A-376-97
The Martel Building Limited (appelante)
c.
Sa Majesté la Reine (intimée)
Répertorié: Martel Building Ltd.c. Canada (C.A.)
Cour d'appel, juge en chef Isaac, juges Desjardins et Décary, J.C.A."Ottawa, 21, 22 avril et 16 juillet 1998.
Couronne — Responsabilité délictuelle — Appel d'un jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale rejetant une action en responsabilité délictuelle et en responsabilité contractuelle contre la Couronne — La Couronne était locataire depuis 1975 d'un immeuble appartenant à l'appelante et situé au centre-ville d'Ottawa — Elle a entamé des négociations en vue de la reconduction du bail — L'appelante projetait de faire des rénovations concurremment avec la reconduction du bail — La Couronne n'a pas communiqué à l'appelante certains renseignements supplémentaires requis — Elle a lancé un appel d'offres — Même si la soumission de l'appelante était la plus basse, le marché ne lui a pas été attribué parce que la Couronne a ajouté des frais supplémentaires à la soumission au titre notamment des coûts d'aménagement — Appel accueilli — Il existe un devoir de diligence lorsqu'il y a des rapports suffisamment étroits entre les parties ainsi qu'un risque prévisible que l'appelante subisse un préjudice — Le fait que les parties entretenaient depuis longtemps des rapports locateur-locataire, que le bail prévoyait la possibilité d'une reconduction, que la Couronne était le seul locataire de l'immeuble depuis la construction de celui-ci et le fait que la Couronne était le principal intervenant dans la location de superficies locatives dans le secteur étayaient la conclusion que les parties entretenaient des rapports suffisamment étroits pour créer un devoir de diligence dans le processus de négociation — Le juge de première instance n'a pas traité de la question de la négligence dans le processus d'appel d'offres — L'obligation contractuelle implicite à laquelle était soumise la Couronne aux termes du dossier d'appel d'offres et qui l'obligeait à traiter tous les soumissionnaires équitablement, suivant le principe de la bonne foi, la soumettrait à un devoir de diligence reconnu en common law — Les liens qui existaient entre les parties étaient suffisamment étroits pour que la Couronne prévoie que l'appelante subirait un préjudice en cas de manquement à ce devoir — La Couronne a manqué à son obligation de diligence dans le cadre du processus d'appel d'offres en ne mentionnant pas à l'appelante la condition relative aux frais d'aménagement et en ajoutant des frais d'aménagement à la soumission de l'appelante, tandis qu'aucuns frais de ce genre n'étaient ajoutés à la soumission retenue — Pour ce qui est du lien de causalité, la question est de savoir si la négligence de la Couronne a privé l'appelante de la possibilité de négocier de façon équitable la reconduction du bail et de participer à l'appel d'offres — Il existait un lien de causalité évident entre le préjudice subi par l'appelante et la négligence de l'intimée — Le juge de première instance a conclu que le fait d'être privée de la possibilité de mener les négociations à terme ne justifiait pas l'octroi de dommages-intérêts d'un montant équivalent à un bail d'une durée de dix ans — Le degré de probabilité que le marché soit attribué à l'appelante est un événement futur qui n'est pas pertinent lorsqu'il s'agit de déterminer l'existence d'un lien de causalité et ce, malgré le fait qu'il soit pertinent lorsqu'il s'agit d'évaluer les dommages-intérêts — Il n'est pas nécessaire que les agissements du défendeur soient la cause unique du préjudice.
Pratique — Plaidoiries — Modifications — La veille de la clôture des débats, le juge de première instance a autorisé l'appelante à modifier sa déclaration de manière à y ajouter, en tant que droit d'action distinct, une poursuite en responsabilité fondée sur le défaut de l'intimée d'agir avec diligence lors des négociations entamées avec l'appelante en vue de la reconduction du bail de l'immeuble, dans la préparation des documents d'appel d'offres et dans l'évaluation de la soumission de l'appelante — Elle a offert à l'intimée la possibilité de modifier ses conclusions, mais l'intimée ne s'est pas prévalue de cette possibilité — La modification prévue à la Règle 420 est autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses, pourvu que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice — Compte tenu du fait que les nouveaux moyens tirés de la négligence reposaient sur les mêmes faits que ceux sur lesquels les autres conclusions étaient fondées, qu'il était difficile de considérer que les événements survenus en l'espèce donnaient ouverture à une poursuite en justice, et vu que l'intimée s'est vue offrir la possibilité de modifier ses conclusions, c'est à bon droit que le juge de première instance a exercé son pouvoir discrétionnaire, d'autant plus que l'intimée n'a subi aucun préjudice.
Il s'agissait d'un appel formé contre un jugement de la Section de première instance rejetant une action en responsabilité délictuelle et en responsabilité contractuelle contre la Couronne. L'intimée était locataire de la plus grande partie des locaux de l'immeuble de l'appelante, l'immeuble Martel du centre-ville d'Ottawa, et ce, depuis la construction de l'immeuble en 1975. Le bail de la Couronne était d'une durée de dix ans et expirait en 1993, mais il était assorti d'une option de reconduction. En prévision de l'expiration du bail, le président-directeur général de l'appelante a rencontré à plusieurs reprises des représentants du ministère des Travaux publics, mais il ignorait que le Ministère avait besoin de renseignements supplémentaires. Le Ministère a décidé de lancer un appel d'offres. Le marché n'a pas été attribué à l'appelante même si sa soumission était la plus basse, car l'offre de l'appelante a été calculée comme étant plus coûteuse que celle de la deuxième offre parmi les plus basses lorsque l'intimée a ajouté des frais supplémentaires à la soumission de l'appelante au titre notamment des coûts d'aménagement.
Après avoir rejeté les arguments fondés sur la responsabilité contractuelle, le juge de première instance a procédé à une analyse des principes généraux applicables en matière de négligence. Elle a conclu qu'il existait un devoir de diligence et qu'il y avait eu manquement à ce devoir, mais elle a rejeté l'action parce qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre le manquement au devoir de diligence et les dommages subis.
La veille de la clôture des débats, le juge de première instance a autorisé l'appelante à modifier sa déclaration de manière à y ajouter, en tant que droit d'action distinct, une poursuite en responsabilité fondée sur le défaut de l'intimée d'agir avec diligence lors des négociations entamées avec l'appelante en vue de la reconduction du bail de l'immeuble, dans la préparation des documents d'appel d'offres et dans l'évaluation de la soumission de l'appelante. Elle a offert à l'intimée la possibilité de modifier ses conclusions, mais l'intimée ne s'est pas prévalue de cette possibilité.
Il s'agissait de savoir 1) si le juge de première instance a commis une erreur en autorisant l'appelante à modifier la déclaration et 2) si la Couronne a été négligente en raison de la façon dont elle a agi envers l'appelante.
Arrêt: l'appel doit être accueilli.
