat et son client, mais aussi lorsqu'un représentant utilise ses propres compétences professionnelles pour fournir des renseignements et des conseils dont l'avocat se servira pour formuler une opinion juridique: Long Tractor Inc. v. Canada (Deputy Attorney General), [1998] 3 C.T.C. 1 (B.R. Sask.), p. 10 à 12 --Les demanderesses affirment que, lorsque des renseignements sont communiqués par un avocat à un représentant de son client, par exemple un comptable, en vue de fournir des conseils juridiques à ce client, les renseignements en question peuvent à bon droit être protégés par le secret professionnel de l'avocat--Les demanderesses soutiennent que le privilège s'applique par conséquent aux documents contestés de LC et de CJ, à d'autres documents communiqués par MT à SC, à RES ou à Chilcotin, dans le cadre des consultations juridiques données aux investisseurs de WNCLP et au groupe des investisseurs--Les demanderesses font aussi valoir que, dans la mesure où des renseignements confidentiels ont été communiqués aux représentants ou mandataires, cette communication ne vaut pas renonciation au privilège pour ce qui est du contenu ou de l'objet de ces renseignements: Alcan-Colony Contracting Ltd. et al. v. Minister of National Revenue (Re) (1971), 18 D.L.R. (3d) 32 (H.C. Ont.), p. 34 et 35--Les demanderesses affirment que les communications qui sont échangées entre un client et son propre représentant, par exemple un comptable, et qui se rapportent directement aux consultations juridiques qui ont été demandées à l'avocat du client ou qui ont été obtenues de cet avocat, donnent également ouverture au privilège du secret professionnel de l'avocat--En conséquen-ce, prétendent les demanderesses, ce motif de revendication du privilège s'applique à l'ensemble des documents en litige qui ont été échangés entre SC, RES et Chilcotin, et entre les investisseurs de WNCLP et le groupe d'investisseurs, au sujet des consultations juridiques données par MT ou obtenues de ce dernier--Les demanderesses soutiennent en outre que les communications échangées entre le représentant d'un client et l'avocat de ce même client en vue de permettre à l'avocat de donner des conseils juridiques à ce client sont également protégées--Ce motif de revendication du secret professionnel engloberait donc tous les documents en litige qui ont été échangés entre MT et SC, RES et Chilcotin en vue de demander ou de fournir des renseignements et des conseils juridiques au sujet de certains aspects commerciaux et fiscaux des opérations, afin de permettre à MT de donner des consultations juridiques--Les demanderesses soutiennent également que: 1) les communications échangées entre les associés de MT sont protégées; 2) dans la mesure où de tels renseignements confidentiels de MT ont été communiqués aux représentants ou aux mandataires des investisseurs de WNCLP ou au groupe des investisseurs, cette communication ne constitue pas une renonciation au privilège; 3) les documents préparés par MT en vue de l'instance, y compris les notes manuscrites qui figurent sur les documents en litige, sont protégés; 4) les documents ou copies de documents obtenus par un avocat qui ne fait pas partie de MT ou qui ont été transmis à cet avocat en vue de l'aider à donner des consultations juridiques sont protégés; 5) la production par inadvertance d'un document protégé n'emporte pas renonciation au privilège: Royal Bank c. Lee (1992), 9 C.P.C. (3d) 199 (C.A. Alb.)--La défenderesse établit une distinction entre les conseils juridiques et les conseils commerciaux: en l'absence de procès envisagé ou déjà en cours, le secret professionnel de l'avocat ne vaut que pour les communi-cations liées à des conseils juridiques: Susan Hosiery, précité, p. 5281--Selon elle, MT et les experts-comptables ne faisaient que transmettre des renseignements commerciaux portant sur des opérations--La défenderesse invoque deux arguments étayant une renonciation au privilège: 1) relativement à l'existence de placements dans des abris fiscaux, les demanderesses ont, dans la déclaration solennelle en réponse aux lettres réclamant la production de documents, nié que les opérations étaient des placements dans des abris fiscaux, négation assimilable à une déclaration de fait dans leurs actes de procédure: Potash Corp. of Saskatchewan Mining Ltd. v. Saskatchewan Government Insurance (1990), 83 Sask. R. 19 (B.R.) et négation remettant en cause toute la communication et emportant renonciation au privilège; 2) dans la mesure où des documents ont été mis à la disposition de tiers, il y a eu renonciation au privilège par suite de cette communication--Questions litigieuses: 1) les principes qui régissent l'application du privilège du secret professionnel de l'avocat lorsque des conseillers professionnels qui ne sont pas avocats sont en cause; 2) la renonciation tacite au privilège du secret professionnel de l'avocat en cas de signature d'une déclaration solennelle 3) la renonciation à ce privilège en cas de production des documents à des tiers 4) les conséquences d'une production de documents faite par inadvertance; 5) les autres documents contestés qui seraient assujettis au privilège du secret professionnel de l'avocat--L'art. 232(1) de la Loi donne la définition du privilège des communications entre client et avocat--Principes généraux: deux types distincts de privilèges en matière de communications entre client et avocat: le privilège des communications liées à une instance et le privilège des consultations juridiques--Le premier protège toutes les communications échangées entre l'avocat, le client ou des tiers dans le cadre d'une instance qui est en cours ou qui est envisagée--Le second protège toutes les communications qui sont échangées entre un avocat et un client ou des tiers et qui concernent directement la demande, la formulation ou la présentation de conseils juridiques--La grande caractéristique de