Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 421 BETWEEN : 1 ` 95 r 6 Nov. 5 DAME YVETTE BERNIER-FREGEAU . . APPELLANT; Nov. 23 AND THE MINISTER OF NATIONAL RESPONDENT. REVENUE } Revenue—Succession Duty—Insurance—Civil Code—Husband and Wife— Community of property—Effect of bequest by husband of life insurance to wife where policy directs payment to executors—The Dominion Succession Duty Act, R.S.C. 1952, c. 89 as amended, s. 3(1)(h)— Quebec Civil Code, arts. 1265, 127 . 2, 1292, 1293, 2585, 2589, 2591—The Husbands' and Parents' Life Insurance Act, R.S.Q. 1941, c. 301, as amended, ss. 3, 6, 12, 13 and 31. The appellant, who as provided by the Civil Code of Quebec, lived in community of property with her husband, appealed from a ruling of the Minister of National Revenue declaring that under the Dominion Succession Duty Act, R.S.C. 1952, c. 89, as amended, the total proceeds of an insurance policy on her husband's life formed part of his succession. The husband had taken out the policy and paid the premiums out of the community's funds. Under the policy's terms the proceeds were payable to the husband on a determined date, or in the event of his prior death, to his executors, administrators or assigns. By his will the husband left all his property including his insurance to his wife. Held: That the policy was issued subject to the provisions of art. 2585 C.C. et seq. relating to life insurance in general and was an asset of the community of property and so remained as long as the insured did nothing to appropriate the policy. 2. That under art. 1265 appropriation could only be made as provided by the Husband's and Parents' Life Insurance Act, R.S.Q. 1941, c. 301, and as the Act was an exception to the general law, it was necessary to establish that its provisions had been strictly complied with and, as this had not been done, the bequest of the insurance to the surviving consort applied only to the one half of the proceeds that the husband under art. 1293 was empowered to dispose of by will. That part fell into the insured's succession and was received by the appellant not in her capacity of designated beneficiary but of universal legatee. The other half belonged to her by virtue of the community of property.
422 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1956] 1956 3. That the appeal should be allowed, the assessment set aside and the BERNIER- matter referred back to the Minister in order that a new assessment FREGEAII be made by deducting from the succession one half of the not proceeds v. of the policy to which the wife was entitled in her capacity of wife MINISTER OF common as NATIONAL to property. REVENUE APPEAL, under the Dominion Succession Duty Act, R.S.C. 1952, c. 89. The appeal was heard before the Honourable Mr. Justice Fournier at Quebec. Robert Lafrenière for appellant. Maurice Paquin, Q.C. and Alban Garon for respondent. FOURNIER J. now (November 27, 1956) delivered the following judgment: Dans cette affaire, il s'agit d'un appel d'une décision du Ministre du Revenu national confirmant une cotisation pour fins de droits successoraux par laquelle le produit total d'une police d'assurance-dotation émise sur la vie de Lucien Frégeau fut ajouté à sa succession. L'appelante était l'épouse en communauté de biens de l'assuré, Lucien Frégeau, décédé le 4 juin 1953, aucun con-trat de mariage n'ayant été passé entre eux. Le 23 août 1945, la Compagnie d'Assurance "La Laurentienne" émit une police d'assurance-dotation sur la vie de l'assuré, pour un montant de $30,000, payable à lui-même le 23 août 1969, ou, au cas de décès antérieur, à ses exécuteurs testamen-taires, administrateurs ou ayants droit. Le 30 décembre 1949, l'assuré fit un testament sous forme authentique par lequel il léguait tous ses biens à son épouse, y compris ses assurances. La clause du dit testament qui fait la base du présent litige se lit comme suit: Je donne et lègue tous mes biens meubles et immeubles, ainsi que mes polices d'assurances sur ma vie, à mon épouse Yvette Bernier, laquelle je nomme mon exécutrice testamentaire, la rendant indépendante de tout tuteur qui serait nommé à mes enfants. La succession du dit Lucien Frégeau s'ouvrit à son décès, le 4 juin 1953. Le 10 août 1953, l'appelante, à titre d'exécu-trice testamentaire, fit la déclaration, tel qu'exigé par la loi, des biens laissés par son époux, entre autres, le produit de la police d'assurance de la Compagnie d'Assurance "La Laurentienne" au montant net de $26,658.52, moins la moitié, soit $13,329.26, sa part de la communauté, et ajouta
