T-1685-96
Cliff Calliou agissant en son propre nom et au nom de tous les autres membres de la Nation Crie de Kelly Lake appartenant aux peuples Castor, Cri et Iroquois, et la Nation Crie de Kelly Lake (demandeurs)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada, et Sa Majesté la Reine du chef du Canada représentée par l'honorable Ron Irwin, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (défenderesses)
Répertorié: Nation Crie de Kelly Lakec. Canada(1re inst.)
Section de première instance, juge MacKay" Edmonton, 20 mars; Ottawa, 31 octobre 1997.
Pratique — Plaidoiries — Requête en radiation — Demande visant à obtenir des déclarations et des dommages-intérêts concernant l'existence de droits ancestraux à l'égard de terres et le manquement par la Couronne à ses obligations fiduciaires, en droit et en equity — La déclaration n'établit pas des faits essentiels suffisants pour révéler une cause d'action en dommages-intérêts, ni pour justifier dans l'ensemble la réparation demandée sous forme de déclarations — Il est accordé aux demandeurs la possibilité de modifier leur déclaration pour plaider les faits qui sous-tendent leurs demandes, en conformité avec les Règles.
Peuples autochtones — Terres — Demande visant à obtenir des déclarations et des dommages-intérêts concernant l'existence de droits ancestraux à l'égard de terres et le manquement par la Couronne à ses obligations fiduciaires, en droit et en equity — Les demandeurs soutiennent être les descendants d'Indiens qui vivent sur des terres depuis des temps immémoriaux et qui y vivaient à tout le moins avant la Proclamation royale (1763) — Les terres sont exploitées par d'autres depuis 1899 — La déclaration n'établit pas des faits essentiels suffisants pour révéler une cause d'action en dommages-intérêts, ni pour justifier dans l'ensemble la réparation demandée sous forme de déclarations — Les demandeurs doivent établir des faits démontrant qu'ils avaient un droit légal découlant d'un titre ancestral, ou de la Proclamation royale, que la Couronne avait une obligation correspondante et qu'elle a manqué à cette obligation, ce manquement entraînant des dommages — Il est accordé aux demandeurs la possibilité de modifier leur déclaration pour plaider les faits qui sous-tendent leurs demandes en conformité avec les Règles.
Les demandeurs soutiennent être les descendants d'Indiens qui vivent depuis des temps immémoriaux dans un secteur chevauchant la frontière actuelle entre l'Alberta et la Colombie-Britannique et qui y vivaient, à tout le moins, avant la Proclamation royale (1763) et la conclusion du Traité no 8 en 1899. Ils sollicitent un certain nombre de mesures de réparation, dont plusieurs déclarations concernant l'existence de leurs droits ancestraux et le manquement par la Couronne à ses obligations fiduciaires, en droit et en equity. Ils sollicitent également une ordonnance portant qu'ils peuvent adhérer au Traité no 8 et reconnaissant, par voie déclaratoire, les droits que leur confère ce traité. Enfin, les demandeurs réclament des dommages-intérêts de 5,2 milliards de dollars pour les prétendus manquements par les défenderesses à leurs obligations envers eux, une reddition de compte relativement aux profits réalisés par les défenderesses grâce à l'exploitation des ressources des demandeurs et les intérêts.
Il s'agissait de la demande par laquelle les défenderesses sollicitaient une ordonnance de radiation de certaines parties de la déclaration des demandeurs en vertu du paragraphe 419(1) des Règles de la Cour fédérale, au motif que les faits allégués étaient insuffisants pour établir que les demandeurs avaient un droit légal sous forme de titre ancestral ou d'autres droits ancestraux, ou qu'ils pouvaient adhérer au Traité no 8.
Jugement: la demande doit être accueillie, l'autorisation de modifier la déclaration devant cependant être accordée.
Les paragraphes contestés de la déclaration n'établissent pas de faits essentiels suffisants pour révéler une cause d'action en dommages-intérêts, ni pour justifier, dans l'ensemble, la réparation demandée sous forme de déclarations. Toutefois, les demandeurs doivent avoir la possibilité de modifier leur déclaration pour plaider les faits qui sous-tendent leurs demandes en conformité avec les Règles.
La demande de dommages-intérêts des demandeurs est fondée sur la prétention que leurs ancêtres occupent les terres en cause depuis des temps immémoriaux et les occupaient avant la Proclamation royale (1763), qui s'appliquerait selon eux à ces terres, de sorte que leurs ancêtres avaient des droits reconnus par cette proclamation et découlant de leur titre ancestral en common law. Ils prétendent que ces terres sont visées par le Traité no 8 de 1899, mais que les demandeurs et leurs ancêtres ne sont jamais devenus parties au traité, de sorte que leurs droits, reconnus par la Proclamation royale (1763) et découlant de la doctrine du titre ancestral en common law, n'auraient jamais été abolis. Depuis 1899, leurs terres sont exploitées par des personnes autres que les demandeurs; en conséquence, il aurait été porté atteinte à leurs droits, maintenant constitutionnalisés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et ils auraient subi des dommages, à la fois parce qu'ils n'auraient pu utiliser leurs terres ancestrales sans entrave et parce que la Couronne aurait manqué à ses différentes obligations envers eux.
Pour révéler une cause raisonnable d'action en dommages-intérêts, les demandeurs doivent établir des faits démontrant qu'ils avaient un droit légal découlant d'un titre ancestral, ou de la Proclamation, que la Couronne avait une obligation correspondante et qu'elle a manqué à cette obligation, ce manquement entraînant des dommages. La simple affirmation de résidence depuis des temps immémoriaux ne suffit pas à donner naissance à une cause d'action fondée sur un titre ancestral en common law ou d'autres droits ancestraux, et les demandeurs ne plaident pas le fondement factuel des éléments de leur revendication relative à un titre ou à d'autres droits.
En ce qui concerne la Proclamation royale (1763), pour prétendre qu'elle est pertinente en l'espèce, les demandeurs doivent invoquer les faits essentiels à l'appui d'une telle conclusion. Compte tenu des remarques formulées dans la jurisprudence sur la portée géographique limitée de la Proclamation, il ne suffit pas d'affirmer simplement que la Proclamation royale (1763) existait et établissait certaines protections. Les demandeurs doivent alléguer des faits à l'appui de la conclusion que les terres qu'ils revendiquent se trouvent dans la région désignée autrefois comme les territoires du Nord-Ouest, et non la terre de Rupert, et que cette région fait partie de la zone géographique à laquelle la Proclamation s'applique.
Certains paragraphes de la déclaration ne présentent pas avec exactitude les faits sur lesquels s'appuie une prétention portant que le Décret sur la terre de Rupert et le territoire du Nord-Ouest de 1870 a imposé à la Couronne des obligations relativement à leurs terres. Il semble inopportun de parler des terres comme si elles avaient été cédées à la Couronne par la Compagnie de la Baie d'Hudson, tout en soutenant qu'elles ne faisaient pas partie de la terre de Rupert. Néanmoins, en procédant aux modifications opportunes, les demandeurs peuvent établir le fondement de leurs demandes concernant les obligations contractées par le gouvernement fédéral envers eux en vertu du Décret en conseil de 1870.
D'autres modifications pourraient établir les faits étayant d'autres paragraphes. En ce qui concerne le Traité no 8 par exemple, les demandeurs n'en citent pas les passages pertinents et n'invoquent aucun fait à l'appui de leur interprétation ou pour justifier leur demande relative à des dommages pécuniaires. En ce qui concerne la Loi constitutionnelle de 1930, il ne suffit pas d'affirmer simplement que les demandeurs ont le droit d'être indemnisés pour plusieurs types de dommages causés à leurs terres, décrits en termes généraux, sans de plus amples précisions factuelles à l'appui de leur demande de dommages-intérêts. En outre, vu que la Convention de transfert des ressources naturelles et la Loi constitutionnelle de 1930 s'appliquent différemment en Colombie-Britannique et en Alberta, dans la mesure où les terres des demandeurs sont situées dans chacune de ces provinces, il se peut que le fondement des demandes relatives à la Loi constitutionnelle de 1930 doive être établi différemment selon la province dans laquelle est située chacune des terres revendiquées par les demandeurs. Les conclusions de droit concernant les droits que voudraient faire valoir les demandeurs selon leur évaluation de leurs droits légaux n'énoncent pas de faits essentiels à l'appui de ces conclusions juridiques.
En ce qui concerne les prétendus manquements aux obligations de nature fiduciaire, en tenant pour acquis que les demandeurs apporteront les modifications opportunes à la déclaration pour plaider les faits essentiels qui sous-tendent leurs rapports avec la Couronne, il n'est pas évident et manifeste qu'une éventuelle demande à ce titre sera rejetée: il peut être plaidé qu'il y a eu manquement aux obligations de nature fiduciaire dont les défendeurs devaient s'acquitter envers les demandeurs.
