[1995] 1 C.F. 306
T-2120-93
Lily Kampman (requérante)
c.
Le Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada) (intimé)
Répertorié : Kampman c. Canada (Conseil du Trésor) (1re inst.)
Première instance, juge Strayer—Ottawa, 15 juin et 15 septembre 1994.
Fonction publique — Fin d’emploi — Une infirmière autorisée dans un pénitencier fédéral a contrevenu au Code de discipline — Elle a été congédiée parce que la perte de sa cote de fiabilité approfondie la rendait incapable de remplir les fonctions de son poste — Le comité d’appel saisi d’un appel d’une recommandation de renvoi faite par l’administrateur général, sous le régime de l’art. 31(2) de la LEFP, peut réviser la révocation de la cote dans le cadre de la révision de la recommandation — Lorsqu’il révoque la cote de fiabilité approfondie, l’administrateur général doit se conformer aux principes de l’équité procédurale — Il n’existait aucune obligation d’avertir la requérante ni de lui donner l’occasion de corriger sa conduite avant de révoquer sa cote parce qu’elle n’était pas une employée à long terme et que les circonstances étaient pressantes au point qu’on ne pouvait plus tolérer sa présence dans l’établissement.
Pénitenciers — Une infirmière autorisée dans un pénitencier fédéral a eu des relations sociales avec un ancien détenu en liberté conditionnelle et elle n’en a pas averti ses supérieurs, commettant ainsi une infraction majeure au Code de discipline — Sa cote de fiabilité approfondie a été révoquée et elle a été congédiée parce qu’elle était incapable de remplir les fonctions de son poste — L’« incapacité » visée à l’art. 31(1) de la LEFP peut découler de la perte de la cote de fiabilité approfondie lorsque cette cote constitue une condition d’embauche — Le pouvoir discrétionnaire de l’administrateur général l’autorisait à décider qu’il ne pouvait plus se fier à la fonctionnaire — En présence de circonstances extraordinaires, il n’y a pas d’obligation d’avertir la fonctionnaire ni de lui donner l’occasion de corriger sa conduite avant de révoquer sa cote — La fonctionnaire avait droit au respect de l’équité procédurale lorsque l’administrateur a pris la décision de révoquer sa cote.
La requérante, une infirmière autorisée travaillant à l’établissement Kent, occupait un poste exigeant une cote de « fiabilité approfondie ». Un an après sa nomination, elle a eu des contacts sociaux avec un ancien détenu en liberté conditionnelle et elle a participé au processus d’admission lorsqu’il a été réincarcéré à l’établissement Kent après avoir été accusé de nouvelles infractions. Elle n’a pas averti ses supérieurs de ses contacts avec ce délinquant. Il s’agissait là d’une infraction majeure au Code de discipline du Service correctionnel. Le sous-commissaire (Pacifique), Service correctionnel du Canada, l’a informée, sans préavis, qu’il lui retirait sa cote de fiabilité approfondie et qu’il était tenu de recommander son renvoi parce qu’elle était incapable de remplir les fonctions de son poste. Le comité d’appel de la CFP a rejeté l’appel de la requérante contre cette recommandation.
Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire visant à faire annuler la décision du comité d’appel. Les questions en litige étaient les suivantes : (1) L’« incapacité » visée au paragraphe 31(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) peut-elle découler du fait qu’une fonctionnaire a perdu sa cote de fiabilité approfondie lorsque cette cote constitue une condition d’embauche? (2) Le cas échéant, un comité d’appel saisi d’un appel de la recommandation de l’administrateur général de renvoyer la fonctionnaire, sous le régime du paragraphe 31(2), peut-il réviser la révocation de la cote dans le cadre de la révision de cette recommandation? (3) Le cas échéant, quelle norme le comité d’appel doit-il appliquer pour réviser la révocation de la cote? (4) Faut-il avertir la fonctionnaire et lui fournir l’occasion de corriger sa conduite avant de révoquer sa cote?
Jugement : la demande doit être rejetée, mais l’affaire doit être renvoyée au comité d’appel pour réexamen en ce qui a trait à l’omission du comité d’examiner convenablement la procédure suivie par l’administrateur général pour décider de révoquer la cote de fiabilité approfondie de la requérante.
(1) Le fait d’avoir une cote de fiabilité approfondie, lorsque la description de fonction l’exige, est une qualité requise comme toutes les autres et la perte de cette cote rend une personne incapable de remplir ses fonctions, du moins dans des circonstances comme celles de l’espèce. Il n’importe pas que la perte d’une qualité requise découle ou non de facteurs qui sont indépendants de la volonté de la personne en cause.
(2) Le libellé de la Loi permet au comité d’appel de réviser la décision, prise par l’administrateur général dans le cadre de sa décision de recommander le renvoi, selon laquelle la fonctionnaire est incapable parce que, à son avis, elle n’a plus droit à la cote de fiabilité approfondie.