1) La modification prévue à la Règle 420 est autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses, pourvu que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice. Compte tenu du fait que les nouveaux moyens tirés de la négligence reposaient sur les mêmes faits que ceux sur lesquels les autres conclusions étaient fondées, qu'il était difficile de considérer que les événements survenus en l'espèce donnaient ouverture à une poursuite en justice, et vu que l'intimée s'est vue offrir dans les termes les plus nets la possibilité de modifier ses conclusions, c'est à bon droit que le juge de première instance a exercé son pouvoir discrétionnaire en permettant la modification demandée, d'autant plus que l'intimée n'a subi aucun préjudice.
2) Imposer un devoir de diligence n'aurait pas pour effet d'imposer à la Couronne l'obligation d'agir au mieux des intérêts de l'appelante. L'obligation qui lui est imposée est celle d'agir avec équité envers l'appelante. L'existence d'une telle obligation n'empêche pas la Couronne d'agir dans son propre intérêt. Deux facteurs doivent être établis avant qu'il n'existe un devoir de diligence: 1) l'existence de rapports suffisamment étroits entre les parties et 2) le risque prévisible que l'appelante subisse un préjudice en raison de la négligence de l'intimée. Le fait que les parties entretenaient depuis longtemps des rapports locateur-locataire, que le bail prévoyait la possibilité d'une reconduction, que l'intimée était à toutes fins utiles le seul locataire de l'immeuble Martel et qu'elle l'était depuis la construction de l'immeuble et le fait que la Couronne était le principal intervenant dans la location de superficies locatives dans le secteur, pris globalement, étayaient la conclusion que les parties entretenaient des rapports suffisamment étroits pour créer un devoir de diligence dans le processus de négociation.
Le juge de première instance n'a pas traité de la question de la négligence dans le processus d'appel d'offres. L'intimée était tenue en common law à un devoir de diligence envers l'appelante dans le cadre de l'appel d'offres. Pour déterminer si les parties avaient entre elles des liens suffisamment étroits pour donner lieu à un devoir de diligence en common law, les rapports entre les parties et les obligations présumées ou imposées étaient des facteurs dont il fallait tenir compte. L'obligation contractuelle implicite à laquelle était soumise l'intimée aux termes du dossier d'appel d'offres et qui l'obligeait à traiter tous les soumissionnaires équitablement, suivant le principe de la bonne foi, constitue une obligation présumée qui la soumettrait à un devoir de diligence reconnu en common law envers l'appelante. Les liens qui existaient entre l'appelante et l'intimée étaient suffisamment étroits pour que l'intimée prévoie que l'appelante subirait un préjudice en cas de manquement à ce devoir.
La Couronne a manqué au devoir de diligence dans le cadre du processus d'appel d'offres. Elle avait l'obligation de garantir le traitement équitable des soumissionnaires en évitant des partis pris cachés et l'attribution de marchés à des soumissionnaires qui ne respectaient pas les conditions de l'appel d'offres. Les conditions de l'appel d'offres relatives aux locaux adjacents, conditions qui avaient été ajoutées par négligence au cahier des charges, avaient fait augmenter le montant de la soumission de l'appelante. Il n'avait pas été mentionné qu'il fallait prévoir des frais d'aménagement pour le cas où l'intimée demeurerait dans l'immeuble. Par ailleurs, une somme de 60 000 $ a été ajoutée à la soumission de l'appelante relativement à un système de carte d'accès sécuritaire, alors qu'aucuns frais semblables n'ont été ajoutés à la soumission retenue, même si l'intimée a par la suite dépensé 15 000 $ pour installer un tel système dans l'immeuble appartenant à la soumissionnaire dont l'offre a été retenue.
Pour établir si les agissements de l'intimée avaient causé le préjudice que l'appelante a subi, il fallait préciser la nature de la perte ou des dommages subis par l'appelante. Pour ce qui est des négociations, le préjudice que l'appelante a subi est celui d'avoir été privée de la possibilité de négocier de façon équitable la reconduction du bail. Pour ce qui est de l'appel d'offres, le préjudice qu'a subi l'appelante consistait à avoir été privée de la possibilité de participer à l'appel d'offres de façon équitable et d'une possibilité raisonnable de se voir attribuer le marché.
Il existait un lien de causalité évident entre le préjudice subi par l'appelante et la négligence de l'intimée. En concluant que la négligence de l'intimée n'avait pas fait perdre à l'appelante un contrat d'une durée de dix ans, le juge de première instance a confondu le critère applicable au lien de causalité avec l'analyse juridique permettant d'établir le montant des dommages-intérêts. Ce que le juge de première instance a conclu, c'est que le fait d'être privée de la possibilité de mener les négociations à terme ne justifiait pas l'octroi de dommages-intérêts d'un montant équivalent à un bail d'une durée de dix ans. Ce n'était pas la question qu'elle était appelée à trancher à cette étape-là de l'instance. Le degré de probabilité que le marché soit attribué à l'appelante est un événement futur qui n'est pas pertinent lorsqu'il s'agit de déterminer l'existence d'un lien de causalité et ce, malgré le fait qu'il soit pertinent lorsqu'il s'agit d'évaluer les dommages-intérêts. Elle aurait plutôt dû vérifier si la négligence de l'intimée avait privé l'appelante de la possibilité de négocier la reconduction du bail et de participer de façon juste et équitable au processus d'appel d'offres.
Le fait que le déclin du marché avait également contribué à la perte du bail par l'appelante a amené le juge de première instance à conclure que la négligence de l'intimée n'avait pas "réellement" causé le dommage subi par l'appelante. Il n'est pas nécessaire que les agissements du défendeur soient la cause unique du préjudice ou du dommage. La négligence de l'intimée est la principale, sinon la seule, cause du préjudice qu'a subi l'appelante en perdant la possibilité de négocier la reconduction du bail et en se voyant privée d'une possibilité raisonnable d'obtenir le marché à l'issue d'un processus d'appel d'offres équitable.
lois et règlements
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 52b)(iii).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règle 420.
jurisprudence
décisions appliquées:
Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 C.F. 3; [1993] 2 C.T.C. 213; (1993), 93 DTC 5357; 157 N.R. 380 (C.A.); Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Norsk Pacific Steamship Co., [1992] 1 R.C.S. 1021; (1992), 91 D.L.R. (4th) 289; 11 C.C.L.T. (2d) 1; 137 N.R. 241; Best Cleaners and Contractors Ltd. c. La Reine, [1985] 2 C.F. 293; (1985), 58 N.R. 295 (C.A.); Northeast Marine Services Ltd. c. Administration de pilotage de l'Atlantique, [1995] 2 C.F. 132; (1995), 179 N.R. 17 (C.A.); Central Trust Co. c. Rafuse, [1986] 2 R.C.S. 147; (1986), 75 N.S.R. (2d) 109; 31 D.L.R. (4th) 481; 186 A.P.R. 109; 34 B.L.R. 187; 37 C.C.L.T. 117; 42 R.P.C. 161; BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1993] 1 R.C.S. 12; (1993), 99 D.L.R. (4th) 577; [1993] 2 W.W.R. 321; 75 B.C.L.R. (2d) 173; 20 B.C.A.C. 241; 14 C.C.L.T. (2d) 233; 5 C.L.R. (2d) 173; 147 N.R. 81; 35 W.A.C. 241; Athey c. Leonati, [1996] 3 R.C.S. 458; (1996), 140 D.L.R. (4th) 235; [1997] 1 W.W.R. 97; 81 B.C.A.C. 243; 132 W.A.C. 243.