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 423 l'autre moitié, soit $13,329.26 à la succession. Les droits de 1956 succession furent payés sur ce dernier montant. Le permis BEN R- de disp oser fut émispar le dép p artement et la Compagnie FREGEAU v. paya le produit total de la police à l'appelante. Subsé-MINISTER OF NATIONAL quemment, le 19 mars 1954, le département fit des ajuste- ments d'évaluation des biens de la succession et ajouta à Fournier J. la succession, entre autres, la somme de $13,329.26, que — l'appelante avait retenue comme sa part de l'assurance comprise dans la communauté de biens, et réclama les droits de succession sur le montant total du produit de la police d'assurance. Cette cotisation fut confirmée par l'intimé, d'où le présent appel. Les questions à déterminer sont de savoir si dans le cas de communauté légale le produit d'une police d'assurance sur la vie, payable, à sa face' même, à ses exécuteurs, administrateurs ou ayants cause, est un bien de com-munauté; et, dans l'affirmative, la clause testamentaire: "Je donne et lègue . tous mes biens, meubles et immeubles ainsi que mes polices d'assurances sur ma vie à mon épouse ...." suffit-elle à faire du produit de l'assurance qui nous intéresse un bien spécifiquement attribué à l'épouse et hors communauté? La réponse à ces deux questions permettra de décider si le total ou seulement la moitié du produit de la police d'assurance est imposable en vertu des termes de l'article 3(1) (h) de la Loi fédérale sur les droits successoraux, S.R.C., 1952, c. 89. L'appelante soumet qu'une police d'assurance sur la vie d'un époux commun en biens dont les primes sont payées par la communauté et dont le produit est payable à l'assuré lui-même à une date déterminée ou à ses exécuteurs testa-mentaires, administrateurs ou ayants cause au cas de décès antérieur à cette époque, est un contrat d'assurance régi par les articles 2585 et suivants du Code Civil et constitue une créance qui est "bien de communauté". Cette police ne peut devenir une assurance sur la vie des maris et des parents tant et aussi longtemps que les formalités prescrites par cette loi concernant l'application de la police n'auront pas été remplies. Dans le présent cas ces formalités n'ont pas été observées. Au décès de l'assuré, le produit de l'assurance était un "bien de communauté" et l'épouse en sa qualité de commune en biens avait droit à la moitié du
424 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1956] 1956 produit et comme légataire universelle elle héritait de BERNIER- l'autre moitié. Par conséquent, les droits successoraux F °CII n'étaient imposables que sur la partie lui revenant à titre MINISTER OF de légataire universelle. NATIONAL REVENUE L'intimé soumet que Lucien Frégeau, époux commun en Fournier J. biens, pouvait ou assurer sa vie au profit et au 'bénéfice de son épouse ou étant le détenteur d'une police d'assurance régie par les dispositions du Code Civil, il pouvait l'attribuer à son épouse par testament. Cette application de la police la faisait tomber sous l'empire de la Loi de l'assurance sur la vie des maris et des parents. Le produit ainsi attribué n'était pas censé provenir de la communauté de biens qui avait existé entre les époux et n'était non plus censé provenir 'de la succession de l'assuré aux termes de l'article 31 de la dite loi. Toutefois, le produit de cette assurance ainsi exclu de la communauté et de la succession de l'assuré était censé faire partie de sa succession et impo-sable pour les droits de succession aux termes de la Loi fédérale sur les droits successoraux. Lucien Frégeau était. de fait, détenteur d'une police d'assurance sur sa vie émise en vertu des dispositions du Code Civil et en fit subséquem-ment l'attribution 'à son épouse par son testament, avec le résultat que le produit en devint "bien hors communauté" et imposable pour droits de succession. La réponse à la première question ne me semble pas présenter de grandes difficultés. La police 'd'assurance émise sur la vie de Lucien Frégeau, marié sous le régime de la communauté de biens, l'a été