Enfin, les plaidoiries en l'espèce ne sont pas viciées au point d'être scandaleuses, futiles ou vexatoires, ni au point de causer préjudice, gêner ou retarder l'instruction équitable de l'action, à condition que les modifications opportunes soient apportées à la déclaration.
lois et règlements
Décret en conseil sur la terre de Rupert et le territoire du Nord-Ouest (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 3) [L.R.C. (1985), appendice II, no 9].
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 91(24).
Loi constitutionnelle de 1871, 34 & 35 Vict., ch. 28 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 5) [L.R.C. (1985), appendice II, no 11].
Loi constitutionnelle de 1930, 20 & 21 Geo. V, ch. 26 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 16) [L.R.C. (1985), appendice II, no 26].
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice no 44], art. 35 (mod. par TR/84-102, art. 2).
Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5.
Proclamation royale (1763), L.R.C. (1985), appendice II, no 1.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 408, 412, 419(1).
Society Act, R.S.B.C. 1996, ch. 433.
Traité no 8 (1899).
jurisprudence
décisions appliquées:
Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959; (1990), 74 D.L.R. (4th) 321; [1990] 6 W.W.R. 385; 49 B.C.L.R. (2d) 273; 4 C.C.L.T. (2d) 1; 43 C.P.C. (2d) 105; 117 N.R. 321; Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735; (1980), 115 D.L.R. (3d) 1; 33 N.R. 304; Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441; (1985), 18 D.L.R. (4th) 481; 12 Admin. L.R. 16; 13 C.R.R. 287; 59 N.R. 1; Roach c. Canada (Ministre d'État au Multiculturalisme et à la Citoyenneté), [1994] 2 C.F. 406; (1994), 113 D.L.R. (4th) 67; 23 Imm. L.R. (2d) 1; 164 N.R. 370 (C.A.); Glaxo Canada Inc. c. Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social du gouvernement du Canada et al. (1987), 15 C.P.R. (3d) 1; 11 F.T.R. 121 (C.F. 1re inst.); Famous Players Canadian Corporation Limited v. J.J. Turner and Sons Ltd., [1948] O.W.N. 221 (H.C.); Lawrence c. R., [1978] 2 C.F. 782; (1978), 42 C.C.C. (2d) 230 (1re inst.); Bande indienne de Montana c. Canada, [1991] 2 C.F. 30; [1991] 2 C.N.L.R. 88; (1991), 120 N.R. 200 (C.A.); Waterside Ocean Navigation Co., Inc. c. International Navigation Ltd., [1977] 2 C.F. 257 (1re inst.); McMillan c. Canada (1996), 108 F.T.R. 32 (C.F. 1re inst.); R. c. Horse, [1988] 1 R.C.S. 187; (1988), 47 D.L.R. (4th) 526; [1988] 2 W.W.R. 289; 65 Sask. R. 176; 39 C.C.C. (3d) 97; [1988] 2 C.N.L.R. 112; 82 N.R. 206; R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075; (1990), 70 D.L.R. (4th) 385; [1990] 4 W.W.R. 410; 46 B.C.L.R. (2d) 1; 56 C.C.C. (3d) 263; [1990] 3 C.N.L.R. 160; 111 N.R. 241; Bande indienne de le rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1995] 4 R.C.S. 344; (1995), 130 D.L.R. (4th) 193; [1996] 2 C.N.L.R. 25; 190 N.R. 89; Steiner c. Canada (1996), 122 F.T.R. 187 (C.F. 1re inst.); Succession Creaghan c. La Reine, [1972] C.F. 732; (1972), 72 DTC 6215 (T.D.); Mayor, &c., of City of London v. Horner (1914), 111 L.T. 512 (C.A.); Burnaby Machine & Mill Equipment Ltd. c. Berglund Industrial Supply Co. Ltd. et al. (1982), 64 C.P.R. (2d) 206 (C.F. 1re inst.).
décisions examinées:
Regina v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, Ex parte Indian Association of Alberta, [1982] 1 Q.B. 892 (C.A.); Delgamuukw v. British Columbia (1993), 104 D.L.R. (4th) 470; [1993] 5 W.W.R. 97; 30 B.C.A.C. 1; [1993] 5 C.N.L.R. 1; 49 W.A.C. 1 (C.A.C.-B.); conf. (1991), 79 D.L.R. (4th) 185; [1991] 3 W.W.R. 97 (C.S.C.-B.).
décisions citées:
Baker Lake (Hamlet) c. Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, [1980] 1 C.F. 518; (1979), 107 D.L.R. (3d) 513; [1980] 5 W.W.R. 193; [1979] 3 C.N.L.R. 17 (1re inst.); Tagish Kwan Corp. (faillie) c. Canada (1994), 89 F.T.R. 293 (C.F. 1re inst.); R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507; (1996), 80 B.C.A.C. 81; 200 N.R. 1; 130 W.A.C. 81; R. c. Adams, [1996] 3 R.C.S. 101; (1996), 138 D.L.R. (4th) 657; 110 C.C.C. (3d) 97; [1996] 4 C.N.L.R. 1; 202 N.R. 89; Imperial Chemical Industries PLC c. Apotex Inc. (1990), 31 C.P.R. (3d) 517; 36 F.T.R. 315 (C.F. 1re inst.); Dumont c. Canada (Procureur général), [1990] 1 R.C.S. 279; (1990), 67 D.L.R. (4th) 159; [1990] 4 W.W.R. 127; 65 Man. R. (2d) 182; [1990] 2 C.N.L.R. 19; 105 N.R. 228; inf. (1988), 52 D.L.R. (4th) 25; [1988] 5 W.W.R. 193; 52 Man. R. (2d) 291; [1988] 3 C.N.L.R. 39 (C.A. Man.); Vojic (L.) c. M.R.N., [1987] 2 C.T.C. 203; (1987), 87 DTC 5384 (C.A.F.); Tagish Kwan Corp. (faillie) c. Canada (1994), 82 F.T.R. 140 (C.F. 1re inst.); Canada c. Mayer (1996), 208 N.R. 145 (C.A.F.); Cyr c. Canada (Pénitencier fédéral, Directeur), [1992] A.C.F. no 561 (1re inst.) (QL); Mayflower Transit Ltd. c. Marine Atlantic Inc. et al. (1989), 29 F.T.R. 30 (C.F. 1re inst.); Calder et autres c. Procureur général de la Colombie-Britannique, [1973] R.C.S. 313; (1973), 34 D.L.R. (3d) 145; [1973] 4 W.W.R. 1; Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010; 153 D.L.R. (4th) 193; 99 B.C.A.C. 161; [1998] 1 C.N.L.R. 14; 220 N.R. 161; Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335; (1984), 13 D.L.R. (4th) 321; [1984] 6 W.W.R. 481; 59 B.C.L.R. 301; [1985] 1 C.N.L.R. 120; 20 E.T.R. 6; 55 N.R. 161; 36 R.P.R. 1; Meyers and Lee v. Freeholders Oil Co. and Canada Permanent Trust Co. (1956), 19 W.W.R. 546 (C.A. Sask.); Copperhead Brewing Co. c. John Labatt Ltée (1995), 61 C.P.R. (3d) 317; 95 F.T.R. 146 (C.F. 1re inst.).
REQUÊTE en radiation de la déclaration au motif qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable. Requête accueillie, avec autorisation de modifier la déclaration.
avocats:
Priscilla E. S. Kennedy pour les demandeurs.
William J. Blain pour les défenderesses.
procureurs:
Parlee McLaws, Edmonton, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada, pour les défenderesses.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
Le juge MacKay: Les défendeurs sollicitent une ordonnance de radiation de certaines parties de la déclaration des demandeurs, en vertu du paragraphe 419(1) des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., ch. 663]. Au moment de l'audition, l'avocat des défendeurs a fait valoir oralement que la Cour, si elle radiait la partie des plaidoiries écrites contestée par les défendeurs, devrait également envisager la radiation de la totalité de la déclaration, au motif qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action.
Subsidiairement, si la Cour décide de ne pas radier ces paragraphes de la déclaration ou permet aux demandeurs de modifier leur demande ou de fournir des détails plus amples et plus précis, les défendeurs soutiennent que les demandeurs doivent se conformer à la Règle 408. Cette règle oblige les demandeurs à exposer les faits essentiels, et non simplement les conclusions de droit, avec clarté et précision.
Si la déclaration n'est pas radiée, les défendeurs sollicitent également une ordonnance donnant des directives concernant le délai de dépôt de la défense et les autres directives concernant le déroulement de la présente action que la Cour estimera justes et raisonnables, et notamment une ordonnance enjoignant aux demandeurs d'aviser d'autres parties susceptibles d'être touchées par la réparation demandée.