décisions examinées:
Continental Bank Leasing Corporation et autre c. La Reine (1993), 93 DTC 298 (C.C.I.); Edgeworth Construction Ltd. c. N. D. Lea & Associates Ltd., [1993] 3 R.C.S. 206; (1993), 107 D.L.R. (4th) 169; [1993] 8 W.W.R. 129; 83 B.C.L.R. (2d) 145; 32 B.C.A.C. 221; 11 B.L.R. (2d) 101; 17 C.C.L.T. (2d) 101; 12 C.L.R. (2d) 161; 157 N.R. 241; 53 W.A.C. 221.
décisions citées:
Kamloops (Ville de) c. Nielsen et autres, [1984] 2 R.C.S. 2; (1984), 10 D.L.R. (4th) 641; [1984] 5 W.W.R. 1; 29 C.C.L.T. 97; Hall c. Hebert, [1993] 2 R.C.S. 159; (1993), 101 D.L.R. (4th) 129; [1993] 4 W.W.R. 113; 78 B.C.L.R. (2d) 113; 26 B.C.A.C. 161; 15 C.C.L.T. (2d) 93; 45 M.V.R. (2d) 1; 152 N.R. 321; 44 W.A.C. 161; Hercules Managements Ltd. c. Ernst & Young, [1997] 2 R.C.S. 165; (1997), 146 D.L.R. (4th) 577; 115 Man. R. (2d) 241; 35 C.C.L.T. (2d) 115; 211 N.R. 352; 139 W.A.C. 241; London Drugs Ltd. c. Kuehne & Nagel International Ltd., [1992] 3 R.C.S. 299; (1992), 97 D.L.R. (4th) 261; [1993] 1 W.W.R. 1; 73 B.C.L.R. (2d) 1; 43 C.C.E.L. 1; 13 C.C.L.T. (2d) 1; 143 N.R. 1; 31 W.A.C. 1; R. du chef de l'Ontario et autre c. Ron Engineering & Construction (Eastern) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 111; (1981), 119 D.L.R. (3d) 267; 13 B.L.R. 72; 35 N.R. 40; Chinook Aggregates Ltd. c. Abbotsford (Mun. Dist.), [1990] 1 W.W.R. 624; (1989), 40 B.C.L.R. (2d) 345; 35 C.L.R. 241 (C.A.); Twin City Mechanical v. Bradsil (1967) Ltd. (1996), 31 C.L.R. (2d) 210 (Div. gén. Ont.); Ken Toby Ltd. v. British Columbia Buildings Corp. (1997), 34 B.C.L.R. (3d) 263 (C.S.); Health Care Developers Inc. v. Newfoundland (1996), 141 Nfld. & P.E.I.R. 34; 136 D.L.R. (4th) 609; 29 C.L.R. (2d) 237; 443 A.P.R. 34 (C.A.).
doctrine
Linden, Allen M. Canadian Tort Law, 6th ed. Toronto: Butterworths, 1997.
O'Byrne, S. K. "Good Faith in Contractual Performance: Recent Developments" (1995), 74 Rev. du Bar. can. 70.
APPEL d'un jugement de première instance rejetant une action en responsabilité délictuelle et en responsabilité contractuelle contre la Couronne (Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.)). Appel accueilli.
ont comparu:
James H. Smellie et M. Lynn Starchuk pour l'appelante.
Frederick B. Woyiwada et Kim Gibner pour l'intimée.
avocats inscrits au dossier:
Osler, Hoskin & Harcourt, Ottawa, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge Desjardins, J.C.A.: Le présent appel interjeté d'un jugement de la Section de première instance [(1997), 129 F.T.R. 249] concerne une action en responsabilité délictuelle. La question litigieuse qui nous est soumise est celle de savoir si l'intimée peut être déclarée coupable de négligence en raison de la façon dont elle a agi envers l'appelante lors des négociations portant sur la reconduction d'un bail et lors de l'appel d'offres qui a par la suite été lancé.
L'action a été instruite à la fois comme une action contractuelle et comme une action en responsabilité délictuelle. Au cours de l'instance, le juge de première instance a pris l'initiative d'inciter l'avocat de l'appelante à étayer la réclamation de celle-ci dans le cadre de la catégorie plus large des principes généraux applicables en matière de négligence, qui n'avaient pas encore été invoqués, "en espérant", disait-elle, "qu'une telle analyse pourrait permettre de fonder un redressement pour [l'appelante]"1. La veille de la clôture des débats, le juge de première instance a autorisé l'appelante à modifier sa déclaration de manière à y ajouter, en tant que droit d'action distinct, une poursuite en responsabilité fondée sur le défaut de l'intimée d'agir avec diligence lors des négociations entamées avec l'appelante en vue de la reconduction du bail de l'immeuble de l'appelante, dans la préparation des documents d'appel d'offres et dans l'évaluation de la soumission de l'appelante. L'intimée s'est opposée à cette modification, mais le juge de première instance a rejeté son opposition. Elle a toutefois offert à l'intimée la possibilité de modifier ses conclusions2. L'intimée ne s'est pas prévalue de cette possibilité.
Le débat a d'abord porté sur la question de la responsabilité. La question des dommages-intérêts devait être examinée lors d'audiences ultérieures, selon la décision qui serait rendue au sujet de la responsabilité.
Les faits
Il est nécessaire de relater brièvement les événements pour bien comprendre le présent appel.
L'intimée était locataire de la plus grande partie des locaux de l'immeuble de l'appelante (l'immeuble Martel) et ce, depuis la construction de l'immeuble en 1975. Le bail consenti à l'appelante était d'une durée de dix ans et expirait le 31 août 1993. Le bail était assorti d'une option de reconduction. Les locaux loués étaient occupés par la Commission de contrôle de l'énergie atomique (la CCEA). Le ministère des Travaux publics, plus précisément sa Division de la région de la capitale nationale et ses différentes sous-divisions (le Ministère), était chargé de conclure les baux pour le compte de divers organismes fédéraux.
En prévision de l'expiration du bail, le président-directeur général de l'appelante, M. McMurray, a rencontré des représentants du Ministère, MM. Séguin et Mahar, pour examiner la possibilité de renégocier et de reconduire le bail. L'appelante prévoyait procéder à la réfection de l'immeuble une fois le bail reconduit. Malgré les nombreuses rencontres qui ont eu lieu, M. Séguin a mal communiqué avec M. McMurray, de sorte que celui-ci n'a jamais été avisé que le Ministère avait besoin d'autres renseignements en plus de ceux qui avaient été fournis à M. Séguin. Le Ministère a fini par décider de lancer un appel d'offres dans le but d'acquérir la superficie locative nécessaire.
