La Capitale, Compagnie d'assurance générale c. Canada
A-612-95
juges Denault (de droit), Desjardins et Létourneau, J.C.A.
6-2-98
30 p.
Appel d'une décision de la Section de première instance ((1995), 100 F.T.R. 73) maintenant l'action de l'intimée à l'encontre d'une cotisation d'impôt émise par le ministre du Revenu national pour l'année d'imposition 1986-Il s'agit de savoir si l'intimée devait inclure dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1986 la partie non reçue des primes annuelles d'assurances souscrites, qui étaient payables par voie de retenue sur le salaire et qui s'appliquaient en partie à une année financière subséquente-L'intimée se spécialise dans l'assurance générale-Ses polices sont émises sur une base annuelle à sa clientèle gouvernementale notamment par voie de retenues sur le salaire-En vertu de l'art. 20(7)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'intimée pouvait réclamer une réserve jusqu'à 82 % des primes non gagnées au 31 décembre 1986-Elle n'a pas inclus dans son revenu, et dans la réserve qu'elle a réclamée, la partie non reçue des primes annuelles souscrites dont le mode de paiement était la retenue sur le salaire-Appel accueilli-Juge Létourneau, J.C.A.: le revenu d'entreprise d'un contribuable pour une année d'imposition se définit, en vertu de l'art. 9(1) de la Loi, comme le bénéfice que ce contribuable en tire pour cette année et comprend à la fois les sommes reçues et à recevoir-L'art. 12 de la Loi confirme l'obligation d'inclure dans le calcul du revenu les sommes à recevoir-Il ressort de la jurisprudence que le montant dû doit être déterminé-L'intimée possédait à l'égard des polices souscrites, mais dont le paiement de la prime se fait par voie de retenue sur le salaire, un droit certain et inconditionnel à la prime dont le montant est prédéterminé et accepté par les parties-Les art. 2570 et 2571 du Code civil du Bas-Canada énoncent sans équivoque que l'assureur a droit à la prime lorsque le risque commence et qu'il peut alors réclamer le paiement de la prime-La facturation n'est pas génératrice de la dette et, contrairement à ce que prétend l'intimée, n'est pas un élément déterminant de la définition d'une somme à recevoir prévue à l'art. 9(1) de la Loi-La prétention de l'intimée selon laquelle une somme due ne peut constituer une somme à recevoir pour une année d'imposition que si les services ont été rendus dans cette année d'imposition est irrecevable-L'inclusion, dans le revenu d'entreprise d'un contribuable, des sommes à recevoir se fait en vertu de l'art. 9(1) de la Loi et l'art. 12(1) vise à élargir et non restreindre la portée de l'inclusion de l'art. 9(1) de sorte que ce qui est inclus à l'art. 9 ne peut désormais en être exclu-Il n'y a pas lieu, en droit fiscal, de distinguer entre les primes reçues dans l'année à l'égard d'un contrat d'assurance qui se poursuit l'année suivante et les primes à recevoir à l'égard d'un contrat qui se poursuit l'année suivante-Le fait qu'un contrat d'assurance terrestre de dommages puisse être qualifié de contrat à exécution successive n'affecte aucunement la définition de revenu d'entreprise contenue à l'art. 9 de la Loi-Les contrats d'assurance en cause ne constituent pas une fourniture de services au sens de l'art. 12(1)b) de la Loi, mais plutôt une vente de biens-Le contrat d'assurance n'est pas, en droit civil québécois, un contrat de location de biens ou de services-Il s'agit d'un contrat de vente sui generis en vertu duquel l'assuré achète une indemnité payable en cas de réalisation du risque couvert par l'assurance de dommages en question-Ce droit à une indemnité vendu par l'intimée en 1986 constitue un bien au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu-L'effet combiné de l'art. 20(7)c) de la Loi et des art. 1400 et 1404 du Règlement de l'impôt sur le revenu est de permettre à l'intimée, dans le calcul de son bénéfice net tant pour les fins fiscales que comptables, de déduire des primes nettes souscrites en 1986 une provision pour les primes qui n'ont, de fait, pas été gagnées au 31 décembre de cette année-Ces dispositions confirment que l'intimée doit inclure dans son revenu de 1986 le montant total des primes souscrites au cours de cette année même si la couverture du risque s'étend à l'année subséquente-Le montant total de la prime est dû à la signature du contrat et fait donc partie des revenus de l'intimée-Juge Denault, J.C.A. (de droit): le juge de première instance a erré en droit en concluant que les sommes provenant des retenues salariales effectuées en 1987, dans la mesure oú elles avaient trait à une protection d'assurance accordée «en dehors de l'année d'imposition en cause», ne pouvaient constituer, pour la compagnie d'assurance, un bénéfice au sens de l'art. 9(1) de la Loi, pour son année d'imposition 1986-L'interprétation donnée par le juge de première instance aux art. 9 et 12(1)b) de la Loi n'est pas conforme à la lettre et à l'esprit de la Loi, ni à l'interprétation donnée par la Cour-Restreindre l'application de l'art.12(1)b) et, par voie de conséquence, le bénéfice tiré par le contribuable de son entreprise au sens de l'art. 9 de la Loi constituait une erreur-Le libellé et la structure de ces dispositions législatives ne justifiaient pas qu'on exclue ainsi les sommes reçues en 1987 pour une police contractée en 1986-Juge Desjardins, J.C.A.: les art. 2570 et 2571 du Code civil du Bas-Canada font de la prime une «somme recevable» ou un «recevable» au sens juridique du terme, et ce, dès la mise en vigueur de la police-Une somme est dite «recevable» en droit fiscal lorsque quelqu'un a «un droit certain de la recevoir», qu'il peut en exiger le paiement et que la somme est déterminée-Dans un mode de comptabilité d'exercice, la somme totale de la prime annuelle d'un contrat entré en vigueur en 1986 doit être portée au revenu de l'intimée durant son année financière 1986 en vertu de l'art. 9 de la Loi de l'impôt sur le revenu, que cette somme totale ait été exigée ou non durant cette période-Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 9(1), 12(1)b) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 4), 20(7)c) (mod. par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 14(3))-Code civil du Bas-Canada, art. 2570, 2571-Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, art. 1400, 1404.