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[1995] 2 C.F. 413

A-94-94

Ylona A. Gall (requérante)

c.

Le procureur général du Canada (intimé)

Répertorié : Gall c. Canada (C.A.)

Cour d’appel, juge en chef Isaac et juges Desjardins et McDonald, J.C.A.—Toronto, 6 décembre 1994; Ottawa, 26 janvier 1995.

Assurance-chômage — Contrôle judiciaire de la décision du juge-arbitre portant que les paiements reçus en vertu de l’art. 13(1) du No-Fault Benefits Schedule avaient valeur de rémunération au sens de l’art. 57(2)d) du Règlement sur l’assurance-chômage et avaient été dûment déduits des prestations d’assurance-chômage — La requérante était en chômage lorsqu’elle a subi l’accident d’automobile qui lui a donné droit à des indemnités en vertu de l’art. 13 — Les indemnités prévues par l’art. 13 ne compensent pas la perte de revenu — Le juge-arbitre doit déterminer si les indemnités sans égard à la responsabilité sont versées pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi — Il doit examiner la loi provinciale dans chaque cas pour déterminer s’il s’agit d’indemnités pour la perte d’un revenu ou pour une perte sans lien avec un revenu.

Interprétation des lois — Loi sur l’assurance-chômage — Les indemnités d’assurance-automobile sans égard à la responsabilité doivent-elles être déduites des prestations d’assurance-chômage? — Contrairement aux notes marginales, les intertitres peuvent être utilisés pour faciliter l’interprétation d’une disposition — Le juge-arbitre a commis une erreur en n’adoptant pas l’interprétation juste énoncée dans le texte de doctrine de O’Donnell, intitulé Automobile Insurance in Ontario.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le juge-arbitre a rejeté l’appel interjeté par la requérante contre la décision du Conseil arbitral. Le Conseil avait rejeté l’appel formé par la requérante contre une décision de la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada portant que les indemnités hebdomadaires reçues en vertu de l’article 13 du No-Fault Benefits Schedule (tableau des indemnités sans égard à la responsabilité) de l’Ontario avaient valeur de rémunération au sens de l’alinéa 57(2)d) du Règlement sur l’assurance-chômage et qu’elles avaient été déduites à bon droit des prestations d’assurance-chômage en vertu du paragraphe 17(4) de la Loi sur l’assurance-chômage. Selon l’alinéa 57(2)d) du Règlement, la rémunération dont il faut tenir compte pour fixer le montant à déduire des prestations payables s’entend des indemnités qu’un prestataire a reçues ou a le droit de recevoir en vertu d’un régime d’assurance-automobile prévu par la loi provinciale pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi par suite de blessures corporelles. Le paragraphe 12(1) du tableau prévoit le paiement d’une indemnité hebdomadaire de revenu pendant la période au cours de laquelle la personne assurée souffre d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles de sa profession ou de son emploi. Le paragraphe 13(1) prévoit le paiement d’une indemnité hebdomadaire pendant la période au cours de laquelle la personne assurée souffre d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles dont elle s’acquitterait habituellement.

Le 26 juillet 1991, au moment où elle était en chômage et où elle recevait des prestations d’assurance-chômage, la requérante a été blessée dans un accident d’automobile. Elle a eu droit à des indemnités en vertu de l’article 13 du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité à compter du 2 août 1991. Les indemnités ainsi payables ont été déduites des prestations d’assurance-chômage de la requérante par application de l’alinéa 57(2)d) du Règlement.

La question à trancher était celle de savoir si les indemnités ont été reçues « pour la perte réelle ou présumée d’un revenu d’emploi ».

Arrêt : la demande doit être accueillie.

Le juge-arbitre a mal interprété l’alinéa 57(2)d) du Règlement et le paragraphe 13(1) du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité. La requérante était en chômage lorsqu’elle a été blessée dans l’accident d’automobile. Elle n’a perdu et ne pouvait perdre aucun revenu en raison de l’accident. Les indemnités sans égard à la responsabilité qu’elle a reçues n’étaient pas des paiements pour la perte d’un revenu.

Le libellé du paragraphe 12(1), comparé à celui du paragraphe 13(1), établit clairement que les indemnités prévues par le paragraphe 13(1) ne sont pas liées au revenu. Le paragraphe 12(1) est précédé par l’intertitre [traduction] « Indemnités de revenu », alors que le paragraphe 13(1) est précédé de l’intertitre [traduction] « Indemnités en l’absence d’un revenu ». Il est bien établi que les intertitres, contrairement aux notes marginales, peuvent être utilisés pour faciliter l’interprétation d’une disposition. Le simple libellé de ces dispositions indique clairement que si les paiements reçus en vertu du paragraphe 12(1) sont manifestement versés « pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi par suite de blessures corporelles » au sens de l’alinéa 57(2)d), les paiements reçus en vertu du paragraphe 13(1) ne le sont pas car ils n’ont aucun lien avec le revenu. Selon cette interprétation, la question que le juge-arbitre doit trancher lorsqu’il est saisi d’une demande touchant l’alinéa 57(2)d) n’est pas celle de savoir si les paiements sans égard à la responsabilité prévus au paragraphe 13(1) visent à compenser la douleur et les souffrances, mais plutôt celle de savoir s’ils visent ou non à compenser la perte du revenu d’un emploi, que cette perte soit réelle ou présumée. Une réponse affirmative entraînera l’application de l’alinéa 57(2)d). Une réponse négative l’écartera.

