Libération conditionnelle
Libération d’office — Contrôle judiciaire par lequel le demandeur sollicitait un jugement déclaratoire concernant une procédure et des politiques de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (la Commission) — La procédure suivie par la Commission pour appliquer l’art. 163(3) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620 (le Règlement) consiste à examiner les dossiers dans l’ordre dans lequel le Service correctionnel du Canada (le SCC) les lui renvoie en application de l’art. 135(3)b) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, ch. 20, (la Loi) — Le demandeur a soutenu que la procédure suivie par la Commission pour fixer les dates d’audience a porté atteinte aux droits qui lui sont garantis par l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés — Il a affirmé que, comme la date de son audience devant la Commission n’a pas été fixée à une date antérieure à la date recalculée de sa libération d’office, soit le 15 septembre 2017, il a été détenu pendant 27 jours de plus que ce qui aurait dû être le cas — La libération d’office du demandeur a été suspendue à la suite d’une altercation — La nouvelle date de libération d’office a été fixée au 15 septembre 2017 — Le demandeur a consenti à la fixation d’une nouvelle date de libération d’office — Son audience devant la Commission a par la suite été fixée au 12 octobre 2017 — La Commission a suivi la recommandation du SCC et décidé d’annuler la suspension de la libération d’office du demandeur et de lui adresser une réprimande — Elle a conclu que le demandeur ne présenterait pas de risque inacceptable pour la société s’il était libéré d’office — Il s’agissait de savoir si les droits garantis au demandeur par l’art. 7 de la Charte ont été enfreints en raison de l’interprétation qu’a adoptée la Commission en décidant de traiter les dossiers qui lui sont renvoyés par le SCC dans l’ordre dans lequel elle les reçoit plutôt qu’en fonction de la date de la libération d’office — Le demandeur n’a pas réussi à établir l’existence d’un lien suffisant entre, d’une part, le délai obligatoire de 90 jours prévu à l’art. 163(3) du Règlement, qui s’est concrétisé par la procédure suivie par la Commission pour fixer les dates d’audience et, d’autre part, le fait qu’il n’a pas été libéré d’office le 15 septembre 2017 — L’art. 7 de la Charte énonce trois grands principes de justice fondamentale qui interdisent l’arbitraire, la portée excessive et la disproportion exagérée — L’analyse dans la présente affaire a porté uniquement sur le principe de l’arbitraire, étant donné que le demandeur n’a pas formulé d’observations sur les deux autres principes — Pour qu’une disposition soit arbitraire, il doit exister un lien direct entre son objet et les faits allégués par l’intéressé — La nature du lien de causalité entre la mesure prise par le gouvernement et le préjudice subi par le demandeur doit constituer un « lien de causalité suffisant » — Le lien doit être réel et non spéculatif — Le maintien en détention du demandeur n’était pas arbitraire — Le maintien en détention visait expressément une catégorie restreinte de délinquants, en l’occurrence ceux qui ont été libérés d’office et dont la mise en liberté a été suspendue — La Commission a examiné et jugé le dossier dans le délai de 90 jours prévu à l’art. 163(3) du Règlement — Le SCC et la Commission ont respecté le processus prévu par la loi — La détention du demandeur n’a pas été « prolongée indûment » — Le demandeur a été libéré avant la date d’expiration de son mandat, soit la date à laquelle il a officiellement fini de purger sa peine — Le calcul que le SCC a fait le 15 septembre 2017 pour réviser la date de la libération d’office du demandeur a été fait en vertu de l’art. 127(5)a) de la Loi — Ce calcul ne valait qu’en cas de révocation de la libération d’office du demandeur — Comme la Commission n’a pas révoqué la libération d’office du demandeur, la date n’était rien de plus qu’une hypothèse formulée au sujet de ce qui aurait pu se produire — La Commission a, selon les art. 107(1)b) et c) de la Loi, toute compétence et latitude pour 1) mettre fin à la libération d’office ou la révoquer; et 2) annuler la suspension, la cessation ou la révocation de la libération d’office — Le SCC ne pouvait pas obliger la Commission à prendre une décision déterminée — La Commission n’était pas liée par la présumée acceptation, par le demandeur, de la recommandation du SCC — Elle n’a pas agi arbitrairement en fixant la date d’audience du demandeur — Comme le demandeur ne bénéficiait pas d’une libération d’office, son incarcération était légale — La décision de la Commission de fixer la date de l’audience du demandeur dans le délai de deux jours qui lui a été accordé le 13 septembre 2017 n’a pas eu pour effet de priver de nouveau ou davantage le demandeur de son droit à la liberté — La procédure suivie pour fixer les dates d’audience ne s’est pas soldée par une incarcération du demandeur pour une période plus longue que celle de sa peine initiale — Le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer que la procédure suivie par la Commission pour fixer les dates d’audience était arbitraire au sens de la Charte — Demande rejetée.
Harris c. Canada (Procureur général) (T-1695-17, 2019 CF 1193, juge Elliott, motifs du jugement en date du 20 septembre 2019, 27 p.)