Contexte
Selon la déclaration, la personne physique demanderesse, Cliff Calliou, agirait en son propre nom et au nom de tous les membres de la Nation Crie de Kelly Lake, comme l'indique l'intitulé de la cause. Les personnes physiques demanderesses, soit les membres de cette Nation, auraient le même intérêt dans l'instance et elles seraient toutes des "Indiens" au sens de l'article 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1882 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]], du Décret impérial du 23 juin 1870 [Décret en conseil sur la terre de Rupert et le territoire du Nord-Ouest (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 3 [L.R.C. (1985), appendice II, no 9]], de la Loi constitutionnelle de 1871 [34 & 35 Vict., ch. 28 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 5) [L.R.C. (1985), appendice II, no 11]], de la Loi constitutionnelle de 1930 [20 & 21 Geo. V, ch. 26 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 16 [L.R.C. (1985), appendice II, no 26]] et de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], et elles feraient partie des "peuples autochtones" au sens de la Loi constitutionnelle de 1982 . Les demandeurs ne revendiquent aucun statut en vertu de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5 pour les personnes physiques demanderesses ou la Nation Crie de Kelly Lake.
La Nation Crie de Kelly Lake est une société constituée en juillet 1996 sous le régime de la Society Act de la Colombie-Britannique, R.S.B.C. 1996, ch. 433. Il semble que différents groupes de la collectivité de Kelly Lake se battent actuellement pour être reconnus et exercer des pouvoirs. Beaucoup, sinon la totalité des membres de la Nation Crie de Kelly Lake étaient auparavant membres d'une autre société, la Première Nation de Kelly Lake, constituée plus tôt sous le régime de la Society Act de la Colombie-Britannique, et s'en sont retirés. Des démarches ont été entreprises au nom de la Première Nation de Kelly Lake afin de manifester l'intention d'adhérer au Traité no 8 avant l'introduction de la présente action par les demandeurs. La Nation Crie de Kelly Lake est donc une société constituée sous le régime du droit provincial de la Colombie-Britannique, mais n'a pas le statut d'une bande sous le régime de la Loi sur les Indiens.
Les demandeurs soutiennent être les descendants d'Indiens qui vivent depuis des temps immémoriaux dans un secteur chevauchant la frontière actuelle entre l'Alberta et la Colombie-Britannique et qui y vivaient, à tout le moins, avant la Proclamation royale (1763) [L.R.C. (1985), appendice II, no 1] et la conclusion du Traité no 8 en 1899. Récemment, les demandeurs et leurs ancêtres se sont regroupés à Kelly Lake, en Colombie-Britannique, pour y vivre et y résider. Le territoire qu'ils revendiquent est vaste et il se situe dans la partie sud du territoire visé par le Traité no 8, selon la description figurant au paragraphe 2 de la déclaration modifiée modifiée. Dans leur réponse à la demande de précisions, les demandeurs déclarent que les terres en cause se trouvent dans la région [traduction] "maintenant désignée comme les Territoires du Nord-Ouest".
Les demandeurs sollicitent un certain nombre de mesures de réparation dans leur action contre la Couronne, dont plusieurs déclarations concernant l'existence de leurs droits ancestraux et le manquement par la Couronne à ses obligations fiduciaires, en law et en equity. Parmi les déclarations réclamées, les demandeurs sollicitent une ordonnance portant qu'ils peuvent adhérer au Traité no 8 et reconnaissant, par voie déclaratoire, les droits que leur confère ce traité. Les demandeurs réclament en outre des dommages-intérêts pour les prétendus manquements par les défendeurs à leurs obligations envers eux et dont le montant s'élèverait apparemment à 5,2 milliards de dollars, une reddition de compte relativement aux profits réalisés par les défendeurs grâce à l'exploitation des ressources des demandeurs et les intérêts.
Le 24 octobre 1996, les défendeurs ont déposé une réponse à la demande de précisions, dans laquelle ils ont fourni des précisions relativement à certains paragraphes maintenant contestés; le 6 et le 19 février 1997, ils ont déposé de modifications mineures à la déclaration.
Les paragraphes litigieux de la déclaration modifiée modifiée sont les paragraphes 4, 5, 9 (sauf que les défendeurs ne contestent pas le fait énoncé au paragraphe 9 qu'ils n'ont jamais adhéré au Traité no 8) et les paragraphes 10 à 22, inclusivement. Voici le libellé de ces paragraphes contestés par les défendeurs:
[traduction]
4. En vertu de la Proclamation royale (1763), toutes les terres indiennes ont été réservées et protégées, notamment, de tout établissement à moins que la Couronne ne les ait cédées ou achetées.
5. Le Décret sur la terre de Rupert et le territoire du Nord-Ouest a été pris le 23 juin 1870 et, en vertu de ce Décret en conseil, les Gouverneurs et la Compagnie d'aventuriers d'Angleterre faisant la traite à la Baie d'Hudson ("la Compagnie de la Baie d'Hudson") ont cédé à Sa Majesté la Reine la totalité de leurs "terres, territoires, droits, privilèges, immunités, franchises, pouvoirs et autorités quelconques accordés ou censés avoir été accordés" par certaines lettres patentes en 1670.
. . .
9. Bien qu'on compte de nombreuses adhésions au Traité numéro 8, la Nation Crie de Kelly Lake et les demandeurs en général, se trouvant dans un région éloignée de celle en cause, n'ont jamais signé d'acte d'adhésion au Traité numéro 8 et n'y sont pas devenus parties, et aucune action accomplie ni aucun acte formaliste signé par les demandeurs après à cette date, notamment la réception d'avantages, ne saurait avoir eu pour effet de mettre fin ou de porter autrement atteinte aux droits ancestraux, titre indien et droits d'usufruit personnels des demandeurs.
10. Ledit Traité numéro 8 était censé emporter l'abandon et la cession par les bandes et les Indiens qui y étaient parties, en faveur du gouvernement du Dominion du Canada, de tous les droits, titres et privilèges quelconques qu'ils pouvaient avoir sur les terres décrites dans ledit traité ainsi que sur toute autre terre du Dominion du Canada.
11. En vertu dudit Traité numéro 8, Sa Majesté la Reine a convenu et s'est obligée de mettre à part des réserves pour les bandes qui en désireraient, à raison d'un mille carré pour chaque famille de cinq (5) personnes, et de fournir une terre en particulier n'excédant pas 160 acres à chaque Indien pour les familles ou les Indiens particuliers qui préféreraient vivre séparément des réserves des bandes, sous réserve de certaines conditions concernant le choix des terres, leur cession et leur affectation.
12. Le Traité numéro 8 n'a pas eu et ne pouvait avoir pour effet de mettre fin au titre indien et aux droits ancestraux, ni aux droits personnels et d'usufruit des demandeurs et de leurs ancêtres; il n'a nullement porté atteinte à ce titre et à ces droits en l'absence d'adhésion au traité par la Nation Crie de Kelly Lake, demanderesse, et par les autres personnes physiques demanderesses ou leurs représentants autorisés.
13. Aucun droit ancestral, titre indien ni droit personnel et d'usufruit des demandeurs n'a été aboli; ils subsistent tous et la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique.
14. Les demandeurs ont conservé leurs droits ancestraux sur les terres et les ressources naturelles qui s'y rattachent ainsi que leurs droits à l'autodétermination; ces droits bénéficient d'une protection constitutionnelle en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
15. Subsidiairement, si le Traité numéro 8 a eu pour effet d'abolir ledit titre et lesdits droits des demandeurs, ou d'y porter atteinte autrement, ce que les demandeurs nient., ceux-ci peuvent se prévaloir, au minimum, des droits et avantages stipulés dans le Traité numéro 8; les demandeurs ont plus particulièrement droit à la mise à part d'une réserve en vertu du Traité numéro 8, de la Loi constitutionnelle de 1930 et de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, à l'intérieur de leurs terres traditionnelles.
16. Subsidiairement, les demandeurs ont le droit de faire prononcer la nullité du Traité numéro 8 en conséquence du non-respect par la défenderesse, Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, des obligations qu'il lui impose.
17. De plus, Sa Majesté la Reine du chef du Canada a passé, sans apparence de droit, la Loi constitutionnelle de 1930, contraire aux droits ancestraux, titre indien et droits personnels et d'usufruit des demandeurs, ayant ainsi causé et causant toujours des dommages aux demandeurs.
18. En outre, les droits ancestraux, titre indien et droits personnels et d'usufruit des demandeurs constituent une fiducie et un intérêt autre que celui de la Couronne sur les terres de la Couronne en Colombie-Britannique et en Alberta au sens de la Convention sur le transfert des ressources naturelles qui constitue la Loi constitutionnelle de 1930; en conséquence, ces terres, ressources naturelles, mines et minéraux sont et continuent de faire l'objet d'une fiducie et d'un intérêt des demandeurs.
19. Les demandeurs ont donc droit à l'utilisation et à l'occupation exclusive des régions décrites plus haut et des ressources naturelles qui s'y trouvent, ainsi qu'à une déclaration de ces droits.
20. Les défendeurs, Sa Majesté la Reine du chef du Canada et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, contrairement à leur obligation de protéger les demandeurs, d'assurer leur bien-être et leur confort, de favoriser leur développement et de promouvoir leur statut, ont manqué à leurs obligations fiduciaires, constitutionnelles, légales, en law et en equity envers les demandeurs, ils n'ont pas agi exclusivement au profit des demandeurs et dans leur intérêt véritable et ils n'ont pas protégé et préservé les droits, les intérêts et les biens des demandeurs.