C’est à tort que l’on présuppose que tous les paiements effectués en vertu de régimes provinciaux d’assurance sans égard à la responsabilité constituent une indemnisation pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi par suite des blessures corporelles subies lors d’un accident d’automobile. Certains paiements sont effectués pour compenser des pertes sans lien avec le revenu. Il est donc nécessaire d’examiner dans chaque cas la loi provinciale applicable pour déterminer l’objet précis effectivement visé par les paiements sans égard à la responsabilité.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur l’assurance-chômage, L.R.C. (1985), ch. U-1, art. 17(4), 80.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 28 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8).

Loi sur les prestations familiales, L.R.O. 1980, ch. 151.

No-Fault Benefits Schedule, Règl. de l’Ont. 273/90, maintenant R.R.O. 1990, Règl. 672, art. 12(1),(2),(3), 13(1),(2),(3),(7).

R.R.O. 1980, Règl. 318, art. 13(2) (mod. par Règl. de l’Ont. 396/86, art. 4).

Règlement sur l’assurance-chômage, C.R.C., ch. 1576, art. 57(2) (mod. par DORS/90-756, art. 17), d) (édicté par DORS/78-233, art. 1), (2.1) (édicté par DORS/78-233, art. 1; 90-761, art. 16), (3) (mod. par DORS/82-673, art. 2), 58 (mod. par DORS/90-756, art. 18).

JURISPRUDENCE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Marshall v. Heliotis (1993), 16 O.R. (3d) 637 (Div. gén.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

MacInnis (1993), CUB 23255; Rousseau (1990), CUB 18443; Mills (1992), CUB 21067; Villanueva (1994), CUB 25448; Gates v. Ontario (Ministry of Community & Social Services) (1994), 19 O.R. (3d) 158 (C. div.); Procureur général du Canada c. Walford, [1979] 1 C.F. 768 (1978), 93 D.L.R. (3d) 748; 24 N.R. 594 (C.A.).

DÉCISION CITÉE :

Mountney (1993), CUB 22427.

DOCTRINE

Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed. Toronto : Butterworths, 1983.

O’Donnell, Allan. Automobile Insurance in Ontario. Toronto : Butterworths, 1991.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision du juge-arbitre portant que les indemnités hebdomadaires reçues en vertu de l’article 13 du No-Fault Benefits Schedule de l’Ontario avaient valeur de rémunération au sens de l’alinéa 57(2)d) du Règlement sur l’assurance-chômage et qu’elles avaient été dûment déduites des prestations d’assurance-chômage par application du paragraphe 17(4) de la Loi sur l’assurance-chômage (Gall (1994), CUB 23985). Demande accueillie.

AVOCATS :

Sarah E. Colquhoun pour la requérante.

Dominic Clarke pour l’intimé.

PROCUREURS :

Kinna-Aweya Legal Clinic, Thunder Bay (Ontario), pour la requérante.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge en chef Isaac :

1.         Introduction

La demande présentée en vertu de l’article 28 [Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8)] vise le contrôle et l’annulation de la décision par laquelle un juge-arbitre a rejeté, le 3 février 1994 [(1994), CUB 23985], l’appel de la requérante à l’encontre de la décision rendue par le Conseil arbitral (le Conseil), en date du 22 octobre 1991.

Dans une décision unanime, le Conseil avait rejeté l’appel interjeté par la requérante à l’encontre d’une décision de la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada (la Commission) portant que certains paiements hebdomadaires, de 185 $ chacun, que la requérante avait reçus en vertu de l’article 13 du No-Fault Benefits Schedule de l’Ontario (le tableau des indemnités sans égard à la responsabilité) R.R.O. 1990, Règl. 672, avaient valeur de rémunération au sens de l’alinéa 57(2)d) du Règlement sur l’assurance-chômage (le Règlement), C.R.C., ch. 1576 [édicté par DORS/78-233, art. 1; 90-756, art. 17], et qu’ils avaient été déduits à juste titre de ses prestations d’assurance-chômage en vertu du paragraphe 17(4) de la Loi sur l’assurance-chômage, L.R.C. (1985), ch. U-1. Le juge-arbitre s’est fondé sur une remarque incidente du juge-arbitre dans la décision [MacInnis] (1993), CUB 23255, concernant la nature des paiements reçus des régimes gouvernementaux d’assurance-automobile sans égard à la responsabilité, pour confirmer la décision du Conseil et rejeter l’appel de la requérante, en affirmant qu’il le faisait « Malgré tous mes regrets à l’égard de la situation difficile de la prestataire » (à la page 4).

2.         Les faits

Les faits ne sont pas contestés et peuvent être énoncés brièvement. La requérante a travaillé pour la société Lowerys Ltd., à Thunder Bay, en Ontario, en qualité de technicienne en électronique, du 28 janvier 1985 au 12 octobre 1990, date à laquelle elle a été mise à pied pour surplus de personnel. Le 12 décembre 1990, elle a demandé des prestations d’assurance-chômage. Il a été établi que sa période de prestations débutait le 9 décembre 1990. Le 26 juillet 1991, au moment où elle était en chômage et recevait des prestations d’assurance-chômage, la requérante a été blessée dans un accident d’automobile. Cet accident lui a donné le droit de percevoir les indemnités prévues à l’article 13 du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité à compter du 2 août 1991. La lettre adressée à la requérante à l’origine par l’expert en assurance, le 21 août 1991, se lit en partie comme suit :

[traduction] Vous trouverez sous pli notre traite totale pour invalidité au montant de 370 $ relativement à la période du 2 août 1991 au 15 août 1991.

