ICN Pharmaceuticals, Inc. c. Canada ( Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés )
T-2541-95
juge Cullen
15-2-96
18 p.
Contrôle judiciaire de la décision du Conseil portant qu'il a compétence pour examiner si les prix demandés par les requérantes pour la ribavirine, sous la marque Virazole, sont excessifs-Le Conseil est chargé de veiller à ce que les prix demandés au Canada pour les médicaments brevetés ne soient pas excessifs-Sur la foi des renseignements obtenus des brevetés et ayant trait à l'identification des médicaments, au prix de vente, aux coûts de leur réalisation et de leur mise en marché, le Conseil a le pouvoir de déterminer si le prix demandé pour un médicament est excessif-Aux termes de l'art. 83(1) de la Loi sur les brevets, le Conseil peut ordonner à un breveté de baisser le prix de vente maximal d'un médicament à un niveau précisé lorsque, à son avis, ce médicament est vendu à un prix excessif-Suivant l'art. 79(2), «une invention est liée à un médicament si elle est destinée à des médicaments ou à la préparation ou la production de médicaments, ou susceptible d'être utilisée à de telles fins»-Le brevet '264 accordé à ICN Pharmaceuticals décrit le processus enzymatique entrant dans la préparation de la ribavirine, ingrédient actif du médicament vendu sous le nom de «Virazole»-Le brevet '265 accordé à Viratech Inc. est lié à diverses méthodes de traitement médical utilisant la ribavirine-Le Conseil a conclu que les deux brevets étaient liés au Virazole et qu'il avait compétence-Demande rejetée-En raison de son expertise, une certaine retenue judiciaire s'impose à l'égard du Conseil, mais quant à la question juridictionnelle de savoir si les brevets '264 et '265 sont destinés à des médicaments ou à la préparation ou la production de médicaments, ou susceptibles d'être utilisés à de telles fins, la norme de contrôle applicable est celle de la justesse-Le brevet '264 est susceptible d'être utilisé dans la préparation de médicaments, bien qu'on ne puisse s'en servir pour créer des quantités appréciables de ribavirine et que le breveté ne l'ait pas destiner à créer des quantités industrielles de ribavirine-Dans le contexte de la Loi sur les brevets, le mot «susceptible» ne signifie pas «commercialement faisable» ou «raisonnablement faisable»-Les art. 79 à 103 de la Loi sur les brevets, établissant le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, ont été édictés en réponse à l'abolition du régime des licences obligatoires-Le législateur visait à «réformer une situation», savoir empêcher que le monopole exercé par un breveté sur un produit pharmaceutique pendant la période d'exclusivité puisse entraîner une hausse inacceptable des prix-Il convient de donner au texte de ces articles une interprétation fondée sur l'objet visé, en reconnaissant la compétence du Conseil sur tous les brevets, qu'ils soient destinés à la préparation ou à la production de médicaments, ou susceptibles d'être utilisés à ces fins, et non seulement sur les brevets que le breveté dit utiliser ou dont il juge l'utilisation possible-Une telle interprétation restrictive ne concorde pas avec le cadre législatif, lequel ne confère au Conseil aucun pouvoir d'enquête sur la conduite du breveté ou l'utilisation réelle du brevet-Le breveté pourrait se soustraire à la compétence du Conseil simplement en affirmant ne pas utiliser le processus breveté parce que celui-ci n'est pas commercialement réalisable ou qu'il ne dispose pas de la matière première-Le brevet '264 relève de la compétence du Conseil-Le brevet '265 prévoit les utilisations de la ribavirine et du médicament ribavirine-Le mot «médicament» employé à l'art. 79(2) ne désigne pas seulement le médicament décrit dans la monographie de produit et à l'égard duquel un avis de conformité a été délivré-Le mot «médicament» employé à l'art. 79(2) doit recevoir la même interprétation que dans le cadre des dispositions antérieures établissant le régime des licences obligatoires-Les mots «destinée à des médicaments ou à la préparation ou la production de médicaments, ou susceptible d'être utilisée à de telles fins» englobent tous les médicaments, et non seulement ceux qui sont vendus en vertu d'un avis de conformité-Le Conseil a conclu à bon droit qu'il ne devait pas aller au-delà du texte même du brevet et en interpréter les revendications en vue de déterminer si elles correspondent à l'avis de conformité délivré à l'égard du Virazole-À sa face même, le brevet '265 est destiné à la préparation ou à la production d'un médicament-À elle seule, cette conclusion établit la compétence du Conseil-Subséquemment à l'audition et à la décision du Conseil, les requérantes ont déposé un acte de renonciation par laquelle elles renoncent expressément à toute revendication à toute invention relativement aux indications pour lesquelles la vente de Virazole est approuvée au Canada-Même si cette renonciation est valide, elle ne met pas fin à la compétence du Conseil parce que l'invention divulguée par le brevet '265 continue d'être liée à la ribavirine au sens de l'art. 79(2)-Le brevet divulguait des utilisations et il était destiné à la préparation ou à la production de médicaments, y compris de médicaments non offerts en vente en vertu d'un avis de conformité-La renonciation est invalide-Aux termes de l'art. 48(4), «[d]ans toute action pendante au moment oú elle est faite, aucune renonciation n'a d'effet, sauf à l'égard de la négligence ou du retard inexcusable à la faire»-Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 48(4), 79(2) (mod. par L.C. 1993, ch. 2, art. 7), 83(1) (mod., idem), 85 (édicté, idem).