(3) La décision de l’administrateur général portant que la fonctionnaire est incapable de remplir ses fonctions et qu’elle doit être renvoyée est en grande partie discrétionnaire. Par application de l’arrêt Ahmad c. La Commission de la fonction publique prononcé par la Cour d’appel fédérale, le comité d’appel peut réviser la décision en ce qui a trait au droit, à la question de la mauvaise foi et aux faits, leur exactitude étant le facteur à considérer. Aucun de ces motifs de révision n’existait en l’espèce. Depuis l’arrêt Ahmad, la Cour suprême du Canada a décidé, dans l’affaire Thomson c. Canada, que « le sous-ministre était donc tenu de se conformer aux principes de l’équité procédurale dans le contexte des décisions en matière d’octroi des habilitations de sécurité ». Cet énoncé veut « qu’une partie ait une possibilité suffisante de connaître la preuve contre laquelle elle doit se défendre, de la réfuter et de présenter sa propre preuve ». Si cette exigence vaut pour les décisions qui touchent la sécurité de l’État et les situations d’urgence, elle vaut à plus forte raison lorsqu’on prend simplement une décision concernant la fiabilité ordinaire. La requérante n’a été ni interrogée, ni consultée avant que le sous- commissaire décide de révoquer sa cote de fiabilité approfondie. Le comité d’appel a commis une erreur de droit en concluant que, parce que les « renseignements » pertinents n’étaient pas en litige, la procédure suivie par l’administrateur général n’avait pas d’importance. Que la décision définitive soit juste ou erronée, elle peut être déclarée invalide et annulée s’il y a eu négation du droit à l’équité. C’était une erreur de droit que d’omettre d’examiner la procédure suivie par l’administrateur général et l’affaire doit être renvoyée au comité d’appel pour qu’il examine cet aspect.
(4) Dans certaines causes, la Cour d’appel fédérale a conclu que les employés à long terme avaient droit, en l’absence de circonstances extraordinaires ou pressantes, à un avertissement avant d’être congédiés et à une occasion de corriger leurs erreurs. Cependant, la requérante exerçait ses fonctions à l’établissement Kent depuis seulement treize mois environ lorsque les événements qui ont donné lieu à son renvoi sont survenus. De plus, le comité pouvait conclure que des circonstances extraordinaires ou pressantes ont incité l’administrateur général, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, à juger qu’il ne pouvait dorénavant plus tolérer la présence de cette fonctionnaire dans l’établissement.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, art. 31(1),(2).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES :
Ahmad c. La Commission de la Fonction publique, [1974] 2 C.F. 644; (1974), 51 D.L.R. (3d) 470; 6 N.R. 287 (C.A.); Thomson c. Canada (Sous-ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385; (1992), 89 D.L.R. (4th) 218; 3 Admin. L.R. (2d) 242; 133 N.R. 345; Lee c. Procureur général du Canada, [1981] 2 R.C.S. 90; (1981), 236 D.L.R. (2d) 1; 38 N.R. 346; Martineau c. Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602; (1979), 106 D.L.R. (3d) 385; 50 C.C.C. (2d) 353; 13 C.R. (3d) 1; 15 C.R. (3d) 315; 30 N.R. 119; Cardinal et autre c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643; (1985), 24 D.L.R. (4th) 44; [1986] 1 W.W.R. 577; 69 B.C.L.R. 255; 16 Admin. L.R. 233; 23 C.C.C. (3d) 118; 49 C.R. (3d) 35; 63 N.R. 353.
DISTINCTION FAITE AVEC :
Dansereau c. Canada (Comité d’appel de la fonction publique), [1991] 1 C.F. 444; (1990), 91 CLLC 14,010; 122 N.R. 122 (C.A.); Clare c. Canada (Procureur général), [1993] 1 C.F. 641; (1993), 100 D.L.R. (4th) 400; 93 CLLC 14,025; 149 N.R. 303 (C.A.F.).
DÉCISIONS MENTIONNÉES :
Kampman et le Conseil du Trésor (Solliciteur général— Service correctionnel du Service Canada), [1992] C.R.T.F.P.C. no 4 (QL); Kampman c. Canada, A-1117-91, juge Stone, J.C.A., jugement en date du 21-1-93, C.A.F., non publié.
DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE d’une décision par laquelle le comité d’appel de la Commission de la fonction publique a rejeté un appel formé contre la recommandation faite par le sous-commissaire, Service correctionnel du Canada, à la Commission de la fonction publique de renvoyer la requérante parce que la perte de sa cote de fiabilité approfondie la rendait incapable de remplir ses fonctions. La demande est rejetée, mais l’affaire doit être renvoyée pour réexamen compte tenu de l’omission du comité d’examiner convenablement la procédure suivie par l’administrateur pour révoquer la cote de fiabilité approfondie de la requérante.
AVOCATS :
Sean T. McGee pour la requérante.
Mylène-Y. Bouzigon pour l’intimé.