Veuillez prendre note que nous avons parlé au régime de l’Assurance-chômage et que nous l’avons avisé que ces paiements ne constituent pas une indemnité de salaire, mais plutôt une prestation d’invalidité établie en fonction d’une personne sans emploi.

Le 11 septembre 1991, la Commission a avisé la requérante par lettre qu’elle avait reçu des prestations d’assurance-chômage excédentaires de 407 $, qui correspondaient à la somme des paiements sans égard à la responsabilité qu’elle avait reçus du 28 juillet au 22 août 1991 (ce montant a été ventilé comme suit : semaine commençant le 18 juillet 1991—37 $; semaine commençant le 4 août 1991—185 $; semaine commençant le 11 août 1991—185 $). Il va sans dire que la Commission a déduit le montant des prestations excédentaires des prestations d’assurance-chômage que la requérante a reçues après la date de l’avis. La Commission a fondé sa décision sur la prémisse voulant que les paiements sans égard à la responsabilité aient été reçus « en vertu d’un régime d’assurance-automobile prévu par une loi provinciale pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi par suite de blessures corporelles », comme le prévoit l’alinéa 57(2)d) du Règlement. La requérante a porté cette décision en appel au Conseil qui l’a tranchée de la façon déjà décrite.

Devant le Conseil, la requérante a soutenu que les paiements sans égard à la responsabilité ne pouvaient être déduits parce qu’ils n’avaient aucun lien avec son emploi. Le Conseil a rejeté cet argument et affirmé, dans ses motifs, que ces paiements avaient été dûment attribués en conformité avec l’alinéa 57(2)d) du Règlement. Néanmoins, le Conseil a formulé la remarque suivante :

[traduction] Le Conseil reconnaît que l’objection de la prestataire à la déduction de cette indemnité de ses prestations d’assurance-chômage est très valable. Le Conseil s’attend néanmoins que les autorités compétentes saisiront cette occasion de réviser la Loi en regard des dispositions du régime provincial « sans égard à la responsabilité ».

3.         Dispositions législatives et réglementaires pertinentes

(a)       No-Fault Benefits Schedule (Tableau des indemnités sans égard à la responsabilité)—Règl. de l’Ont. 273/90 [maintenant R.R.O. 1990, Règl. 672]

[traduction] Partie IV

Indemnités hebdomadaires

Indemnité de revenu

12. (1) L’assureur paiera, relativement à chaque personne assurée qui subit une lésion physique, psychique ou mentale à la suite d’un accident, une indemnité hebdomadaire au titre du revenu pendant la période au cours de laquelle la personne assurée souffre d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles de sa profession ou de son emploi, à condition que la personne assurée réponde aux critères d’admissibilité énoncés aux paragraphes (2) et (3). [Soulignement ajouté.]

(2) La personne assurée qui demande une indemnité hebdomadaire en vertu du paragraphe (1) doit répondre aux critères d’admissibilité suivants :

1. Elle était dans l’une des situations suivantes au moment de l’accident :

i. elle était employée par un employeur ou à son compte;

ii. elle était touchée par une mise à pied temporaire;

iii. elle avait le droit de commencer à travailler dans l’année aux termes d’une offre d’emploi légitime faite avant l’accident et attestée par écrit.

2. Elle souffre, dans les deux ans suivant l’accident l’ayant occasionné, d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles de sa profession ou de son emploi.

(3) La personne qui n’était employée ni par un employeur, ni à son compte au moment de l’accident est admissible à une indemnité hebdomadaire en vertu du paragraphe (1) à condition d’avoir été employée par un employeur ou à son compte pendant 180 jours dans les douze mois précédant l’accident, si elle souffre, dans les deux ans suivant l’accident l’ayant occasionné, d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles de la profession ou de l’emploi auquel elle a consacré le plus de temps dans les douze mois précédant l’accident.

Indemnité en l’absence d’un revenu

13. (1) L’assureur paiera, relativement à toute personne assurée qui subit une lésion physique, psychique ou mentale à la suite d’un accident, une indemnité hebdomadaire pendant la période au cours de laquelle la personne assurée souffre d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles dont elle s’acquitterait habituellement, à condition qu’elle réponde aux critères d’admissibilité énoncés au paragraphe (2). [Soulignement ajouté.]

(2) La personne assurée qui demande une indemnité hebdomadaire en vertu du paragraphe (1) doit répondre aux critères d’admissibilité suivants :

1. Elle souffre, dans les deux ans suivant l’accident l’ayant occasionné, d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles dont elle s’acquitterait habituellement.

2. Elle n’est pas admissible à recevoir une indemnité en vertu de l’article 12 au moment où elle reçoit une indemnité en vertu du présent article ou, si elle y est admissible, elle est un soignant principal aux termes du paragraphe (4) et elle tire son seul revenu du travail accompli à son compte dans sa résidence.

3. Elle est âgée d’au moins seize ans.

(3) L’indemnité hebdomadaire prévue au paragraphe (1) s’élève à 185 $, moins tout versement au titre de la perte de revenu, à l’exception des prestations d’assurance-chômage

a) soit que la personne assurée reçoit ou est admissible à recevoir en vertu d’une loi d’un ressort quelconque ou d’un régime de maintien du revenu;

b) soit reçues en vertu d’un régime quelconque de congés de maladie.

(7) Une personne ne peut recevoir concurremment des indemnités en vertu du présent article et de l’article 12.

