[2019] 1 R.C.F. F-2
Citoyenneté et Immigration
Exclusion et renvoi
Personnes interdites de territoire
Détention et mise en liberté
Requête en vue d’obtenir une injonction interlocutoire mandatoire ordonnant la mise en liberté immédiate de la demanderesse et de ses enfants en attendant que la Cour rende une décision au sujet de la demande de contrôle judiciaire présentée à l’encontre de la décision rendue par la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission), prolongeant la détention de la demanderesse et de ses enfants pendant encore 30 jours en application de l’art. 58 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi) — Les demandeurs étaient à bord d’un avion lorsque la politique à l’égard des citoyens roumains désirant se rendre au Canada a été modifiée et la nouvelle politique est entrée en vigueur — Cette nouvelle politique prévoit que les voyageurs qui ne possèdent pas un passeport biométrique doivent se procurer un visa — Une mesure de renvoi a été prononcée à l’endroit des demandeurs — La demanderesse a refusé de partir et a été arrêtée — La Commission a jugé lors de l’examen des motifs de détention que la demanderesse présentait un risque élevé de fuite — Il s’agissait de savoir quel est le critère approprié à remplir pour obtenir une injonction interlocutoire mandatoire ordonnant la mise en liberté d’une personne détenue en application de la Loi; et si la demanderesse a satisfait aux exigences pour obtenir une injonction interlocutoire mandatoire ordonnant sa mise en liberté — Pour obtenir une injonction interlocutoire, la demanderesse devait établir qu’il existait une question sérieuse à juger, qu’elle subirait un préjudice irréparable si l’injonction demandée n’était pas accordée et que la prépondérance des inconvénients jouait en sa faveur — Les injonctions interlocutoires mandatoires sont toutefois considérées comme des exceptions en ce qui concerne le critère relatif à la question sérieuse à juger — La demanderesse devait satisfaire à un seuil élevé allant au-delà de la démonstration que la demande n’était ni futile ni vexatoire — La Cour suprême du Canada a précisé dans l’affaire R. c. Société Radio-Canada, 2018 CSC 5, [2018] 1 R.C.S. 196 (SRC), que le respect du premier critère aux fins de la délivrance d’une injonction mandatoire implique qu’il faut démontrer une forte chance que le demandeur réussira ultimement à prouver les allégations énoncées dans l’acte introductif d’instance — En dépit de l’arrêt SRC, la Cour était d’avis dans la présente affaire qu’il fallait faire une exception à l’égard de l’arrêt SRC dans les cas où le critère de la question sérieuse à juger était appliqué à l’égard d’une demande d’injonction interlocutoire mandatoire visant la mise en liberté d’une personne détenue en application de la Loi — La demanderesse avait uniquement à établir une preuve prima facie ou à établir qu’il était vraisemblable ou probable que sa demande sous-jacente soit accueillie — La nécessité d’établir l’existence d’une forte chance de succès constitue un critère hautement démesuré sur le plan des normes juridiques auxquelles chaque partie est tenue, et crée un sentiment d’iniquité pour le demandeur immigrant qui est en détention — La demanderesse a établi que la décision de la Commission de la maintenir en détention serait vraisemblablement annulée dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire — La procédure qui s’est déroulée devant la Commission et qui a mené au maintien de la demanderesse en détention était assez superficielle — La Commission ne s’est pas montrée réceptive et sensible à l’intérêt supérieur des enfants (ISE) et a omis de tenir compte de la valeur probante des réponses que la demanderesse a fournies et d’autres facteurs — La Commission a vraisemblablement commis une erreur susceptible de révision en ne tenant pas compte adéquatement de l’ISE comme étant un facteur jouant en faveur de la libération conditionnelle de la demanderesse — Les décideurs sont tenus de prendre en compte la capacité du demandeur de fuir — La demanderesse a par ailleurs démontré qu’elle entendait se conformer aux directives des agents de l’immigration — Il existait dans la présente affaire des éléments de preuve clairs et convaincants que la demanderesse et ses enfants subiraient un préjudice irréparable s’ils étaient maintenus en détention — La prépondérance des inconvénients jouait en faveur de leur remise en liberté — Requête accueillie.
Calin c. Canada (Sécurité publique et Protection civile) (IMM-3002-18, 2018 CF 731, juge Annis, motifs du jugement modifiés en date du 30 juillet 2018, 28 p.)