L'appelante a participé à l'appel d'offres. À l'ouverture des plis, l'appelante avait apparemment présenté la soumission gagnante. Le marché ne lui a cependant pas été attribué, même si sa soumission était la plus basse. En premier lieu, l'appel d'offres était assorti de la clause habituelle stipulant que l'intimée n'était tenue d'accepter ni l'offre la plus basse ni une offre quelconque. Mais fait encore plus important, on a par la suite découvert que l'offre de l'appelante avait été calculée comme étant plus coûteuse que celle de la deuxième offre parmi les plus basses, celle de la Standard Life, à cause surtout des frais supplémentaires ajoutés à la soumission de l'appelante au titre notamment des coûts d'aménagement.
Le jugement frappé d'appel3
Les conclusions de fait remarquablement claires et nettes que le juge de première instance a tirées au sujet des éléments de preuve complexes et souvent contradictoires qui lui avaient été soumis jouent un rôle déterminant dans le présent appel.
Le juge de première instance a jugé mal fondées les moyens tirés du droit des contrats. Elle a rejeté l'argument de l'appelante suivant lequel il y avait eu inexécution d'une condition implicite du bail existant entre les parties. Elle a déclaré que, malgré le fait qu'il prévoyait la possibilité d'une reconduction, le bail ne contenait aucune obligation de renégocier. Elle a écarté la possibilité qu'une entente avait pu être conclue le 30 octobre 1992 ou vers cette date, étant donné que M. Séguin n'avait pas le pouvoir de conclure un marché avec l'appelante.
En ce qui concerne les négociations dans l'action en responsabilité civile délictuelle, le juge de première instance a conclu que MM. Séguin et Mahar étaient le "point de contact" du bailleur au Ministère et qu'à ce titre, ils se devaient d'être un point de contact efficace et transparent et qu'ils avaient manqué à ce devoir. Elle a conclu que M. Séguin était un employé de l'intimée, qui avait en apparence le pouvoir de négocier, mais pas celui de conclure un marché avec l'appelante. Elle a ajouté que M. McMurray avait été induit en erreur et qu'il avait, peut-être par inadvertance, été amené à penser à tort que M. Séguin avait le pouvoir d'engager le Ministère4. Quoi qu'il en soit, M. McMurray savait bien que les négociations ne pouvaient déboucher que sur une recommandation qui devait être approuvée par le Conseil du Trésor. Elle a conclu que, si cette recommandation avait été faite, il était "plus que probable"5 que le Conseil du Trésor l'aurait acceptée.
Le juge de première instance a conclu que M. Séguin n'avait pas suivi les instructions que le Ministère lui avait données pour obtenir des renseignements au sujet de la proposition de M. McMurray, et qu'il avait également laissé au Ministère l'impression qu'il avait entrepris des démarches à cette fin, ce qui n'était pas le cas. Elle a conclu que le tarif minimum non négociable de 220 $/m2 offert par l'intimée et le délai dans lequel une entente devait être conclue n'avaient jamais été expliqués clairement à M. McMurray. M. McMurray avait compris, ce qui était raisonnable compte tenu des échanges qu'il avait eus avec MM. Séguin et Mahar, que, s'il pouvait offrir un tarif de 220 $/m2, le Ministère recommanderait la reconduction du bail au Conseil du Trésor et que, à moins de circonstances imprévisibles, le bail serait "probablement renouvelé"6. Le défaut de MM. Séguin et Mahar de communiquer efficacement et en temps opportun avec M. McMurray a eu pour effet que M. McMurray n'a pas réussi à fournir à temps les renseignements demandés au sujet des travaux de réfection7, ce qui a finalement entraîné la "rupture du marché". Le Ministère a par la suite pris des décisions hâtives sur la foi de renseignements inexacts. Par conséquent, M. McMurray a perdu l'occasion de négocier la reconduction du bail.
En ce qui concerne la procédure d'appel d'offres dans le cadre de l'action en responsabilité délictuelle, le juge de première instance a conclu que les frais qui avaient été ajoutés à la soumission de l'appelante étaient attribuables en partie à l'exigence relative aux locaux adjacents qui était prévue dans l'appel d'offres et qui obligeait la CCEA à quitter les étages qu'elle occupait dans l'immeuble Martel pour se réinstaller ailleurs dans le même immeuble. La CCEA n'avait toutefois pas exigé cette condition. Le juge de première instance a conclu que M. Mahar avait inséré cette condition dans l'annonce invitant les entrepreneurs à manifester leur intérêt, parce qu'il n'avait jamais préparé de dossier d'appel d'offres auparavant et qu'il s'était inspiré d'un modèle qui exigeait l'insertion d'une stipulation relative aux locaux adjacents dans l'offre.
Suivant le juge de première instance, c'étaient surtout les coûts d'aménagement8 qui avaient fait en sorte que l'appelante était le soumissionnaire classé second plutôt que l'entrepreneur le moins disant. Aucun détail n'a été fourni au procès au sujet des travaux d'aménagement à effectuer. Le juge de première instance a toutefois conclu que M. McMurray n'avait pas été avisé que des travaux d'aménagement seraient nécessaires si la CCEA devait rester dans l'immeuble Martel.
Elle a fait remarquer que le coût du système de cartes d'accès sécuritaire avait été ajouté à la soumission de l'appelante même si M. McMurray avait prévu un tel système à titre d'option dans ses plans de réfection. Aucune somme n'avait été ajoutée à ce chapitre à la soumission de la Standard Life, malgré le fait qu'il ressortait de la preuve que l'intimée avait dû par la suite installer de tels systèmes dans deux des ascenseurs de l'immeuble de la Standard Life. Le juge de première instance a conclu qu'on pouvait comprendre que M. McMurray avait pensé qu'un parti pris caché avait joué un rôle dans l'ajout dans l'analyse financière de sa soumission de coûts d'aménagement jusqu'alors non mentionnés. Elle a conclu qu'une évaluation "quelque peu arbitraire"9 des coûts d'aménagement semblait avoir été faite lors de l'analyse financière de la soumission de l'appelante.
Elle a alors fait remarquer ce qui suit10:
Il est évident que les rapports de la demanderesse avec Travaux publics se sont très mal déroulés. La difficulté réside toutefois dans l'établissement des faits comme cause légitime d'action.
Elle a ensuite procédé à une analyse juridique de l'affaire.
Elle a rejeté l'argument de l'appelante suivant lequel il existe, en droit canadien, un délit distinct résultant du défaut de négocier de bonne foi auquel correspond une obligation de négocier de bonne foi. Elle s'est contentée d'affirmer qu'un tel délit n'existait pas encore en droit canadien.