(b)  La Loi

17. …

(4) Si un prestataire reçoit une rémunération pour une partie d’une semaine de chômage durant laquelle il est incapable de travailler par suite de maladie, blessure ou mise en quarantaine, le paragraphe 15(2) ne s’applique pas et cette rémunération est déduite des prestations afférentes à cette semaine.

(c) Le Règlement [art. 57(2.1) (édicté par DORS/78-233, art. 1; 90-761, art. 16), (3) (mod. par DORS/82-673, art. 2), 58 (mod. par DORS/90-756, art. 18)]

57. …

(2) Sous réserve du présent article, la rémunération dont il faut tenir compte pour déterminer s’il y a eu un arrêt de rémunération et fixer le montant à déduire des prestations payables en vertu des paragraphes 15(1) ou (2), 17(4), 18(5) ou 20(3) de la Loi, ainsi que pour l’application des articles 37 et 38 de la Loi, est :

d) nonobstant l’alinéa 3b), mais sous réserve du paragraphe (2.1), les indemnités qu’un prestataire a reçues ou a le droit de recevoir, sur demande, en vertu d’un régime d’assurance-automobile prévu par une loi provinciale pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi par suite de blessures corporelles si les prestations payées ou payables en vertu de la Loi ne sont pas prises en compte pour déterminer le montant que le prestataire a reçu ou est admissible à recevoir en vertu de ce régime d’assurance; [Soulignement ajouté.]

(2.1) Lorsque le prestataire a, après la semaine où il a subi les blessures corporelles visées à l’alinéa 2d), accumulé le nombre de semaines d’emploi assurable exigé à l’article 6 de la Loi, les indemnités visées à cet alinéa ne sont pas comptées comme rémunération.

(3) La partie du revenu que le prestataire tire de l’une ou l’autre des sources suivantes n’a pas valeur de rémunération aux fins mentionnées au paragraphe (2) :

b) les indemnités de maladie ou d’invalidité, reçues en vertu d’un régime non collectif d’assurance-salaire;

58. …

(11) Les versements suivants doivent être attribués aux semaines pour lesquelles ils sont payés ou ils sont payables :

a) les versements pour les congés de maladie, de maternité ou d’adoption ou les congés pris pour prendre soin d’un ou de plusieurs enfants visés au paragraphe 20(1) de la Loi;

b) les indemnités de maladie ou d’invalidité prévues par un régime collectif d’assurance-salaire;

c) les versements visés aux alinéas 57(2)d) et f);

d) les indemnités pour un accident du travail ou une maladie professionnelle, autres que celles résultant d’un règlement définitif.

4.         La question en litige

La seule question à trancher est celle de savoir si le juge-arbitre a commis une erreur en concluant que les paiements sans égard à la responsabilité reçus par la requérante en vertu de l’article 13 du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité avaient valeur de rémunération au sens de l’alinéa 57(2)d) du Règlement et qu’ils avaient donc été déduits à juste titre de ses prestations d’assurance-chômage.

5.         La décision du juge-arbitre

Dans ses motifs (aux pages 2 et 3), le juge-arbitre a souligné que l’article 12 du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité traite des indemnités de revenu, alors que l’article 13 traite des indemnités en l’absence d’un revenu. Selon son raisonnement, il a néanmoins conclu [à la page 3] que « les articles 12 et 13 proposent des régimes identiques et visent à indemniser non de la douleur et de la souffrance, mais d’autres choses ». Après avoir cité la décision du juge-arbitre dans CUB 23255, il a conclu [à la page 4] que les indemnités sans égard à la responsabilité que la requérante avait reçues en vertu de l’article 13 avaient valeur de « revenu au sens du Règlement » (alinéa 57(2)d)).

6.         Les arguments des parties

Devant nous, l’avocate de la requérante a soutenu que les articles 12 et 13 prévoient à l’égard de chaque personne assurée, telle la requérante, deux catégories distinctes d’indemnités. Elle souligne premièrement que l’article 12 est précédé par l’intertitre [traduction] « Indemnités de revenu »; et deuxièmement que, selon ses termes, le paragraphe 12(1) prévoit que la prestation qu’elle édicte en faveur d’une personne assurée est [traduction] « une indemnité hebdomadaire au titre du revenu pendant la période au cours de laquelle la personne assurée souffre d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles de sa profession ou de son emploi » [soulignement ajouté]. Selon elle, il est clair que l’indemnité payable en vertu de cet article est conçue pour indemniser la personne assurée de la perte du revenu d’un emploi ou d’une profession. Elle a comparé l’article 12 à l’article 13 qui, comme elle l’a souligné, est précédé de l’intertitre [traduction] « Indemnités en l’absence d’un revenu ». Elle a ensuite attiré l’attention sur le paragraphe 13(1) qui, selon ses termes, prévoit [traduction] « une indemnité hebdomadaire pendant la période au cours de laquelle la personne assurée souffre d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles dont elle s’acquitterait habituellement » [soulignement ajouté]. En se fondant sur ces différences, l’avocate a soutenu que ces deux paragraphes prévoient une indemnisation pour deux catégories différentes de préjudice—l’article 12 vise la perte de revenu et l’article 13 les pertes sans lien avec le revenu. Par conséquent, à son avis, le juge-arbitre a commis une erreur en qualifiant les paiements effectués en vertu de l’article 13 d’indemnités pour la perte réelle ou présumée du revenu et, partant, en les déclarant déductibles des prestations d’assurance-chômage par application de l’alinéa 57(2)d) du Règlement. Elle a aussi fait valoir que le juge-arbitre a mal orienté son raisonnement en s’interrogeant sur une question autre que la question à trancher. Il s’est demandé si les paiements reçus en vertu de l’article 13 du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité constituaient une indemnité pour la douleur et les souffrances, alors qu’il aurait dû se demander s’ils avaient été reçus en vertu d’une loi provinciale pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi. En examinant une question dont il n’était pas saisi, le juge-arbitre a commis une erreur de droit.

