Fiches analytiques

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PRATIQUE

Parties

Qualité pour agir

La question en litige était de savoir si la succession d’un demandeur défunt pouvait poursuivre une réclamation non réglée présentée aux termes du Régime de pensions du Canada (le RPC), lorsque la réclamation reposait sur l’allégation qu’une disposition du RPC viole les droits à l’égalité reconnus par l’art. 15 de la Charte canadienne des droits et libertés—Ethel et Reginald Vincent ont vécu comme conjoints de fait de 1974 à 1986—En 1996, Mme Vincent a demandé un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension aux termes du RPC—À cette époque, les dispositions relatives au partage de droits s’appliquaient aux conjoints de fait qui s’étaient séparés en 1987 ou par la suite—Sa position était que la date limite du 1er janvier 1987 violait la garantie à l’égalité accordée par la Charte—Le ministre a rejeté la demande et Mme Vincent est décédée avant que le tribunal de révision ait pu entendre son appel—Le ministre avait présenté une requête demandant le rejet de la demande en faisant valoir que la succession n’avait pas qualité pour poursuivre une demande fondée sur la Charte, mais le tribunal avait établi une distinction d’avec la jurisprudence citée, puisque ces affaires concernaient des tentatives d’introduire une procédure après le décès d’une personne, alors qu’en l’espèce, la succession ne faisait que poursuivre une instance en cours—Le juge MacKay a rejeté la demande de contrôle judiciaire du ministre : Canada (Procureur général) c. Vincent (Succession), 2004 CF 1016, et il a convenu qu’aucun des précédents cités par le ministre ne défendait la proposition qu’une réclamation fondée sur la Charte amorcée par un demandeur prend fin au décès du demandeur et ne peut être poursuivie par la succession—Les parties ont reconnu que l’annulation de la disposition dont la constitutionnalité était contestée aurait des répercussions financières, à savoir qu’elle entraînerait une augmentation des prestations de survivant payables au petit‑enfant à charge—Le fait que le ministre a fondé sa requête en irrecevabilité sur la question de la qualité pour agir ne lui a guère été utile, parce qu’elle a privilégié le statut et la procédure plutôt que la nature des droits que la succession souhaitait faire valoir et, lorsque les décisions citées par le ministre étaient examinées du point de vue des droits substantiels, elles n’appuiyaient pas la conclusion que le ministre a invité la Cour à tirer—Sens de l’expression « qualité pour agir »—Le RPC envisage que la succession peut demander le partage des droits (art. 53.3(1)), la succession ayant donc la capacité d’intenter et, par extension, de poursuivre une demande de partage des droits, de sorte qu’elle possède la qualité pour agir dans le sens de capacité juridique Elle possède également un intérêt suffisant, puisque c’est la seule entité en mesure de poursuivre la demande—La question de la justiciabilité de la demande ne se pose pas non plus, étant donné que le partage des droits est prévu par la loi—Le seul aspect de la « qualité pour agir » qui soulevait encore des questions était le bien‑fondé de la demande présentée par la succession—La question soulevée par le présent appel était celle de savoir si les droits constitutionnels pouvaient être cristallisés du vivant d’une personne de sorte qu’ils pouvaient être exercés après son décès—Le ministre a fait valoir qu’une succession n’était pas une personne et ne pouvait donc prétendre au bénéfice de l’art. 15 où l’on retrouve le mot « personne »—Il ressortait d’une lecture attentive des affaires citées par le ministre que si les tribunaux avaient utilisé la notion de qualité pour agir pour rejeter les demandes, la justification réelle était que la réparation sollicitée par la succession ne pouvait être obtenue que par la personne dont les droits avaient été violés—Le ministre a en outre fait valoir que les droits reconnus par la Charte appartenaient à une personne et ne survivaient donc pas au décès—La question était de savoir si le droit de la succession d’entamer une action à l’égard de droits constitutionnels est visé par les lois provin-ciales sur la transmission des causes d’action, à savoir si les droits constitutionnels sont de nature tellement personnelle qu’ils ne sont pas visés par les lois sur la transmission des causes d’action—Il semblerait que la Cour d’appel de l’Ontario (C.A.O.) a conclu que la question ne relevait pas de la transmission des causes d’action : Hislop c. Canada (Procureur général) (2004), 73 O.R. (3d) 685 (C.A.), une affaire concernant la date limite pour des prestations accordées aux couples homosexuels—Dans l’arrêt Hislop, la C.A.O. a appliqué un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑ Britannique qui avait jugé que les droits reconnus à l’art. 15(1) étaient de nature personnelle, qu’ils disparaissaient avec la personne et ne pouvaient être revendiqués par la succession, une entité distincte et artificielle—Mais ces précédents n’empêchent pas que les droits constitutionnels puissent être cristallisés en prenant des mesures appropriées du vivant de la personne—Cette question n’avait pas été débattue et la Cour était réticente à se prononcer sans avoir eu l’avantage d’enten-dre les arguments des avocats—L’affaire a été renvoyée pour une audience complète devant le tribunal de révision et, dans le cas où un appel serait formé à la suite de ce processus, la Cour disposerait d’un dossier complet et de l’analyse des questions par le tribunal—Appel rejeté—Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi consti-tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 15, 24—Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1970), ch. C‑5, art. 53.3 (édicté par L.C. 1986, ch. 38, art. 23).

Canada (Procureur général) c. Succession Vincent (A‑403‑04, 2005 CAF 272, juge Pelletier, J.C.A., jugement en date du 15‑8‑05, 16 p.)

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