Union Carbide Corp. c. Fednav Ltd.
T-2403-81
juge Nadon
20-5-97
96 p.
Action fondée sur l'inexécution d'un contrat de transport en vertu duquel la défenderesse avait convenu de transporter une cargaison en Extrême-Orient ou sur la responsabilité civile délictuelle-La défenderesse a prétendu n'être partie à aucun contrat de transport conclu par les demanderesses-Les demanderesses, à l'exception de Union Carbide Corporation, étaient les consignataires de cargaisons de résine synthétique transportées de Montréal à Bangkok et Manille à bord du navire Hudson Bay-Union Carbide était le chargeur-Les consignataires ont acheté leurs cargaisons respectives à Union Carbide selon les termes CAF de Bangkok et de Manille-Les factures commerciales de Union Carbide aux consignataires sont datées de janvier 1979-Union Carbide a pris possession de la cargaison, constituée de résine synthétique, à la livraison au port de Montréal-Le Hudson Bay a été désigné pour transporter la cargaison-Le Hudson Bay était la propriété de Bona Maritime et avait été affrété à temps par Federal Commerce aux termes d'une charte-partie comprenant les conditions de la formule New York Produce Exchange-La cargaison a été chargée par Federal Marine-Les connaissements ont été signés par Federal Commerce «avec l'autorisation du capitaine à titre de mandataire seulement»-Une partie de la cargaison était avariée à l'arrivée-Les demanderesses, à l'exception de Plasko Trading et Union Carbide, ont introduit une action à New York-Cette action a été rejetée pour cause de forum non conveniens à condition que la défenderesse n'invoque pas la forclusion comme moyen de défense au Canada-Une action a été introduite au Canada en 1981-Les questions litigieuses sont les suivantes: 1) Union Carbide a-t-elle qualité pour agir comme demanderesse?; 2) Federal Commerce est-elle responsable sur le plan contractuel ou sur le plan délictuel?; 3) si une responsabilité est reconnue, à combien s'élèvent les dommages-intérêts?-Action rejetée-1) Union Carbide n'a pas qualité pour agir comme demanderesse; elle était forclose lorsque l'action a été intentée-Comme Union Carbide a exécuté toutes ses obligations à titre de vendeur CAF, aucune question en litige ne découle des contrats de vente-Les marchandises ont été expédiées, transportées à destination et reçues par les consignataires visés-Comme une partie des marchandises est arrivée avariée, les consignataires ont présenté des réclamations à Federal Commerce et à leurs assureurs-Les consignataires ont été dûment indemnisés par leurs assureurs conformément aux conditions des polices d'assurance souscrites par Union Carbide à l'égard des marchandises expédiées-Le vendeur CAF supporte tous les risques de perte jusqu'à ce que les marchandises soient chargées à bord du navire-À partir de ce moment, les risques sont transférés à l'acheteur-Les risques de perte de la cargaison appartenaient aux consignataires dès que les marchandises ont été chargées à bord du Hudson Bay à Montréal-Comme les marchandises ont été chargées à bord du Hudson Bay en bon état, à l'exception des fuites, les avaries causées à la cargaison sont survenues quand les consignataires supportaient les risques de perte-Bien qu'au départ, les consignataires n'aient pas été parties aux contrats constatés par les connaissements, l'art. 2 de la Loi sur les connaissements dispose que les consignataires sont saisis des mêmes droits d'action à l'égard des marchandises visées par les connaissements-Étant donné que les consignataires supportaient les risques au moment de la perte et des avaries et qu'ils sont saisis des droits d'action sur le plan contractuel, Union Carbide n'avait pas qualité pour agir comme demanderesse-Union Carbide n'était pas une demanderesse dans les actions de New York-Seules les demanderesses dans l'action canadienne qui étaient aussi des demanderesses dans les actions de New York pouvaient intenter une action au Canada-Union Carbide était forclose au moment de l'introduction de l'action en avril 1981-Aux termes des U.S. Federal Rules of Procedure, la «véritable partie intéressée» doit intenter l'action en son nom-Les consignataires qui ont acheté leur cargaison selon les termes CAF ne peuvent pas intenter une action au nom de leur chargeur-Union Carbide n'était pas une demanderesse dans les actions de New York et l'interdiction d'invoquer la forclusion comme moyen de défense ne la visait pas-Comme Union Carbide a déposé sa déclaration le 7 avril 1981, elle était forclose d'intenter une