Elle a ensuite procédé à une analyse en trois étapes des principes généraux applicables en matière de négligence en se demandant: a) s'il existait un devoir de diligence; b) s'il y avait eu manquement à ce devoir de diligence; c) si des dommages avaient été causés par suite de ce manquement. Appliquant les critères posés dans les arrêts Ville de Kamloops c. Nielsen et autres11 et Hall c. Hebert12, elle a conclu qu'il existait bel et bien un devoir de diligence, étant donné qu'il existait entre les parties des relations suffisamment étroites pour que l'intimée ait pu raisonnablement prévoir que son manque de diligence pourrait causer des dommages à l'appelante. Elle a ensuite conclu qu'il y avait eu manquement à ce devoir pour les motifs suivants13:
Dans une action fondée sur la négligence, le deuxième critère à satisfaire, pour avoir gain de cause, consiste à déterminer s'il y a eu violation de l'obligation de diligence. Le contenu de l'obligation de diligence dépend de ce qui est raisonnable dans les circonstances. En d'autres termes, la défenderesse, représentée par les divers responsables de Travaux publics, a-t-elle agi raisonnablement compte tenu des circonstances. Je ne peux pas conclure qu'elle a agi raisonnablement. Tout d'abord, un long délai s'est écoulé avant que les négociations ne soient entreprises et ce, même si les employés de la défenderesse connaissaient les restrictions liées au temps tandis que la demanderesse les ignorait. Ensuite, il y a eu négligence, car on n'a pas indiqué à M. McMurray qui avait le pouvoir d'engager le ministère et qui ne l'avait pas. On ne lui a pas indiqué clairement la position de la défenderesse en ce qui concerne les négociations. On ne lui a pas indiqué assez rapidement, pour lui permettre réalistement de les fournir, que les détails de la modernisation étaient requis avant que le Ministère ne puisse recommander le renouvellement du bail. Il y a eu défaut d'établir un échéancier réaliste et d'en informer M. McMurray afin que celui-ci puisse respecter les échéances. Il y a eu défaut de communiquer en temps opportun les renseignements pertinents de manière à éviter des contraintes de temps pour le déroulement du processus décisionnel ministériel interne et, en conséquence, des décisions ont été prises au détriment de M. McMurray sur la base de renseignements incomplets et inexacts. Je suis convaincue que l'obligation de diligence a été enfreinte. De plus, une évaluation quelque peu arbitraire des coûts d'aménagement semble avoir été ajoutée à l'analyse financière de la soumission de la demanderesse. Je sais qu'il est stipulé expressément, dans les modalités de l'appel d'offres, que la soumission la plus basse ou toute autre soumission ne sera pas nécessairement acceptée.
Elle a toutefois rejeté l'action parce qu'elle ne pouvait conclure à l'existence d'un lien de causalité entre le manquement au devoir de diligence et les dommages subis. Voici en quels termes elle s'est exprimée14:
Malheureusement, l'obstacle auquel doit faire face la demanderesse, peu importe la manière dont les faits sont qualifiés, est la preuve du lien de causalité. La demanderesse réclame des dommages-intérêts en invoquant la perte d'un bail d'une durée de dix ans. En raison des actes des employés de la défenderesse, elle n'a pas eu l'occasion de parachever les négociations en vue du renouvellement du bail. Le marché était fortement à la baisse. Cela a également contribué à la perte du bail. Dans l'arrêt Stewart c. Pettie et autres, [1995] 1 R.C.S. 131; 177 N.R. 297; 162 A.R. 241; 83 W.A.C. 241, à la page 153, la Cour a dit qu'il est nécessaire de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la violation de l'obligation de diligence a réellement causé le dommage subi. Voir aussi Snell v. Farrell, [1990] 2 R.C.S. 311; 110 N.R. 200; 107 N.B.R. (2d) 94; 267 A.P.R. 94, aux pages 319-320 et 328. Je ne suis pas en mesure de conclure que la demanderesse a prouvé le lien de causalité fondant les dommages-intérêts réclamés.
Avec beaucoup de regrets, je rejette la réclamation de la demanderesse.
Analyse
Je trancherai d'abord une question préliminaire.
L'argument de l'intimée suivant lequel le juge de première instance a commis une erreur en permettant à l'appelante de modifier sa déclaration pour y invoquer un délit distinct résultant du défaut de négocier de bonne foi est mal fondé. L'intimée s'est vue offrir la possibilité de modifier ses conclusions et elle n'a donc subi aucun préjudice. Dans sa rédaction en vigueur à l'époque en cause, la Règle 420 des Règles de notre Cour [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663] disposait:
Règle 420. . . .
(2) Aucun amendement ne doit être permis en vertu de la présente Règle
. . .
b) pendant ou après l'instruction, sauf pour faire concorder les plaidoiries avec les questions en litige sur lesquelles les parties sont allées en justice ou à condition qu'il y ait une nouvelle instruction, ou que les autres parties obtiennent par ailleurs la possibilité de communication, d'interrogatoire préalable et de préparation de l'instruction qui peuvent leur être nécessaires pour répondre aux allégations nouvelles ou amendées.
Dans l'arrêt Canderel Ltée. c. Canada15, notre Cour a, sous la plume du juge Décary, résumé les principes applicables à la modification des actes de procédure en vertu de la Règle 420:
. . . même s'il est impossible d'énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s'il est juste, dans une situation donnée, d'autoriser une modification, la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice. [Non souligné dans l'original.]
Le juge Décary cite ensuite16 le jugement rendu par le juge Bowman de la Cour canadienne de l'impôt, dans l'affaire Continental Bank Leasing Corporation et autre c. La Reine17:
. . . je préfère tout de même examiner la question dans une perspective plus large: les intérêts de la justice seraient-ils mieux servis si la demande de modification ou de rétractation était approuvée ou rejetée? Les critères mentionnés dans les affaires entendues par d'autres tribunaux sont évidemment utiles, mais il convient de mettre l'accent sur d'autres facteurs également, y compris le moment auquel est présentée la requête visant la modification ou la rétractation, la mesure dans laquelle les modifications proposées retarderaient l'instruction expéditive de l'affaire, la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l'origine par une partie a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu'il serait difficile, voire impossible, de modifier, et la mesure dans laquelle les modifications demandées faciliteront l'examen par la Cour du véritable fond du différend. Il n'existe aucun facteur qui soit prédominant, ou dont la présence ou l'absence soit nécessairement déterminante. On doit accorder à chacun des facteurs le poids qui lui revient dans le contexte de l'espèce. Il s'agit, en fin de compte, de tenir compte de la simple équité, du sens commun et de l'intérêt qu'ont les tribunaux à ce que justice soit faite. [Passages non soulignés dans l'original.]
Compte tenu du fait que les nouveaux moyens tirés de la négligence reposaient sur exactement les mêmes faits que ceux sur lesquels les autres conclusions étaient fondées, qu'il était difficile de considérer les événements survenus en l'espèce donnaient ouverture à une poursuite en justice, et vu que l'intimée s'est vue offrir dans les termes les plus nets par le juge de première instance la possibilité de modifier ses conclusions, c'est à bon droit que le juge de première instance a exercé son pouvoir discrétionnaire en permettant la modification demandée, d'autant plus que l'intimée n'a subi aucun préjudice.
Ayant statué sur le moyen invoqué par l'intimée au sujet de la modification, je n'ai pas l'intention de me pencher sur la question de savoir si le temps est venu pour la Cour de reconnaître l'existence d'un délit distinct résultant du défaut de négocier de bonne foi. Les conclusions de fait non ambiguës tirées par le juge de première instance permettent à la Cour de trancher le présent appel en fonction des principes généraux de la négligence sans avoir à recourir à une nouvelle théorie.
