ASSURANCE-CHÔMAGE |
Pérusse c. M.R.N.
A-722-97
juges Marceau, Desjardins (dissidente) et Décary, J.C.A.
10-3-00
33 p.
Demande de révision judiciaire d'une décision d'un juge de la Cour canadienne de l'impôt rejetant l'appel contre deux décisions du MRN que les emplois qu'avait exercés la requérante dans le cabinet d'avocats de son conjoint de fait entre 1992 et 1996 étaient non-assurables--La requérante prétend d'abord que l'art. 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage (qui, sauf si on peut convaincre le ministre du bien-fondé d'une exception, exclut les emplois dans les cas où l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance) est inconstitutionnel parce qu'il violerait le droit à l'égalité garanti par l'art. 15 de la Charte; ensuite, que les décisions ne respectaient pas les faits--Demande accueillie (le juge Desjardins étant dissidente)--Le juge Marceau, J.C.A.: Aucune des conditions d'application de l'art. 15 de la Charte dégagées par la Cour suprême du Canada dans son arrêt de principe Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, n'existe en l'espèce--La différence de traitement dans le processus n'est pas fondée sur une caractéristique personnelle des prestataires en cause, elle ne limite pas en définitive l'accès de qui que ce soit aux bénéfices de la Loi puisque tout contrat jugé sérieux sera couvert et, enfin, la dignité de la personne humaine de personne n'est pas impliquée--La disposition en cause traduit une exigence de prudence dans l'acceptation comme réel et sérieux du contrat de travail intervenu entre personnes déjà liées--L'enquête telle que conduite par le juge de la C.C.I. n'a pas satisfait les exigences de la justice: il n'a pas rempli son rôle de s'enquérir de tous les faits auprès des parties et des témoins appelés pour la première fois à s'expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre paraît toujours raisonnable--Le juge Décary, J.C.A.: Bien que la présomption d'exclusion que doit repousser une conjointe de fait aux termes de l'art. 3(2)c)(ii) de la Loi sur l'assurance-chômage avant de pouvoir se qualifier à des prestations d'assurance-chômage satisfasse aux deux premiers critères d'application de l'art. 15 de la Charte selon l'arrêt Law (la Loi établit une distinction formelle entre la requérante et d'autres personnes en raison d'une caractéristique personnelle et la requérante fait l'objet d'une différence de traitement fondée sur un des motifs énumérés ou analogues), elle ne satisfait pas au troisième (la différence de traitement ne porte pas atteinte à la dignité humaine de la requérante)--Il n'y avait toutefois devant la C.C.I. ni devant la présente Cour aucune preuve portant sur l'application de l'art. 15 de la Charte non plus que sur la justification permise par l'art. 1--Le juge Desjardins, J.C.A. (dissidente): L'art. 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage, lu conjointement avec l'art. 251(1)a) et (2)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, viole l'art. 15 de la Charte--Même si la question en litige ne porte que sur une présomption, qui, elle, entraîne un fardeau de preuve, cette présomption est soumise aux prescriptions de la Charte--La présomption est fondée sur une caractéristique personnelle des demandeurs, soit le sang, le mariage ou l'adoption--L'état matrimonial est un motif de discrimination analogue au sens de l'art. 15 de la Charte--Et l'imposition d'un fardeau de preuve additionnel reflète l'existence d'un stéréotype--La mesure attaquée en l'espèce porte atteinte à la dignité humaine--La demande devrait être accueillie et la C.C.I. devrait procéder à une nouvelle audition portant sur l'art. 1 de la Charte, en tenant pour acquis que l'art. 3(2)c) viole l'art. 15 de la Charte--Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. (1985), ch. U-1, art. 3(2)c)--Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), Appendice II, no 44], art. 1, 15--Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 251(1)a), (2)a).