action deux ans après la livraison de la cargaison à Bangkok et à Manille-Aucune renonciation n'était comprise dans l'ordonnance de rejet rendue par la Cour de New York ou dans le paragraphe de la déclaration dans lequel la défenderesse affirme qu'elle n'entendait pas soulever la question de la forclusion en l'espèce-Aucun élément de preuve ne montre que Union Carbide a renoncé à l'un de ses droits puisqu'il ressort de la preuve et de l'interprétation rigoureuse des contrats de vente que Union Carbide n'avait aucun intérêt en common law dans les marchandises avariées-Il n'existe aucun élément de preuve montrant que Union Carbide a autorisé l'introduction d'une action en son nom à New York-Les demanderesses ont allégué que Union Carbide pouvait réclamer des dommages-intérêts en tant que fiduciaire des demanderesses qui n'ont pas prouvé leur perte-D'après l'affaire Dunlop v. Lambert (1939), 7 E.R. 824 (Ct. Sess.), un chargeur peut réclamer à un transporteur avec lequel il a conclu un contrat des dommages-intérêts substantiels en tant que fiduciaire du propriétaire véritable, même si le chargeur n'a subi aucune perte-La règle énoncée dans cette affaire ne s'applique que lorsqu'aucun connaissement n'est délivré et que la personne qui a subi une perte n'a aucun autre recours-Comme les réclamations dont la preuve est source d'ennuis sont visées par la Loi sur les connaissements, la règle énoncée dans l'affaire Dunlop v. Lambert ne peut être invoquée par une partie demanderesse qui a un recours, mais qui refuse ou est incapable de recueillir une preuve régulière à l'appui de sa réclamation-2) Le connaissement dispose que le contrat constaté par le connaissement est conclu entre le «commerçant» et le propriétaire du navire y nommés-À moins que l'affréteur à temps ne s'engage clairement à transporter les marchandises du chargeur, le propriétaire du navire est le transporteur-Federal Commerce ne s'est pas engagée à transporter les marchandises à Bangkok et à Manille dans l'engagement de fret et les connaissements-Conformément à la charte-partie à temps, Federal Commerce était tenue de charger et d'arrimer la cargaison-Une fois la cargaison chargée, Federal Commerce a délivré les connaissements, avec l'autorisation du capitaine du Hudson Bay, en sa qualité de mandataire seulement-L'engagement de fret stipulait que la formule de connaissement standard de Federal Commerce serait utilisée et que toutes les conditions et exceptions de celle-ci feraient partie de l'engagement de fret-Une clause du connaissement (la clause de dévolution) stipulait que le contrat constaté par le connaissement était conclu entre le propriétaire de la cargaison et le propriétaire du navire à bord duquel les marchandises seraient transportées-Cette clause stipulait en outre que le propriétaire du navire était la seule partie responsable de la perte de la cargaison et des avaries causées à celle-ci, ou de l'inexécution de l'une des obligations du contrat de transport-Cette clause stipulait enfin que la société ou le mandataire qui délivre le connaissement au nom du capitaine du navire n'était pas un mandant et que cette société ou ce mandataire ne saurait engager sa responsabilité en vertu du contrat de transport à titre de transporteur ou de dépositaire des marchandises-Un connaissement constitue un contrat qui lie les propriétaires du navire et non les affréteurs à temps, à moins que l'affréteur ne se soit engagé à transporter la cargaison-Si l'affréteur est responsable en vertu du contrat de transport, le propriétaire du navire ne l'est pas-Lorsque l'affréteur signe un connaissement au nom du capitaine, avec l'autorisation de ce dernier, le propriétaire du navire est lié par la délivrance du connaissement, alors que l'affréteur ne l'est pas-Lorsque l'affréteur délivre et signe le connaissement en son propre nom, il est lié par ce connaissement-Le «transporteur» au sens des Règles de La Haye comprend le propriétaire du navire ou l'affréteur-Le transporteur est le propriétaire du navire ou l'affréteur, mais pas les deux-La charte-partie stipulait en outre que les propriétaires du Hudson Bay étaient tenus de payer l'assurance et répondaient de la navigabilité du navire, du fait des pilotes et des remorqueurs, de l'équipage et de toute autre chose, de la même manière que s'ils exploitaient le navire en leur nom personnel-L'expression «toute autre chose» pouvait inclure, parmi les choses pour lesquelles le propriétaire, plutôt que l'affréteur, demeurait tenu, les demandes d'indemnité pour