PROCUREURS :
Nelligan/Power, Ottawa, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par
Le juge Strayer :
Le redressement demandé
Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant l’annulation de la décision rendue par le Comité d’appel de la Commission de la fonction publique le 22 juillet 1993. Par cette décision, le Comité a rejeté l’appel interjeté par la requérante, en vertu du paragraphe 31(2) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique[1], de la recommandation faite par le sous-commissaire (région du Pacifique) du Service correctionnel du Canada à la Commission de la fonction publique, portant que la requérante devrait être renvoyée de la fonction publique parce que la perte de sa cote de fiabilité approfondie la rendait incapable d’exercer les fonctions de son poste.
Les faits
La requérante a été nommée au poste d’infirmière autorisée à l’établissement Kent, un pénitencier à sécurité maximum situé en Colombie-Britannique, le 4 décembre 1989. L’offre d’emploi précisait que ce poste exigeait une « cote de fiabilité approfondie ». Il faut signaler d’emblée que les normes et procédures régissant l’attribution ou le refus de la cote de fiabilité approfondie à un fonctionnaire sont énoncées dans le Manuel du Conseil du trésor intitulé « Sécurité—Normes—Enquêtes de sécurité sur le personnel », daté du 1er novembre 1990. Il semble cependant clair que la cote de fiabilité approfondie ne correspond pas à ce qu’on considère couramment comme un habilitation au secret. Cette cote est exigée :
… quand les fonctions d’un poste ou d’un marché amènent un accès fréquent aux renseignements ou biens désignés … La personne ayant obtenu cette cote peut avoir accès, au besoin, à des renseignements et biens désignés[2].
Un autre paragraphe du Manuel traite de l’« évaluation sécuritaire » qui comporte une « évaluation de la loyauté au Canada et de la fiabilité d’une personne dans ce contexte … »[3]. Il ressort clairement du Manuel que l’enquête exigée pour l’attribution de la cote de fiabilité approfondie a une portée moins étendue que celle relative à une évaluation sécuritaire. Il est important de ne pas perdre de vue cet élément pour apprécier la pertinence de certaines décisions traitant de l’habilitation au secret.
Le 13 décembre 1990, un détenu, R. Moorehead, a été libéré conditionnellement de l’établissement Kent. Il avait fait la connaissance de la requérante pendant sa détention. Il n’est pas contesté que M. Moorehead a rencontré la requérante à l’occasion à Abbottsford, où elle résidait, pendant qu’il était en liberté conditionnelle, après l’avoir rencontrée par hasard une première fois à l’église. Ils se sont vus à quelques reprises, apparemment lors de rencontres sociales informelles, parfois seuls, parfois en compagnie d’autres personnes. Le 24 janvier 1991, M. Moorehead a été arrêté et inculpé de certaines infractions. On l’a alors renvoyé à l’établissement Kent. La requérante a participé au processus d’admission de M. Moorehead lors de sa réincarcération. Elle n’avait jamais averti ses supérieurs des contacts sociaux qu’elle avait eus avec M. Moorehead au cours de sa liberté conditionnelle. C’est M. Moorehead qui a mis les autorités au courant par ses agissements après son retour à l’établissement Kent. Le directeur adjoint de l’établissement Kent a écrit à la requérante le 4 février 1991 pour l’informer qu’il avait obtenu des renseignements lui faisant craindre qu’elle ait eu des relations non approuvées avec un détenu et qu’elle pourrait ainsi avoir contrevenu au Code de discipline. Elle a été suspendue sans rémunération le 12 février et elle s’est présentée à une audience disciplinaire le 20 février. Par suite de cette audience, elle a été suspendue sans rémunération pour trente quarts de travail consécutifs.
La disposition pertinente du Code de discipline[4] prévoit :
19. Commet une infraction grave, justifiant normalement une suspension sans rémunération ou le congédiement, l’employé qui :
…
e. établit avec un délinquant, un ancien délinquant ou avec les amis ou parents d’un délinquant ou ancien délinquant, en dehors de ses fonctions, des relations qui ne sont pas approuvées par son supérieur immédiat;
Avant la fin de sa suspension, la requérante a été informée, le 18 avril 1991, par le sous-commissaire (Pacifique), Service correctionnel du Canada, qu’il lui retirait sa cote de fiabilité approfondie le jour même. Il a déclaré :
[traduction] En raison des relations que vous avez établies avec un délinquant au cours de sa libération conditionnelle et, qui plus est, de votre omission d’en avertir le Service correctionnel du Canada, vous avez perdu votre fiabilité en ce qui a trait au contrôle des renseignements et biens du Gouvernement du Canada auxquels vous avez accès.
Dans la même lettre, il l’a informée qu’en raison de la perte de sa cote de fiabilité approfondie, il était tenu de recommander son renvoi à la Commission de la fonction publique parce qu’elle était incapable d’exercer les fonctions de son poste du fait qu’ayant perdu sa cote, elle ne pouvait plus avoir accès à des renseignements ou biens désignés de nature délicate. Il ressort clairement de la preuve, et l’intimé ne le conteste pas, que la décision d’annuler la cote de fiabilité approfondie de la requérante a été prise sans qu’elle soit avisée qu’il en était question et sans qu’on lui fournisse l’occasion de faire valoir ses prétentions à ce sujet[5].