L’avocat de l’intimé a appuyé la conclusion du juge-arbitre. Il a soutenu en premier lieu que les paiements sans égard à la responsabilité avaient valeur de rémunération au sens de l’alinéa 57(2)d) du Règlement et qu’ils avaient été déduits à juste titre des prestations d’assurance-chômage de la requérante par application du paragraphe 17(4) de la Loi. À son avis, cette conclusion est étayée non seulement par le libellé de l’alinéa 57(2)d) du Règlement et des articles 12 et 13 du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité, mais encore par certaines décisions rendues par les juges-arbitres. Dans sa plaidoirie orale, l’avocat s’est fondé abondamment sur la décision Gates v. Ontario (Ministry of Community & Social Services) (1994), 19 O.R. (3d) 158 (C. div.) pour appuyer sa prétention selon laquelle les paiements reçus en vertu du paragraphe 13(1) du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité ont valeur de rémunération.

Il a invoqué en deuxième lieu la décision de la présente Cour dans l’affaire Procureur général du Canada c. Walford, [1979] 1 C.F. 768(C.A.), pour soutenir que le juge-arbitre et le Conseil avaient eu raison de confirmer la décision de la Commission de déduire le montant des paiements sans égard à la responsabilité versés à la requérante des prestations d’assurance-chômage qu’elle avait reçues, parce qu’aux époques en cause, elle n’avait subi aucune perte pouvant donner lieu à compensation. Enfin, il a affirmé que le juge-arbitre avait agi dans les limites de sa compétence et légitimement parce qu’il ne pouvait modifier la décision du Conseil qu’en présence des motifs énumérés à l’article 80 [mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 132] et que l’existence d’aucun de ces motifs n’avait été, ni n’aurait pu être établie.

7.         L’analyse

Pour plus de commodité, je reproduis à nouveau l’alinéa 57(2)d) du Règlement et les paragraphes 12(1) et 13(1) du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité :

57. …

(2) Sous réserve du présent article, la rémunération dont il faut tenir compte pour déterminer s’il y a eu un arrêt de rémunération et fixer le montant à déduire des prestations payables en vertu des paragraphes 15(1) ou (2), 17(4), 18(5) ou 20(3) de la Loi, ainsi que pour l’application des articles 37 et 38 de la Loi, est :

d) nonobstant l’alinéa 3b), mais sous réserve du paragraphe (2.1), les indemnités qu’un prestataire a reçues ou a le droit de recevoir, sur demande, en vertu d’un régime d’assurance-automobile prévu par une loi provinciale pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi par suite de blessures corporelles si les prestations payées ou payables en vertu de la Loi ne sont pas prises en compte pour déterminer le montant que le prestataire a reçu ou est admissible à recevoir en vertu de ce régime d’assurance; [Soulignement ajouté.]

[Tableau des indemnités sans égard à la responsabilité]

[traduction] 12. (1) L’assureur paiera, relativement à chaque personne assurée qui subit une lésion physique, psychique ou mentale à la suite d’un accident, une indemnité hebdomadaire au titre du revenu pendant la période au cours de laquelle la personne assurée souffre d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles de sa profession ou de son emploi, à condition que la personne assurée réponde aux critères d’admissibilité énoncés aux paragraphes (2) et (3). [Soulignement ajouté.]

13. (1) L’assureur paiera, relativement à toute personne assurée qui subit une lésion physique, psychique ou mentale à la suite d’un accident, une indemnité hebdomadaire pendant la période au cours de laquelle la personne assurée souffre d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles dont elle s’acquitterait habituellement, à condition qu’elle réponde aux critères d’admissibilité énoncés au paragraphe (2). [Soulignement ajouté.]

Il est bien établi que les paiements sans égard à la responsabilité que la requérante a reçus lui ont été versés en vertu de l’article 13 du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité, une loi provinciale. La question à trancher est celle de savoir si, par application de l’alinéa 57(2)d) du Règlement, ces versements ont été déduits à juste titre des prestations d’assurance-chômage payées ou payables à la requérante.

Il ressort clairement du libellé de l’alinéa 57(2)d) du Règlement que les seuls montants que la Commission est autorisée à déduire des prestations payables en vertu du paragraphe 17(4) de la Loi, dans une situation comme celle dont nous sommes saisis, sont « les indemnités qu’un prestataire a reçues ou a le droit de recevoir … en vertu d’un régime d’assurance-automobile prévu par une loi provinciale pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi par suite de blessures corporelles, si les prestations payées ou payables en vertu de la Loi [Loi sur l’assurance-chômage] ne sont pas prises en compte pour déterminer le montant que le prestataire a reçu ou est admissible à recevoir en vertu de ce régime d’assurance » [soulignement ajouté].

Il n’est pas contesté en l’espèce que les paiements sans égard à la responsabilité ont été reçus d’un régime d’assurance-automobile prévu par une loi provinciale, ni qu’ils découlent de blessures corporelles. Il n’est pas non plus contesté que les prestations d’assurance-chômage n’ont pas été prises en compte pour déterminer le montant des paiements sans égard à la responsabilité. J’ai déjà mentionné que la seule question à trancher est celle de savoir si ces paiements ont été reçus « pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi ».