en vertu des articles 2585 et suivants du Code Civil. Le montant en était payable à l'assuré à une époque déterminée, et, au cas de son décès antérieur à la date fixée, à ses exécuteurs, administrateurs ou ayants droit. Pendant l'existence de la communauté, le mari administre seul les biens de la communauté: art. 1292 c.c. Tous les contrats faits par le mari qui affectent les biens 'de la com-munauté sont faits pour le bénéfice de la communauté. C'est pendant la communauté que Lucien Frégeau, avec les biens de la communauté, a passé un contrat d'assurance sur sa vie à son bénéfice et au bénéfice de ses exécuteurs. etc. Après l'exécution du contrat et par le paiement des primes avec les biens communs, il devint acquéreur d'une créance conditionnelle de $30,000. La somme stipulée était d'abord
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 425 payable à lui-même et ensuite à ses exécuteurs, etc., s'il 1956 décédait avant une époque déterminée. Je n'ai aucun doute BERNIER-que cette créance était "bien de la communauté": article DrEAU 2589 c.c. S'il avait vécu à l'époque déterminée la somme MINISTER OF NATIONAL stipulée lui aurait été versée, il l'aurait reçue comme époux REVENUE commun en biens et le montant serait devenu "biens de la Fournier J. communauté". L'actif de la communauté se compose, entre — autres, des biens mobiliers que les époux possèdent le jour de la célébration du mariage et aussi de tout le mobilier qu'ils acquièrent ou qui leur échoit pendant le mariage: article 1272 c.c. L'assuré avait une créance, "bien de la communauté", dont l'exigibilité était soumise à, une condition: sa survie à une époque fixe ou son décès. Je suis d'opinion que dans le présent cas le capital de la police d'assurance sur la vie de Lucien Frégeau, époux com-mun en biens de l'appelante, payable à lui-même, sous une certaine condition, ou à ses exécuteurs testamentaires, etc., à son décès, est une créance qui fait partie des biens de la communauté. Quelques décisions à cet effet ont été citées à la Cour. Dans la cause de Labelle et Dame Emma Barbeau (1), la Cour supérieure (confirmée par la Cour d'Appel) a jugé: Que le capital d'une police d'assurance sur la vie de l'un des époux mariés en communauté de biens, payable, à son décès, à ses exécuteurs, administrateurs ou ayants cause, tombe dans la communauté de biens, et doit être partagé également entre le survivant et les héritiers de l'époux prédécédé. Dans la cause de Scott v. Sun Life Assurance Co. of Canada et Dame de Liska Bourassa (2), l'honorable juge Greenshields exprima la même opinion (p. 19) : Thomas Scott was insured in the Company defendant, for the sum of $5,000. By the terms of the policy itself, it was payable to his legal heirs. While the policy was in force, he made his last will and testament, by which he made special legacies, first to his wife, secondly to his son, the plaintiff, he constituting his five children his universal residuary legatees. He was married under "le régime de la communauté de biens". His widow claimed and demanded payment of one-half of the amount of the insurance, viz., $2,500, basing her claim upon the statement, that the insurance forms part of the assets of the community which existed between herself and her deceased husband. The plaintiff had claimed the whole amount of the policy on the ground that it was comprised in the insured's succession. (1) (1888) 20 R.L. 607. (2) (1932) 38 R. de J. 18. 73674-3a
426 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1956] 1956 Plus loin, le savant juge ajoute (p. 32) : BERNIER- Upon the whole I have reached the conclusion that this policy fell FREGEAII v into the community existing between the deceased and his widow .. . MINISTER OF NATIONAL Ayant décidé que la police d'assurance qui nous intéresse REVENUE était une créance, un bien mobilier de la communauté, il est Fournier J. logique de conclure qu'elle devait demeurer telle tant et aussi longtemps que l'assuré n'en aurait pas fait l'attribution ou application. D'où le deuxième problème à résoudre, à savoir, si le testament constitue une attribution du produit de la police suffisante pour la sortir du patrimoine de la communauté et en faire une police payable à l'épouse aux termes du chapitre 301 des Statuts Refondus de la Province de Québec, 1941 (Loi concernant l'assurance sur