Droits de la personne
Contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne a rejeté la plainte du demandeur pour atteinte aux droits de la personne au titre de l’art. 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H‑6 (LCDP) — Le demandeur, un citoyen canadien d’origine libanaise, est monté à bord d’un avion à l’aéroport international d’Halifax — À bord de l’avion, il a été invité par une agente de bord à retirer son veston d’un siège inoccupé — Le demandeur a exprimé son mécontentement à l’égard de l’agente de bord — Il est sorti de l’avion avec un agent d’Air Canada — Ce dernier l’a informé qu’il ne serait pas autorisé à prendre le vol en raison de son inconduite — Il a noté dans son dossier passager qu’il avait fait [Traduction] « usage de violence verbale envers une agente de bord et le personnel d’embarquement », et il a alerté les responsables de la sécurité chez Air Canada — Air Canada a par la suite imposé une interdiction de voyager au demandeur jusqu’à ce qu’il ne pose plus un risque — Le demandeur a déposé auprès de la Commission une plainte selon laquelle Air Canada avait fait preuve de discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur ou la religion — La Commission a préparé un rapport d’examen préalable fondé sur les art. 40 et 41 de la LCDP (le rapport fondé sur les art. 40 et 41) en raison de l’application possible de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international[1], (la Convention de Montréal) — Le rapport a recommandé que la Commission ne statue pas sur la plainte au motif que celle‑ci pourrait avantageusement être instruite selon des procédures prévues par une autre loi fédérale ou qu’elle était frivole ou vexatoire — La Commission a rejeté la plainte en se fondant uniquement sur l’application de la Convention de Montréal — Elle a conclu que, même si la plainte du demandeur était fondée, la Loi sur le transport aérien, L.R.C. (1985), ch. C‑26 (la LTA), empêcherait toute réparation utile — Elle a conclu que l’interdiction de voyager émise contre le demandeur avait été retirée et n’était plus en litige — Elle a également conclu que le demandeur avait été dédommagé du refus d’Air Canada de le transporter — La Commission avait-elle le pouvoir d’interpréter et d’appliquer la loi au‑delà de sa loi habilitante? La Commission a raisonnablement conclu que la question de savoir si la LTA et la Convention de Montréal empêchaient certaines réparations relevait des attributions qui lui étaient conférées par les art. 41(1)c) et d) de la LCDP — Il n’a pas été contesté que la Commission a le pouvoir de trancher des questions juridiques relatives aux limites de sa propre compétence — L’art. 41 confère à la Commission le mandat de statuer sur toute plainte à moins qu’elle estime que celle‑ci n’est pas de sa compétence — La Commission dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire et jouit d’une latitude remarquable dans l’exercice de sa fonction d’examen préalable — La décision de la Commission de rejeter la plainte était-elle raisonnable? — La décision de rejeter la plainte du demandeur comme étant frivole était déraisonnable — Bien qu’elle ait adopté les conclusions, l’analyse et la conclusion exposée dans le rapport fondé sur les art. 40 et 41, la Commission n’a pas examiné si des réparations autres qu’une indemnisation financière pourraient être appropriées dans l’éventualité où la plainte du demandeur était accueillie — C’était peut‑être parce que le rapport a conclu qu’il n’y avait pas de mesure de réparation pratique que le Tribunal canadien des droits de la personne pourrait ordonner à l’intention du plaignant — Toutefois, la conclusion du rapport reposait sur le fait que la plainte du demandeur avait été entièrement et définitivement réglée — Le demandeur n’a pas eu la possibilité de répondre à deux questions résolues sur le fondement des observations ex parte d’Air Canada — Il était déraisonnable pour la Commission d’adopter la conclusion du rapport fondé sur les art. 40 et 41 selon laquelle des mesures correctives autres qu’une indemnisation financière ne seraient pas utiles, pour la simple raison que le demandeur n’avait pas cherché à les faire inclure dans un règlement — Les préférences d’un plaignant quant aux réparations et aux mesures correctives ne lient pas la Commission ou le Tribunal — Ces deux organismes administratifs ont le pouvoir et le devoir indépendants de déterminer les réparations qui sont appropriées dans les circonstances — La Commission a tenu pour acquis que l’éventuelle absence d’indemnisation financière des atteintes aux droits de la personne dans le contexte du transport aérien international faisait obstacle à toutes les réparations utiles — Elle n’a pas examiné l’opportunité d’autres réparations — L’affaire a été renvoyée à la Commission pour qu’elle rende une nouvelle décision — Demande accueillie.
Zoghbi c. Air Canada (T-951-20, 2021 CF 1154, juge Fothergill, motifs du jugement en date du 28 octobre 2021, 25 p.)
[1] Signée à Montréal, le 28 mai 1999, soit l’annexe VI de la Loi sur le transport aérien, L.R.C. (1985), c. C‑26.