Le juge de première instance a conclu, à bon droit selon moi, qu'il existait un devoir de diligence et qu'il y avait eu manquement à ce devoir. Elle a toutefois commis une erreur en ne concluant pas à l'existence d'un lien de causalité entre les dommages reprochés et le manquement au devoir de diligence. Qui plus est, son analyse était axée exclusivement sur le processus de négociation. Elle n'a pas tenu compte de la conduite de l'intimée au cours de l'appel d'offres.
Le devoir de diligence
L'intimée affirme que le juge de première instance a commis une erreur en concluant à l'existence d'un devoir de diligence.
J'estime mal fondé l'argument de l'intimée suivant lequel conclure à l'existence d'un devoir de diligence entre des adversaires commerciaux serait incompatible avec les principes séculaires de l'efficacité commerciale parce que l'intimée devrait alors tenir compte des intérêts de l'appelante au lieu des siens. Imposer un devoir de diligence à l'intimée n'aurait pas le même effet que lui imposer l'obligation d'agir au mieux des intérêts de l'appelante. L'obligation qui lui est imposée est celle d'agir avec équité envers l'appelante. L'existence d'une telle obligation n'empêche pas l'intimée d'agir dans son propre intérêt.
La question de savoir s'il existe un devoir de diligence dépend des circonstances de chaque espèce. Le juge de première instance a affirmé à juste titre qu'à quelques nuances près, un devoir de diligence est imposé lorsqu'il existe des rapports suffisamment étroits entre les parties pour que, selon ce que l'intimée peut raisonnablement prévoir, une négligence de sa part serait susceptible de causer des dommages à l'appelante18. En conséquence, deux facteurs doivent être établis: l'existence de rapports suffisamment étroits entre les parties et le risque prévisible que l'appelante subisse un préjudice.
Le fait que les parties entretenaient depuis longtemps des rapports locateur-locataire, que le bail prévoyait la possibilité d'une reconduction, que l'intimée était à toutes fins utiles le seul locataire de cet immeuble et qu'elle l'était depuis la construction de l'immeuble et, finalement, le fait que l'intimée était le principal intervenant dans la location de superficies locatives dans le secteur, pris globalement, constituent tous des facteurs pertinents appuyant la conclusion que les parties entretenaient des rapports suffisamment étroits pour créer un devoir de diligence dans le processus de négociation19.
Le juge de première instance n'a pas traité de la question de la négligence dans le processus d'appel d'offres, malgré le fait que cette question lui avait été soumise. J'ajoute, à cet égard, que l'intimée était tenue en common law à un devoir de diligence envers l'appelante dans le cadre de l'appel d'offres.
À la suite de l'arrêt R. du chef de l'Ontario et autre c. Ron Engineering & Construction (Eastern) Ltd.20 de la Cour suprême du Canada, notre Cour a statué, dans l'arrêt Best Cleaners and Contractors Ltd. c. La Reine21 qu'en plus des obligations qui lui sont imposées aux termes de l'appel d'offres, le propriétaire est tenu "de n'accorder un contrat qu'en conformité des modalités de l'appel d'offres"22. Malgré le fait qu'il était dissident, le juge Pratte s'est dit d'avis que le dossier d'appel d'offres renfermait une condition implicite qui imposait au propriétaire qui avait lancé l'appel d'offres "l'obligation de traiter équitablement tous les soumissionnaires et de n'accorder à aucun d'entre eux un avantage indu sur les autres".23 Dans l'arrêt Northeast Marine Services Ltd. c. Administration de pilotage de l'Atlantique24, notre Cour a également reconnu qu'il existait une obligation d'agir équitablement envers tous les soumissionnaires et que cette obligation visait à protéger l'intégrité de l'appel d'offres.
Pour déterminer si les parties avaient entre elles des liens suffisamment étroits pour donner lieu à un devoir de diligence en common law, les rapports entre les parties et les obligations présumées ou imposées sont, ainsi que je l'ai déjà dit25, des facteurs dont il faut tenir compte suivant les principes énoncés dans l'arrêt Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Norsk Pacific Steamship Co.26. L'obligation contractuelle implicite à laquelle était soumise l'intimée aux termes du dossier d'appel d'offres et qui l'obligeait à traiter tous les soumissionnaires équitablement, suivant le principe de la bonne foi, constitue une obligation présumée qui la soumettrait à un devoir de diligence reconnu en common law envers l'appelante27. Les liens qui existaient entre l'appelante et l'intimée étaient suffisamment étroits pour que l'intimée prévoie que l'appelante subirait un préjudice en cas de manquement à ce devoir.
Tant dans l'arrêt Central Trust Co. c. Rafuse28 que dans l'arrêt BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro and Power Authority29, la Cour suprême du Canada a bien précisé qu'il arrive parfois qu'un acte préjudiciable déterminé donne à première vue ouverture à une action en responsabilité contractuelle et à une action en responsabilité délictuelle. C'est le cas, notamment, lorsque l'obligation stipulée au contrat et l'obligation de common law en responsabilité délictuelle coïncident30.
La présente espèce entre dans cette catégorie.
Manquement à un devoir
J'estime mal fondé l'argument de l'intimée suivant lequel les faits sur lesquels le juge de première instance s'est fondée pour conclure à un manquement à un devoir n'étaient pas appuyés par la preuve.
En ce qui concerne les négociations, le juge de première instance a conclu, à bon droit selon moi, que l'intimée n'avait pas:
" négocié dans un délai acceptable;
" indiqué à M. McMurray qui avait le pouvoir d'engager le Ministère et qui ne l'avait pas;
" indiqué clairement sa position dans le cadre des négociations;
" indiqué assez rapidement pour lui permettre de façon réaliste de les fournir que les détails de la réfection devaient être communiqués avant que le Ministère ne puisse recommander la reconduction du bail;
" établi un échéancier réaliste et informé M. McMurray afin qu'il puisse respecter les échéances;
" fait en sorte que les renseignements pertinents soient communiqués en temps opportun pour éviter de créer dans le processus décisionnel interne des contraintes de temps faisant en sorte que des décisions soient prises au détriment de M. McMurray en raison de l'insuffisance et de l'inexactitude des renseignements communiqués.
L'intimée a également, à mon avis, manqué au devoir de diligence auquel elle était tenue envers l'appelante dans le cadre du processus d'appel d'offres. L'intimée avait l'obligation de garantir le traitement équitable des soumissionnaires en évitant des facteurs comme des partis pris cachés et l'attribution de marchés à des soumissionnaires qui ne respectaient pas les conditions de l'appel d'offres. Le juge de première instance a conclu dans les termes les plus nets qu'"une évaluation quelque peu arbitraire des coûts d'aménagement sembl[ait] avoir été ajoutée à l'analyse financière de la soumission de la demanderesse"31. Elle a également conclu que certains des coûts qui avaient été arbitrairement ajoutés à la soumission de l'appelante étaient attribuables aux conditions de l'appel d'offres relatives aux locaux adjacents, condition que la CCEA n'avait pas exigée au départ et qui avait été de toute évidence ajoutée par négligence au cahier des charges par M. Mahar, d'où la soumission plus élevée de l'appelante. Il n'avait jamais été mentionné qu'il fallait prévoir des frais d'aménagement pour le cas où la CCEA demeurerait dans l'immeuble Martel. Aucun détail n'a jamais été fourni à l'appelante au sujet des exigences relatives aux travaux d'aménagement. Par ailleurs, une somme de 60 000 $ a été ajoutée à la soumission de l'appelante relativement à un système de carte d'accès sécuritaire"même si l'appelante avait suggéré d'inclure ces frais dans ses coûts de réfection"alors qu'aucuns frais semblables n'ont été ajoutés à la soumission de la Standard Life. Qui plus est, l'intimée a par la suite dépensé 15 000 $ pour installer un tel système dans cet immeuble. Le juge de première instance a conclu qu'en conséquence, on pouvait comprendre que "M. McMurray ait pensé qu'un parti pris caché a[vait] joué un rôle dans l'ajout dans l'analyse financière de sa soumission de coûts d'aménagement jusqu'alors non mentionnés"32. À mon avis, tous ces faits amènent à la conclusion que l'intimée a manqué à son devoir d'agir avec équité envers l'appelante dans le processus d'appel d'offres.
