[2022] 1 R.C.F. F-2
Brevets
Contrefaçon
Action intentée contre la défenderesse, alléguant la contrefaçon de quatre brevets appartenant à la demanderesse — Les brevets en cause se rapportaient de façon générale à la technologie du « guide interactif d’émissions de télévision » (GIE) — Les GIE sont des logiciels qui génèrent à des fins d’affichage des listes d’émissions de télévision et du contenu enregistré sous forme électronique qu’un utilisateur peut consulter par des moyens électroniques — Dans les GIE, les renseignements sur le contenu disponible de la programmation sont téléchargés ou envoyés à l’équipement de télévision de l’utilisateur, habituellement un décodeur — La demanderesse a présenté quatre séries de revendications (revendications invoquées) — La défenderesse a nié les allégations de contrefaçon — Elle a soutenu, par voie de demande reconventionnelle, que les revendications de brevets sont invalides — Elle a fait valoir que les revendications de brevets invoquées visaient des choix de conception simples et courants pour les interfaces utilisateurs ainsi que des méthodes d’accès aux systèmes pour les décodeurs et les GIE, qu’aucun problème technologique n’a été cerné pour lequel l’objet revendiqué apporte une solution, et qu’il n’y a rien de nouveau ou d’inventif dans les brevets — Il s’agissait principalement de savoir si la défenderesse a contrefait les revendications invoquées, si les revendications invoquées étaient valides et si la demanderesse avait droit à la restitution des bénéfices de la défenderesse — Les revendications de brevets invoquées étaient invalides pour cause d’antériorité et d’évidence — Bien que l’action de la demanderesse ait été rejetée, la question des mesures de réparation a été abordée par souci d’exhaustivité — La Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, énonce les deux types de réparations qui peuvent être accordées en cas de contrefaçon de brevet : des dommages-intérêts sous forme de redevances ou de pertes de bénéfices (art. 55); la restitution des bénéfices (art. 57(1)b)) — En ce qui concerne les mesures de réparation, il s’agissait de savoir premièrement s’il était approprié d’accorder des dommages-intérêts ou des bénéfices compte tenu des faits de la présente affaire — Les divers facteurs à prendre en considération pour décider s’il y a lieu de permettre la restitution des bénéfices sont notamment : i) la question de savoir si le litige a été institué ou s’il y a été donné suite après un retard injustifié; ii) la conduite du breveté; iii) la conduite du contrefacteur; iv) la question de savoir si le breveté a pratiqué l’invention du brevet au Canada; v) la complexité du calcul de la restitution des bénéfices — La demanderesse n’a pas tardé à intenter la présente action — La demanderesse avait la réputation de se servir de tactiques légales brutales pour faire pression sur des tierces parties afin d’octroyer des licences sur son portefeuille de brevets — Au cours de ses négociations de licence avec la défenderesse, la demanderesse n’a pas révélé la liste complète de ses brevets qu’à son avis la défenderesse avait contrefaits, ni même ce qu’elle appelait ses « meilleurs brevets » — Les pratiques commerciales douteuses de la demanderesse ont pesé lourdement contre elle — La conduite de la défenderesse n’était pas inappropriée — La défenderesse n’a pas volontairement contrefait les brevets de la demanderesse — Les raisons pour lesquelles la défenderesse a refusé de renouveler l’entente de licence avec la demanderesse étaient bien fondées — Le manque de fiabilité et la complexité du calcul de la restitution des bénéfices ont fait pencher la balance contre la restitution des bénéfices en l’espèce — Les experts de la demanderesse se sont appuyés sur de nouvelles théories et hypothèses — L’utilisation de toute méthode proposée par l’expert de la demanderesse pour calculer les bénéfices, qui serait truffée d’éléments de preuve insuffisants, conjecturaux et contredits, ne permettrait pas d’obtenir un montant fiable et approprié reflétant les bénéfices de la défenderesse — Étant donné que les facteurs jouent contre l’octroi de la restitution des bénéfices, la réparation appropriée était une redevance raisonnable — Si une caractéristique du système de Vidéotron avait contrefait une revendication valide dans les brevets, la réparation appropriée aurait été de 150 000 $ par caractéristique — Action de la demanderesse rejetée; demande reconventionnelle de la défenderesse accueillie.
Rovi Guides, Inc. c. Vidéotron Ltée (T-921-17, 2022 CF 874, juge Lafrenière, motifs publics du jugement en date du 23 juin 2022, 190 p.)