la vie des maris et des parents). Les parties admettent que la police telle qu'émise était régie par les articles du code - civil relatifs à l'assurance sur la vie en général.. L'article 2591 se lit comme suit: Art. 2591. Une police d'assurance sur la vie ou la santé peut passer par cession, testament ou succession à toute personne quelconque, soit qu'elle ait ou non un intérêt susceptible d'assurance dans la vie de la personne assurée. Il n'y a:pas de doute que l'assuré pouvait passer ou trans-mettre par testament le produit ou l'intérêt qu'il avait dans cette police. Mais là n'est pas le débat. Il est évident que le testament est valide et que l'épouse a légalement reçu le produit de la police. La question est de savoir si le testament a eu pour effet de changer la-nature de la police et d'en faire une police tombant sous la Loi concernant l'assurance sur la vie des maris' et des parents. Avant de considérer les dispositions de cette loi, il est bon de noter qu'elle fait exception à la loi générale. Le. Code Civil, à l'article 1265, dit: Art. 1265.: Après le mariage, il ne peut être fait aux conventions matrimoniales contenues au contrat, aucun changement ... Toutefois, le législateur, le 10 juillet 1878, a ajouté un second alüiéa' à cet article. Il se -lit ainsi : Les épqux ne peuvent non plus :s'avantager entre vifs si ce n'est con-formémènt aux dispositions dé là loi"qùi •perhie'ttent au mari, sous certaines restrictions et conditions, d'assurer sa vie pour le bénéfice de sa femme et de sa efift4it& ", ~:
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 427 Ceci veut dire qu'un époux peut avantager entre vifs son 1956 épouse en assurant sa vie pour le bénéfice de cette dernière, BERNIER-s'il se conforme aux dispositions d'une loi spéciale qui con- FR EAU v tient certaines restrictions et conditions. MINI5TER OF NATIONAL Cette loi est celle de l'assurance des maris et des parents R EVENUE (S.R.Q., 1941, c. 301) qui a été passée et promulguée en Fournier J. vertu du dit alinéa. Elle ne s'applique qu'aux assurances visées par l'article 3 de la loi. Comme il ne s'agit dans le présent cas que de l'épouse, je ne citerai que cette partie de la disposition qui est pertinente. 3. Un mari peut assurer sa vie ou attribuer, s'il en est le détenteur,. toute police d'assurance sur sa vie au profit et au bénéfice— De sa femme; ... . La police émise sur la vie de l'assuré n'était pas une assurance au profit et au bénéfice de sa femme ou d'autres personnes mentionnées à l'article 3 précité, puisque lé produit en était payable à ses exécuteurs et aÿants cause à son décès: Pour tomber sous l'empire de cette loi spéciale et de droit strict, il fallait que l'assuré en fit l'application ou l'attribution spécifique prévue à l'article 3.. Cette attribution spécifique se fait suivant les dispositions de l'article 6. 6. L'application de la police d'assurance mentionnée dans l'article 3 se fait au moyen d'une déclaration écrite au dos de la police ou y annexée et s'y référant. Un double de la déclaration est déposé entre les mains de la compagnie qui a émis la police, et une note de ce 'dépôt est endossée par cette com-pagnie sur la police ou sur la déclaration. Cet article est bien explicite et je ne crois' pas faire erreur en l'interprétant comme voulant dire qu'un assuré qui est détenteur d'une police d'assurance dont l'application n'est pas spécifiquement attribuée, comme, par exemple, "payable à ses exécuteurs, etc." peut attribuer une telle police à son épouse ou à ses enfants en se conformant aux dispositions de 'cet article, s'il désire la convertir en une police réglé par la Loi concernant 'l'assurance sûr la vié des maris et des parents: Les mots "sous certaines restrictions et conditions" men-tionnés au second alinéa de l'article 1265 c.c. avaient en vue des conditions similaires à. celles de l'article 6. Même en admettant que l'article 6 a été incorporé pour le bénéfice de l'assureur, cela n'exclurait pas lé'fait que .c'ëst le seul mode indiqué dans la loi permettant `de fair' l'attribution ou 73674-3ia
