Preuve
Requête présentée conjointement par les défendeurs en vue d’obtenir une ordonnance interdisant la publication de la preuve et des observations qui seront présentées pendant la partie publique de l’instruction de la demande fondée sur l’art. 38 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C‑5, et interdisant l’accès du public aux documents que le Service des poursuites pénales du Canada (le SPPC) entend déposer dans le cadre de l’audience publique — Le défendeur Cameron Jay Otis a été arrêté et accusé en relation avec le comportement qu’il aurait eu lorsqu’il était directeur général du Centre national de coordination du renseignement de la GRC — Une interdiction de publication a été ordonnée en application de l’art. 517(1) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46 — Le ministère public a décidé de présenter un acte d’accusation — Il était prévu que l’instruction de la demande fondée sur l’art. 38 en l’espèce se déroule d’abord par la voie d’une audience publique au cours de laquelle le SPPC présenterait des observations sur l’application du critère de l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ribic, 2003 CAF 246, [2005] 1 R.C.F. 33, puis par la voie d’audiences à huis clos — La requête en l’espèce concernait uniquement l’audience publique — Les parties requérantes ont accepté que le public doive être autorisé à assister à l’audience publique à titre d’observateur, mais elles ont sollicité une interdiction temporaire sur la publication des observations faites par le SPPC ainsi que des renseignements ou éléments de preuve présentés au cours de cette audience — Elles ont sollicité également une ordonnance interdisant l’accès du public aux documents déposés par le SPPC dans le cadre de cette audience, afin de veiller à ce que ces documents ne soient pas diffusés publiquement avant l’issue du procès de M. Ortis — Quelle est la source du pouvoir de la Cour de rendre les ordonnances demandées? — Le pouvoir de rendre des ordonnances à l’égard d’une audience publique tenue sous le régime de l’art. 38 repose sur différentes sources — Une interdiction de publication à l’égard de renseignements par ailleurs publics n’est pas le type d’ordonnance de confidentialité visée par l’art. 38.12(1) — Une interdiction de publication à l’égard des instances de la Cour peut être rendue dans l’exercice du pouvoir de celle‑ci de faire respecter sa propre procédure et de constituer une cour de justice — La règle 151 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, permet à la Cour de rendre une ordonnance de confidentialité à l’égard de ses dossiers — Une ordonnance rendue au titre de cette disposition répondrait aux besoins établis par les parties requérantes — Quel critère la Cour devrait‑elle appliquer pour décider s’il y a lieu de rendre les ordonnances? — Le critère auquel doit répondre la partie qui demande au tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’une façon qui restreint le principe de la publicité des débats judiciaires a été reformulé dans l’arrêt Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25 — Pour obtenir gain de cause, la personne doit établir que : 1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important; 2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque; 3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs — Les parties requérantes ont établi les trois volets du critère de l’arrêt Sherman — L’équité du procès de M. Ortis constitue un intérêt public important — La publication des renseignements et de la preuve présentés pendant la partie publique de l’instruction de la demande fondée sur l’art. 38 avant l’issue du procès de M. Ortis poserait un risque sérieux pour l’équité de ce procès — La question importante à cette étape du critère est celle de savoir si d’autres mesures raisonnables permettront d’écarter les risques mentionnés dans la section précédente — Les mesures susceptibles de protéger l’équité et l’intégrité d’un procès criminel contre les effets défavorables de la publicité antérieure au procès, notamment le changement de lieu du procès et les récusations motivées, ne sauraient écarter les risques — Enfin, les avantages des ordonnances sollicitées l’emportent sur leurs effets négatifs — Les avantages du principe de la publicité des débats judiciaires dans la présente affaire ne seraient pas entièrement annulés, mais uniquement reportés — Les ordonnances sollicitées favoriseraient sensiblement la protection du droit de M. Ortis à un procès équitable — Il existe des similitudes majeures entre la présente affaire et l’arrêt Toronto Star Newspapers Ltd. c. Canada, 2010 CSC 21, [2010] 1 R.C.S. 721 — Requête accueillie.
Canada (Procureur général) c. Ortis (DES-5-20, 2021 CF 737, juge Norris, motifs de l’ordonnance en date du 13 juillet 2021, 22 p.)