avarie de marchandises-Le contrat de transport a été conclu avec les affréteurs-Les connaissements sont des connaissements du propriétaire du navire-Ces connaissements stipulaient clairement que les contrats y constatés étaient conclus avec les propriétaires du navire à bord duquel les marchandises ont été chargées-Ce sont ces connaissements que Union Carbide a remis à ses clients conformément à ses obligations contractuelles-Federal Commerce n'était pas partie aux contrats constatés par les connaissements et n'était pas le «transporteur» au sens des Règles de La Haye-Le «transporteur» était Bona Maritime-Bona Maritime était liée par les contrats constatés par les connaissements-Federal Commerce n'était responsable ni sur le plan contractuel ni sur le plan délictuel-Union Carbide et l'expert des demanderesses connaissaient l'existence d'une restriction quant à la hauteur d'empilage des palettes-Union Carbide n'a pas transmis ces renseignements à Federal Commerce au moment de signer l'engagement de fret même s'il s'agissait de renseignements pertinents en ce qui concerne le type de navire désigné pour transporter la cargaison et pour déterminer l'emplacement de la cargaison dans les cales-Par conséquent, quand Federal Commerce a préparé son plan d'arrimage, elle ne connaissait pas la restriction relative à la hauteur, et ne pouvait pas la connaître, parce qu'il n'était pas évident que l'arrimage proposé ne présentait pas la sécurité nécessaire-La preuve ne permettait pas de déterminer si les pertes ont été causées par un empaquetage insuffisant ou par un arrimage inadéquat-3) Les documents préparés pour faire une demande d'indemnité en vertu d'une police d'assurance n'étaient pas admissibles pour prouver le montant des dommages-intérêts-La production de preuves matérielles relatives à la valeur marchande saine à destination et à la valeur marchande avariée à destination permet d'établir le montant des avaries causées à la cargaison, mais un témoignage est nécessaire pour établir les pertes réellement subies-La règle de la valeur marchande saine à destination moins la valeur marchande avariée à destination ne libère pas le consignataire de son obligation de minimiser sa perte-Les demanderesses doivent donc témoigner sur la part des dommages qui s'est réellement soldée par une perte-Les seuls témoignages qui existent relativement aux pertes subies sont ceux des experts engagés par les assureurs pour évaluer les pertes indemnisables en vertu des polices-Ces témoignages constituent, dans une grande mesure, une preuve par ouï-dire, ce qui n'est pas pertinent-Les demanderesses Glee Chemical Laboratories Inc., Jemiken Enterprises Corp., Producers Packaging Corp., Lafumar Marketing Corp. et Sri Thep Thai Ltd. n'ont pas produit suffisamment d'éléments de preuve pour permettre de quantifier leur perte-Les demanderesses qui ont produit suffisamment d'éléments de preuve devraient être indemnisées selon la formule suivante: prix de la facture CAF + 10 % taxe de vente + 30 % droits + 10 % bénéfice, c.-à-d. 157 % du prix CAF-Le transporteur n'est pas tenu des pertes ou des avaries qui surviennent après le déchargement-Dans la mesure oú il s'agit d'une action en responsabilité délictuelle, les demanderesses doivent prouver un lien de causalité directe entre les avaries survenues après le déchargement et la négligence de la défenderesse-Si la Cour avait conclu à la responsabilité délictuelle de la défenderesse, elle aurait permis à Union Carbide de recouvrer sa perte résultant d'un déficit de 107 101 kilogrammes-Quant aux consignataires de Manille, les avaries remarquées au moment du déchargement, et constatées dans les certificats délivrés par l'entreprise de manutention, constituent une preuve prima facie des avaries causées à la cargaison lorsqu'elle était sous les soins et la garde du navire-Il n'existe aucune preuve en ce qui concerne la suite des événements entre le déchargement de la cargaison et le moment oú elle a été enlevée du port-Vu l'état de la cargaison au déchargement, de plus amples avaries étaient inévitables-La Cour aurait accordé aux demanderesses qui ont prouvé qu'elles ont subi une perte des dommages-intérêts pour les avaries constatées dans les certificats délivrés par l'entreprise de manutention, plus 50 % de la différence entre ces avaries et celles qui ont été constatées dans les entrepôts des consignataires-Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement et Protocole de signature, Bruxelles, 25 août 1924 (Règles de La Haye).