Garasova c. Canada ( Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration )
IMM-2674-98
juge Lemieux
2-11-99
21 p.
Raisons d'ordre humanitaire -- Demande de contrôle judiciaire de la décision dans laquelle une agente d'immigration a rejeté la demande que la demanderesse avait présentée en vertu de l'art. 114(2) de la Loi sur l'immigration en vue d'obtenir une dispense de l'application de l'art. 9(1) de la Loi afin que sa demande de résidence permanente soit traitée sans qu'elle doive quitter le Canada-La demanderesse est née en République tchèque en 1975-Elle a donné naissance à son fils, Patrik, en janvier 1993-En mai 1993, la demanderesse est venue au Canada munie d'un permis de travail valide-Elle s'est mariée le 4 mai 1995-Dans son affidavit, elle décrit un cycle d'abus, de réconciliation et de détérioration du mariage-Elle avait des problèmes avec sa mère en République tchèque-Le 31 octobre 1997, la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, sans quitter le Canada-Son époux a été reconnu coupable de six accusations d'agression et d'agression sexuelle, et il a été condamné à une peine d'emprisonnement de cinq mois et à une période de probation de trois ans-Il avait cessé de la parrainer-L'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, que la C.S.C. a récemment rendu, revêt une importance cruciale pour ce qui est des motifs sur lesquels la demande de contrôle judiciaire est fondée, du rôle des directives et de la nécessité de tenir compte de l'intérêt des enfants-Dans Baker, le juge L'Heureux-Dubé a statué que la norme de contrôle qu'il convenait d'appliquer est celle de la décision raisonnable simpliciter-Le défaut d'accorder de l'importance et de la considération à l'intérêt des enfants constitue un exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire conféré par l'art. 114(2), même s'il faut exercer un degré élevé de retenue envers la décision de l'agent d'immigration-L'exercice raisonnable du pouvoir conféré par l'art. 114(2) exige que soit prêtée une attention minutieuse aux intérêts et aux besoins des enfants-Les droits des enfants, et la considération de leurs intérêts, sont des valeurs d'ordre humanitaire centrales dans la société canadienne-Une indication que l'intérêt des enfants est une considération importante dans l'exercice des pouvoirs en matière humanitaire se trouve dans les objectifs de la Loi, dans les instruments internationaux, et dans les lignes directrices régissant les décisions d'ordre humanitaire publiées par le ministre-Le juge L'Heureux-Dubé a dit qu'elle était en désaccord avec l'arrêt Shah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 29 Imm. L.R. (2d) 82, dans lequel la C.A.F. dit qu'une décision en vertu de l'art. 114(2) «relève entièrement [du] jugement et [du] pouvoir discrétionnaire»-Le pouvoir discrétionnaire conféré est assorti de limites-L'arrêt Baker de la C.S.C. appelle une nouvelle perspective et un nouvel examen de la part des agents d'immigration lorsqu'ils rendent des décisions fondées sur des motifs d'ordre humanitaire en vertu de la Loi sur l'immigration-Lorsque l'affaire touche des enfants, l'agent d'immigration doit tenir compte des intérêts de ces derniers, qui constituent un facteur important, accorder beaucoup d'importance à ces intérêts, et en être conscient-L'arrêt Baker s'applique également aux intérêts de la demanderesse, qui est adulte-L'arrêt Baker confère une nouvelle responsabilité, plus «pratique», au juge de révision-Le juge de révision doit considérer «en profondeur» la décision fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et déterminer si elle est raisonnable, en examinant les motifs pour voir s'ils résistent à l'examen assez poussé sur le fondement de la preuve-En examinant la décision de l'agente d'immigration, la Cour remarque que l'analyse fondée sur des motifs d'ordre humanitaire porte exclusivement sur la demanderesse-Il n'a été tenu compte ni des intérêts de l'enfant né au Canada, ni de ceux de l'enfant né en République tchèque-Une telle démarche de l'agente d'immigration ne saurait constituer un exercice raisonnable du pouvoir qui exige que les intérêts et les besoins des enfants soient examinés de près-Demande accueillie-Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 9(1) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 4), 114(2).