21. Les demandeurs ont également droit à une déclaration portant qu'ils peuvent signer un acte d'adhésion au Traité numéro 8 et recevoir une réserve comme le prévoit ce traité, ainsi que le droit exclusif d'utiliser toutes les ressources naturelles qui s'y trouvent et d'en bénéficier.
22. De plus, les demandeurs ont le droit d'être indemnisés pour les dommages causés à leurs terres, notamment, pour la destruction de la faune dont ils dépendent, pour la destruction des autres ressources naturelles et pour la transformation des mines, des minéraux et des autres ressources naturelles, pour l'atteinte portée à l'utilisation de la terre par les autochtones, y compris aux activités traditionnelles, aux concessions de piégeage, aux pièges et à l'équipement de piégeage, à la pêche et à la chasse, ainsi que pour l'atteinte portée aux sites religieux et lieux de sépulture, ainsi qu'aux valeurs culturelles, traditionnelles et spirituelles.
Ces paragraphes constituent l'essentiel de la déclaration, qui comprend seulement 22 paragraphes et une demande de réparation visant l'obtention de plusieurs déclarations et des dommages-intérêts.
Les arguments des parties
Il est bien établi qu'une plaidoirie ne doit être radiée que dans le cas où il est évident et manifeste qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action, en tenant tous les faits allégués pour avérés1. Pour établir l'existence d'une cause d'action raisonnable en dommages-intérêts, les demandeurs doivent invoquer les faits essentiels démontrant l'existence d'un droit légal, d'une obligation de respecter ce droit, d'une atteinte à ce droit légal et d'un manquement à l'obligation qui en découle, ainsi que de dommages2.
Les défendeurs soutiennent que les faits allégués sont insuffisants pour établir que les demandeurs avaient un droit légal sous forme de titre ancestral ou d'autres droits ancestraux, ou qu'ils pouvaient adhérer au Traité no 8. Ils affirment que les faits allégués ne satisfont pas aux critères établis dans la décision Baker Lake (Hamlet) c. Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien3, c'est-à-dire que le groupe qui revendique un titre doit démontrer qu'il habite la terre en cause depuis l'affirmation de la souveraineté de l'Angleterre et qu'il vit en société organisée qui exerce son pouvoir sur la terre en cause à l'exclusion de toute autre société organisée. De plus, les défendeurs soutiennent que, mis à part la revendication d'un titre ancestral sur les terres, les demandeurs n'ont pas allégué les faits révélateurs de coutumes, pratiques et traditions culturelles et historiques pertinentes nécessaires pour démontrer l'existence d'un droit ancestral permanent de s'adonner à une activité, coutume ou tradition, conformément aux règles établies dans les arrêts R. c. Van der Peet4 et R. c. Adams5.
Les défendeurs soutiennent que bon nombre des paragraphes contestés constituent des conclusions de droit et des arguments juridiques concernant l'effet de la common law et des lois, d'hier et d'aujourd'hui, et que ces paragraphes comportent bien peu de faits essentiels. Certains paragraphes constitueraient des énoncés de droit contraires à la jurisprudence établie et devraient donc être radiés6.
De plus, les défendeurs font valoir l'absence de faits invoqués pour démontrer qu'ils avaient une obligation légale de respecter un prétendu droit légal. Ainsi, selon eux, les demandeurs n'allèguent aucun fait qui définirait la portée et la nature des obligations fiduciaires, constitutionnelles, légales, en common law et en equity que les défendeurs auraient envers les demandeurs, et ceux-ci n'allèguent pas suffisamment de faits pour démontrer que les défendeurs auraient manqué à une obligation quelconque qui leur incomberait envers les demandeurs.
Les défendeurs affirment que les demandeurs n'ont pas non plus satisfait aux conditions à remplir pour obtenir une réparation sous forme de déclaration. Pour avoir droit à une déclaration, les demandeurs doivent soulever des questions non pas théoriques, mais réelles, dans lesquelles ils ont un intérêt vital et véritable auquel les défendeurs, en l'occurrence la Couronne, ont réellement intérêt à s'opposer7. Ils soutiennent qu'aucune question réelle n'est encore en litige en l'espèce, car la Couronne n'a pas eu l'occasion de s'acquitter d'une obligation quelconque qu'elle aurait envers les demandeurs. De plus, étant donné que les demandeurs ne sont pas membres d'une bande indienne reconnue et que les parties physiques demanderesses ne sont pas des Indiens inscrits sous le régime de la Loi sur les Indiens et ne précisent pas dans la déclaration le fondement de leur prétention au statut d'Indien, les demandeurs n'ont pas démontré qu'ils avaient un intérêt vital et véritable dans la principale question en litige, celle du titre ancestral, sur laquelle ils fondent leurs autres revendications en l'espèce.
Enfin, les défendeurs soutiennent que les plaidoiries des demandeurs ne sont pas conformes aux exigences des Règles de la Cour; c'est-à-dire, qu'elles ne définissent pas la question sur laquelle les parties en litige ne s'entendent pas; elles ne donnent pas un avis équitable des prétentions que les défendeurs doivent réfuter; elles n'aident pas le tribunal dans sa recherche de la vérité; enfin, elles n'établissent pas les questions en litige dans l'action de façon assez précise pour prévenir toute instance future sur les questions déjà tranchées entre les parties. Les défendeurs prétendent donc que les plaidoiries sont futiles et vexatoires et qu'elles peuvent causer préjudice à l'instruction équitable de l'action, la gêner ou la retarder.
Quant à eux, les demandeurs font valoir qu'il n'est pas évident et manifeste que les allégations faites dans la déclaration ne soulèvent aucune cause raisonnable d'action. Ils citent l'arrêt Dumont c. Canada (Procureur général)8 à l'appui de leur prétention que la question de l'interprétation des documents constitutionnels, telles la Proclamation royale (1763), la Loi constitutionnelle de 1930 et la Loi constitutionnelle de 1982, serait mieux tranchée à l'instruction. Par ailleurs, les demandeurs nient que les plaidoiries soient non essentielles ou non pertinentes et ils affirment qu'aucun préjudice réel n'est établi et que les plaidoiries ne sont pas manifestement vaines et inutiles. Les paragraphes en cause ne peuvent pas causer préjudice à l'instruction, ni la gêner, et ils n'ont rien de vexatoire. Enfin, les demandeurs soutiennent que les plaidoiries ne constituent pas un emploi abusif qui justifierait leur radiation. Ils insistent pour dire que les demandes qui y sont énoncées n'ont fait l'objet d'aucune décision et que la doctrine de la chose jugée ou de la préclusion fondée sur l'identité de la question ne s'applique pas.
Les principes applicables
La radiation des plaidoiries au motif qu'elles ne révèlent aucune cause raisonnable d'action est accordée uniquement, selon les termes mêmes employés par la Cour suprême du Canada, lorsqu'il est ""évident et manifeste" que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d'action raisonnable"9. Pour déterminer s'il est satisfait au critère du caractère "évident et manifeste", la Cour doit tenir pour acquis que "les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés"10 et présumer qu'ils l'ont effectivement été11. Mme le juge Wilson a ainsi résumé le critère applicable à la radiation d'une plaidoirie:
. . . au Canada, le critère . . . dans l'hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, est-il "évident et manifeste" que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d'action raisonnable? Comme en Angleterre, s'il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être "privé d'un jugement". La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d'action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d'intenter son action.12
Dans l'arrêt Roach c. Canada (Ministre d'État au Multiculturalisme et à la Citoyenneté)13, la Cour d'appel fédérale a eu l'occasion d'interpréter les décisions de la Cour suprême dans le contexte du paragraphe 419(1) des Règles:
. . . s'il est "évident et manifeste" ou "au-delà de tout doute" que l'appelant ne peut obtenir gain de cause, la déclaration doit être radiée, mais si l'action "a quelques chances de succès" ou "s'il y a une chance que le demandeur ait gain de cause", le tribunal doit permettre que l'action soit instruite.
Le document intitulé statement of claim ou déclaration, comme en l'espèce, ne comprend pas la preuve requise pour établir les faits allégués par la partie demanderesse. Ces faits peuvent ou non être établis lors de l'instruction, c'est-à-dire qu'il peut être démontré ou non que les opinions de l'appelant sont bien celles qu'il prétend avoir et que les conséquences négatives éventuelles se produiront effectivement. L'une des raisons déterminantes, pour lesquelles le critère applicable à la radiation d'une déclaration au motif qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action est aussi exigeant tient à la volonté d'empêcher la Cour de s'engager dans la résolution des questions de fait en l'absence de toute preuve. Le risque inhérent à cette entreprise est manifeste: le tribunal ne dispose pas d'éléments suffisants pour rendre les décisions sur les faits nécessaires au règlement du litige. De plus, la déclaration ne contient que l'essentiel de l'argumentation juridique qui sera étoffée lors de la présentation des prétentions des parties devant la Cour de première instance. Ce n'est donc que dans les cas les plus manifestes qu'une partie peut être privée de l'occasion de produire sa preuve et de faire valoir une argumentation complète en droit.
