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PRATIQUE

Prescription

Tacan c. Canada

T-1756-01

2005 CF 385, juge Layden-Stevenson

17-3-05

59 p.

Les demandeurs sont des Indiens ayant combattu dans la Seconde Guerre mondiale ou dans la guerre de Corée--Ils allèguent que les anciens combattants autochtones n'ont pas bénéficié des mêmes avantages que les autres et ont été victimes de discrimination systémique--À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Directeur nommé en vertu de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants (LTAC) était autorisé à acquérir des terres, des matériaux de construction et des animaux de ferme et à les vendre pour les deux tiers de leur valeur réelle aux anciens combattants admissibles, qui pouvaient payer sur 30 ans à 3,5 % d'intérêt--Le régime ne s'appliquait pas aux terres domaniales fédérale ou provinciales ou aux terres indiennes--Ceux qui s'installaient sur ces terres recevaient une allocation de 2 320 $--La Loi a été modifiée afin d'autoriser des subventions de 2 320 $ aux anciens combattants indiens, pour des exploitations agricoles dans les réserves--L'administration de la LTAC sur les terres de réserves incombait à l'agent des Indiens de la localité, qui procédait aux achats justifiables, pour le compte des anciens combattants--Les demandeurs soutiennent qu'ils ont été indûment privés d'avantages valant des «centaines de milliers de dollars», perte qui a entraîné pour certains anciens combattants une vie civile marquée par la pauvreté et l'humiliation, et que le refus de ces avantages contrevenait aux lois nationales et internationales contre la discrimination--Ils affirment que le ministère des Affaires indiennes (MAI) s'est montré négligent dans l'administration et a fait une déclaration inexacte et négligente--Ils allèguent que l'allocation et les prêts pour l'achat de terres hors réserve avaient une «valeur économique supérieure», et que le MAI a délibérément omis de les aviser de la possibilité de demandeur une allocation et un prêt pour une terre hors réserve, omission qui constitue un manquement à l'obligation fiduciaire--La Couronne oppose que les demandes sont prescrites en vertu de l'art. 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif (LRCÉCA) ou, à défaut, qu'elles doivent être écartées pour retard indu et acquiescement, des moyens de défense reconnus en equity--Le juge responsable de la gestion de l'instance a ordonné que les questions de prescription soient jugées séparément (Règles de la Cour fédérale (1998), règle 107)--Les demandeurs ont prié la Cour de statuer sur la défense de prescription, la Couronne a demandé un jugement sommaire--La Couronne a nié l'obligation fiduciaire dans sa défense, mais elle l'a reconnue pour les besoins de sa requête tout en plaidant qu'il n'y avait pas eu manquement--La Couronne a présenté une requête fondée sur la règle 213--La Cour a tenu pour acquis qu'il existait une véritable question litigieuse, indiquant qu'elle pouvait néanmoins rendre un jugement sommaire, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle pouvait dégager, de l'ensemble de la preuve, les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit--L'affaire se distingue de Succession MacNeil c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [2004] 3 R.C.F. 3 (C.A.F.), car toutes les parties demandent de trancher la question de la prescription sans se rendre à l'instruction--L'instance ne vise pas les anciens combattants autochtones en général--La loi applicable en l'espèce est la Loi sur la prescription du Manitoba, car l'art. 39 de la Loi sur les Cours fédérales incorpore par renvoi les dispositions provinciales sur la prescription, qui sont appliquées comme s'il s'agissait de règles fédérales: Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2002] 4 R.C.S. 245--L'art. 32 de la LRCÉCA fait de même--La loi manitobaine est un code complet en matière de prescription--Les actions pour manquement à l'obligation fiduciaire et pour déclarations volontairement fausses se prescrivent par six ans à compter de la découverte et, les actions pour assertions inexactes et négligentes et reddition de compte, par six ans à compter de la naissance de la cause d'action (à moins qu'une prorogation ne soit accordée en vertu de la partie II de la Loi, lorsqu'il ne s'est pas écoulé plus de douze mois depuis la date où le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance des faits pertinents)--Les raisons d'être des délais de prescription sont les suivantes: 1) fixer un délai de libération à l'égard d'anciennes obligations; 2) empêcher l'institution d'actions alors que des éléments de preuve ont pu disparaître en raison du temps écoulé; 3) inciter l'institution de poursuites en temps opportun; 4) tenir compte des circonstances propres au demandeur, dans une perspective à la fois subjective et objective--La Cour décrit longuement la preuve relative à chaque demandeur--Les opinions diffèrent sur la question de savoir à qui incombe la charge de prouver le point de départ de la prescription--La Couronne indique que les causes d'action ont peut-être été découvertes des décennies avant le dépôt de la déclaration--Les demandeurs prétendent que les causes d'action de l'obligation fidiciaire continuent d'exister--Ils invoquent Bande indienne Semiahmoo c. Canada, [1998] 1 C.F. 3 (C.A.), pour affirmer que leur action n'est pas prescrite--Ils prétendent que ce n'est qu'en 1982 que les peuples autochtones auraient pu penser qu'une action contre la Couronne pour manquement à l'obligation fiduciaire pouvait avoir un résultat positif--Pour les besoins des requêtes en l'espèce, la Cour tient pour acquis que c'est la défenderesse qui a la charge de prouver le point de départ de la prescription--Elle écarte toutefois l'argument des demandeurs concernant le manquement continu à l'obligation fiduciaire--Le manquement n'était pas précis dans le temps-- La Cour juge troublante