La décision disciplinaire a fait l’objet d’un grief devant un membre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Devant ce tribunal, l’intimé a prétendu que « la révocation de la cote de fiabilité approfondie n’est pas arbitrable » et qu’elle ne peut donc pas faire l’objet d’un grief. Dans la décision qu’il a rendue le 10 janvier 1992 [[1992] C.R.T.F.P.C. no 4 (QL)], l’arbitre a retenu cet argument, mais il a indiqué qu’il pouvait néanmoins examiner la question de savoir si le pouvoir discrétionnaire de révocation de cette cote avait été exercé de mauvaise foi. Il n’était pas persuadé qu’il y avait eu mauvaise foi. Il a ajouté que la question de la révocation et de ses conséquences « font partie intégrante de la recommandation que l’administrateur général a faite en vertu du paragraphe 31(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique »[6]. Il a donc estimé que la révocation de la cote de fiabilité entrait dans l’appréciation de la capacité de la requérante de remplir ses fonctions par l’administrateur général en vertu du paragraphe 31(1) et qu’elle ne relevait donc pas de sa compétence.
Entre-temps, la requérante a interjeté appel de la décision de l’administrateur général de recommander son renvoi en utilisant la procédure d’appel prévue au paragraphe 31(2) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Le Comité d’appel de la Commission de la fonction publique a rendu une première décision relativement à cet appel, mais celle-ci a été annulée par la Cour d’appel fédérale [A-1117-91, le juge Stone, J.C.A., jugement en date du 21-1-93, non publié]. La décision qui est maintenant en cause est la deuxième décision rendue par ce Comité le 22 juillet 1993. Le Comité a rejeté l’appel de la requérante en se fondant essentiellement sur les motifs suivants : la procédure suivie par l’administrateur général en vue de révoquer la cote de fiabilité approfondie de la requérante n’était pas susceptible de contrôle, sauf en ce qui a trait à la question de savoir si elle était fondée sur des renseignements exacts et le Comité a conclu que les renseignements essentiels pertinents à cette décision n’étaient pas contestés; il appartenait à l’administrateur général de décider s’il y avait lieu de révoquer la cote de fiabilité et cette décision relevait de son pouvoir discrétionnaire quant au degré de jugement qu’il exigeait de son personnel; enfin, après avoir exercé son pouvoir discrétionnaire de révocation, l’administrateur général pouvait [traduction] « recommander le renvoi de la requérante parce qu’elle était incapable de remplir ses fonctions ». Bien que le Comité ait décidé implicitement que l’absence de bonne foi pouvait vicier l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, il n’a trouvé aucun fondement qui lui permettrait de conclure que l’autorité visée avait agi de mauvaise foi[7].
La requérante demande le contrôle judiciaire de cette décision en faisant valoir, selon moi, qu’il y a eu à la fois erreur de droit et erreur de fait.
Les questions en litige
Je crois que c’est l’intimé qui a le mieux défini les trois premières questions dans son analyse des questions décrites par la requérante. La quatrième question est débattue principalement par la requérante. Voici ces questions :
(1) L’« incapacité » visée au paragraphe 31(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique peut-elle découler du fait qu’une fonctionnaire a perdu sa cote de fiabilité approfondie, lorsque cette cote constitue une condition d’embauche pour cette fonctionnaire?
(2) Le cas échéant, un Comité d’appel saisi d’un appel de la recommandation de l’administrateur général de renvoyer l’employé, sous le régime du paragraphe 31(2), peut-il réviser la révocation de la cote dans le cadre de la révision de cette recommandation?
(3) Le cas échéant, quelle norme le Comité d’appel doit-il appliquer pour réviser la révocation de la cote?
(4) Faut-il avertir la fonctionnaire et lui fournir l’occasion de corriger sa conduite avant de révoquer sa cote?
Conclusions
L’incapacité peut-elle découler de la perte de la cote de fiabilité approfondie?
Cette question est cruciale pour déterminer si le Comité d’appel de la Commission de la fonction publique avait un pouvoir quelconque de révision du retrait de la cote de fiabilité approfondie dans le cadre de l’audition d’un appel sous le régime du paragraphe 31(2) de la Loi. Cet appel vise la recommandation de l’administrateur général qui portait en l’espèce que la requérante devait être renvoyée parce qu’elle était incapable de remplir ses fonctions du fait qu’elle avait perdu sa cote de fiabilité approfondie et ne pouvait plus avoir accès à des [traduction] « renseignements ou biens désignés de nature délicate »[8].