428 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1956] 1956 l'application de la police à l'épouse et aux enfants, si BERNIEIt- l'assuré désire la faire tomber sous l'effet de cette loi FREGEAU v. spéciale. .MINISTER,OF NATIONAL Pour bénéficier des dispositions d'une loi spéciale, tout _REVENUE comme d'une loi fiscale, il faut établir clairement que celui Tournier J. qui en réclame le bénéfice rencontre toutes les exigences de cette loi. Il a été soumis que l'application ou attribution de la police pouvait se faire par testament et l'on a référé la Cour aux articles 12 et 13 de la Loi se rapportant à la révocation du bénéfice conféré. L'article 12 vise une police émise ou attribuée suivant les dispositions d'une loi spéciale. La loi envisage le cas où un assuré a favorisé ainsi sa femme ,ou ses enfants, c'est-à-dire qui a déjà désigné spécifique-ment sa femme lors de l'émission ou l'attribution de la police; il lui est loisible, non pas de changer la nature de la police ou de la soustraire aux dispositions de la loi spéciale, mais de révoquer en tout temps le ou les bénéficiaires nommément désignés et d'en . désigner d'autres, choisis parmi les personnes mentionnées à l'article 3. Cette révoca-tion peut se faire par la même procédure que l'attribution ou par testament. Si la révocation se fait par testament, il faut qu'il y ait déjà des bénéficiaires; il est impossible de révoquer un bénéfice qui n'a pas été appliqué ou attribué à une ou des personnes désignées, mais simplement aux exécuteurs, etc. Il est indubitable qu'une police d'assurance sur la vie peut passer par cession, testament ou succession, mais il faut que la transmission se fasse suivant les lois qui s'appliquent aux cessions, testaments et successions. Je crois qu'il ne faut pas perdre de vue le fait que la police d'assurance qui nous occupe avait été émise sous l'empire des dispositions du Code Civil. C'était une police émise sur la vie d'un époux commun en biens, dont les primes étaient payées par la communauté et constituaient un bien de la communauté. Le testament est un document qui n'a d'effet qu'après la mort du testateur. Si le mari a l'administration des biens de la communauté, pendant sa vie et des pouvoirs quasi
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 429 illimités de dispositions pendant que la communauté existe, 1956 à son décès ces biens sont divisés en parts égales et l'épouse BERNIER- a droit à sa part FREOVEAU . Art. 1293. L'un des époux ne peut, au préjudice de l'autre, léguer plus MINISTER OF que sa part dans la communauté. NATIONAL REVENUE J'en suis venu à la conclusion .. qu'en l'absence des Fournier J. formalités requises par la Loi des maris et des parents une — police d'assurance sur la vie d'un époux marié en com- munauté de biens, payable, à sa face même, aux exécuteurs, est un bien de communauté régi par les articles 2589 et suivants du Code Civil et que le legs de cette assurance au conjoint survivant n'affecte que la moitié du produit de la police en question, dont l'époux pouvait disposer par testa- ment. L'autre moitié appartenait au conjoint survivant en vertu de la communauté de biens. Dans le présent cas l'épouse a touché la partie du produit de l'assurance qui est tombé dans la succession de l'assuré, non à titre de béné- ficiaire désignée de la police mais en sa qualité de légataire universelle de l'assuré. Dans la cause de Labelle et al. et Dame Barbeau (ubi supra), il a été jugé que "lorsque l'assuré était commun en biens, en l'absence de désignation de bénéficiaire de la police d'assurance la moitié seulement du produit de cette police est comprise dans la succession." Dans la cause de Scott v. Sun Life Assurance Co. of Canada et Dame de Liska Bourassa (ubi supra), le juge Greenshields a jugé "qu'une police d'assurance payable aux héritiers légaux et non attribuée par un , mari suivant l'article 3 de la Loi concernant l'assurance sur la vie des maris et des parents n'est pas une police au sens de cette loi et que le fait par un assuré de laisser par son testament ses enfants comme légataires universels n'est pas une attribution suivant la vraie interprétation de la loi". Sur ce point le jugement rendu par l'honorable juge Greenshields a été confirmé par la Cour d'Appel. Ce jugement est contraire à une décision antérieure rendue en 1901 par le juge Langelier dans la cause de Dame Henriette Hardy v. Patrick Shannon ès quai. et al. (1). Le jugé se lit comme suit (p. 325) : 1. L'assignation d'une police d'assurance sous les articles 5581 et 5584 S.R.P.Q., peut être faite par testament. (1) [1901] 19 R:C.S. 325.