Lien de causalité
Pour établir si les agissements de l'intimée ont causé le préjudice que l'appelante a subi, il faut préciser la nature du préjudice, de la "perte" ou des "dommages" que l'appelante a subis.
Pour ce qui est des négociations, je suis d'accord avec le juge de première instance pour dire que le préjudice que l'appelante a subi est celui d'avoir été privée de la possibilité de négocier la reconduction du bail. Le juge de première instance a conclu qu'en raison de la négligence de l'intimée, non seulement M. McMurray n'a-t-il pas pu fournir les détails requis au sujet de la réfection, mais encore les autorités compétentes du Ministère ont-elles pris des décisions hâtives sur la foi de renseignements inexacts33.
Pour ce qui est de l'appel d'offres, j'estime que le préjudice qu'a subi l'appelante consiste à avoir été privée de la possibilité de participer à l'appel d'offres de façon équitable et d'une possibilité raisonnable de se voir attribuer le marché. N'eût été la conduite négligente de l'intimée, la soumission de l'appelante aurait été la plus basse et aurait fort probablement été aussi l'offre la plus avantageuse pour l'intimé.
Il nous faut maintenant déterminer si le préjudice qu'a subi l'appelante a été causé par la négligence de l'intimée. À mon avis, il existe un lien de causalité évident entre le préjudice subi par l'appelante et la négligence de l'intimée.
Je suis d'accord avec l'appelante pour dire que le juge de première instance a commis deux erreurs flagrantes dans son analyse. Sa première erreur a été de confondre le critère applicable au lien de causalité avec l'analyse juridique permettant d'établir le montant des dommages-intérêts. Sa seconde erreur s'est produite lorsqu'elle a appliqué un critère légal erroné pour établir l'existence du lien de causalité.
Le juge de première instance a en effet confondu le critère applicable au lien de causalité avec l'analyse juridique permettant d'établir le montant des dommages-intérêts en faisant les affirmations suivantes34:
[L'appelante] réclame des dommages-intérêts en invoquant la perte d'un bail d'une durée de dix ans. En raison des actes des employés de la défenderesse, elle n'a pas eu l'occasion de parachever les négociations en vue du renouvellement du bail . . . Je ne suis pas en mesure de conclure que la demanderesse a prouvé le lien de causalité fondant les dommages-intérêts réclamés. [Mots non soulignés dans l'original.]
La "perte d'un bail d'une durée de dix ans" correspondait toutefois au montant des dommages-intérêts réclamés par l'appelante en raison du fait qu'elle avait été privée de la possibilité de mener à terme les négociations entamées avec l'intimée. Le juge de première instance a conclu que la négligence de l'intimée n'avait pas fait perdre à l'appelante un contrat d'une durée de dix ans. Elle aurait plutôt dû vérifier si la négligence de l'intimée avait privé l'appelante de la possibilité de négocier la reconduction du bail et de participer de façon juste et équitable au processus d'appel d'offres. Ce que le juge de première instance a conclu, c'est que le fait d'être privée de la possibilité de mener les négociations à terme ne justifiait pas l'octroi de dommages-intérêts d'un montant équivalent à un bail d'une durée de dix ans. À mon avis, ce n'était pas la question qu'elle était appelée à trancher à cette étape-là de l'instance.
L'appelante souligne à juste titre que le degré de probabilité que le marché soit attribué à l'appelante est un événement futur qui n'est pas pertinent lorsqu'il s'agit de déterminer l'existence d'un lien de causalité et ce, malgré le fait qu'il soit nettement pertinent lorsqu'il s'agit d'évaluer les dommages-intérêts. Dans l'arrêt Athey c. Leonati35, la Cour suprême du Canada a bien précisé que ce qui aurait pu se produire à l'avenir n'eût été les agissements délictueux est un facteur qui n'est pertinent que lorsqu'il s'agit d'établir les dommages-intérêts36:
Les intimés ont plaidé que l'évaluation par le juge de première instance des causes probables est semblable à l'évaluation des probabilités que font régulièrement les tribunaux quand ils rajustent les dommages-intérêts pour tenir compte des aléas. Cet argument fait abstraction de la distinction fondamentale entre la façon dont les tribunaux considèrent les faits passés allégués et les événements futurs ou hypothétiques susceptibles de survenir.
Des événements hypothétiques (par exemple la vie qu'aurait menée le demandeur sans le préjudice délictuel subi) ou futurs n'ont pas à être prouvés selon la prépondérance des probabilités. Au contraire, on leur accorde simplement un certain poids en fonction de leur probabilité relative . . . Une possibilité future ou hypothétique est prise en considération à la condition qu'il s'agisse d'une possibilité réelle et substantielle et non d'une pure conjecture . . .
À l'opposé, les événements passés doivent être prouvés et, une fois prouvés, ils sont considérés comme des certitudes. Dans une action en négligence, le tribunal doit décider si le défendeur a été négligent, et cette conclusion ne peut pas être exprimée en probabilités. De même, ou bien la conduite négligente a été une cause du préjudice ou bien elle ne l'a pas été. Le tribunal doit décider, à la lumière de la preuve disponible, si le fait allégué a été prouvé; si oui, il est tenu pour certain . . .
Dans Mallet c. McMonagle, [[1970] A.C. 166 (H.L.)], lord Diplock s'est exprimé ainsi sur ce point, à la p. 176:
[traduction] Le rôle que joue la cour lorsqu'elle fait une évaluation des dommages-intérêts qui repose sur sa perception de ce qui va se produire ou de ce qui se serait produit doit être mis en contraste avec le rôle ordinaire qu'elle joue dans des poursuites civiles et qui consiste à déterminer ce qui s'est produit. En déterminant ce qui est arrivé dans le passé, une cour se fonde sur la prépondérance des probabilités. Ce qui est plus probable que moins probable est tenu pour certain. Mais en faisant une évaluation des dommages-intérêts qui repose sur sa perception de ce qui va se produire dans l'avenir ou de ce qui se serait produit par la suite si quelque chose ne s'était pas produit dans le passé, la cour doit estimer les chances qu'un événement particulier se produise ou celles qu'il se serait produit et traduire ces chances, qu'elles soient plus ou moins égales, dans le montant des dommages-intérêts qu'elle accorde.