La position des deux parties est, selon moi, quelque peu ambivalente à cet égard. La requérante a soutenu que l’incapacité visée par le paragraphe 31(1) doit découler de raisons totalement indépendantes de la volonté du fonctionnaire. Elle affirme, dans son mémoire :
[traduction] Si l’incapacité n’est pas indépendante de la volonté du fonctionnaire, il s’agit d’une question de nature disciplinaire[9].
Il faudrait en conclure que le retrait de la cote de fiabilité approfondie n’aurait pas dû en l’espèce être révisé par un membre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique dans le cadre d’un grief, car les circonstances ayant mené à ce retrait n’étaient pas indépendantes de la volonté de la requérante. Toutefois, selon ce que je comprends, la requérante prétend maintenant que c’est cette question que le Comité d’appel aurait dû examiner sous le régime du paragraphe 31(2) et que le Comité aurait dû se prononcer sur les questions de fait concernant le retrait de cette cote.
Quant à lui, l’intimé semble avoir adopté la position la plus avantageuse selon les circonstances. Dans le Manuel du Conseil du trésor, qui décrit la cote de fiabilité approfondie et traite de sa révocation, on peut lire :
6.1 Cote de fiabilité
Les fonctionnaires qui souhaitent contester une décision négative fondée sur les résultats d’une vérification de la fiabilité peuvent utiliser la procédure actuelle de règlement des griefs conformément aux articles 91 et 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique … [10].
Dans la lettre avisant la requérante de sa décision de révoquer sa cote, l’administrateur général déclare, relativement à cette décision :
[traduction] Si vous le désirez, vous pouvez contester cette décision en utilisant la procédure de grief du ministère conformément aux articles 91 et 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. À votre demande, le grief pourra être soumis directement au commissaire des services correctionnels. Vous pourriez aussi avoir le droit de porter la décision concernant votre cote de fiabilité approfondie devant la Commission des droits de la personne ou devant la Cour fédérale ou devant ces deux instances.
Par contre, selon la Commission des relations de travail dans la fonction publique, l’avocate de l’employeur aurait pris la position suivante devant la Commission :
À propos du second grief, l’avocat a déclaré qu’il n’y avait peut-être pas de redressement administratif d’offert, mais le Parlement avait prévu, au paragraphe 91 de la Loi, que certaines questions pouvaient faire l’objet de griefs, sans qu’il soit toutefois possible de renvoyer ceux-ci à l’arbitrage en vertu du paragraphe 92 de la Loi. Les affaires arbitrables se limitent à celles portant sur l’interprétation et l’application d’une convention collective ou concernant certaines questions disciplinaires. La révocation de la cote de fiabilité approfondie n’est pas arbitrable[11].
Le membre de la Commission qui a été saisi du grief a retenu cette position pour l’essentiel en affirmant que la révocation de la cote relevait uniquement du pouvoir discrétionnaire de l’employeur et qu’il s’agissait d’une décision de nature administrative; par conséquent, le tribunal ne pouvait réviser cette révocation que si ce pouvoir discrétionnaire avait été exercé de mauvaise foi.
La requérante a tenté de faire réviser la révocation par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, mais celui-ci s’est déclaré incompétent. Il ne fait aucun doute que l’intimé était d’accord avec ce raisonnement.
Maintenant, l’intimé prétend que [traduction] « le fait d’avoir une cote de fiabilité approfondie valide est une qualité requise comme toutes les autres »[12]. Toutefois, bien qu’il s’agisse de la capacité de la requérante, l’intimé soutient que, sous le régime du paragraphe 31(2), le Comité d’appel saisi de l’appel d’une recommandation de l’administrateur général visant le renvoi d’un fonctionnaire incapable de remplir ses fonctions ne devrait pas avoir le pouvoir de réviser la décision de révoquer sa cote, prise par le même administrateur général au même moment, savoir la décision dont découle l’incapacité.
L’intimé fait valoir que la révocation de sa cote prive la fonctionnaire d’une qualité requise comme toutes les autres, mais il invoque des arrêts comme Lee c. Procureur général du Canada[13] portant que l’habilitation au secret et l’appréciation du mérite d’un candidat sont deux notions totalement différentes en vue de la nomination d’une personne au sein de la fonction publique.
J’ai conclu, en me fondant sur le libellé de l’article en cause et sur l’argument proposé par l’intimé, que le fait d’avoir une cote de fiabilité approfondie, lorsque la description de fonction l’exige, est une [traduction] « qualité requise comme toutes les autres » et que la perte de cette cote rend une personne incapable de remplir ses fonctions, du moins dans des circonstances comme celles dont je suis saisi. Je ne pense pas qu’il soit avantageux de quelque façon d’établir des distinctions complexes selon que la perte d’une qualité requise découle de facteurs qui sont ou non indépendants de la volonté de la personne en cause. Le mot « incapable » a une portée suffisamment large pour englober ces deux cas. Bien que la perte volontaire de la capacité d’un employé puisse effectivement faire l’objet d’une procédure disciplinaire, cela n’empêche pas en soi qu’on recommande le renvoi de l’employé en se fondant sur les mêmes faits. Peu importe la distinction à établir entre le mérite et l’habilitation au secret ordinaire, je suis convaincu qu’une personne qui exerce des fonctions exigeant une cote de fiabilité approfondie et qui perd cette cote en raison de ses actes, peut être considérée comme incapable de continuer à remplir ses fonctions.