Il ressort des faits non contestés que la requérante n’avait plus d’emploi depuis le 12 octobre 1990, date à laquelle elle a été mise à pied, et qu’elle n’avait pas d’emploi le 26 juillet 1991, date à laquelle elle a été blessée dans un accident d’automobile qui a donné lieu au versement des indemnités sans égard à la responsabilité. Elle n’a donc perdu et ne pouvait perdre aucun revenu à la suite de l’accident. Une preuve non contredite (Pièce 3, [traduction] « Elle [l’indemnité hebdomadaire sans égard à la responsabilité de 185 $] n’est pas le remboursement d’un traitement puisqu’elle ne travaille pas » et, Pièce 5, [traduction] « ces paiements ne constituent pas une indemnité de salaire, mais plutôt une prestation d’invalidité établie en fonction d’une personne sans emploi »), établit également que les indemnités sans égard à la responsabilité que la requérante a reçues n’ont pas été versées pour la perte d’un revenu.

De plus, le libellé du paragraphe 12(1) du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité, comparé à celui du paragraphe 13(1), démontre clairement que les indemnités visées au paragraphe 13(1) n’ont aucun lien avec le revenu. Premièrement, l’intertitre qui précède le paragraphe 12(1) est [traduction] « Indemnités de revenu », alors que l’intertitre précédant le paragraphe 13(1) est [traduction] « Indemnités en l’absence d’un revenu ». Il est maintenant bien établi que les intertitres, contrairement aux notes marginales, peuvent être utilisées pour faciliter l’interprétation d’une disposition. Voir Driedger, Construction of Statutes, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1983, aux pages 138 à 141. Deuxièmement, selon ces termes mêmes, le paragraphe 12(1) impose à l’assureur l’obligation de payer à chaque personne assurée qui subit une lésion « à la suite d’un accident, une indemnité hebdomadaire au titre du revenu pendant la période au cours de laquelle la personne assurée souffre d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles de sa profession ou de son emploi » [soulignement ajouté], alors que le paragraphe 13(1) lui impose l’obligation de payer à chaque personne assurée qui subit une lésion « à la suite d’un accident une indemnité hebdomadaire pendant la période au cours de laquelle la personne assurée souffre d’un empêchement sérieux d’accomplir les tâches essentielles dont elle s’acquitterait habituellement » [soulignement ajouté]. En interprétant simplement le libellé de ces dispositions législatives, sans plus, je conclurais qu’il est clair que les paiements reçus en vertu du paragraphe 12(1) du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité sont versés « pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi par suite de blessures corporelles » au sens de l’alinéa 57(2)d) du Règlement, alors qu’il est tout aussi clair que les indemnités reçues en vertu du paragraphe 13(1) ne le sont pas, car elles n’ont aucun lien avec le revenu. Je constate toutefois que c’est là l’interprétation donnée à ces deux paragraphes dans le savant ouvrage de doctrine Automobile Insurance in Ontario, Toronto, Butterworths, 1991, rédigé par O’Donnell, à la page 100 :

[traduction] Règle générale, des indemnités hebdomadaires peuvent être versées lorsque le prestataire souffre d’une incapacité à la suite d’un accident d’automobile. Il existe deux types d’indemnités qui s’excluent l’un l’autre. Une personne ne peut recevoir qu’un type d’indemnités, jamais les deux.

Les indemnités de revenu représentent une compensation pour la perte du revenu d’un emploi ou d’une profession, alors que les indemnités en l’absence d’un revenu représentent une compensation pour l’incapacité d’accomplir les tâches essentielles de la vie courante. Ce dernier type d’indemnités doit, en théorie, rembourser le prestataire incapable des dépenses qu’il engage pour que d’autres accomplissent des tâches, comme pelleter la neige, tondre la pelouse et nettoyer la maison, sans toutefois être tenu de fournir des reçus, ni de dépenser cet argent. Ce type d’indemnités qui s’élèvent à 185 $ par semaine équivaut à la compensation minimale payable sous forme d’indemnité de revenu en supposant qu’une indemnité de revenu puisse être reçue. [Soulignement ajouté.]

Selon cette interprétation, la question que le juge-arbitre doit trancher lorsqu’il est saisi d’une demande touchant l’alinéa 57(2)d) n’est pas celle de savoir si les paiements sans égard à la responsabilité prévus au paragraphe 13(1) visent à compenser la douleur et les souffrances, soit la question qu’a examinée le juge-arbitre en l’espèce, mais plutôt celle de savoir s’ils visent ou non à compenser la perte du revenu d’un emploi, que cette perte soit réelle ou présumée. Une réponse affirmative entraînera l’application de l’alinéa 57(2)d). Une réponse négative l’écartera.

Or, le juge-arbitre n’a pas abordé la question de cette façon. Je suis d’accord avec l’avocate de la requérante pour dire que le juge-arbitre a commis une erreur en procédant autrement. En conséquence, je suis d’avis que le juge-arbitre a mal interprété l’alinéa 57(2)d) du Règlement et le paragraphe 13(1) du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité.

Comme je l’ai expliqué, le juge-arbitre et l’avocat de l’intimé se sont fondés sur la jurisprudence des juges-arbitres (dans sa plaidoirie orale, l’avocat a ajouté de la jurisprudence de la Cour divisionnaire de l’Ontario) pour appuyer une interprétation que je juge erronée. J’examinerai maintenant cette jurisprudence en commençant par celle émanant des juges-arbitres. Toutefois, je souligne qu’elle n’étaye pas la position de l’intimé.

