[2018] 4 R.C.F. F-9
Citoyenneté et Immigration
Exclusion et renvoi
Contrôles judiciaires d’un examen des risques avant renvoi (ERAR) défavorable effectué par un agent d’immigration principal (agent responsable de l’ERAR) aux termes de l’art. 112(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), et d’un refus effectué par un agent d’exécution de la loi au Canada (agent d’exécution de la loi) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) d’accueillir la demande de la demanderesse, aux termes de l’art. 238(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (RIPR) de retourner volontairement à Antigua-et-Barbuda — La demanderesse, une citoyenne d’Antigua, détenait également un passeport de la Chine; elle a demandé l’asile parce qu’elle craignait d’être renvoyée en Chine en raison d’allégations de fraude faites contre elle en Chine sur le fondement de la recommandation du procureur chinois de poursuivre la demanderesse — L’ASFC a demandé le renvoi de la demanderesse du Canada en raison d’une mesure de renvoi prise à son encontre — La demanderesse a acheté un billet d’avion pour retourner à Antigua — L’ASFC a rejeté la demande de la demanderesse de lui renvoyer son passeport et de l’autoriser à voyager, citant les art. 238(2)b) et c) du RIPR — Elle a décidé de renvoyer la demanderesse en Chine — L’agent responsable de l’ERAR a conclu notamment que les éléments de preuve étaient insuffisants pour établir que la demanderesse pourrait être la victime d’un verdict rendu à l’avance par un appareil judiciaire corrompu en Chine; que la demanderesse ne serait pas exposée à plus qu’une simple possibilité de persécution et qu’il était fort probable qu’elle ne serait pas exposée à un risque de torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle retournait en Chine — Il s’agissait principalement de savoir si les décisions de l’agent responsable de l’ERAR et de l’agent d’exécution de la loi étaient raisonnables — La décision d’ERAR n’était pas raisonnable — Les éléments de preuve au dossier ne montraient pas clairement si la demanderesse a été accusée individuellement ou si elle faisait simplement l’objet d’une enquête — L’agent responsable de l’ERAR n’a pas relevé cette incohérence alléguée — Il était difficile de voir comment l’agent responsable de l’ERAR a conclu que les cours en Chine sont habituellement soucieuses de saisir une autorité judiciaire compétente indépendante, conformément aux procédures judiciaires établies — L’agent responsable de l’ERAR n’a pas tenu compte de la situation particulière de la demanderesse en tant qu’actionnaire et directrice des entreprises impliquées dans la fraude alléguée — Il était déraisonnable pour l’agent responsable de l’ERAR de conclure que la détention d’un autre intéressé accusé dans le même dossier ne s’était pas poursuivie indéfiniment et, par conséquent, que la demanderesse ne subirait pas une période de détention indéterminée similaire pendant que l’enquête était menée — Il n’existait pas de fondement à la conclusion de l’agent responsable de l’ERAR selon laquelle la force des procédures engagées par le procureur invalidait le risque de torture — La décision de renvoi volontaire a été jugée inéquitable sur le plan de la procédure; il a été conclu qu’elle n’était pas raisonnable, car elle manquait de justification, de transparence et d’intelligibilité — Le RIPR ne prévoit pas des exigences d’équité procédurale précises pour des décisions relatives à des demandes de renvoi volontaires — Le contenu du devoir d’équité est fondé sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 — Certains de ces facteurs semblent indiquer un haut degré d’équité procédurale tandis que d’autres proposent des protections à une partie inférieure de l’échelle — Globalement, la demanderesse devait bénéficier au moins du droit de connaître la preuve contre elle et de la possibilité de la réfuter — La demanderesse n’a pas bénéficié de ces protections — Outre la recommandation de poursuite des autorités chinoises, la demanderesse ne connaissait pas les arguments auxquels elle devait répondre étant donné que l’ASFC n’a pas divulgué d’information à ce sujet — Elle a donc été privée d’une possibilité de répondre à ces arguments — L’on s’attendrait à ce que l’ASFC fournisse au moins à la demanderesse un résumé ou décrive les éléments de preuve mis à la disposition de l’agent d’exécution et examinés par ce dernier — L’agent d’exécution n’a pas répondu à la demande de divulgation de documents de la demanderesse — Le refus de l’agent d’exécution était fondé sur l’art. 238(2)c) du RIPR, selon lequel la demanderesse cherchait à échapper à des contraintes juridiques en Chine — Pour tirer la conclusion selon laquelle l’art. 238(2)c) s’appliquait dans la présente affaire, un fondement probatoire était nécessaire — Une question portant sur l’équité procédurale a été certifiée — Demandes accueillies.
Yang c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté) (IMM-4026-17, IMM-4079-17, 2018 CF 496, juge Strickland, jugement en date du 9 mai 2018, 38 p.)