Le cas échéant, le Comité d’appel peut-il réviser la révocation de la cote?
Comme j’ai répondu à la première question par l’affirmative, le libellé de la Loi permet, selon moi, au Comité d’appel de réviser la décision, prise par l’administrateur général dans le cadre de sa décision de recommander le renvoi, portant que l’employé est incapable parce qu’on ne peut plus, à son avis, lui attribuer la cote de fiabilité approfondie. Il me semble que cette conclusion est compatible avec la position adoptée par les deux parties dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire. La requérante conteste manifestement la décision du Comité d’appel de ne pas avoir procédé à un examen complet, plus particulièrement à l’examen de la preuve qui a fondé la décision de révoquer sa cote. L’intimé soutient que la perte de la cote de la requérante entraîne la perte de sa qualité et, partant, la perte de sa capacité. La logique qui sous-tend ce raisonnement veut que le Comité d’appel saisi d’un appel sous le régime du paragraphe 31(2) puisse réviser, dans la limite de ses pouvoirs, la décision portant qu’un employé n’a plus la qualité requise et n’est donc plus capable d’accomplir son travail.
Le cas échéant, quelle norme le Comité d’appel doit-il appliquer?
Il faut d’abord souligner qu’en vertu du paragraphe 31(2), lorsque l’administrateur général juge qu’un fonctionnaire est incapable de remplir ses fonctions et qu’il doit être renvoyé, et lorsque l’administrateur général recommande son renvoi à la Commission, le fonctionnaire
31. …
(2) … peut faire appel de la recommandation … devant un comité chargé … de faire une enquête, au cours de laquelle les parties, ou leurs représentants, ont l’occasion de se faire entendre.
Bien que l’article utilise le terme « appel », qui sous-entend le droit d’examiner la validité de la décision, tant en ce qui a trait au droit qu’en ce qui a trait aux faits, il faut souligner que la décision visée est celle autorisée par le paragraphe 31(1) dans les cas où l’administrateur général « juge » que le fonctionnaire est incapable. C’est donc une décision en grande partie à caractère discrétionnaire. La Cour d’appel fédérale a défini le rôle du Comité d’appel en pareilles circonstances. Dans l’affaire Ahmad c. La Commission de la Fonction publique[14], la Cour a noté (dans le contexte d’une recommandation fondée sur l’incompétence) que la question de savoir si une personne est incompétente est une question d’opinion que le Comité d’appel ne doit pas trancher, sauf si l’une ou l’autre des situations suivantes se présente :
(1) l’administrateur général a mal appliqué une directive légale ou juridique;
(2) la preuve établit qu’il y a eu mauvaise foi dans la décision prise par l’administrateur général;
(3) on a soumis au Comité
des documents pertinents, établissant effectivement que le sous-chef a eu tort d’estimer que l’employé en question était « incompétent …
Il me semble que le même critère doit s’appliquer au pouvoir de révision d’un Comité relativement à une décision concernant l’incapacité. Un examen attentif de la décision Ahmad révèle que le Comité doit respecter de prime abord l’opinion de l’administrateur général, mais qu’il peut réviser sa décision en ce qui a trait au droit, à la question de la mauvaise foi et aux faits, leur exactitude étant apparemment le facteur à considérer. C’est vraisemblablement ce que la Cour d’appel voulait dire lorsqu’elle a déclaré que le Comité peut aller à l’encontre de la décision de l’administrateur général si on lui a soumis des documents établissant « effectivement » que l’administrateur général a eu tort.
Je crois qu’il existe un autre critère de révision dont la Cour d’appel n’a pas eu l’occasion de parler, soit le caractère équitable du processus décisionnel suivi par l’administrateur général, dont je reparlerai plus loin.
Appliquons maintenant les critères énoncés plus haut. On n’a pas suggéré devant moi ni, je le pense, devant le Comité, que l’administrateur général avait mal appliqué une directive légale ou juridique. Par conséquent, le Comité d’appel ne pouvait se fonder sur ce motif de révision. En ce qui a trait à la question de la bonne foi, le Comité d’appel s’est prononcé et a conclu qu’aucune preuve n’établissait que l’employeur n’avait pas agi de bonne foi en l’espèce. Aucune preuve à cet égard ne m’a été soumise, bien que la rigueur de la décision de renvoyer la requérante après l’application de mesures disciplinaires sévères puisse certainement donner lieu à l’examen de cette question. Je ne crois toutefois pas que les éléments dont je dispose me permettent de conclure, en me fondant sur ce critère, qu’une erreur susceptible de contrôle a été commise.
