Esse c. Canada ( Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration )
IMM-4523-96
juge Rothstein
16-1-98
11 p.
Demande de contrôle judiciaire à l'égard de la déclaration de la ministre fondée sur l'art. 19(1)l) de la Loi sur l'immigration, selon laquelle une décision accordant au requérant le droit de s'établir au Canada irait à l'encontre de l'intérêt national-Le requérant est un citoyen de la Somalie qui, de janvier 1990 au mois d'août 1991, a été ambassadeur de ce pays auprès des Émirats arabes unis à l'époque oú Siad Barre était le président de la Somalie-Le 12 octobre 1993, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a déclaré que le régime de Siad Barre avait commis des violations graves des droits de la personne-La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rendu une décision portant que le requérant était un réfugié au sens de la Convention-Pendant que la demande de résidence permanente du requérant était en cours, la ministre a rendu la décision contestée en l'espèce-Selon l'art. 19(1)l) de la Loi, les personnes qui, à un rang élevé, font ou ont fait partie ou sont ou ont été au service d'un gouvernement qui se livre ou s'est livré à des violations graves des droits de la personne appartiennent à une catégorie de personnes non admissibles, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national-(1) Contrairement à ce que le requérant a soutenu, les mots que la ministre a utilisés, soit «admission», «irait à l'encontre de» et «à mon avis» ont la même portée que ceux de la Loi («établissement», «ne serait nullement préjudiciable» et «je suis convaincue»)-(2) Le requérant a soutenu qu'au nom de l'équité procédurale, il aurait dû être informé de la teneur d'un mémoire remis à la ministre-L'objet de l'art. 19(1)l), (1.1) est d'éviter que le Canada ne serve de refuge aux personnes qui se sont livrées à des actes de terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou à des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité-Le but des dispositions législatives est de considérer les membres supérieurs ou les fonctionnaires d'un gouvernement comme des personnes qui étaient en mesure d'influencer sensiblement l'exercice du pouvoir par leur gouvernement, de sorte qu'ils doivent être tenus responsables des actes répréhensibles de celui-ci-C'est pour cette raison que le requérant, en qualité d'ambassadeur, a été considéré comme une personne visée par l'art. 19(1)l)-Pour obtenir une exemption de la ministre, cette personne doit démontrer que, malgré la position qu'elle occupait comme membre supérieur présumé d'un gouvernement ou comme fonctionnaire à son service, elle n'a nullement participé aux actes répréhensibles de celui-ci-Même si la question de savoir si cette personne constituait un danger pour le public au Canada peut aussi être examinée, bien qu'il existe d'autres dispositions portant spécifiquement sur ces aspects, la participation aux actes du gouvernement fautif constitue le facteur le plus important-Le requérant connaissait déjà le type de renseignements contenus dans le mémoire et celui-ci ne renfermait aucune déclaration erronée importante-(3) Le requérant a fait valoir que la ministre n'avait pas motivé sa décision, contrairement aux règles de common law, à la Déclaration canadienne des droits et à la Charte-Les principes de justice fondamentale qui sont garantis par l'art. 7 de la Charte n'exigent pas que des motifs soient fournis (remarques du juge Strayer, J.C.A., dans l'arrêt Williams c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.)-Même si l'art. 2e) de la Déclaration canadienne des droits exige une audition impartiale, une décision non motivée n'est pas nécessairement préjudiciable à l'«audition»-Le requérant a cité l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Adam (1997), 137 F.T.R. 68 (C.F. 1re inst.), oú il a été décidé que le silence devant une preuve prépondérante rend une décision non motivée abusive-Compte tenu de l'arrêt Williams, le jugement rendu dans l'affaire Adam n'énonce peut-être pas l'état du droit, mais dans la mesure oú il le fait, il n'existe en l'espèce aucun élément de preuve indiquant que la ministre a commis une erreur lorsqu'elle en est arrivée à sa décision-Il ne s'agit pas ici d'un cas oú l'omission de motiver la décision pourrait faire de celle-ci une décision abusive-Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I2, art. 19(1)l) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11), (1.1) (édicté, idem).