l'affirmation des demandeurs qu'ils n'ont compris «que récemment» qu'ils n'avaient peut-être pas reçu ce à quoi ils avaient droit--En interrogatoire préalable, un demandeur prié d'expliquer ce qu'il voulait dire par «uniquement récemment» a répondu «probablement dans les années 1960»--La Cour a conclu que 1990 était la dernière date possible comme point de départ de la prescription--La présente espèce ressemble à Abbott c. Canada, 2005 CF 163, où les demandeurs savaient une action en justice possible mais ont choisi la voie politique--Les demandeurs sont hors délais pour demander la prolongation prévue à l'art. 2--Ils font valoir que, même s'il y a prescription, la Cour a compétence inhérente pour déroger aux délais de prescription--Bien que Orden Estate c. Grail (1996), 30 O.R. (3d) 643 (C.A.), conf. par [1998] 3 RC.S. 437, ait confirmé le pouvoir discrétionnaire de déroger à la prescription, le juge Lemieux a statué, dans Nicholson c. Canada, [2000] 3 C.F. 225 (1re inst.) que la Cour fédérale ne pouvait supprimer ou proroger un délai de prescription en l'absence d'un pouvoir législatif exprès--Le législateur n'a ni expressément ni implicitement conféré à la Cour fédérale le pouvoir de déroger aux délais de prescription prévus par la Loi ou de les prolonger--Les demandeurs prétendent que l'application des délais de prescription viole les art. 7 et 15(1) de la Charte--Signalant que les délais de prescription varient d'une province à l'autre, ils font valoir que l'emplacement de la réserve constitue le fondement de leur traitement différent selon la loi et que le lieu de résidence autochtone est un motif analogue aux motifs énumérés à l'art. 15(1): Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 1999 2 R.C.S. 203 --La Cour n'est pas convaincue que les prescriptions, au Manitoba, sont plus strictes et punitives que les prescriptions applicables en Ontario--Même si elles l'étaient, le lieu de résidence n'est pas en règle générale un motif de discrimi-nation en vertu de la Charte: Siemans c. Manitoba (Procureur général), 2003 1 R.C.S. 6--Corbiere n'établit pas que l'emplacement d'une réserve est un motif analogue-- D'ailleurs, la C.S.C. y a signalé qu'il ne fallait pas confondre qualité de membre hors réserve et lieu de résidence--Le traitement différent des autochtones suivant la province de résidence n'est pas dû à des stéréotypes négatifs et ne porte pas atteinte à leur dignité--Les droits garantis à l'art. 7 de la Charte n'ont pas été violés--Les demandeurs tentent de revendiquer des droits économiques et l'art. 7 ne s'applique pas à ces droits: Gosselin c. Quebec (Procureur général), [2002] 4 R.C.S. 429--Bien que l'argent ait une incidence sur la liberté et la sécurité, il s'agit d'un effet secondaire, non visé par l'art. 7 de la Charte: Whitbread v. Walley (1988), 26 B.C.L.R. (2d) 203 (C.A.)--La juge aurait conclu, s'il y avait eu violation de la Charte, que les prescriptions étaient justifiées en vertu de l'art. 1--Il est raisonnable, par respect du principe du fédéralisme, de permettre aux provinces d'établir leurs propres délais de prescription--Un délai de prescription comporte toujours une part d'arbitraire, mais le législateur, s'il peut établir que son choix est raisonnable, n'est pas tenu de choisir la mesure la moins attentatoire: Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877--Les demandeurs invoquent aussi la Déclaration canadienne des droits pour soutenir que l'application des prescriptions constitue un déni de «l'application régulière de la loi»--Même s'il était établi que la «jouissance de ses biens» englobe la possibilité d'intenter une poursuite en dommages-intérêts, il demeure que les demandeurs en auraient été privés par l'application régulière de la loi--L'application régulière de la loi en l'espèce ne garantit pas d'audience au fond sur les réclamations, mais sur la question de la prescription--Les arguments des demandeurs concernant l'art. 1b) de la Déclaration canadienne des droits et l'art. 15 de la Charte sont identiques et, comme les délais de prescription s'appliquent sans égard à la race, la religion, la couleur ou le sexe, il n'y a pas de discrimination pour un motif énoncé à l'art.1--Le lieu de résidence n'est pas un motif de discrimination interdit par l'art. 1--La demande de la Couronne de modifier sa défense pour invoquer la prescription visée à l'art. 24(1) de la Loi sur les officiers publics est devenue théorique--Autrement, elle aurait été accordée--Il n'est pas nécessaire non plus d'examiner la défense de retard indu, mais ce moyen aurait pu être invoqué si l'action n'avait pas été prescrite--La requête en jugement sommaire est accordée avec dépens en faveur de la Couronne--Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5--Loi sur les terres destinées aux anciens combattants, S.R.C. 1970, ch. V-4--Loi sur les avantages destinés aux anciens combattants, 1954, S.C. 1953-54, ch. 65--Règlement sur les terres destinées aux anciens combattants, DORS/65-215--Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, art. 1 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21)--Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 107, 213--Loi sur les officiers publics, C.P.L.M. ch. P230, art. 21(1)--Loi sur la prescription, C.P.L.M. ch. L150, art. 2, 14, 20--Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 39 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 10; 2002, ch. 8, art. 38)--Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 7, 15(1)--Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 35(1)--Loi de 2002 sur la prescription des actions, L.O. 2002, ch. 24, ann. B, art. 2--Loi sur la prescription des actions, L.R.O. 1980, ch. L.15--Loi sur l'immunité de personnes publiques exerçant des attributions d'ordre public, L.R.O. 1990, ch. P.38--Déclaration canadienne des droits, L.R.C. (1985), appendice III, art. 1a), b).

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