Néanmoins, le tribunal a conclu qu'une demande ne révélait pas une cause raisonnable d'action dans un cas où de simples conclusions étaient énoncées sans fondement factuel à l'appui14. À cet égard, je note la décision Glaxo Canada Inc. c. Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social du gouvernement du Canada et al.15, dans laquelle le juge Rouleau pose les règles fondamentales concernant les plaidoiries:
Les règles relatives aux plaidoiries établissent le principe fondamental selon lequel la demanderesse est obligée de plaider des faits substantiels qui révèlent une cause d'action raisonnable. Cette règle très importante des plaidoiries comprend quatre éléments différents: 1) chaque plaidoirie doit énoncer les faits et pas seulement les conclusions de droit; 2) elle doit comprendre des faits substantiels; 3) elle doit énoncer des faits et non les éléments de preuve qui doivent servir à les prouver; et 4) elle doit énoncer les faits succinctement de façon concise: voir Odgers' Principles of Pleading and Practice, 21e éd., p. 94.
La Règle 412 est également pertinente. Elle prévoit que le "fait de soulever une question de droit ou d'affirmer expressément une conséquence juridique . . . ne doit pas être accepté comme remplaçant un exposé des faits essentiels sur lesquels se fonde la conséquence juridique". Le paragraphe 412(1) permet expressément d'invoquer un point de droit; mais, bien qu'il ne soit pas irrégulier de faire valoir des conclusions de droit, celles-ci doivent être étayées par des faits essentiels suffisants exposés dans la plaidoirie. Le passage suivant de la décision Famous Players Canadian Corporation Limited v. J.J. Turner and Sons Ltd.16 décrit une démarche acceptable:
[traduction] Il est tout à fait indiqué et nécessaire de formuler la conclusion de droit que la partie demandera à la Cour d'adopter, pourvu que cette conclusion soit adéquatement appuyée par l'exposé des faits qui sont nécessaires pour ce résultat. Je concède bien sûr que la seule allégation d'un principe de droit ne saurait être recevable en soi; il faut que les faits sur lesquels elle est fondée soient aussi donnés. En revanche, il est tout aussi contestable de ne plaider que les faits, sans mentionner les conséquences juridiques qui, selon la partie, découleraient de l'existence de ces faits, puisque ce serait condamner l'autre partie et la Cour à ignorer totalement la conclusion que la partie demanderesse cherche à obtenir au procès. La plaidoirie vise à exposer raisonnablement la proposition avancée par la partie qui plaide, et il est bon nombre d'exemples qui viennent à l'esprit de cas où le fait de limiter le document à un simple exposé des faits aurait pour effet de nuire à l'objectif fondamental.
Néanmoins, lorsque les actes de procédure contiennent uniquement des affirmations de droit formulées de façon incompatible avec la jurisprudence établie, il se peut qu'ils ne révèlent aucune cause raisonnable d'action et qu'ils puissent être radiés17. De plus, dans l'affaire Lawrence c. R.18, le juge Mahoney a clairement déclaré que la Cour ne devait pas tenir pour acquise la justesse d'une affirmation de droit formulée dans une plaidoirie pour trancher la question de savoir si cette plaidoirie révèle une cause raisonnable d'action. Voici ce qu'il a déclaré:
Il n'appartient pas au plaideur, mais à la Cour, de dire le droit. En l'espèce, je dois considérer les termes précis de la loi et non ceux que lui attribue la déclaration.
En l'espèce, ces propositions doivent être interprétées à la lumière de l'arrêt Dumont19 de la Cour suprême. Ce pourvoi soulevait la question de savoir si la Cour pouvait prononcer un jugement déclaratoire concernant la validité constitutionnelle de plusieurs lois fédérales édictées entre 1871 et 1886. La Cour d'appel du Manitoba [(1988), 52 D.L.R. (4th) 25] a statué que les déclarations demandées ne sauraient être d'aucune utilité et elle a radié la déclaration. Mme le juge Wilson a infirmé la décision de la Cour d'appel et statué, au nom de la Cour suprême, que l'issue de l'instance n'était pas "évidente et manifeste", puis elle a ajouté:
Il semblerait que les questions relatives à l'interprétation qu'il faut donner aux dispositions applicables de la Loi de 1870 sur le Manitoba et de la Loi constitutionnelle de 1871 et à l'effet qu'a sur elles la mesure législative accessoire seraient mieux tranchées en première instance où il est possible d'établir un bon fondement factuel20.
La Cour d'appel fédérale s'est appuyée par la suite sur l'arrêt Dumont dans l'affaire Bande indienne de Montana c. Canada21. Dans cette affaire, les demandeurs sollicitaient notamment une déclaration portant que, par application de la Loi constitutionnelle de 1867, le Décret en conseil sur la terre de Rupert et le territoire du Nord-Ouest22 de 1870 est un document constitutionnel qui lie les gouvernements fédéral et provinciaux. La Cour d'appel a statué que l'issue de l'instance n'était pas "évidente et manifeste"; elle a précisé que la situation découlant d'une série complexe de documents constitutionnels, invoqués à l'appui des déclarations demandées, n'était pas sans similitude avec celle visée par l'arrêt Dumont . Par conséquent, lorsque les plaidoiries touchent l'interprétation de lois constitutionnelles historiques, la Cour doit semble-t-il faire preuve de prudence avant de les radier en appliquant le critère du caractère "évident et manifeste".
Par ailleurs, lorsque la Cour est appelée à décider s'il y a lieu de radier une déclaration en entier ou d'en permettre la modification, elle ne la radiera que lorsqu'il est clair qu' "aucun amendement ne peut modifier la déclaration de façon à révéler une cause raisonnable d'action"23. Pour reprendre les propos du juge en chef adjoint Jerome dans l'affaire McMillan c. Canada,
Le fardeau qui incombe au requérant sous le régime de la règle 419(1)a) est lourd puisque la cour ne radiera de parties d'une plaidoirie que s'il est évident que la déclaration ne peut être modifiée de façon à révéler une cause d'action satisfaisante . . . En fait, pour qu'une déclaration soit radiée sans autorisation de la modifier, il ne doit pas exister la moindre trace d'une cause d'action légitime24.
La plaidoirie en cause en l'espèce
Je conclus essentiellement, en ce qui a trait aux paragraphes en cause de la déclaration, qu'ils n'établissent pas des faits essentiels suffisants pour révéler une cause d'action en dommages-intérêts, ni pour justifier dans l'ensemble la réparation demandée sous forme de déclarations. Toutefois, après avoir entendu les avocats des parties, je conclus que les demandeurs doivent avoir la possibilité de modifier leur déclaration pour plaider les faits qui sous-tendent leurs demandes en conformité avec les Règles.
Voici en quoi consiste en l'espèce la demande de dommages-intérêts des demandeurs: leurs ancêtres occupent la terre en cause depuis des temps immémoriaux et l'occupaient avant la Proclamation royale (1763), qui s'appliquerait selon eux à cette terre, de sorte que leurs ancêtres avaient des droits reconnus par cette proclamation et découlant de leur titre ancestral en common law. Ils prétendent en outre que cette terre est visée par le Traité no 8 de 1899, mais que les demandeurs et leurs ancêtres ne sont jamais devenus parties au traité, de sorte que leurs droits, reconnus par la Proclamation royale (1763) et découlant de la doctrine du titre ancestral en common law, n'auraient jamais été abolis. Depuis 1899, leurs terres sont exploitées par des personnes autres que les demandeurs; en conséquence, il aurait été porté atteinte à leurs droits, maintenant constitutionnalisés par l'article 35 [mod. par TR/84-102, art. 2] de la Loi constitutionnelle de 1982, et ils auraient subi des dommages, à la fois parce qu'ils n'auraient pu utiliser leurs terres ancestrales sans entrave et parce que la Couronne aurait manqué à ses différentes obligations envers eux.
Selon moi, pour révéler une cause raisonnable d'action en dommages-intérêts, les demandeurs doivent établir des faits démontrant qu'ils avaient un droit légal découlant d'un titre ancestral, ou de la Proclamation, que la Couronne avait une obligation correspondante et qu'elle a manqué à cette obligation, ce manquement entraînant des dommages. Les demandeurs affirment dans leur déclaration qu'ils sont un peuple autochtone dont les ancêtres habitent la terre, sur laquelle ils revendiquent un titre ancestral, depuis des temps immémoriaux. Pour trancher la présente requête, je tiens cette assertion pour avérée. Toutefois, l'avocat des défendeurs affirme que cette simple déclaration de résidence depuis des temps immémoriaux ne suffit pas à donner naissance à une cause d'action fondée sur un titre ancestral en common law ou d'autres droits ancestraux, et que les demandeurs ne plaident pas le fondement factuel des éléments de leur revendication relative à un titre ou à d'autres droits. Cette prétention est juste selon moi. Si les demandeurs ne plaident pas de faits substantiels additionnels, il est clair et manifeste, selon moi, que leur revendication d'un titre ancestral en common law, ou d'autres droits ancestraux, s'appuyant sur les faits plaidés dans la déclaration serait rejetée.
