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PREUVE

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Mahjoub

DES-1-00

2004 CF 1028, juge Dawson

22-7-04

30 p.

Dans le contexte d'une contestation constitutionnelle du maintien d'une détention d'une durée indéterminée en application de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, requête pour que soit rendue une ordonnance autorisant le défendeur à produire une partie de son témoi-gnage à huis clos, en l'absence du public, y compris des médias--La production d'une preuve complète a eu lieu lors d'une procédure de voir-dire--Le défendeur a décrit dans ses grandes lignes la nature de la preuve qu'il voulait produire à huis clos, ainsi que ce qu'il craignait si ses témoignages devenaient de notoriété publique--Il est un principe fondamental selon lequel les débats des tribunaux au Canada se déroulent en séance publique et sont ouverts à tous-- L'exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire d'empiéter sur ce principe fondamental de publicité des débats judiciaires doit obéir aux principes établis par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835--Le juge des requêtes doit appliquer le critère Dagenais pour mettre en équilibre la liberté d'expression et les autres droits et intérêts en présence--Cette mise en équilibre est nécessaire parce que, ainsi que c'est le cas notamment dans une demande visant à restreindre le droit d'assister à un procès, il y a conflit entre les droits fondamen-taux de deux entités, et les principes de la Charte requièrent alors une mise en équilibre qui tienne compte de l'importance relative des deux ensembles de droits--Le critère Dagenais oblige le juge à ordonner la non-publication des débats uniquement lorsque: 1) une telle ordonnance est nécessaire pour écarter le risque réel et important que le procès soit inéquitable, vu l'absence d'autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque; et 2) ses effets bénéfiques sont plus importants que les effets préjudiciables de la libre expression de ceux qui sont touchés par l'ordonnance--Pour que la bonne administration de la justice soit sérieusement compromise, la réalité du risque doit être bien appuyée par la preuve--Après examen de la preuve dans son intégralité, la Cour est d'avis qu'elle ne permet pas d'affirmer que, si le défendeur produit d'autres témoignages en séance publique, il courra un risque sensiblement plus élevé de préjudice mental ou physique contre lequel l'établissement où il est détenu ne serait pas en mesure de le prémunir--Par ailleurs, d'autres mesures pourraient fort bien contribuer à réduire le risque de préjudice--Le caractère très médiatisé de cette affaire est susceptible d'accroître l'attention du public sur les traitements subis par le défendeur--Les avocats du défendeur veilleront également à ce que les droits du défendeur soient respectés--La preuve ne permet pas d'affirmer qu'il est nécessaire de permettre au défendeur de témoigner à huis clos afin de le protéger d'un risque réel et important, et cette conclusion dispose de la demande-- S'agissant des bienfaits d'une décision qui autoriserait le défendeur à témoigner à huis clos, il est de notoriété publique que le défendeur a de sérieuses plaintes à formuler sur la manière dont il a été traité dans l'établissement--Il est raisonnable de déduire de tout cela que, si le défendeur était autorisé à témoigner à huis clos, les suppositions et l'intérêt que susciteraient des témoignages secrets conduiraient à de nouvelles investigations et à une publicité des conclusions de telles investigations--Cette publicité pourrait très bien accroître les risques pour le défendeur et elle rendrait le huis clos inapte à empêcher l'accroissement de ces risques-- Empêcher le public de connaître les témoignages du défendeur aurait des conséquences très dommageables pour le débat public sur la ligne de démarcation à tracer entre la protection de la liberté individuelle et la protection de la sécurité nationale--Si le défendeur produit ses témoignages en audience publique, le débat public sur d'importantes questions n'en sera que favorisé et les écarts de conduite pourront même être empêchés, puisque les responsables des conditions de détention seront dans la mire du public--Par conséquent, les effets salutaires d'une ordonnance qui autoriserait le défendeur à témoigner à huis clos sont neutralisés par les effets dommageables d'une ordonnance interdisant la publication des débats--Requête rejetée--Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]--Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

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