En ce qui a trait à l’examen des conclusions de fait sur lesquelles l’administrateur général a fondé son opinion, dont parle l’arrêt Ahmad, je crois que le Comité a bien exercé ses fonctions. Les faits essentiels n’étaient pas en litige quant aux révélations qui ont été faites. On a contesté l’importance des relations établies par la requérante avec le détenu et, pour les motifs énoncés plus loin, il me semble que le Comité aurait dû s’interroger sur la procédure suivie par l’administrateur général pour révoquer la cote de fiabilité approfondie de la requérante. Voici toutefois les faits essentiels qui ont été établis : la requérante a eu des contacts sociaux quelconques avec le détenu à l’extérieur de la prison et elle n’en a pas averti ses supérieurs comme l’exige le Code de discipline. En se fondant sur ces faits, l’administrateur général était autorisé à décider s’il pouvait toujours avoir assez confiance en la requérante pour qu’elle conserve sa cote de fiabilité approfondie et qu’elle continue, grâce à cette cote, à avoir accès aux documents et aux biens de l’établissement. C’était beaucoup une question d’opinion et les faits essentiels sous-tendant cette opinion n’étaient pas en litige. Selon moi, le Comité ne pouvait pas réviser cette opinion comme telle. Bien que je n’établisse pas nécessairement d’équivalence entre l’acquisition ou la perte de la cote de fiabilité approfondie et l’acquisition ou la perte de l’habilitation au secret, les principes de droit administratif applicables selon lesquels les questions d’opinion ne sont pas susceptibles de révision, même en appel, demeurent essentiellement les mêmes[15].
Selon moi, le quatrième critère applicable à la révision par un comité d’appel concerne la procédure suivie par l’administrateur général pour décider qu’un fonctionnaire est incapable de remplir ses fonctions. Il n’est pas surprenant que la Cour d’appel fédérale n’en ait pas fait mention dans l’arrêt Ahmad rendu en 1974. À cette époque, le concept de l’équité n’avait pas encore été reconnu de façon générale comme une exigence à respecter, même dans la prise de décisions à caractère administratif[16]. Dans l’affaire Thomson c. Canada[17], la Cour suprême du Canada a décidé récemment que :
Le sous-ministre était donc tenu de se conformer aux principes de l’équité procédurale dans le contexte des décisions en matière d’octroi des habilitations de sécurité. D’une manière générale, l’équité exige qu’une partie ait une possibilité suffisante de connaître la preuve contre laquelle elle doit se défendre, de la réfuter et de présenter sa propre preuve.
S’il faut respecter l’équité lorsqu’on prend des décisions concernant le secret, qui touchent à la sécurité de l’État et aux situations d’urgence, il faut à plus forte raison la respecter lorsqu’on prend simplement une décision concernant la fiabilité ordinaire. En l’espèce, comme je l’ai dit plus tôt, la requérante a eu droit à une audience avant la prise de mesures disciplinaires contre elle, mais on ne l’a ni interrogée, ni consultée, ni avertie avant que le sous-commissaire décide de révoquer sa cote de fiabilité approfondie. Cette question a été soulevée devant le Comité d’appel. En réponse à la prétention de la requérante selon laquelle on aurait dû lui fournir l’occasion d’être entendue avant que cette décision soit prise, le Comité a déclaré :
[traduction] La procédure suivie par l’administrateur général pour parvenir à la décision de révoquer la cote de fiabilité approfondie est pertinente à l’enquête menée sous le régime de l’article 31 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique dans la mesure où elle touche à l’exactitude ou à la fiabilité des renseignements sur la foi desquels la décision a été prise[18].
Étant donné que le Comité a conclu que les « renseignements » pertinents n’étaient pas en litige, il n’a pas jugé nécessaire d’examiner la validité de la procédure suivie. Selon moi, il s’agit là d’une erreur de droit. En effet, le Comité d’appel a affirmé qu’il ne pouvait réviser la procédure suivie par l’administrateur général que si cette procédure avait donné lieu à une décision erronée. Ce n’est pas ce que prévoient les règles de droit relatives à l’obligation d’agir équitablement dans la prise d’une décision. Que la décision définitive soit juste ou erronée, elle peut être déclarée invalide et annulée s’il y a eu négation du droit à une audition équitable[19]. Le Comité d’appel a commis une erreur de droit en omettant d’examiner la procédure suivie par l’administrateur général. Cette procédure peut très bien avoir donné lieu à la négation du droit de la requérante à une audition équitable. Je ne peux pas me prononcer sur le caractère équitable de la procédure, mais le Comité d’appel doit le faire et le dossier doit lui être renvoyé pour qu’il examine cette question.
Le Comité d’appel aurait-il dû conclure qu’un avertissement préalable était nécessaire?