En ce qui a trait à la prétention implicite qui ressort du paragraphe 4 et selon laquelle les droits que les demandeurs revendiquent tireraient leur origine de la Proclamation royale (1763), je note que, dans l'arrêt Baker Lake (Hamlet) c. Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien25, cette Proclamation a été considérée comme une source distincte de titre ancestral, indépendante du titre ancestral en common law déjà reconnu par la Cour suprême dans l'affaire Calder et autres c. Procureur général de la Colombie-Britannique26.
L'avocat des défendeurs soutient que la jurisprudence a établi que la Proclamation royale (1763) ne s'applique pas aux territoires situés maintenant à l'intérieur des frontières de la province de l'Alberta et de la Colombie-Britannique et, en conséquence, que les demandes des demandeurs, dans la mesure où elles s'appuient sur la Proclamation, doivent être radiées. Cet argument se fonde sur la remarque suivante formulée par le lord juge May dans l'affair Regina v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, Ex parte Indian Association of Alberta27:
[traduction] Le territoire qui constitue maintenant la province de l'Alberta faisait partie de la terre de Rupert, qui a été concédée à la Compagnie de la Baie d'Hudson dans sa Charte de 1670. Par conséquent, les Indiens qui l'occupaient ont été expressément exclus des terres réservées sous la souveraineté anglaise par la Proclamation de 1763 . . .
La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a approuvé la même conclusion concernant la Proclamation, relativement aux terres situées en Colombie-Britannique, dans l'affaire Delgamuukw v. British Columbia28, dans laquelle quatre juges étaient d'accord pour dire que la Proclamation royale (1763) ne s'applique pas à la Colombie-Britannique. Sur ce point, le juge Hutcheon de la Cour d'appel a déclaré:
[traduction] . . . le texte de la Proclamation royale s'applique uniquement au profit de certaines terres et certains Indiens mentionnés: son libellé ne s'étend pas aux terres ni aux peuples dont les rédacteurs de la Proclamation ignoraient totalement l'existence29.
De même, le juge Wallace de la Cour d'appel a énoncé le raisonnement suivant dans ses motifs, auxquels ont souscrit deux autres membres de la Cour:
[traduction] Le juge de première instance a étudié la preuve et les arguments relatifs à cette question de façon exhaustive dans ses motifs (p. 287 à 307) et il a conclu que la Proclamation royale (1763) ne s'est jamais appliquée à la Colombie-Britannique. Les motifs qu'il a donnés à l'appui de cette conclusion sont énoncés en partie à la p. 305, où il déclare:
La teneur de la Proclamation, dans son contexte historique, vise manifestement les problèmes pratiques que devait régler la Couronne dans ses colonies d'Amérique à cette époque. Deux des clauses de la Proclamation touchant les Indiens précisent qu'elles s'appliquent "pour le présent" et l'interprétation juste de ce document révèle clairement qu'il s'applique pour l'usage desdits Indiens, qui sont ceux avec lesquels la Couronne avait un lien, etc., et sur lesquels elle exerçait sa souveraineté.
Il ajoute, à la p. 306:
Je suis en outre convaincu hors de tout doute que la Couronne n'avait pas de "lien" avec les Indiens de l'ouest canadien en 1763. Ils ne vivaient pas sous la protection de la Couronne et ne lui devaient allégeance, ni de fait, ni de droit, ni en théorie.
Rien ne me convainc que cette Proclamation, en raison de son libellé ou de l'intention de la Couronne, s'applique au profit des demandeurs ou des terres qui forment aujourd'hui la Colombie-Britannique.
Pour les motifs énoncés par le juge de première instance, je souscris à sa conclusion portant que la Proclamation royale (1763) ne s'est jamais appliquée directement à la Colombie-Britannique30.
Il peut être instructif de se reporter à la décision rendue par le juge en chef McEachern de première instance dans l'affaire Delgamuukw31, à laquelle la majorité de la Cour d'appel a souscrit:
[traduction] Je n'ai pas l'intention d'examiner minutieusement chaque mot de la Proclamation parce que je suis convaincu que son libellé démontre sans l'ombre d'un doute qu'elle s'applique uniquement au profit de certaines terres et de certains Indiens mentionnés.
En ce qui a trait aux terres, j'ai la certitude que les terres d'Amérique du Nord situées au nord et à l'ouest de la source du Mississippi n'étaient pas des terres sur lesquelles la Couronne britannique avait compétence en 1763, sauf en ce qui a trait à la terre de Rupert, à laquelle la Proclamation ne s'étend pas.
L'avocate des demandeurs soutient avec insistance que la question de savoir si la Proclamation royale (1763) s'applique à la terre en cause, du moins à l'intérieur de l'Alberta, n'a pas encore été tranchée par les tribunaux et que les déclarations du lord juge May dans l'affaire Ex parte Indian Association of Alberta doivent être considérées comme une généralisation et ne déterminent pas quelles parties de la province actuelle de l'Alberta faisaient ou non partie de la terre de Rupert. En réponse à la demande de précisions, les demandeurs soutiennent que les terres habitées par eux et leurs ancêtres faisaient partie, jusqu'en 1876, de la région qui constitue maintenant les Territoires du Nord-Ouest. Je suppose que cela signifie que ces terres se trouvent dans la région que l'on appelait le territoire du Nord-Ouest en 1870. Les demandeurs ont mentionné, lors de l'audition, des sources géographiques et historiques à l'appui de leurs prétentions que la terre en cause ne faisait effectivement pas partie de la terre de Rupert. Or, même si c'était le cas, il ne s'ensuit pas nécessairement que la Proclamation royale (1763) s'applique à ces terres. La région en cause est située au nord et à l'ouest de la source du Mississippi, dans la zone que le juge McEachern a considérée dans l'arrêt Delgamuukw comme exclue de la portée de la Proclamation royale (1763); selon sa perception de la Proclamation, les ancêtres des demandeurs ne feraient pas partie des "Indiens mentionnés" visés par la Proclamation royale (1763) .
Néanmoins, je n'oublie pas les mises en garde de la Cour suprême et de la Cour d'appel fédérale selon lesquelles l'interprétation de documents constitutionnels historiques, dont la Proclamation royale (1763) fait selon moi partie, est une question qui serait mieux tranchée par le tribunal de première instance et je ne crois pas, pour l'instant, qu'il ait déjà été décidé que les terres revendiquées par les demandeurs sont exclues de la Proclamation. La question de l'application de la Proclamation sera mieux résolue à la lumière des faits que les demandeurs pourront établir à l'instruction, en tenant compte des conclusions générales tirées à cet égard par le juge en chef McEachern dans l'affaire Delgamuukw et par le lord juge May dans l'affaire Indian Association of Alberta.
Toutefois, pour prétendre que la Proclamation royale (1763) est pertinente en l'espèce, les demandeurs doivent à mon avis invoquer les faits essentiels à l'appui de cette conclusion. Compte tenu des remarques formulées dans la jurisprudence sur la portée géographique limitée de la Proclamation, il ne suffit pas d'affirmer simplement que la Proclamation royale (1763) existait et établissait certaines protections. Les demandeurs doivent alléguer des faits à l'appui de la conclusion que les terres qu'ils revendiquent se trouvent dans la région désignée autrefois comme les territoires du Nord-Ouest, et non la terre de Rupert, et que cette région fait partie de la zone géographique à laquelle la Proclamation s'applique.
Le paragraphe cinq de la déclaration renvoie au Décret en conseil sur la terre de Rupert et le territoire du Nord-Ouest et affirme que la Compagnie de la Baie d'Hudson cède toutes ses terres à Sa Majesté. À mon avis, cette version de l'histoire n'est pas exacte et ne saurait fonder la prétention portant que les terres revendiquées par les demandeurs sont visées ou touchées par ce Décret en conseil.
Les demandeurs attribuent la cession des terres de la Compagnie à l'ordonnance datée de 1870, alors qu'elles ont en fait été cédées par un acte de cession en 1869, et qu'elles ont été intégrées au Canada par le Décret en conseil de 1870. Les demandeurs ont, semble-t-il, l'intention de s'appuyer sur le paragraphe 14 des modalités selon lesquelles le territoire du Nord-Ouest et la terre de Rupert ont été intégrés au Canada conformément à l'ordonnance de 1870 et cité au paragraphe 6 de la déclaration, pour soutenir que le gouvernement du Canada a depuis lors l'obligation de négocier l'indemnisation des Indiens pour les terres destinées à la colonisation. Si on établit le "fait" invoqué par les demandeurs, selon lequel les terres qu'ils revendiquent sont situées dans l'ancien territoire du Nord-Ouest, et non dans la terre de Rupert, des arguments peuvent être avancés sur la question de savoir si le Décret en conseil de 1870 s'applique aux demandes formulées par les demandeurs relativement aux terres en cause.