la relation client-avocat réside dans la confidentialité: Descôteaux et al. c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860--Les communications préparées par un comptable ne peuvent bénéficier de la protection, à moins d'avoir été préparées à la suite d'une demande d'un avocat pour être utilisées dans un procès, actuel ou éventuel: Susan Hosiery, précité, p. 5283--Même si certains documents peuvent être soustraits à la divulgation, les faits qui y sont exposés et dont la communication peut par ailleurs être exigée ne le sont pas --Aucun privilège automatique ne s'applique aux documents qui ne sont pas privilégiés par ailleurs simplement parce qu'ils se trouvent entre les mains de l'avocat d'une partie: General Accident Assurance Co. v. Chrusz (1998), 37 O.R. (3d) 790 (Div. gén.), p. 796--La partie qui revendique le privilège doit en établir l'existence--La partie qui revendique un privilège doit faire davantage que de simplement en affirmer l'existence: l'avocat doit prouver verbalement ou par affidavit l'existence d'une relation client-avocat; les communications échangées entre l'avocat et le client; le fait que ces communications concernaient la demande ou la fourniture de conseils juridiques; le fait que la partie désirait que les conseils soient confidentiels: R. v. Morra (1991), 68 C.C.C. (3d) 273 (Div. gén. Ont.), p. 276--Les communications, déclarations et autres documents préparés par des tiers pour le compte d'un avocat ne sont assujettis au privilège que lorsque ces documents sont préparés en prévision d'un procès: Long Tractor Inc., précité--Les pièces comptables ne donnent lieu au privilège que si le client se sert de l'expert-comptable comme représentant pour obtenir des conseils juridiques: Gregory c. Canada (Ministre du Revenu national) (1992), 92 DTC 6518 (C.F. 1re inst.)--Lorsque la communication est faite à un mandataire tel qu'un expert-comptable qui doit l'examiner et donner son avis personnel, aucun privilège ne joue--Lorsqu'un document est créé par un avocat qui a été consulté par l'avocat du client lui-même relativement aux affaires de ce client, le document est protégé: Klassen-Bronze Ltd. et al. (Re) (1970), 70 DTC 6361 (C.S. Ont.)-- Renonciation tacite/déclaration solennelle: la simple allusion dans la déclaration solennelle à l'absence de déclaration au sujet des abris fiscaux ne fait pas entrer en jeu la question des abris fiscaux--La déclaration solennelle n'est pas un acte de procédure au sens courant du terme--La mention, dans la déclaration solennelle, de l'absence de déclaration au sujet d'abris fiscaux n'emporte pas renonciation tacite au privilège--L'avocat responsable de MT a comparu à l'audience et a formulé des commentaires de vive voix au sujet des documents protégés en litige--Preuve: les commentaires formulés par des avocats n'ont pas valeur de preuve: règles 301b), 306, 308 des Règles de la Cour fédérale (1998)--La question du privilège sera tranchée en fonction des affidavits, du contre-interrogatoire de leurs auteurs et des documents contestés qui restent--S'il y a un doute au sujet de la question de savoir si la communication des documents par les avocats aux comptables a pour objet de fournir des conseils juridiques ou d'en faciliter la communication, le bénéfice du doute doit jouer en faveur de la reconnaissance et du maintien du privilège: Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455--Les demanderesses énumèrent les motifs pour justifier leur revendication du privilège: 1) communications entre le mandataire du client et l'avocat; 2) communications entre l'avocat et le client ou le mandataire du client; 3) communications entre le mandataire du client et le client; 4) recours au mandataire du client pour permettre à l'avocat de donner des conseils juridiques; 5) communications entre les avocats de MT; 6) documentation préparée par MT en vue de l'instance; 7) documents obtenus par ou transmis à MT; 8) documentation conjointe préparée par les avocats et l'expert-comptable du client en vue de l'instance; 9) notes confidentielles prises par l'avocat lors d'une rencontre ou d'une conversation téléphonique non protégées; 10) notes prises par les experts-comptables à la suite de leurs rencontres avec les avocats--Certains documents sont protégés pour plusieurs des motifs invoqués--Certains documents ne sont pas protégés parce qu'ils sont des conseils commerciaux ou de simples déclarations de fait--Les documents qui ont été préparés par des experts-comptables pour le compte des demanderesses, qui renferment des renseignements au sujet d'un projet de placement et qui précisent les modalités des opérations, n'impliquent pas que des consultations juridiques ont été reçues ou encore qu'ils découlent de consultations juridiques--Les documents ne visaient qu'à transmettre des renseignements--Les affidavits et les contre-interrogatoires y afférents ne renferment aucun élément de preuve qui permettrait de revendiquer le privilège du secret professionnel de l'avocat--Le fait d'engager des avocats en vue d'obtenir des consultations juridiques ne donne pas ouverture au privilège du secret professionnel de l'avocat sur les documents qui ont été créés et distribués par RES, Chilcotin et Sheinin aux demanderesses à des fins commerciales ou comptables, ou dans le simple but de leur faire connaître les modalités proposées de l'opération--Les documents qui font l'objet du privilège du secret professionnel de l'avocat sont soustraits à la communication en vertu de l'art. 232(5)b)(i) de la Loi--Tous les documents non protégés doivent demeurer sous scellé en la possession du dépositaire jusqu'à l'expiration du délai d'appel, sauf les documents que les demanderesses ont offert de produire à l'audience--Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), (5e suppl.), ch. 1, art. 231.2(1)a),b), 232(1), (5)b)(i).

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