La plus ancienne décision, [Rousseau] CUB 18443, a été prononcée le 24 août 1990. Dans cette affaire, la question à trancher était celle de savoir si l’indemnité versée par la Régie de l’assurance-automobile du Québec avait valeur de rémunération au sens de l’alinéa 57(2)d) du Règlement. Le juge-arbitre, qui a annulé la décision du Conseil arbitral, a adopté le raisonnement suivant à la page 3 :

Comme, par ailleurs, il n’est pas contesté que l’indemnité hebdomadaire de la R.A.A.Q. a été calculée sans tenir compte des prestations d’assurance-chômage payables au cours de la période de prestations établie à compter du 28 février 1988 au profit de la prestataire, ces indemnités prennent donc valeur de rémunération en vertu de l’alinéa 57(2)d) du Règlement et doivent être réparties sur les semaines pour lesquelles elles sont payables, conformément au paragraphe 58(11) du Règlement.

Le compte rendu de cette décision ne révèle pas si le juge-arbitre a examiné la loi provinciale pour déterminer l’objet des paiements effectués par la RAAQ.

La deuxième décision la plus ancienne, la décision [Mills] CUB 21067, a été rendue le 24 avril 1992. Dans cette cause, le Conseil arbitral avait rejeté l’appel de la Commission parce qu’il avait conclu que la Commission avait donné des informations erronées au prestataire en lui indiquant que les indemnités reçues en vertu du Régime d’assurance sans égard à la responsabilité de l’Ontario avaient valeur de rémunération qu’il devait déclarer dans sa demande de prestations d’assurance-chômage. Le juge-arbitre a confirmé la conclusion du Conseil arbitral, sans exprimer d’opinion quant au bien-fondé de l’appel.

La décision [MacInnis] CUB 23255 sur laquelle le juge-arbitre se fonde en l’espèce a été rendue le 10 septembre 1993. Dans ce cas, comme dans celui dont nous sommes saisis, la prestataire avait été mise à pied pour surplus de personnel. Elle a demandé des prestations d’assurance-chômage. Une période de prestations a été établie et elle a commencé à recevoir des prestations. Par la suite, elle a été blessée dans un accident d’automobile et elle a reçu, en vertu du Régime d’assurance sans égard à la responsabilité de l’Ontario, une indemnité de 285 $ par semaine. La Commission a statué que ces paiements avaient valeur de rémunération au sens de l’alinéa 57(2)d) du Règlement et elle a tenté de déduire des prestations excédentaires de 1 311 $. Le Conseil arbitral, qui a accueilli l’appel de la prestataire, a conclu [à la page 3] que les sommes versées à la prestataire par le régime d’assurance « ne semble[nt] pas liée[s] à la perte de salaire mais à son invalidité totale par suite de l’accident d’automobile ». Sans examiner la loi provinciale pour déterminer l’objet des paiements effectués en vertu du régime provincial, le juge-arbitre a déclaré, à la page 4 :

L’alinéa précité stipule sans équivoque que les versements provenant d’un régime gouvernemental d’assurance-automobile sans égard à la responsabilité, qui visent à indemniser de la perte réelle ou présumée de salaire par suite d’un accident, ont valeur de rémunération aux fins des prestations, si le régime ne tient pas compte des prestations d’assurance-chômage.

Il a qualifié d’erronée la conclusion du Conseil arbitral portant que les paiements effectués en vertu du Régime sans égard à la responsabilité de l’Ontario visaient l’incapacité totale et n’étaient donc pas liés à la perte de salaire. Selon lui, l’indemnité versée à la prestataire « en raison de son incapacité prononcée, par suite de l’accident, d’accomplir les tâches essentielles qu’elle aurait normalement exercées » constituait une indemnité liée directement à la perte de revenu présumée de la prestataire par suite des blessures corporelles qu’elle avait subies. Avec égard, je ne peux comprendre comment ces prémisses peuvent logiquement mener à cette conclusion sans un examen plus détaillé de la loi provinciale. La décision [Mountney] CUB 22427 a été rendue le 18 mars 1993 par le même juge-arbitre, sur le même fondement.

Dans l’affaire qui a donné lieu à la décision [Villanueva] CUB 25448, prononcée le 29 août 1994, la prestataire avait quitté son emploi en avril 1991 parce qu’elle avait été blessée dans un accident d’automobile. Elle a déposé une demande de prestations d’assurance-chômage en 1993 et une période de prestations a été établie rétroactivement au 14 avril 1991. Toutefois, la prestataire avait depuis cette date reçu des indemnités sans égard à la responsabilité du Régime d’assurance sans égard à la responsabilité de l’Ontario en raison des blessures qu’elle avait subies. Le montant de ces indemnités s’élevait à 815 $ par période de deux semaines. Lorsque la Commission a découvert ce fait, elle a avisé la prestataire que ces paiements avaient valeur de rémunération au sens de l’alinéa 57(2)d) du Règlement et les a attribués en conséquence, conformément à l’article 58. La décision de la Commission a été confirmée par le Conseil arbitral. L’appel subséquent interjeté devant le juge-arbitre a été rejeté pour le motif suivant :

[traduction] L’alinéa d) de la Règle 57 dispose clairement et sans équivoque que les indemnités d’assurance payées ou payables en vertu d’un régime provincial, qui ne tiennent pas compte des prestations d’assurance-chômage, ont valeur de rémunération aux fins de la Loi sur l’assurance-chômage … et de ses règlements d’application.