La requérante a soutenu devant le Comité d’appel que l’administrateur général avait l’obligation d’avertir un fonctionnaire des conséquences éventuelles de ses actes avant de recommander son renvoi. Elle a en outre prétendu que l’employeur avait le devoir de lui offrir des services de counselling pour déterminer si elle pouvait être réhabilitée. Le Comité d’appel a étudié cet argument et l’a rejeté en déclarant que l’administrateur général pouvait avoir l’obligation d’avertir le fonctionnaire lorsqu’il mettait en doute le jugement habituel du fonctionnaire. Par contre, en l’espèce, l’administrateur général a agi à la suite d’une seule occasion à laquelle la requérante a fait preuve d’un grave manque de jugement (selon lui) qui l’a poussé à exercer son pouvoir discrétionnaire de congédiement. Dans les circonstances, le Comité a jugé qu’il était autorisé à décider qu’il ne pouvait dorénavant pas se fier au jugement de cette personne.
L’obligation de donner un avis a été confirmée et précisée par la Cour d’appel fédérale dans les affaires Dansereau c. Canada (Comité d’appel de la fonction publique)[20] et Clare c. Canada (Procureur général)[21]. Ces causes concernaient des employés à long terme qui travaillaient depuis 22 ou 23 ans au service du gouvernement fédéral. Dans l’affaire Dansereau, la Cour a déclaré[22] :
Aussi, je conclus sur ce point, pour les fins du présent dossier, que lorsqu’un employé qui a exercé les mêmes fonctions pendant plusieurs années reçoit de façon constante des rapports de rendement satisfaisants et n’est l’objet d’aucune critique sérieuse de la part de son employeur, il se dégage une présomption qu’il a la compétence voulue pour exercer lesdites fonctions et l’employeur, sauf circonstances extraordinaires ou pressantes, ne saurait le congédier pour cause d’incompétence à moins qu’il ne l’ait informé des lacunes qui lui sont reprochées, qu’il ne lui ait donné la possibilité de les corriger et qu’il ne lui ait indiqué les dangers de congédiement auxquels il s’exposait s’il ne les corrigeait pas. Chaque cas, bien sûr, en sera un d’espèce et le type d’avertissement ainsi que la période de correction varieront au gré des circonstances.
Les faits de l’espèce ne correspondent pas parfaitement aux faits en cause dans ces instances. Dans le présent dossier, la requérante avait apparemment travaillé à l’établissement Kent à court terme en 1988 et peut-être pendant une partie de l’année 1989. Elle n’a toutefois été nommée au poste en cause que le 4 décembre 1989 et elle exerçait ses fonctions depuis seulement treize mois environ lorsque les événements qui ont donné lieu à son renvoi sont survenus. Par conséquent, la « présomption » mentionnée dans l’arrêt Dansereau ne s’appliquait probablement pas en l’espèce. De plus, je pense que le Comité pouvait effectivement conclure que, selon les termes utilisés dans l’arrêt Dansereau, des circonstances extraordinaires ou pressantes ont incité l’administrateur général, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, à juger qu’il ne pouvait dorénavant plus tolérer la présence de cette fonctionnaire dans l’établissement. Bien que le Comité d’appel ne se soit pas exprimé précisément en ces termes, je pense que c’est pour l’essentiel la décision prise par le Comité et qu’il pouvait, en droit, prendre cette décision.
Dispositif
La demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée, sauf en ce qui a trait à l’omission du Comité d’examiner convenablement la procédure suivie par l’administrateur général pour révoquer la cote de fiabilité approfondie de la requérante. L’affaire sera renvoyée au Comité pour qu’il réexamine cette question en conformité avec les présents motifs.
[1] L.R.C. (1985), ch. P-33.
[2] Manuel du Conseil du trésor, à la p. 32.
[3] Ibid.
[4] Service correctionnel du Canada, Directive du commissaire 060 du 1er janvier 1987.
[5] Voir la décision du comité d’appel, aux p. 5 et 6.
[6] Voir la décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, 10 janvier 1992, aux p. 64 et 65.
[7] Décision du Comité d’appel, aux p. 13 à 15.
[8] Lettre du 18 avril 1991 adressée à la requérante par le sous-commissaire en vue de l’avertir qu’il lui retirait sa cote et recommandait son renvoi.
[9] Dossier de la requérante, à la p. 60.
[10] Supra, note 2, à la p. 23.
[11] Supra, note 6, à la p. 60.
[12] Dossier de l’intimé, par. 27.
[13] [1981] 2 R.C.S. 90.
[14] [1974] 2 C.F. 644 (C.A.), aux p. 646 et 647.
[15] Voir, par exemple, Lee c. Procureur général du Canada, supra, note 13; Thomson c. Canada (Sous-ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385, à la p. 395.
[16] Voir maintenant, par exemple, Martineau c. Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602; Cardinal et autre c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643.
[17] Supra, note 15, à la p. 402.
[18] Supra, note 5, aux p. 13 et 14.
[19] Cardinal, supra, note 16, aux p. 660 et 661.
[20] [1991] 1 C.F. 444 (C.A.).
[21] [1993] 1 C.F. 641 (C.A.).
[22] Supra, note 20, à la p. 460.