S'il en est ainsi, le paragraphe 5, tel qu'il est formulé dans l'acte de procédure, et en fait le paragraphe 6 que les défendeurs ne contestent pas dans leur requête, ne présentent pas avec exactitude les faits sur lesquels s'appuie une prétention que les demandeurs ont voulu exprimer dans la déclaration et portant que le Décret en conseil de 1870 a imposé à la Couronne des obligations relativement à leurs terres. Il me semble inopportun de parler des terres comme si elles avaient été cédées à la Couronne par la Compagnie de la Baie d'Hudson tout en soutenant qu'elles ne faisaient pas partie de la terre de Rupert. Néanmoins, je crois qu'en procédant aux modifications opportunes, les demandeurs peuvent établir le fondement de leurs demandes concernant les obligations contractées par le gouvernement fédéral envers eux en vertu du Décret en conseil de 1870.
En ce qui a trait au paragraphe 9, j'estime juste l'argument de l'avocat des défendeurs portant qu'il semble y avoir contradiction entre l'allégation des demandeurs que leurs ancêtres se trouvaient généralement dans une région "éloignée de celle en cause" dans le contexte du Traité no 8 et leur prétention, énoncées au paragraphe 2, qu'ils vivent dans la région visée par le Traité no 8 depuis des temps immémoriaux. À mon avis, toute contradiction peut être résolue par voie de modification. Il ne s'agit pas d'une déviation d'une plaidoirie antérieure qui justifierait la radiation de la plaidoirie par application de l'alinéa 419(1)e) des Règles. Le paragraphe 9 semble plutôt exprimer l'opinion des demandeurs selon laquelle ce sont d'abord les Premières Nations touchées par les déplacements des prospecteurs lors de la ruée vers l'or au Yukon qui ont adhéré au Traité no 8; c'est-à-dire les Premières Nations situées le long de la route reliant Edmonton à Pelly River, au Yukon. Les terres revendiquées par les demandeurs étaient "éloignées" de cette route et les commissaires sur le traité n'ont pas tenté de les rejoindre par la suite, bien que leurs terres aient aussi été situées à l'intérieur de la zone géographique visée par le Traité no 8. Un affidavit affirme qu'à l'origine, il n'existait pas de voie d'accès aux terres des demandeurs et qu'au moment où les commissaires ont entamé de nouvelles négociations en 1950 pour obtenir des adhésions au Traité no 8, ils n'ont pas pu atteindre les terres des demandeurs parce que le pont situé sur la seule voie qui leur donnait accès avait été emporté par les eaux. Ces faits allégués ne figurent pas dans la déclaration. En plus de nier toute action de la part des demandeurs qui aurait emporté l'abolition de leurs droits, un paragraphe modifié pourrait très bien énoncer les faits qui permettent de qualifier la région en cause d'"éloignée", c'est-à-dire, les faits établissant l'absence de voie d'accès à cette région par les modes de transport normaux, l'absence de contact, le cas échéant, avec d'autres peuples, et notamment avec des colons, des trappeurs, des mineurs ou d'autres personnes d'origine européenne.
En ce qui concerne maintenant les paragraphes 10 à 22, je suis d'accord, pour l'essentiel, avec les défendeurs pour dire que ces paragraphes constituent principalement des énoncés de droit et des déclarations des droits légaux revendiqués par les demandeurs. Je note que dans leur réponse à la demande de précisions, les demandeurs reconnaissent que les paragraphes 15 à 22 [traduction] "contiennent une argumentation et des conclusions juridiques. Les faits essentiels sont énoncés dans les paragraphes précédents de la déclaration".
Dans les paragraphes 10, 11, 12, 15, 16 et 21, les demandeurs font des affirmations quant à l'interprétation de la portée et de l'effet du Traité no 8 et sollicitent, dans leur demande de réparation, des dommages-intérêts découlant en partie du non-respect du Traité no 8 par la Couronne. Ils ne citent pas les passages pertinents du Traité et n'invoquent aucun fait à l'appui de leur interprétation ou pour justifier leur demande relative à des dommages pécuniaires. Par exemple, les demandeurs soutiennent que Sa Majesté la Reine, en vertu du Traité no 8, s'est engagée à fournir une certaine étendue de terre en échange de la cession, mais ils n'allèguent pas de faits qui appuieraient leur prétention que Sa Majesté a manqué à son obligation ou à son engagement en refusant d'accéder à une demande des demandeurs. Pourtant, les demandeurs s'appuient sur cette disposition du Traité no 8 pour soutenir qu'ils ont le droit d'obtenir une déclaration de leurs droits découlant d'un acte d'adhésion au Traité no 8. Les demandeurs n'allèguent pas explicitement que leurs ancêtres n'ont reçu aucun des avantages qui auraient dû leur être fournis, à leur avis, comme aux autres Premières Nations, et ils n'invoquent le rejet d'aucune revendication qu'ils auraient pu faire valoir.
Les paragraphes 17 et 18 contiennent une interprétation juridique de la portée, de l'effet et des conséquences d'une demande concernant la Loi constitutionnelle de 1930. L'avocate des demandeurs soutient qu'ils ont l'intention de s'appuyer sur leur interprétation de la Loi constitutionnelle de 1930 pour faire valoir que le gouvernement fédéral n'a pas cédé aux provinces sa compétence sur les terres en litige en l'espèce. La pertinence de cette prétention, en l'espèce, n'est pas établie par le simple énoncé de cette conclusion de droit. On peut présumer que les demandeurs ont l'intention de soutenir qu'ils subissent des dommages en raison du défaut de la Couronne fédérale de leur garantir l'utilisation et l'occupation exclusives de la terre sur laquelle ils revendiquent un titre ancestral, ainsi que de ses ressources. Pour ce faire, les demandeurs doivent selon moi alléguer des faits décrivant comment la province ou d'autres ont affirmé leur pouvoir et comment le prétendu droit des demandeurs à l'utilisation et à l'occupation exclusives a été interrompu. Il ne suffit pas, à mon avis d'affirmer simplement dans le paragraphe 22 que les demandeurs ont le droit d'être indemnisés pour plusieurs types de dommages causés à leur terre, décrits en termes généraux, sans de plus amples précisions factuelles à l'appui de leur demande de dommages-intérêts.
L'avocat des défendeurs a également soutenu que le paragraphe 17, tel qu'il est formulé, énonce une conclusion de droit erronée. Plus précisément, il soutient qu'il est incorrect d'affirmer que la Loi constitutionnelle de 1930 a été "passée" par Sa Majesté la Reine du chef du Canada. Je retiens cet argument. Les origines de la Loi constitutionnelle de 1930 ont été résumées par la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Horse:
En 1929 et 1930, le gouvernement du Canada et les provinces de l'Alberta, du Manitoba et de la Saskatchewan ont signé des conventions visant principalement à céder aux provinces des prairies les ressources naturelles et les terres de la Couronne qui, jusqu'alors, relevaient du fédéral. Ces conventions ont été confirmées par des lois adoptées dans chacune des provinces intéressées et par le Parlement du Canada. Le Parlement du Royaume-Uni, en adoptant la Loi constitutionnelle de 1930, a donné force de loi à ces conventions32.
À partir de cette description, je conclus qu'il est inexact d'affirmer que le gouvernement du Canada a "passé" la Loi constitutionnelle de 1930 . Le gouvernement fédéral a plutôt passé une convention de transfert des ressources naturelles.
Qui plus est, la Convention de transfert des ressources naturelles et la Loi de 1930 s'appliquent différemment en Colombie-Britannique et en Alberta. Dans la mesure où les terres des demandeurs sont situées dans chacune de ces provinces, il se peut que le fondement des demandes relatives à la Loi constitutionnelle de 1930 doive être établi différemment selon la province dans laquelle est située chacune des terres revendiquées par les demandeurs.
Les paragraphes 19 à 22 constituent également des conclusions de droit concernant les droits que voudraient faire valoir les demandeurs selon leur évaluation de leurs droits légaux; ils n'énoncent pas de faits essentiels à l'appui de ces conclusions juridiques. Je note que plusieurs des affirmations faites par les demandeurs dans ces paragraphes se répètent dans leur demande de réparation.
L'avocat des défendeurs a soutenu que les allégations contenues dans les paragraphes 18 et 20, qualifiant le prétendu titre ancestral de fiducie, sont contraires à la jurisprudence établie. Il est vrai que le juge Dickson (devenu par la suite juge en chef) était d'avis, dans l'affaire Guerin et autres c. La Reine et autre33, que la Couronne ne détient pas la terre en fiducie pour les Indiens avant qu'elle soit cédée. De plus, il était d'avis que l'obligation de la Couronne ne se cristallise pas sous forme de fiducie, expresse ou implicite, au moment de la cession. Cela dit, dans l'arrêt R. c. Sparrow34, la Cour suprême du Canada s'est exprimée comme suit relativement au rapport obligeant le gouvernement à agir en qualité de fiduciaire relativement aux peuples autochtones:
Les rapports entre le gouvernement et les autochtones sont de nature fiduciaire plutôt que contradictoire et la reconnaissance et la confirmation contemporaines des droits ancestraux doivent être définies en fonction de ces rapports historiques.