Dans toutes ces causes, on a présupposé, à tort selon moi, que tous les paiements effectués en vertu de régimes provinciaux d’assurance sans égard à la responsabilité constituaient une indemnisation pour la perte réelle ou présumée du revenu d’un emploi par suite des blessures corporelles subies lors d’un accident d’automobile. Comme je l’ai indiqué, un examen de la loi provinciale révèle que cette hypothèse est fausse et que certains paiements sont effectués pour compenser des pertes sans lien avec le revenu. J’estime donc qu’il est nécessaire d’examiner dans chaque cas la loi provinciale applicable pour déterminer l’objet précis effectivement visé par les paiements sans égard à la responsabilité.

Il s’ensuit que, dans le cas où des indemnités versées en vertu d’un régime provincial de prestations sans égard à la responsabilité sont en cause, on ne peut conclure, dans un cas particulier, qu’elles ont été versées pour la perte du revenu d’un emploi par suite d’un accident au sens de l’alinéa 57(2)d) du Règlement qu’après avoir établi, en se reportant à la loi provinciale, l’objet visé par ces indemnités.

J’étudierai maintenant l’affaire Gates v. Ontario (Ministry of Community & Social Services), précitée, que l’avocat de l’intimé tient pour déterminante en l’espèce. Avant d’entreprendre l’analyse de cette cause, je dois préciser que l’avocate de la requérante nous a informés dans sa plaidoirie que cette décision a été portée en appel devant la Cour d’appel de l’Ontario. Une vérification auprès de la Cour d’appel de l’Ontario a révélé que c’est bien le cas, mais que les parties n’ont pas encore parfait l’appel.

La seule question soumise à la Cour divisionnaire dans l’affaire Gates était celle de savoir si les indemnités versées en vertu du paragraphe 13(1) du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité visaient à compenser la douleur et les souffrances, de sorte qu’elles seraient exclues du revenu par le [R.R.O. 1980] Règlement 318 édicté en vertu de la Loi sur les prestations familiales, L.R.O. 1980, ch. 151, aux fins de déterminer le montant de l’aide sociale à verser aux appelants. La disposition 41 du paragraphe 13(2) [mod. par O. Reg. 396/86, art. 4] du Règlement 318 prévoit que le revenu aux fins de la Loi sur les prestations familiales ne comprend pas

13. …

[traduction] 41. un montant reçu à titre de dommages-intérêts ou d’indemnité pour

(i) la douleur ou les souffrances …

La Cour divisionnaire a statué, pour les six motifs énumérés à la page 160 (19 O.R. (3d)), que ces paiements ne visaient pas à compenser la douleur et les souffrances. Elle n’a cependant pas décidé s’ils constituaient une indemnité pour la perte du revenu d’un emploi, que cette perte soit réelle ou présumée. L’avocat de l’intimé s’est appuyé sur le troisième motif, savoir :

[traduction] (3) Les indemnités prévues au paragraphe 13(1) sont établies d’après un taux fixe et versées hebdomadairement. Ces caractéristiques sont liées aux régimes de remplacement du revenu et non aux indemnités pour douleur et souffrances qui sont habituellement payées sous forme de somme globale.

Selon lui, ce motif appuie la conclusion du juge-arbitre et sa propre prétention selon laquelle les indemnités versées en vertu du paragraphe 13(1) visent à compenser une perte de revenu. Je ne puis accepter cette prétention. Premièrement, les termes utilisés par la Cour ne peuvent raisonnablement pas être interprétés comme l’avocat tente de le faire. Si cette interprétation était possible, elle soulèverait la question de savoir pourquoi le législateur ontarien traiterait de la perte de revenu dans deux paragraphes, alors qu’il aurait pu en édicter un seul. À mon humble avis, il est illogique de prétendre que le législateur ontarien a régi une question identique dans deux dispositions différentes du Règlement, alors qu’une seule aurait suffit. Enfin, cette hypothèse ne tient pas compte de la remarque formulée par le juge Ferguson dans Marshall v. Heliotis (1993), 16 O.R. (3d) 637 (Div. gén.), selon laquelle le régime sans égard à la responsabilité établi en Ontario est un régime légal qui remplace essentiellement les règles de la common law dans les actions découlant d’accidents d’automobile. Il faut donc examiner dans chaque cas les dispositions du régime afin de déterminer la nature et l’objet des paiements effectués par application de ces dispositions. Pour les motifs déjà exposés, je ne puis conclure en l’espèce que les paiements reçus par la requérante en vertu du paragraphe 13(1) du tableau des indemnités sans égard à la responsabilité ont valeur de rémunération au sens de l’alinéa 57(2)d) du Règlement et, partant, qu’elles sont déductibles par application du paragraphe 17(4) de la Loi.

En conséquence, j’accueille la requête présentée en vertu de l’article 28, j’annule la décision du juge-arbitre et je renvoie l’appel de la requérante à un juge-arbitre pour qu’il le réexamine en tenant pour acquis que le Conseil a commis une erreur en concluant que les paiements reçus par la requérante en vertu du paragraphe 13(1) du No-Fault Benefits Schedule ont valeur de rémunération au sens de l’alinéa 57(2)d) du Règlement et, partant, qu’ils ont été dûment attribués en conformité avec cet alinéa.

Le juge Desjardins, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

Le juge McDonald, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

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