PRATIQUE
Ordonnances de confidentialité
Voir aussi : Éthique
Requête déposée par le Commissariat au lobbying du Canada conformément aux règles 151, 318 et 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, afin d’obtenir : 1) une ordonnance interdisant à la commissaire de verser au dossier certifié du tribunal (DCT) qu’elle est tenue de produire certains documents d’enquête confidentiels ou, subsidiairement, 2) une ordonnance de confidentialité prévoyant l’anonymisation de parties du dossier de la Cour, la création et le dépôt d’une version publique caviardée du DCT en plus d’une version confidentielle du DCT pour la Cour et pour les parties, ainsi qu’une prorogation du délai nécessaire — La commissaire au lobbying a déposé deux rapports devant le Parlement au sujet de l’enquête menée par son bureau pour déterminer si M. Benjamin Bergen et Mme Dana O’Born respectivement tous deux lobbyistes salariés employés par le Conseil canadien des innovateurs (CCI) avaient enfreint le Code de déontologie des lobbyistes — La demanderesse a déposé les demandes initiales demandant à la commissaire au lobbying d’enquêter et de trancher la question de savoir si les actes posés par M. Bergen et Mme O’Born contrevenaient aux règles 6, 7, 8 ou 9 du Code — La commissaire au lobbying a mené son évaluation aux termes des règles 6 et 9 du Code — Les rapports ont conclu que ni M. Bergen ni Mme O’Born ont enfreint le Code — M. Bergen a été précédemment bénévole lors de la campagne d’élection partielle de l’honorable Chrystia Freeland en 2013 et a travaillé comme codirecteur de campagne en vue de sa réélection en 2015 — La commissaire au lobbying a mené une enquête qui visait à déterminer si M. Bergen a enfreint la règle 6 ou la règle 9 (activités politiques) du Code en faisant du lobbying auprès de l’honorable Chrystia Freeland ou auprès de son cabinet ministériel après avoir entrepris des activités politiques au nom de Mme Freeland — L’enquête n’a révélé aucune preuve de lobbying auprès de Mme Freeland, mais elle a conclu qu’alors que cette dernière était ministre du Commerce international, M. Bergen a participé à une rencontre avec l’honorable David Lametti (alors secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international), et avec un membre du personnel du bureau de la circonscription de M. Lametti — Conformément à la règle 9 du Code, la commissaire au lobbying a conclu qu’en sa qualité de secrétaire parlementaire, M. Lametti n’était pas un membre du « personnel » du cabinet de Mme Freeland aux fins de la règle 9 — La commissaire au lobbying a également estimé qu’il n’y avait aucune raison de conclure que M. Bergen avait placé Mme Freeland dans une situation de conflit d’intérêts réel ou apparent en contravention de la règle 6 du Code — Le rapport a tiré des conclusions similaires concernant Mme O’Born — Les requêtes antérieures de la commissaire au lobbying visant le rejet des demandes concernant M. Bergen et Mme O’Born ont été rejetées — Les deux rapports ont fait l’objet de contrôles judiciaires — L’étape suivante était le dépôt d’un DCT, mais les parties ne sont pas parvenues à s’entendre sur ce qui devait être versé au DCT — Par conséquent, elles ont convenu que la commissaire au lobbying demanderait une ordonnance prévoyant qu’aucun des documents non encore rendus publics ne soit versé au DCT ou, subsidiairement, que la commissaire au lobbying demanderait une ordonnance de confidentialité — L’ébauche d’ordonnance subsidiaire de la commissaire au lobbying prévoyait le dépôt d’un DCT public et d’un DCT confidentiel — Il s’agissait de savoir si l’ordonnance devait être rendue — Suivant la Loi sur le lobbying, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 44, le législateur a décidé que la commissaire au lobbying (agent du Parlement) doit mener ses enquêtes en secret et ne peut divulguer les renseignements dont elle prend connaissance au cours d’une enquête, sauf dans quelques situations précises — Par conséquent, le caractère confidentiel, notamment pour maintenir la confiance envers le processus d’enquête, est exigé, sauf dans les situations énoncées aux art. 10.4(6)a), b) et c) — La portée générale du caractère confidentiel exigé dans l’exercice des attributions de la commissaire au lobbying est aussi manifeste à l’art. 16.2(1) de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A‐1 — En discordance avec les exigences de confidentialité prévues par la Loi, les règles 317 et 318 des Règles des Cours fédérales exigent qu’un « office fédéral » (en l’occurrence la commissaire au lobbying) produise un DCT comprenant tous les documents « pertinents » en sa possession au moment de rendre sa décision — Les règles 317 et 318 expriment le principe selon lequel le contrôle judiciaire est fondé sur l’examen du dossier dont disposait le tribunal — Toutefois, l’emploi du mot « pertinent » à la règle 317(1) entraîne l’obligation de produire un DCT énoncée à la règle 318 — En ce qui a trait à la préparation d’un DCT en réponse à une demande présentée au titre de la règle 317, il est obligatoire de produire non pas tous les documents, mais tous les documents ou éléments matériels pertinents quant à la demande qui sont en la possession de l’office fédéral — L’exception législative prévue à l’art. 10.4(6)a) de la Loi sur le lobbying autorise la commissaire au lobbying à divulguer les renseignements qui permettent de « motiver les conclusions contenues dans son rapport » — Sans une telle exception, la commissaire au lobbying ne pourrait pas motiver les conclusions contenues dans son rapport — L’exception a donc pour objet de permettre à la commissaire au lobbying de présenter les motifs sur lesquels s’appuient les conclusions contenues dans son rapport au Parlement — Autrement, l’utilité d’un tel rapport serait discutable — L’objectif visé en autorisant la poursuite du présent contrôle judiciaire était d’examiner les questions que soulevaient les observations de la commissaire au lobbying en lien avec la règle 6 (conflit d’intérêts) et la règle 9 (activités politiques) du Code — Comme les questions relatives à d’autres règles (7 et 8) soulevées par la demanderesse n’ont pas été tranchées en premier lieu par la commissaire au lobbying, elles ne devraient pas être examinées dans le cadre du présent contrôle judiciaire — Par conséquent, le présent contrôle judiciaire soulève la question de la conclusion selon laquelle il n’y a pas eu conflit d’intérêts réel ou apparent suivant la règle 6 du Code, et la question de savoir qui fait partie et qui ne fait pas partie du « personnel » de la ministre suivant la règle 9 — Il s’agissait des questions déterminantes dans chacun des rapports au Parlement de la commissaire au lobbying — En dépit d’une demande d’élargissement de la portée du contrôle judiciaire de la part de la demanderesse, le présent contrôle judiciaire ne devrait pas devenir une enquête publique ou une commission d’enquête parlementaire — L’ordonnance de réparation subsidiaire et la prorogation du délai ont été accordées.
Démocratie en surveillance c. Canada (Procureur général) (T-915-20; T-916-20, 2021 CF 1417, juge Brown, motifs de l’ordonnance en date du 14 décembre 2021, 22 p.)