[2016] 3 R.C.F. F-13
Droit maritime
Limitation de responsabilité — Dans l’affaire intentée par la demanderesse au terme de laquelle une décision a été rendue (2016 CF 69), des motifs supplémentaires ont été prononcés concernant la limitation de la responsabilité des défendeurs, Maritime Marine Consultants (2003) Inc. (MMC) et le propriétaire Donal Bremner (collectivement les défendeurs) en vertu de l’art. 1(4) de la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, telle que modifiée par le Protocole de 1996 modifiant la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, soit l’annexe 1 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 — Il s’agissait de savoir si les défendeurs pouvaient invoquer le droit à la limitation de responsabilité prévu à l’art. 1(4) de la Convention — La Cour devait déterminer si, en l’espèce, les défendeurs étaient des « personnes », aux termes de l’art. 1(4), dont les faits, négligences et fautes entraînaient la responsabilité du propriétaire de navire, leur permettant ainsi de se prévaloir de la limitation de la responsabilité — La demanderesse est le « propriétaire de navire » au sens de l’art. 1(2) de la Convention — Les défendeurs ont soutenu qu’ils sont des « personnes » au sens de la Convention et que l’art. 1(4) inclurait dans la catégorie des personnes en droit de limiter leur responsabilité tout entrepreneur indépendant, pourvu que le propriétaire de navire soit responsable, sur le plan juridique, des actes de l’entrepreneur indépendant — MMC a conclu un contrat avec la demanderesse en vue de la prestation de services d’architecture navale liés au transport d’une cargaison — La demanderesse et MMC entretenaient une relation de longue date, et MMC fournissait une expertise que la demanderesse ne trouvait pas à l’intérieur de son organisation — Les défendeurs fournissaient également des conseils concernant la possibilité d’utiliser la « SPM 125 » (barge) pour y charger et y transporter en toute sécurité des rotors BP — Cependant, la preuve factuelle n’était pas suffisante pour établir que les défendeurs étaient des « personnes » dont les faits, négligences et fautes entraînaient la « responsabilité » de la demanderesse, à titre de propriétaire du navire, et qu’ils pouvaient de ce fait invoquer une limitation de responsabilité en vertu de l’art. 1(4) — MMC est une entité morale indépendante et non une division de la demanderesse — Il n’existait aucune preuve de l’embauche de Bremner à titre personnel ou d’employé de la demanderesse, et rien ne laissait penser non plus qu’il aurait agi autrement qu’en sa qualité de directeur de MMC — MMC a plutôt fourni des services d’architecture navale à la demanderesse à titre d’entrepreneur indépendant — La relation entre un employeur et un entrepreneur indépendant ne peut généralement donner lieu à une revendication de responsabilité du fait d’autrui — Selon la preuve en l’espèce, la demanderesse a signé un contrat de louage de services avec MMC; MMC fournissait des services d’architecture navale dont la demanderesse ne disposait pas en interne; la demanderesse ne supervisait pas et ne contrôlait pas le travail de MMC et MMC est une entité morale indépendante exploitant une entreprise pour son propre compte — En somme, la relation entre la demanderesse et MMC n’entraînait pas la responsabilité du fait d’autrui — Par conséquent, même si la demanderesse a loué et bénéficié des services d’architecture navale de MMC à maintes reprises dans le passé, ce n’est pas suffisant en droit canadien pour entraîner la responsabilité de la demanderesse du fait d’autrui, ni sa responsabilité à l’égard des actes ou omissions de MMC — Ainsi, il ne suffisait pas d’établir que la demanderesse a loué les services d’architecture navale de MMC parce qu’ils étaient indispensables au transport de la cargaison pour décréter une responsabilité légale au sens de l’art. 1(4) de la Convention — Étant donné le flou qui entoure le libellé de l’art. 1(4) et les diverses interprétations possibles, il fallait s’en remettre au document intitulé The Travaux Préparatoires of the LLMC Convention, 1976 and of the Protocol of 1996 (les travaux) — Toutefois, bien que les travaux ne fournissent pas vraiment de réponse claire, ils ont été interprétés en l’espèce comme n’ayant pas l’intention d’élargir la catégorie de personnes pouvant invoquer la limitation de leur responsabilité en vertu de l’art. 1(4) afin d’inclure les entrepreneurs indépendants — Au contraire, les travaux donnent à penser que la prémisse sous-jacente de l’art. 1(4) était que la responsabilité était subordonnée à la responsabilité du fait d’autrui du propriétaire du navire, et qu’une interprétation stricte était envisagée — En conséquence, en l’absence d’une intention quelconque d’étendre la protection aux entrepreneurs indépendants, et étant donné que la demanderesse, à titre de propriétaire du navire, n’est pas responsable du fait d’autrui pour les faits, négligences et fautes de son entrepreneur indépendant, les défendeurs ne pouvaient invoquer leur droit à la limitation de leur responsabilité aux termes de la Convention — Conformément à ses objectifs stratégiques, la Convention aide les propriétaires à négocier des tarifs d’assurance avantageux en établissant des montants de responsabilité prévisibles, fondés sur le montant de la limitation — Elle plafonne également le dédommagement des demandeurs, les incitant ainsi à accepter un règlement rapide hors cour — Il n’est pas clair que la politique sur la limitation prévoyait à l’origine d’étendre la limitation aux entrepreneurs indépendants, lesquels peuvent souscrire leurs propres assurances ou signer avec les propriétaires un contrat qui couvre les risques et toute responsabilité pouvant découler des biens ou des services qu’ils fournissent en lien avec un navire — En conséquence, l’art. 1(4) n’a pas pour but d’élargir aux entrepreneurs indépendants, tels que MMC, le droit à la limitation de responsabilité — En somme, les défendeurs, à titre d’entrepreneurs indépendants, ne sont pas des personnes dont les faits, négligences et fautes entraînent la responsabilité de la demanderesse, à titre de propriétaire de navire, en vertu de l’art. 1(4) de la Convention — Par conséquent, les défendeurs n’étaient pas en droit de limiter leur responsabilité en vertu de la Convention.
J.D. Irving, Limited c. Siemens Canada Limited (T-520-10, 2016 CF 287, juge Strickland, jugement en date du 7 mars 2016, 23 p.)