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Première nation du Lac Seul c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien)
T-1338-04
2004 CF 1183, juge Snider
30-8-04
19 p.
Requête visant à obtenir une injonction interlocutoire suspendant l'application de la décision du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (le ministre) de mettre fin au financement direct des services de prévention pour le bien-être des enfants mis sur pied par les requérantes--De 1984 jusqu'au 31 mars 2002, le financement des services de prévention était assuré par Ojibway Tribal Services Inc. (OTFS) qui fournissait ces services aux requérantes ainsi qu'à douze autres Premières nations--En décembre 2001, le ministre a informé OTFS que le financement direct des services de prévention prendrait fin le 31 mars 2002-- Lorsqu'il est devenu évident qu'aucun autre modèle de prestation de services ne serait mis au point avant la date limite, le ministre a accepté de transmettre les fonds directement aux requérantes pendant une période d'un an-- L'entente de financement provisoire a été prorogée à trois reprises--Le 15 juin 2004, la demande de prorogation additionnelle a été refusée--Les requérantes ont demandé le contrôle judiciaire du refus d'accorder la prorogation du financement direct--Il s'agissait de décider s'il est possible d'obtenir une injonction interlocutoire ordonnant au ministre de consacrer des fonds à des services discrétionnaires ou de les repartir d'une certaine manière, ou si l'État bénéficie d'une immunité à l'égard des injonctions en vertu de la common law et de l'art. 22 de la Loi sur la respon sabilité civile de l'État et le contentieux administratif--L'art. 22 interdit les injonctions contre l'État--Cette immunité s'étend aux préposés de l'État --L'affaire concernait la conduite du ministre en sa qualité de chef de ministère--Suivant l'art. 2 de la Loi sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le ministre est un préposé de l'État--Une injonction interlocutoire ne peut être accordée que si le ministre a outrepassé le pouvoir que lui confère la loi ou que si la constitutionnalité de la loi est contestée--Comme aucune des exceptions à l'immunité dont bénéficie l'État à l'égard des injonctions ne s'appliquait en l'espèce, les requérantes ne pouvaient pas obtenir l'injonction demandée--Il convient toutefois de signaler que d'autres juges, saisis de la même question dans des situations similaires, ont estimé que le tribunal avait compétence pour accorder une injonction provisoire afin de maintenir le statu quo entre les parties dans l'attente d'une décision sur les réclamations en instance: Southeast Child and Family Services c. Canada (Procureur général) (1998), 126 Man. R. (2d) 239 (C.A.)--Application du critère à trois volets applicable aux injonctions, énoncé dans l'arrêt RJR--MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311--Pour ce qui est de la question sérieuse à juger, les requérantes et le ministre ont décrit différemment la «décision» en cause--De l'avis des requérantes, le ministre a décidé de mettre fin au financement direct et, par conséquent, aux services auxquels servaient les fonds--Le ministre estimait qu'il y avait financement indirect par l'intermédiaire d'un organisme agréé choisi par la province de l'Ontario et, par conséquent, qu'il n'a mis fin ni au financement ni aux services--La Cour a présumé, sans toutefois le décider, qu'il y avait une question sérieuse à juger--Pour ce qui est du préjudice irréparable, les requérantes ont soutenu qu'en l'absence d'une ordonnance de la Cour, leurs collectivités perdront des services essentiels--Il s'agit d'une pure hypothèse--Ce n'est pas la cessation du financement qui est en litige mais plutôt le mode de financement--Si la Cour n'accorde pas l'injonction interlocutoire, les requérantes peuvent choisir de recevoir les services d'un organisme qui est financé par le ministre ou refuser ce financement et se passer de services qu'elles jugent essentiels--Elles sont en mesure d'empêcher le préjudice allégué ou d'y mettre fin--Elles n'ont pas démontré un préjudice irréparable--Pour ce qui est de l'évalution comparative des inconvénients, le juge Joyal a dit dans la décision Bande indienne Tsartlip et autres c. Fondation du saumon du Pacifique et autres (1988), 24 F.T.R. 304 (C.F. 1re inst.) «[l]'action accomplie par la Couronne défenderesse est réputée à première vue viser l'intérêt public»--Tant qu'il n'y a pas eu d'examen approfondi des questions à trancher, il faut présumer que les décisions de politique générale prises par le ministre sont fondées--Elles ne devraient pas être annulées dans le cadre d'une requête interlocutoire--Le maintien du statu quo obligait la Cour à donner effet à la décision discrétionnaire du ministre--Requête rejetée--Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, art. 1 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21), 22 (mod. idem, art. 28; 2001, ch. 4, art. 46(F))--Loi sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, L.R.C. (1985), ch. I-6, art. 2.