Bayer Inc. c. Canada ( Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social )
T-1596-95
juge Lutfy
20-7-98
27 p.
Requête présentée en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) en vue d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à l'intimée Apotex pour le médicament appelé chlorhydrate de ciprofloxacine (cipro) jusqu'à l'expiration du brevet canadien n° 1,322,334 (334)-Requête présentée en réponse à l'avis d'allégation envoyé en 1995 dans lequel Apotex allégue l'invalidité du brevet 334 au motif qu'il ne révèle pas une invention différente de celle qui est revendiquée dans le brevet 1,218,067 (067)-Bayer qualifie le troisième avis d'allégation d'abus de procédure en raison de l'ordonnance d'interdiction visant le brevet 334, qui est maintenant une décision finale, et de l'absence de progrès importants dans le cadre de l'appel de l'ordonnance d'interdiction visant le brevet 067-Bayer soutient aussi que la décision éventuelle relative aux demandes d'ordonnance d'interdiction visant les quatrième et cinquième avis d'allégation ainsi que la déclaration rendent l'instance théorique, ce qui constitue un gaspillage d'énergie pour toutes les parties en cause-La présentation de plus d'un avis d'allégation devant la Cour, à condition que ceux-ci soient distincts les uns des autres, ne peut être considérée comme un abus de procédure-En se fondant sur l'arrêt de la C.A.F. Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 76 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.), on ne pourrait sérieusement invoquer l'abus de procédure au moment de l'envoi de cet avis d'allégation-Aucun élément de preuve n'a été présenté dans le cadre de l'instance au sujet des questions de fond soulevées dans les demandes visant les quatrième et cinquième avis d'allégation ainsi que la déclaration-Un examen rapide de ces avis et de la déclaration de Bayer, sans autre élément de preuve, ne permet pas d'affirmer sérieusement que la présente instance est théorique-L'affirmation du caractère théorique n'est pas une preuve d'abus de procédure-Le caractère théorique est une chose, l'abus de procédure en est une autre-Si les instances qui concernent les troisième, quatrième et cinquième avis d'allégation étaient liées au point de rendre la présente instance théorique, l'une ou l'autre des parties aurait pu, par souci d'efficacité ou pour d'autres raisons, donner suite à la suggestion formulée par le juge Strayer dans Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 60 C.P.R. (3d) 129 (C.A.F.) portant que grâce à la bonne volonté et au bon sens des parties, le juge de première instance pourrait, le cas échéant, ordonner dans ce genre d'affaire que la preuve et les arguments invoqués de part et d'autre soient examinés dans la même instance en interdiction ou simultanément-Sur la question principale, Bayer n'a pas prouvé que l'allégation d'Apotex relative à l'invalidité du brevet 334 est injustifiée-En conséquence, la demande en vue d'obtenir une ordonnance d'interdiction est rejetée-Bayer s'est fondée sur la présomption légale de validité prévue à l'art. 43 de la Loi sur les brevets-D'après la preuve, les deux brevets concernent le même composé, soit la cipro-La première revendication du brevet 334 vise une composition comprenant comme principe actif une quantité de cipro efficace pharmaceutiquement avec un diluant ou un support acceptable en pharmacie-Bayer a reconnu l'absence d'activité inventive ressortant du brevet 334, à l'exception du composé lui-même-Application de Commissaire des brevets v. Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning, [1964] R.C.S. 49 oú la C.S.C. a statué que l'ajout d'un véhicule inerte à un composé original n'était rien d'autre que de la dilution et qu'il n'en résultait pas une invention différente du composé lui-même-Dans Shell Oil Co. c. Commissaire des brevets, [1982] 2 R.C.S. 536, la C.S.C. a réitéré le principe qu'en l'absence d'activité inventive autre que celle qui ressort du brevet original, une composition ne constitue pas une invention-Par conséquent, pour qu'un brevet distinct soit délivré à l'égard de la composition, indépendamment de savoir si le composé est un médicament ou indépendamment de l'application ou non de l'art. 41, il doit y avoir une activité inventive autre que celle qui se rattache au composé lui-même-Les art. 58 à 60 des Règles sur les brevets couramment appliqués par le Bureau des brevets pour exiger des requérants qu'ils déposent des demandes complémentaires à l'égard de différentes réalisations en l'absence d'unité d'invention, ne peuvent servir à prolonger les droits de monopole conférés à un breveté, ce qui créerait une grave anomalie dans la Loi-La Loi sur les brevets, telle qu'interprétée par la jurisprudence, doit l'emporter sur une pratique administrative-En conclusion, la preuve, évaluée à la lumière de Farbwerke Hoescht, suffit à réfuter la présomption de validité de l'art. 43, du moins pour les fins de la présente instance sommaire-Loi sur les brevets, L.R.C. (1970), ch. P-4, art. 41, 43-Règles sur les brevets, C.R.C., ch. 1250, art. 58, 59, 60-Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133.