[2013] 3 R.C.F. F-14
Citoyenneté et Immigration
Exclusion et renvoi
Contrôle judiciaire d’une décision d’un agent d’exécution des lois de l’Agence des services frontaliers du Canada par laquelle l’agent a rejeté la demande de sursis d’exécution de la mesure de renvoi prise contre la demanderesse et a décidé que son ordonnance de déportation était exécutoire dès une date donnée—Par crainte qu’un préjudice irréparable ne soit causé à l’état de santé de la demanderesse du fait de son renvoi immédiate, le sursis intérimaire de l’exécution de la mesure de renvoi a été ordonné jusqu’à ce qu’une décision finale sur la demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent soit rendue—La demanderesse, Guatémalienne, a quitté son pays pour s’occuper de sa mère qui vit au Canada et qui souffrait de problèmes de santé—La demanderesse est sans statut au Canada vu le rejet de plusieurs demandes de sa part pour s’établir au Canada, incluant une demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire (CH)—Alors qu’elle était en voie de régulariser son statut au Canada, la demanderesse a été diagnostiquée d’un rare cancer du côlon et a été subséquemment hospitalisée et traitée—Malgré l’évolution favorable de l’état de santé de la demanderesse depuis ses traitements, la preuve médicale attestait que la condition de celle-ci nécessite une surveillance étroite—L’agent saisi de la demande de sursis de l’exécution de la mesure de renvoi a remis au procureur de la demanderesse un courriel d’un médecin consultant de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] attestant que la demanderesse était apte à voyager et qu’elle pouvait recevoir les services médicaux dont elle avait besoin au Guatemala—La demanderesse a fait parvenir à l’agent une lettre d’un médecin de l’unique centre spécialisé de cancer au Guatemala attestant que les examens demandés par son médecin traitant n’étaient pas disponibles dans leur institution et qu’il était préférable que les examens soient effectués au Canada où le traitement de la demanderesse a été commencé—En réponse à cette lettre, un autre courriel de médecin consultant fut envoyé—Depuis le rejet de la demande de sursis, la demanderesse a déposé une nouvelle demande CH à partir du Canada, laquelle était en suspens—Il s’agissait de savoir si l’agent d’exécution a commis une erreur en ne tenant pas compte des circonstances spéciales entourant la demande, à savoir l’état de santé de la demanderesse, et si la conclusion de l’agent de refuser l’octroi d’un sursis de la mesure de renvoi de la demanderesse était justifiée au regard de l’ensemble de la preuve au dossier—La simple existence d’une demande pour motifs humanitaires ne saurait empêcher l’exécution d’une mesure de renvoi valide, sauf s’il y existe une menace à la sécurité personnelle—Il s’agissait donc de savoir si l’état de santé de la demanderesse et sa privation des soins médicaux auxquels elle avait besoin pouvait équivaloir à une menace à la sécurité de sa personne que l’agent devait prendre en compte—La discrétion dont l’agent disposait pour différer l’exécution d’un renvoi, aussi limitée qu’elle le soit, exigeait qu’il serait satisfait que l’état de la santé de la demanderesse ne sera pas mis en péril si elle retournait au Guatemala—La Cour n’était pas convaincue que l’agent a considéré et raisonnablement évalué toute la preuve médicale afin de s’assurer qu’un renvoi immédiat n’exposerait pas la demanderesse aux risques importants et imminents dont attestent ses médecins traitants—En ce qui concerne la deuxième question en litige, la décision de l’agent était indéfendable si, était tenu en compte, la preuve médicale présentée par la demanderesse, à la fois sur les risques et l’évolution de sa maladie, et la disponibilité, dans son pays, des services médicaux nécessaires à son traitement—Puisqu’aucun motif précis n’a été donné à la demanderesse au soutien de la décision sous étude, la Cour ne pouvait que présumer que cette décision a été prise sur la base de l’opinion du médecin consultant de CIC—La demanderesse n’a eu aucune rencontre avec le médecin consultant et l’opinion de ce dernier était basée essentiellement sur le dossier médical de la demanderesse—Plus important encore, cette preuve était contredite par une preuve prépondérante apportée par la demanderesse, à l’effet que non seulement il s’agissait d’un cas inhabituel mais que les soins et examens requis pour la suite des traitements nécessités ne seraient pas disponibles au Guatemala—L’agent d’exécution ne pouvait simplement refuser de reporter le renvoi sur le fondement des risques allégués par la demanderesse puisque de nouveaux éléments de preuve concernant lesdits risques s’étaient produits—L’agent a entièrement sous-estimé ce risque, qui touché à la santé et à la vie de la demanderesse en se fondant que sur les courriels du médecin consultant—A supposer que ce dernier avait connaissance des services de santé disponibles au Guatemala et dans les pays voisin, il était entièrement déraisonnable d’exiger de la demanderesse de se rendre dans ces pays pour se soumettre aux tests et traitements nécessités par sa condition—Bien qu’il n’y avait pas de motifs permettant à la Cour de s’assurer que les allégations et preuves de la demanderesse ont été sérieusement examinées par l’agent, il était manifeste que l’agent n’a pas été sensible à la gravité des circonstances particulières et personnelles à la demanderesse et, en ce sens, n’a pas raisonnablement exercé la discrétion qu’il possède en vertu de l’art. 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27—Demande accueillie.
Arrechavala de Roman c. Canada (Sécurité publique et Protection civile) (IMM-9467-12, 2013 CF 478, juge Shore, jugement en date du 7 mai 2013, 15 p.)