PREUVE
Contrôle judiciaire de la décision par laquelle un arbitre a conclu que la demanderesse avait été congédiée injustement par la Première nation de son poste d’agente de police spéciale—La demanderesse s’est absentée du travail pendant de longues périodes pour des raisons de santé et a pris un congé de deux semaines pour un voyage de noces—Elle a été congédiée pour cause d’abandon de son poste—L’affaire a duré quatre ans devant l’arbitre; la décision finale a été rendue six ans après la nomination de l’arbitre—Les retards sont attribuables aux deux parties—L’arbitre a finalement statué que la Première nation n’a pas démontré selon la prépondé-ance de la preuve, comme il lui incombait, qu’elle avait un motif valable de congédier la demanderesse—En ne tirant pas une déduction défavorable de l’omission de la défenderesse de témoigner, l’arbitre a‑t‑il commis une erreur de droit manifestement déraisonnable ou a‑t‑il outrepassé sa compétence?—La Première nation a prétendu que l’arbitre a tiré des conclusions erronées et douteuses au sujet d’éléments cruciaux qui [traduction] « nécessitaient absolument le témoignage de la plaignante et la possibilité pour l’employeur de la contre‑interroger »—La demanderesse a cité Bande indienne de Norway House c. Canada (Arbitre, Code du travail), [1994] 3 C.F. 376 (1re inst.), dans laquelle le juge Muldoon, saisi d’une affaire similaire, a dit qu’étant donné que la plaignante avait refusé de témoigner, l’arbitre aurait dû faire toutes les déductions défavorables qu’il pouvait faire et cela aurait bien pu entraîner le rejet de la plainte—Le juge a ajouté que l’omission de l’arbitre de le faire a donné l’apparence de partialité; cela dénotait une indifférence en ce qui concerne la perte pour l’employeur de la possibilité d’effectuer un contre‑interrogatoire—La Cour a été incapable de retenir l’argument fondé sur Norway House—Même si la défenderesse ne voulait pas témoigner volontairement, la Première nation aurait pu, en vertu des dispositions du Code canadien du travail, l’assigner comme témoin mais ne l’a pas fait—Une partie ne peut pas, après une décision négative, soulever la question de la non‑comparution du plaignant, à moins qu’elle n’ait fait tout son possible pendant l’audience pour faire comparaître celui‑ci—Si Norway House impose à l’arbitre l’obligation légale de tirer une déduction défavorable, il ne s’agit pas d’un énoncé correct du droit—Comme l’ont dit Sopinka et Lederman dans The Law of Evidence in Civil Cases, un défendeur qui ne témoigne pas après qu’une preuve suffisante à première vue a été présentée risque de faire l’objet
d’une conclusion défavorable, mais cette omission de témoigner ne comblera pas en elle‑même les lacunes de la preuve de la partie à laquelle le fardeau incombe—Le décideur n’a aucune obligation de tirer une déduction défavorable de l’omission de témoigner—Le décideur doit non seulement examiner si le défendeur n’a pas témoigné, mais s’il n’a pas appelé de témoin—En l’espèce, l’arbitre n’avait pas l’obligation de tirer une déduction défavorable—La Première nation n’avait pas présenté une preuve suffisante à première vue ni produit suffisamment d’éléments de preuve pour se décharger du fardeau de la preuve—De plus, il n’y a pas lieu de tirer une déduction défavorable parce que la défenderesse a fait comparaître un témoin au sujet de la question fondamentale des congés de maladie et des jours de congé—La Cour ne savait pas vraiment quelles déductions défavorables l’arbitre aurait été tenu de tirer—S’il fallait déplacer le fardeau de la preuve, ce fardeau accessoire a déjà été satisfait par le témoignage du témoin de la défenderesse—S’il fallait présumer que toutes les allégations de la Première nation à l’encontre de la défenderesse étaient fondées, cela aurait pour effet de libérer la Première nation de l’obligation d’établir le bien‑fondé de sa cause selon la prépondérance de la preuve—Vu les faits, l’arbitre n’a pas commis d’erreur en ne tirant pas une déduction défavorable du fait que la défenderesse n’a pas témoigné—Demande rejetée—Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L‑2, art. 16 (mod. par L.C. 1998, ch. 26, art. 5), 242 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 9, art. 16; L.C. 1998, ch. 26, art. 58).
Première nation des Chippewas de Kettle et de Stony Point c. Shawkence (T‑1822‑03, 2005 CF 823, juge Snider, ordonnance en date du 10‑6‑05, 21 p.)