[2016] 2 R.C.F. F-8
Environnement
Contrôle judiciaire de deux décisions du ministre de l’Environnement et du ministre de la Santé (les intimés), concernant le saumon de l’Atlantique génétiquement modifié qui comporte une copie unique du transgène opAFP-GHc2 au niveau du locus EO-1a connu sous le nom de saumon AquAdvantage (SAA) — Les demandeurs sont des sociétés à but non lucratif enregistrées déterminées à servir l’intérêt public dans le domaine de la protection de l’environnement marin — L’autre intimée, AquaBounty Canada Inc., est une société de biotechnologie qui a mis au point le SAA et qui en possède les droits — Elle a présenté une demande en vertu de la partie 6 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33 (la LCPE ou la Loi) et proposait de produire commercialement des œufs stériles entièrement femelles de SAA à son installation de l’Î.-P.-É., et de les exporter chaque année vers une installation de grossissement et de traitement au Panama — Dans son avis relatif aux renseignements sur les substances nouvelles, AquaBounty Canada Inc. a inclus une demande de dérogation à l’exigence de soumettre les données des essais réalisés pour déterminer la pathogénicité, la toxicité ou le caractère envahissant du SAA — Le dépôt de l’avis a déclenché la période d’évaluation de 120 jours prévue à l’art. 108 de la LCPE — Le ministère des Pêches et des Océans (MPO) a fourni au ministre de l’Environnement l’évaluation du SAA, concluant que le SAA n’était pas toxique au sens de la LCPE ou susceptible de le devenir en vue du scénario d’utilisation précis indiqué dans l’avis d’AquaBounty — Le MPO ne s’est également pas opposé à la demande de dérogation d’AquaBounty recommandant une autre évaluation de toute utilisation du SAA au-delà de ce que proposait AquaBounty pour l’émission d’un avis de nouvelle activité (avis de NAc) — Le ministre de l’Environnement a accordé la dérogation qu’AquaBounty a demandée — Les intimés ont convenu que la fabrication et l’utilisation du SAA proposées par AquaBounty n’étaient pas toxiques au sens de la LCPE ou susceptibles de le devenir et que l’avis de NAc devait être émis, mais ils ne s’accordaient pas avec le MPO sur-le-champ d’application de l’avis — Le ministre de l’Environnement a publié l’avis de NAc dans la Gazette du Canada relativement au SAA, mais l’avis visait des utilisations du SAA plus étendues que ce qu’AquaBounty proposait — Les demandeurs ont soutenu que le ministre de l’Environnement avait omis de se conformer aux exigences de la LCPE lorsqu’il a publié l’avis de NAc dans la Gazette du Canada à l’égard du SAA et que les intimés ont fait défaut d’obtenir et d’évaluer les renseignements requis par la loi pour l’évaluation de la toxicité menée en vertu de l’art. 108 de la LCPE — Il s’agissait de savoir si la décision des intimés selon laquelle le SAA n’est pas toxique au sens de la LCPE était raisonnable et si la publication du ministre de l’Environnement de l’avis de NAc était raisonnable — Les intimés ont examiné les renseignements concernant les utilisations et les lieux d’introduction possibles du SAA — Ils se sont appuyés sur un rapport du MPO, y compris la recommandation du MPO pour une évaluation plus poussée — Le rapport du MPO indiquait que les intimés ont considéré d’autres utilisations et lieux d’introduction possibles du SAA et ont conclu qu’ils détenaient suffisamment d’information pour déterminer si certaines utilisations possibles pouvaient rendre le SAA toxique — Par conséquent, le ministre de l’Environnement a émis un avis de NAc permettant des utilisations possibles du SAA qui, de l’avis des intimés, n’entraîneraient pas de toxicité, tout en exigeant une évaluation supplémentaire pour d’autres utilisations — En ce qui concerne la validité de la dérogation du ministre de l’Environnement, le retard de six mois du ministre dans la publication de l’avis de dérogation n’était pas déraisonnable — Bien que la publication doive avoir lieu dans un délai raisonnable après l’octroi de la dérogation, il