CODE CIVIL |
Entreprises Forestières P.S. Inc. c. Newcourt Financial Ltd.
A-529-02
2004 CAF 91, juge Noël, J.C.A.
5-3-04
21 p.
Appel par Newcourt Financial Ltd. (l'appelante) à l'encontre d'une décision rendue par le juge Martineau ((2002), 228 F.T.R. 132 (C.F. 1re inst.)) rejetant l'appel qu'elle avait logé à l'encontre de la décision préalable du protonotaire Morneau qui avait rejeté son opposition à une saisie-exécution pratiquée par la Couronne--Les faits à l'origine du litige remontent au défaut des Entreprises Forestières P.S. Inc. (la débitrice fiscale) de remettre au fisc les déductions prélevées sur les salaires versés à ses employés pour la période allant du 1er février 1999 au 31 octobre 1999--Les remises devaient être effectuées en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (LIR) et la Loi sur l'assurance-emploi (LAE)--C'est dans le but de recouvrer ces montants, de même que les pénalités et intérêts y afférents, que l'intimée a enregistré auprès de la Section de première instance un certificat selon l'art. 223(3) de la LIR établissant le montant de la créance fiscale de l'intimée--Un tel certificat vaut jugement--Forte de ce jugement, la Couronne saisit d'entre les mains de la débitrice fiscale le 17 mars 2000 une débardeuse à grappin Timberjack 1997 (débardeuse) par bref de saisie-exécution émis dix jours auparavant--Au soutien de son opposition, l'appelante a invoqué l'art. 597 du Code de procédure civile (C.p.c.)--Elle a prétendu être devenue propriétaire de la débardeuse suite au délaissement volontaire de sa débitrice et sa prise en paiement de ce bien--Elle prétend que c'est à titre de propriétaire et non de créancier hypothécaire qu'elle s'est opposée à la saisie de la Couronne; que l'art. 604 du C.p.c. est donc inapplicable, et que le juge Martineau a erré en droit en tirant la conclusion contraire--Elle prétend que la prise en paiement du bien saisi était opposable à la Couronne malgré la fiducie présumée et c'est à tort que le protonotaire a jugé que le droit de la Couronne avait préséance sur le sien--Dans la mesure où la fiducie réputée lui était opposable, elle prétend que les arts. 227(4) et (4.1) de la LIR et les arts. 86(2) et (2.1) de la LAE sont inconstitutionnels puisque légiférant dans un domaine de juridiction exclusive des provinces, soit celui de la propriété et les droits civils--C'est à bon droit que le juge Martineau a conclu que l'opposition de l'appelante était irrecevable --L'art. 227(4.1) de la LIR n'a pas l'effet que lui a attribué le protonotaire--Cette disposition confère à Sa Majesté une priorité absolue sur le produit découlant des biens assujettis à la fiducie réputée et prévoit à cette fin que Sa Majesté a un intérêt continu dans ces biens tant qu'ils sont assujettis à la fiducie--Mis à part le droit qui est conféré à Sa Majesté de suivre ces biens et de recevoir en priorité le produit qui en découle, le propriétaire demeure maître de son bien--Le droit de bénéficiaire invoqué par la Couronne ne permettait pas au protonotaire de rejeter l'opposition de l'appelante--En ce qui a trait à la décision du juge Martineau, l'appelante prétend être devenue propriétaire de la débardeuse le 16 avril 2000, soit 20 jours après l'inscription du préavis, avec effet rétroactif au 27 mars 2000, date de cette inscription--Ainsi, le 17 mars 2000, jour de la saisie pratiquée par l'intimée, l'appelante n'était toujours pas propriétaire du bien--Face à cet état de fait, et après avoir cité l'art. 604 C.p.c., le juge Martineau a conclu que l'appelante ne pouvait se prévaloir de l'art. 597 C.p.c. pour revendiquer le bien--L'effet incontournable de l'art. 604 C.p.c. est d'empêcher tout créancier, incluant le créancier hypothécaire, de s'opposer à la saisie--Or, permettre à un créancier hypothécaire de prendre en paiement un bien déjà assujetti à une saisie viderait cette disposition de tous ses effets utiles--L'appelante n'a pas démontré que le juge Martineau a eu tort de conclure qu'elle ne pouvait s'opposer à la saisie de la débardeuse--Finalement, le premier juge a senti le besoin de remettre en question la bonne foi de l'appelante--Or, l'appelante insiste avoir agi de bonne foi--Pourtant, l'appelante ne pouvait dans l'affidavit du 13 avril 2000 affirmer être propriétaire du bien saisi puisqu'elle ne l'était pas au moment de la signature de l'affidavit--Cette représentation n'est pas rendue moins fausse du fait que l'appelante serait par la suite devenue propriétaire du bien saisi avec effet rétroactif au 27 mars 2000--Au moment du serment, l'affirmation était fausse et cet état de fait demeure inchangé--Appel rejetté--Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 223(3) (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII, art. 129), 227(4) (mod. par L.C. 1998, ch. 19, art. 226), (4.1) (édicté, idem)--Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, art. 86 (mod. par L.C. 1998, ch. 19, art. 266; 2001, ch. 4, art. 77)--Code de procédure civile du Québec, L.R.Q., ch. C-25, art. 597, 604.