BREVETS |
Pratique |
Bayer AG c. Apotex Inc.
T-877-02
2004 CF 177, juge Campbell
2-2-04
45 p.
Depuis 1987, Bayer AG (Bayer) est titulaire d'un brevet canadien portant sur l'antibactérien chlorhydrate de ciprofloxacine (ciprofloxacine) fabriqué selon les procédés revendiqués dans le brevet ou selon leurs équivalents chimiques manifestes--Bayer vend la ciprofloxacine au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré par le ministre en application de l'art. C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues--Apotex a déposé plusieurs avis d'allégation portant que le brevet de Bayer est invalide ou qu'il n'y a pas contrefaçon du brevet--À titre préliminaire, Bayer demande une ordonnance déclarant que l'avis d'allégation d'Apotex est invalide pour inobservation de l'art. 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) au motif qu'Apotex n'a pas déposé de demande d'avis de conformité à l'égard de son procédé pour la ciprofloxacine avant de signifier son avis d'allégation de non- contrefaçon à Bayer--1) Apotex a respecté les délais prévus à l'art. 5(3)c)(i)--L'art. 5(3)c)(i) prévoit que la demande d'avis de conformité doit être déposée auprès du ministre avant la signification de l'avis d'allégation de non-contrefaçon ou en même temps que cette signification--Apotex a déposé au départ sa présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) pour la ciprofloxacine en 1993 et le ministre l'avait donc dans ses dossiers au moment où l'avis d'allégation a été signifié-- Le 25 avril 2002, Apotex a déposé auprès du ministre des renseignements relatifs à un «préavis de modification» contenant le procédé d'Apotex, lequel fait l'objet de l'avis d'allégation de non-contrefaçon en l'espèce--Pour déterminer si Apotex a observé l'ordre prévu à l'art. 5(3)c)(i), il faut déterminer d'abord quel est l'effet juridique d'un «préavis de modification», puis si la modification d'une présentation abrégée de drogue nouvelle par la voie d'un préavis de modification constitue une «demande d'avis de conformité» au sens de l'art. 5--Bayer s'appuie sur la Ligne directrice de la Direction des produits thérapeutiques, Gestion des présentations de drogues (la politique) pour plaider que, si un préavis de modification renferme des insuffisances lors du dépôt, il ne constitue pas une «demande d'avis de conformité» tant que tous les documents voulus n'ont pas été déposés et acceptés par le ministre en vue de l'évaluation--Le terme «demande d'avis de conformité» n'est pas défini dans le Règlement, mais l'art. 2 définit l'«avis de conformité» comme un «[a]vis délivré au titre de l'art. C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues»--Le terme «préavis de modification» ne figure pas dans le Règlement sur les aliments et drogues, ni dans le Règlement sur les avis de conformité--Il n'est mentionné que dans la politique--Le préavis de modification est donc simplement un document de notification exigé à des fins administratives--Un préavis de modification n'a pas d'effet en droit--On trouve également un appui à la position d'Apotex que la définition de la «demande d'avis de conformité» au sens de l'art. 5 du Règlement sur les avis de conformité ne comprend pas le préavis de modification dans la jurisprudence tenant que le terme «demande d'avis de conformité» tel qu'il est employé aux articles 4 et 5 du Règlement sur les avis de conformité signifie seulement une présentation de drogue nouvelle, une PADN et un supplément à une présentation de drogue nouvelle ou à une PADN--Un préavis de modification n'est pas une «demande d'avis de conformité» au sens de l'art. 5 du Règlement sur les avis de conformité et il ne peut déclencher l `application de l'art. 5(3)c)(i)--La PADN déposée par Apotex en 1993 est une «demande d'avis de conformité» au sens de l'art. 5 et elle satisfait à la règle prescrivant qu'une «demande d'avis de conformité» se trouve dans le dossier du ministre avant la signification de l'avis d'allégation de non-contrefaçon, ou au moment de cette signification--2) Les demanderesses allèguent qu'Apotex n'a pas observé l'art. 5(3)c)(i) parce que son avis d'allégation n'est pas «relatif à» sa demande d'avis de conformité--Selon l'art. 5(3)c)(i), lorsqu'une seconde personne (Apotex) a déposé une demande d'avis de conformité et qu'elle allègue la non-contrefaçon, elle doit signifier à la première personne (Bayer) un avis de l'allégation «relative à» la demande d'avis de conformité déposée auprès du ministre--Bayer dit que, comme la PADN d'Apotex ne contient pas son procédé actuel visé par son avis d'allégation, la PADN d'Apotex n'est pas «relative à» son avis d'allégation du fait que la présentation abrégée de drogue nouvelle ne contient pas dans sa totalité le fondement de l'allégation de non-contrefaçon--Le juge Gibson a rejeté cet argument dans le jugement AB Hassle c. RhoxalPharma Inc. (2002), 21 C.P.R. (4th) 298 (C.F. 1re inst.)--Suivant le raisonnement du juge Gibson, Apotex a observé l'art. 5 du Règlement sur les avis de conformité--La Cour a compétence pour se prononcer sur le fond--3) En ce qui concerne la question de la non-contrefaçon, pour décider si un brevet a été contrefait, il faut commencer par interpréter les revendications du brevet pour déterminer la portée exacte du monopole octroyé par le brevet--Il faut ensuite considérer si le procédé attaqué entre dans la portée des revendications--Il incombe au tribunal de départager l'essentiel et le non-essentiel--Bien que la substitution ou l'omission d'un élément essentiel d'une invention brevetée réfute une allégation de contrefaçon, la substitution ou l'omission d'un élément non essentiel ne fait pas nécessairement échec à la prétention du breveté qu'il y a eu contrefaçon--Les revendications d'un brevet doivent être interprétées du point de vue d'une personne versée dans l'art à qui le brevet s'adresse et qui se sert de ses connaissances dans le domaine auquel le brevet a trait--En l'espèce, une personne versée dans l'art est une personne qui a des connaissances poussées dans le domaine de la chimie organique--Examen de la preuve sur l'interprétation--La bonne interprétation du brevet est celle que défend Apotex-- Toutefois, pour tenir compte de la formulation expresse de l'art. 39(1) de la Loi sur les brevets, ainsi que de la formulation du brevet lui-même, la Cour ajoute les mots «ou un équivalent chimique manifeste» à chacun des cinq éléments essentiels exprimés--Le procédé d'Apotex comporte six étapes, mais l'examen porte principalement sur l'étape 2, car c'est à cette étape que, de l'avis de Bayer, il y a contrefaçon des revendications 8(1) et 14(10), en raison de l'équivalence chimique manifeste au procédé de Bayer--Examen des arguments et de la preuve des deux parties--Différence considérable entre les produits chimiques utilisés pour le procédé d'Apotex et pour celui de Bayer--Explications détaillées de cette conclusion--La preuve établit que la réaction chimique utilisée à l'étape 2 du procédé d'Apotex n'est pas un équivalent chimique manifeste de la réaction utilisée dans le procédé de Bayer décrit aux revendications 8(1) et 14(10) du brevet--Bayer n'a pas démontré que l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex n'est pas fondée-- Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, art. C.08.004 (mod. par DORS/95-411, art. 6)--Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, art. 4 (mod. par DORS/98-166, art. 3), 5(3)c)(i) (mod., idem, art. 4)--Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 39(1) (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.) ch. 33, art. 14).