n’y a aucune obligation prévue par la Loi que les événements se produisent exactement au même moment ou tout près de l’un de l’autre — De plus, l’utilisation par le législateur du mot « is » à l’art. 106(9) de la version anglaise de la LCPE n’exige pas de conclure que la dérogation sera accordée uniquement une fois que l’avis a été publié — L’octroi et l’avis de dérogation sont traités par des dispositions distinctes de la LCPE, soit les art. 106(8) et 106(9) respectivement — Si le législateur avait eu l’intention que l’avis lui-même produise l’effet juridique d’accorder une dérogation à l’exigence d’information, il aurait pu formuler son intention dans une disposition simple et explicite liant l’avis à son effet juridique — En ce qui concerne le moment de la dérogation, l’art. 6d) du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles (organismes), DORS/2005-248 (le Règlement sur les RSN), indique que le délai dont disposent les ministres pour évaluer les renseignements concernant la toxicité est de 120 jours après la réception des renseignements visés à l’annexe 5 — Cette disposition ne traite pas de la façon dont une demande de dérogation, et le défaut correspondant de fournir tous les renseignements visés à l’annexe 5, influence l’écoulement de la période d’évaluation — Les ministres ont prétendu qu’en vertu de l’art. 6d) du Règlement sur les RSN, la période d’évaluation commence à courir lorsque les ministres ont reçu les renseignements visés à l’annexe 5 ou qu’ils ont reçu une demande de dérogation concernant des renseignements qu’ils n’ont pas reçus et que cette demande est finalement accordée — L’interprétation de cette disposition n’était pas déraisonnable et était de nature plus pratique et plus raisonnable que l’interprétation proposée par les demandeurs — Quant au droit à la participation du public, l’avis de dérogation n’offre pas la possibilité d’une participation du public dans l’évaluation de la toxicité de la manière dont les demandeurs le décrivaient — En ce qui a trait à l’avis de NAc, l’art. 106(10) de la LCPE limite l’utilisation du SAA par AquaBounty à l’installation de l’Î.-P.-É., étant donné qu’il précise que l’activité concernant l’organisme vivant ne peut se produire que dans le lieu mentionné dans la demande d’exemption — En l’espèce, il est clair que le lieu précisé dans la demande de dérogation d’AquaBounty est l’installation de l’Î.-P.-É. — L’avis de NAc délivré aux demandeurs n’est pas incompatible avec l’art. 106(10) de la LCPE — L’avis de NAc émis en vertu de l’art. 110(1) de la LCPE vise seulement l’utilisation et non la fabrication ou l’importation — L’art. 106(1) (fabrication ou importation) et l’art. 106(4) (utilisation) de la LCPE ont des objectifs différents — Par conséquent, même si l’avis de NAc délivré autorise l’utilisation dans une installation d’utilisation confinée (l’installation de l’Î.-P.-É. d’AquaBounty), toute personne qui souhaite fabriquer ou importer du SAA doit encore présenter un avis en vertu de l’art. 106(1) de la LCPE, y compris AquaBounty — AquaBounty est limitée par l’art. 106(10) à l’utilisation et la fabrication du SAA à l’installation de l’Î.-P.-É. étant donné qu’AquaBounty s’est vu accorder la dérogation — Par conséquent, il n’y avait aucune absurdité au fait que le ministre a délivré l’avis de NAc qui permettait un plus large éventail d’utilisations du SAA que ce qui était autorisé par l’art. 106(10) de la LCPE — La portée de l’avis de NAc n’est pas trop large ni déraisonnable en l’espèce — Il est clair que l’approche fonctionnelle du ministre de l’Environnement en ce qui concerne l’avis de NAc l’a amené à conclure que les mesures de confinement requises par l’avis de NAc du SAA fonctionnaient aussi bien indépendamment de la question de savoir si le grossissement du SAA visait la recherche, la reproduction ou le grossissement commercial — Demande rejetée.
Ecology Action Centre c. Canada (Environnement) (T-2114-13, 2015 CF 1412, juge Zinn, jugement en date du 22 décembre 2015, 33 p.)