430 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1956] 1956 2. Il n'est pas nécessaire, à peine de nullité, que le testament soit BERNIER- annexé à, la police; il suffit qu'il l'indique d'une manière incontestable. FREGEAU V. Subséquemment les tribunaux ont décidé que les disposi-MINISTER OF NATIONAL tions de cette loi spéciale sont impératives et que les règle-REVENUE ments d'une société de secours mutuels ne peuvent prévaloir Fournier J. sur la loi. Vide: Blondin et al. v. Supreme Council of the Royal Arcanum et al. (1) et Dame Rioux et al. v. La Société des Artisans Canadiens-Français (2). L'intimé, par ses procureurs, a référé la Cour à la cause de Isaïe Adam, appelant, et Dame Marie-Blanche Ouellette, intimée, et Metropolitan Life Insurance, mise-en-cause (3). Les faits dans cette cause étaient les suivants. La Metropolitan Life, en 1914, a émis une police d'assurance à la demande conjointe de l'appelant et de son fils Ovila Adam. Aux termes mêmes de la police il est mentionné que le fils est l'assuré et que le père sera bénéficiaire dans le cas de survie. L'une des clauses les plus importantes de cette police est à l'effet que le fils, avec le consentement du père, s'est réservé le droit de changer de bénéficaire à son gré et de déterminer, par conséquent, toute autre personne de son choix comme devant recevoir à sa mort le produit de la police. Les conditions relatives au changement •de béné-ficiaire sont les suivantes: Changement de bénéficiaire—Lorsqu'on s'est réservé le droit de révoca-tion, l'assuré pourra, pendant que la police est en vigueur, s'il n'a été fait aucun transfert de la police tel que stipulé ci-après, désigner un nouveau bénéficiaire avec ou sans droit réservé de révocation, en déposant un avis par écrit au bureau central de la Compagnie, accompagné de la police pour être endossée en bonne et due forme. Un tel changement prendra effet sur l'endossement dudit avis sur la police par la Compagnie. Si un bénéficiaire quelconque, sous une désignation soit révocable ou irrévocable, meurt avant l'assuré, l'intérêt de ce bénéficiaire reviendra à l'assuré. En 1940, le fils est décédé après avoir fait un testament léguant tous ses biens, y compris ses assurances, à son épouse, dame Ouellette. Le père réclamait le produit de la police comme bénéficiaire aux termes de la police; l'épouse, à titre de légataire en vertu du testament. Il s'agissait de savoir si le père, bénéficiaire original, pouvait être révoqué. Le bénéficiaire et l'assuré avaient tous deux convenu que la révocation pourrait s'opérer par l'unique volonté du fils. La Cour suprême a décidé que la (1) (1937) 4 Ins. Law Rep. 389. (2) (1939) 6 Ins. Law Rep. 204. (3) . [19477 S.C.R. 283.