En outre, le juge de première instance a appliqué un critère erroné pour ce qui est du lien de causalité. Il ressort en effet à l'évidence des motifs de son jugement que le fait que le déclin du marché avait également contribué à la perte du bail l'a amenée à conclure que la négligence de l'intimée n'avait pas "réellement" causé le dommage subi. La Cour suprême du Canada a pourtant bien précisé, dans l'arrêt Athey c. Leonati , qu'il n'est pas nécessaire que les agissements du défendeur soient la cause unique du préjudice ou du dommage37:
Il n'est pas et il n'a jamais été nécessaire que le demandeur établisse que la négligence du défendeur a été la seule cause du préjudice. Fréquemment, une myriade d'autres facteurs ont été des préalables nécessaires à la réalisation du préjudice . . . Dans la mesure où le défendeur est en partie la cause du préjudice, il engage sa responsabilité, même si son acte était insuffisant à lui seul pour concrétiser le préjudice. Il n'y a aucune raison de réduire la responsabilité parce qu'il existait d'autres préalables: le défendeur reste responsable de tout préjudice qu'il a causé ou contribué à causer par sa négligence. [Mots soulignés dans l'original.]
À mon avis, la négligence de l'intimée est de toute évidence la principale, sinon la seule, cause du préjudice qu'a subi l'appelante en perdant la possibilité de négocier la reconduction du bail et en se voyant privée d'une possibilité raisonnable d'obtenir le marché à l'issue d'un processus d'appel d'offres équitable.
Dispositif
Je suis d'avis d'accueillir l'appel avec dépens et d'annuler la décision du juge de première instance. En vertu du sous-alinéa 52b)(iii) de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7], je suis d'avis de déclarer l'intimée coupable de négligence et de renvoyer l'affaire au juge de première instance pour qu'elle poursuive l'instruction sur la question des dommages-intérêts. Les dépens de l'action introduite devant la Section de première instance suivront le sort du principal.
Le juge en chef Isaac: Je suis du même avis.
Le juge Décary, J.C.A.: Je suis du même avis.
1 Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.), à la p. 267, juge Reed.
2 Transcription des débats, 25 mars 1997, à la p. 32 et suivantes.
3 Martel Building Ltd c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.).
4 Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.), à la p. 267.
5 Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.), à la p. 265.
6 Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.), à la p. 261.
7 Les travaux de "réfection" en question s'entendent de la rénovation, entreprise par le propriétaire, des aires communes d'un immeuble, ainsi que de la modernisation de l'immeuble, notamment des systèmes mécaniques et électriques, en vue de les rendre conformes aux normes actuelles; Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.), à la p. 252.
8 L'"aménagement" s'entend des travaux entrepris par le locataire des locaux qu'il occupe afin de répondre aux besoins particuliers de celui-ci: Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst), à la p. 252.
9 Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.), à la p. 268.
10 Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.), à la p. 265.
11 [1984] 2 R.C.S. 2.
12 [1993] 2 R.C.S. 159.
13 Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.), à la p. 268.
14 Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.), à la p. 268.
15 [1994] 1 C.F. 3 (C.A.), à la p. 10.
16 [1994] 1 C.F. 3 (C.A.), à la p. 12.
17 (1993), 93 DTC 298 (C.C.I.), à la p. 302.
18 ;Hercules Managements Ltd. c. Ernst & Young, [1997] 2 R.C.S. 165; London Drugs Ltd. c. Kuehne & Nagel International Ltd., [1992] 3 R.C.S. 299, à la p. 408; Ville de Kamloops c. Nielsen et autres, [1984] 2 R.C.S. 2, à la p. 10; Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Norsk Pacific Steamship Co., [1992] 1 R.C.S. 1021, à la p. 1160.
19 Des facteurs comme la nature des rapports entre les parties, la proximité physique, l'existence d'obligations présumées ou imposées et l'existence d'un lien de causalité étroit, sont tous pertinents pour démontrer que les rapports étaient suffisamment étroits pour créer un devoir de diligence: Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Norsk Pacific Steamship Co., [1992] 1 R.C.S. 1021, à la p. 1153.
20 [1981] 1 R.C.S. 111.
21 [1985] 2 C.F. 293 (C.A.).
22 [1985] 2 C.F. 293, à la p. 306, le juge d'appel Mahoney, pour la majorité.
23 ;Best Cleaners and Contractors Ltd. c. La Reine, [1985] 2 C.F. 293 (C.A.), à la p. 300, juge Pratte.
24 [1995] 2 C.F. 132 (C.A.), aux p. 159 et 160, le juge d'appel Stone étant dissident. La majorité était "d'une façon générale" d'accord avec lui à cet égard; voir p. 179. Voir également les arrêts Chinook Aggregates Ltd. v. Abbotsford (Mun. Dist.) , [1990] 1 W.W.R. 624 (C.A. C.-B.); et Health Care Developers Inc. v. Newfoundland (1996), 141 Nfld. & P.E.I.R. 34 (C.A.).
25 Voir note 19.
26 [1992] 1 R.C.S. 1021, aux p. 1152 et 1153. Pour de plus amples détails, voir les p. 1147 à 1155.
27 Dans les décisions Twin City Mechanical v. Bradsil (1967) Ltd. (1996), 31 C.L.R. (2d) 210 (Div. gén. Ont.) et Ken Toby Ltd. v. British Columbia Buildings Corp. (1997), 34 B.C.L.R. (3d) 263 (C.S.), les tribunaux ont appliqué le devoir d'agir avec équité à tous les soumissionnaires dans les cas faisant entrer en jeu la responsabilité civile délictuelle. Dans l'arrêt Edgeworth Construction Ltd. c. N. D. Lea & Associates Ltd., [1993] 3 R.C.S. 206, la Cour suprême du Canada a élargi la portée du devoir de diligence (déclaration inexacte faite par négligence) auquel la province était tenue envers un entrepreneur de manière à inclure le cabinet d'ingénieurs qui avait préparé les dessins. Le marché conclu entre la province et l'entrepreneur n'excluait pas le devoir de diligence. Voir également S. K. O'Byrne, "Good Faith in Contractual Performance: Recent Developments" (1995), 74 Rev. du Bar. can. 70, à la p. 92 et suivantes.
28 [1986] 2 R.C.S. 147.
29 [1993] 1 R.C.S. 12, à la p. 26.
30 ;BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1993] 1 R.C.S. 12, aux p. 26 à 37. Voir également Allen M. Linden, Canadian Tort Law, 6e éd. (Toronto: Butterworths, 1997), aux p. 439 et 440. (voir: La responsabilité civile délictuelle, 4e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 1988, à la p. 508).
31 Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.), à la p. 268.
32 Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.), à la p. 264.
33 Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.).
34 Martel Building Ltd. c. Canada (1997), 129 F.T.R. 249 (C.F. 1re inst.), à la p. 268.
35 [1996] 3 R.C.S. 458.
36 [1996] 3 R.C.S. 458, aux p. 470 et 471.
37 [1996] 3 R.C.S. 458, à la p. 467.