Droits de la personne
Contrôle judiciaire de la décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) par laquelle la CCDP a décidé de ne pas statuer sur la plainte du demandeur au motif que celle-ci ne relevait pas de sa compétence — Le demandeur est un citoyen canadien né en Russie qui vit à Toronto, en Ontario; la défenderesse, une entreprise dont le siège social se situe à Burnaby, en Colombie-Britannique, est un détaillant de produits et services appartenant principalement au secteur de l’électronique grand public, qui se décrit comme un « cybercommerçant » — Le demandeur s’est rendu dans un magasin de la défenderesse à Toronto, et a demandé des renseignements à propos de l’achat d’un article électronique, mais cet article n’était pas couvert par une garantie du fabricant; le demandeur a donc demandé un rabais à la défenderesse — Après avoir communiqué avec le service à la clientèle de la défenderesse, qui se situe au siège social de l’entreprise, à Burnaby, le demandeur a été informé qu’aucun autre rabais ne serait offert — Le demandeur a communiqué une fois de plus avec le service à la clientèle pour exprimer des préoccupations à l’égard de la décision, notamment en formulant des allégations de discrimination, mais la défenderesse a maintenu sa décision — Le demandeur a déposé une plainte auprès du Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique (le BCHRT), qui a avisé le demandeur qu’il n’acceptait pas le dépôt de la plainte, concluant que les événements décrits par le demandeur n’avaient aucun lien avec des caractéristiques personnelles protégées; que, par le passé, il avait établi que le commerce électronique constituait une activité assimilable aux télécommunications, de sorte que la plainte relevait de la compétence fédérale, et que, même si l’affaire ne relevait pas de la compétence fédérale, elle ne relèverait pas du BCHRT si la vente ou la communication avait eu lieu en Ontario — Le BCHRT a déclaré que, puisque les allégations du demandeur n’établissaient pas que l’événement en question s’était produit en Colombie-Britannique, il n’avait pas compétence à l’égard des allégations — Le demandeur a ensuite déposé une plainte auprès de la CCDP — La CCDP a expliqué qu’elle ne pouvait pas statuer sur une plainte si la défenderesse ne relevait pas de la compétence fédérale — Elle a conclu que la défenderesse, en tant qu’exploitant de magasins de détail, relève de la propriété et des droits civils au titre de l’art. 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 et que ses activités relèvent entièrement de la compétence provinciale et ne font pas partie intégrante des activités ou du fonctionnement d’une entreprise fédérale — Il s’agissait de savoir si la CCDP a eu raison de conclure qu’elle n’avait pas compétence à l’égard de la défenderesse en ce qui concerne la plainte du demandeur en matière de droits de la personne — La CCDP a refusé de statuer sur la plainte du demandeur en application de l’art. 41(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 — La CCDP a eu raison de se concentrer sur les activités courantes de la défenderesse pour évaluer si l’entreprise relève ou non de la compétence fédérale; le fait que la CCDP ait omis de souligner que l’art. 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 comprend les mots « dans la province » ne donnait pas à penser qu’elle a mal compris la portée de ce chef de compétence provinciale — En outre, le pouvoir fédéral de réglementer le trafic et le commerce n’était pas incompatible avec la compétence provinciale en matière de contrat privé entre les parties — La décision a montré que la CCDP s’est penchée sur la question de savoir si la nature des activités courantes de la défenderesse est telle qu’elle peut être considérée comme une entreprise, un service ou une affaire de compétence fédérale; elle a conclu que chaque vente entre la défenderesse et ses clients constitue un contrat privé, de sorte qu’elle relève de la compétence provinciale — La CCDP a également examiné l’effet des ventes en ligne et a conclu que cela ne modifierait pas l’analyse de la compétence — L’incidence de l’aspect lié au « commerce électronique » des activités de la défenderesse a été examinée — Les activités de la défenderesse se font en partie en magasin — Le fait que la défenderesse utilise son site Web comme outil de vente ou, en l’espèce, qu’elle ait utilisé le courriel comme outil de communication ne pouvait être déterminant quant à la question de la compétence — Les communications entre le client et la défenderesse peuvent s’effectuer d’une province à l’autre, mais l’effet de la transaction qui en résulte est que la défenderesse fournit au client un produit à un endroit particulier dans une province donnée — Le fait que le produit puisse provenir d’une autre province est accessoire à la transaction entre la défenderesse et le client — Par conséquent, la CCDP n’a pas commis d’erreur dans son analyse constitutionnelle ayant mené à la conclusion que la défenderesse ne relève pas de la compétence fédérale et que la plainte déposée par le demandeur en matière de droits de la personne ne relève pas de la compétence de la CCDP — L’argument du demandeur selon lequel la conclusion tirée par le BCHRT sur la question de la compétence et le fait que la défenderesse n’a pas contesté cette conclusion devant le BCHRT donnent lieu à l’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée a été rejeté — Il était évident que les conditions préalables à l’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne s’appliquaient pas en l’espèce — La décision du BCHRT en question ne pouvait être considérée comme ayant tranché la question de savoir si la CCDP a compétence pour statuer sur la plainte du demandeur — En conclusion, la CCDP a eu raison de conclure qu’elle n’avait pas compétence pour statuer sur la plainte du demandeur en matière de droits de la personne — Demande rejetée.
Papouchine c. Best Buy Canada (T-1857-17, 2018 CF 1236, juge Southcott, jugement en date du 10 décembre 2018, 15 p.)