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 431 révocation du bénéficiaire et la désignation d'un nouveau 1956 bénéficiaire pouvaient se faire par testament. Cette police BERNIER- étàit régiepar les règles générales du Code Civil relatives FREGEAU g v . aux assurances sur la vie et la santé: articles 2585 et MINISTER OF NATIONAL suivants; or l'article 2591 autorise un assuré à passer REVENUE (transmettre, léguer) ses polices d'assurance à toute per- Fournier J. sonne quelconque. Comme le père avait convenu que le — fils pouvait sans son consentement révoquer le bénéfice qu'il lui avait conféré et le léguer à une autre personne, il ne peut pas soutenir que le Code Civil n'a pas •d'application dans ce cas. Parce que la Cour suprême a décidé qu'un assuré, qui avait un droit de révocation du bénéficiaire d'une police d'assurance basé sur l'assentiment du bénéficiaire lui-même; pouvait par son testament faire la révocation et le legs de la police à une autre personne, faut-il conclure qu'il est permis par testament de la changer en une assurance régie par les dispositions d'une loi spéciale d'exception et de droit strict. Cette interprétation, à mon avis, ne serait pas conforme aux principes qui s'appliquent au droit statutaire. Ici il s'agit de. déterminer si un testament. équivaut à une déclaration que des biens appartenant au conjoint survivant d'une communauté de biens seront hors communauté. J'ai déjà dit et je répète que je ne crois pas que dans le present litige le testament a eu pour effet de changer la nature du contrat et d'enlever à l'épouse son droit de toucher la moitié des biens communs à la dissolution de la communauté. Dans ce cas, la police ne peut être considérée comme bien hors communauté et ne fait partie de la succession de l'assuré que pour le quantum de l'intérêt de l'assuré dans la police et ne serait pas imposable sur le produit total d'icelle. Voyons quels sont les termes de cette disposition de la loi (R.S.C., 1952, c. 89). 3. (1) A "succession" shall be deemed to include the following dispositions of property and the beneficiary and the deceased shall be deemed to be the "successor" and "predecessor" respectively in relation to such property: (h) money received or receivable under a policy of insurance effected by any person on his life, or effected on his life by a personal corporation, whether or not such insurance is payable to or in favour of a preferred beneficiary within the meaning of any statute of any province relating to insurance, where the policy is
432 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1956] 1956 wholly kept up by him or by such personal corporation for the benefit of any existing or future donee, whether nominee or BERNIER-FREGEAU assignee, or for any person who may become a donee, or a part v. of such money in proportion to the premiums paid by him or by MINISTER OF such personal corporation, where the policy is partially kept up. NATIONAL REVENUE by him or by such personal corporation for such benefit; Fournier J. Dans la cause qui nous est soumise il a été établi que le testateur a assuré sa propre vie. Il a payé les primes avec les biens de la communauté, qui appartenaient à parts égales aux époux. Par son testament, il a légué ses assurances à son épouse. La disposition devrait être interprétée en la dépouillant de tout ce qui est étranger au problème à résoudre. En remplaçant les mots "personal corporation" par les mots "his wife", elle pourrait être paraphrasée comme suit: Money received or receivable under a policy effected by any person on his life, or a part of such money in proportion to the premiums paid by him, where the policy is partially kept up by him and another person for the benefit of any person who may become a donee or legatee will be deemed to be included in a "succession". Je comprendrais, si la police d'assurance sous considéra-tion était une police d'assurance régie par le chapitre 301 (Loi d'assurance sur la vie des maris et des parents) qui contient une disposition déclarant les polices de •cette nature biens hors communauté, qu'elle pourrait peut-être être imposable comme partie de la succession de l'assuré, vu que les primes seraient censées avoir été payées par l'assuré avec ses propres biens. Mais pour toutes les raisons contenues dans mes remarques je suis d'opinion et j'ai décidé qu'elle n'appartient pas à cette catégorie d'assurance sur la vie; elle est "bien de communauté" et est régie par les dispositions du Code Civil. La Cour permet l'appel, annule la cotisation et ordonne que le tout soit référé au Ministre afin qu'une nouvelle cotisation soit faite en déduisant de la valeur de la.succession la somme de $13,329.26, étant la moitié du produit net de la police d'assurance qui appartient de droit à l'appelante en sa qualité d'épouse commune en biens, le tout avec dépens: Jugement en conséquence.
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