Plus tard, le juge Gonthier, au nom de la majorité de la Cour suprême, dans l'affaire Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien)35 a déclaré:
Je tiens à ajouter qu'il ne faut pas interpréter mes motifs comme ayant pour effet d'assimiler les fiducies visant des terres indiennes aux fiducies en common law. Je suis bien conscient que cette question n'a pas été tranchée dans Guerin c. La Reine . . . et je ne désire pas le faire en l'espèce. Cependant, notre Cour a, dans cet arrêt, reconnu que des obligations et principes "semblable[s] à [ceux d']une fiducie" étaient pertinents dans le cadre de l'analyse d'une cession visant des terres indiennes. Dans le présent cas, tant la cession de 1940 que celle de 1945 étaient conçues comme des fiducies, et les parties avaient en conséquence l'intention de créer des rapports semblables à ceux créés par une fiducie. En conséquence, à défaut d'un meilleur qualificatif, j'estime approprié d'appeler ces cessions des fiducies visant des terres indiennes.
La portée précise des rapports "de nature fiduciaire" entre les Autochtones et la Couronne n'a pas été fixée et elle dépend, dans chaque cas, du contexte factuel en cause. Selon moi, en tenant pour acquis que les demandeurs apporteront les modifications opportunes à la déclaration pour plaider les faits essentiels qui sous-tendent leurs rapports avec la Couronne, il n'est pas évident et manifeste qu'une éventuelle demande en vertu du paragraphe 20 sera rejetée, c'est-à-dire, qu'il peut être plaidé qu'il y a eu manquement aux obligations de nature fiduciaire dont les défendeurs devaient s'acquitter envers les demandeurs.
Il se peut que la conclusion énoncée par les demandeurs au paragraphe 18 portant que leurs prétendus droits constituent "une fiducie et un intérêt autre que celui de la Couronne sur les terres de la Couronne en Colombie-Britannique et en Alberta au sens de la Convention sur le transfert des ressources naturelles qui constitue la Loi constitutionnelle de 1930" doive être modifiée, à tout le moins pour ce qui est de considérer la Convention sur les ressources naturelles et la Loi constitutionnelle de 1930 comme un seul et même document. De plus, les terres revendiquées, si elles n'ont jamais été cédées, ne peuvent faire l'objet d'une "fiducie" imposant des obligations à Sa Majesté, peu importe les autres obligations qui lui incombent, à moins qu'il soit établi, d'une façon quelconque, que la Couronne détient les terres des demandeurs autrement qu'en vertu d'une cession. Même dans ce cas, la détention des terres ne serait pas fondée sur une fiducie régulière en common law. Le fondement des autres droits revendiqués par les demandeurs, mis à part le titre ancestral sur les terres, devrait être établi à l'appui de toute demande découlant d'une obligation fiduciaire ou de nature fiduciaire de Sa Majesté concernant ces droits et du prétendu manquement à une telle obligation.
En ce qui concerne la prétention des défendeurs portant que la plaidoirie ne satisfait pas aux critères d'obtention d'une réparation sous forme de déclaration énoncés dans l'arrêt Montana36, je crois pour l'instant qu'elle doit être retenue pour l'essentiel; toutefois, comme j'estime que la demande des demandeurs peut encore être formulée correctement dans une nouvelle déclaration modifiée, je ne suis pas disposé à radier les demandes de réparation sous forme de déclaration à cette étape de la procédure.
Les défendeurs affirment que la plaidoirie est également futile et vexatoire et qu'elle peut causer préjudice à l'instruction équitable de l'action, la gêner ou la retarder. Je ne suis pas convaincu que les paragraphes contestés doivent être radiés pour l'un de ces motifs. Dans l'arrêt Steiner c. Canada37, le protonotaire Hargrave a fait la remarque suivante sur ce qu'on entend par futile et vexatoire:
Une réclamation est frivole lorsqu'elle a peu de valeur ou d'importance ou qu'un moyen rationnel n'est invoqué à son appui sur le fondement des éléments de preuve ou des règles de droit invoqués au soutien de la demande. Une procédure est vexatoire lorsqu'elle est introduite par malice ou sans motif suffisant ou qu'elle ne saurait déboucher sur un résultat pratique.
Le juge Pratte (alors juge de première instance à la Cour fédérale) a déclaré dans la décision Succession Creaghan c. La Reine38:
. . . une déclaration ne doit pas, à mon avis, être radiée pour le motif qu'elle est vexatoire ou futile, ou qu'elle constitue un emploi abusif des procédures de la Cour, pour la seule raison que, de l'avis du juge qui préside l'audience, l'action du demandeur devrait être rejetée. Je suis d'avis que le juge qui préside ne doit pas rendre une pareille ordonnance à moins qu'il ne soit évident que l'action du demandeur est tellement futile qu'elle n'a pas la moindre chance de réussir, quel que soit le juge devant lequel l'affaire sera plaidée au fond. C'est uniquement dans ce cas qu'il y a lieu d'enlever au demandeur l'occasion de plaider.
Dans l'affaire Waterside Ocean39, le juge Thurlow était d'avis que le critère de radiation des plaidoiries au motif que l'instance est futile ou vexatoire ou qu'elle constitue un emploi abusif des procédures de la Cour est aussi exigeant, sinon plus, que celui appliqué à une demande de rejet d'une plaidoirie qui ne révèle aucune cause raisonnable d'action.
On peut conclure que les plaidoiries causent préjudice ou gênent la Cour ou les parties lorsque [traduction] "les allégations sont tellement non pertinentes que le fait de les admettre occasionnerait des dépenses inutiles et causerait préjudice à l'instruction de l'action en entraînant les parties dans un conflit sans aucun rapport avec les questions à trancher40 ."
Dans la décision Burnaby Machine & Mill Equipment Ltd. c. Berglund Industrial Supply Co. Ltd. et autres, le juge Dubé a formulé une remarque portant qu'il est bien établi que "pour que sa demande de radiation en vertu des Règles 419(1)b ),c),d),e) et f) soit accueillie, le requérant doit démontrer qu'il est à ce point clair que la plaidoirie contestée est non substantielle, futile, de nature à gêner l'instance, abusive, etc., qu'elle est manifestement vaine et inutile41."
Je conclus que les plaidoiries ne sont pas viciées au point d'être scandaleuses, futiles ou vexatoires, ni au point de causer préjudice, gêner ou retarder l'instruction équitable de l'action, à condition que les modifications opportunes soient apportées à la déclaration.
Conclusion
En tenant pour acquis que les faits essentiels allégués dans la déclaration modifiée modifiée des demandeurs peuvent être prouvés, je suis d'avis qu'ils n'établissent pas effectivement les faits essentiels à l'appui de la prétention des demandeurs qu'ils ont un titre ancestral sur les terres revendiquées, découlant de la common law ou reconnu par la Proclamation royale (1763), ni à l'appui d'autres droits ancestraux qu'ils revendiquent, et les faits allégués ne pourraient fonder la prétention des demandeurs à des droits en vertu du Traité no 8. Si l'on s'en remet aux plaidoiries, les demandes de réparation sous forme de déclarations sont douteuses et les demandes de dommages-intérêts ne sont pas prouvées car les faits énoncés dans la déclaration ne précisent aucunement le fondement des prétendues obligations des défendeurs envers les demandeurs, n'établissent aucun manquement à ces obligations et ne justifient pas les dommages-intérêts réclamés.
Toutefois, comme je l'ai déjà mentionné dans les présents motifs, je ne suis pas disposé à radier les paragraphes contestés ni, a fortiori, l'ensemble de la déclaration, car j'estime que les demandeurs peuvent, en y apportant les modifications qui s'imposent, invoquer les faits essentiels à l'appui de l'une ou de plusieurs des prétentions qu'ils font valoir. Les paragraphes 5 et 9 doivent être modifiés pour exprimer correctement les prétentions des demandeurs telles que je les perçois. Les paragraphes 10 à 22, qui constituent principalement des énoncés de droit et exposent les théories juridiques des demandeurs, s'ils sont modifiés par l'énoncé de faits essentiels à l'appui de ces prétentions, peuvent fonder l'examen des demandes des demandeurs. Dans les présents motifs, j'ai formulé des remarques concernant des paragraphes particuliers, mais je ne les répéterai pas ici.
Une ordonnance accordera 60 jours aux demandeurs pour déposer une déclaration modifiée à nouveau énonçant les faits essentiels à l'appui de toutes les demandes de réparation formulées dans la déclaration, conformément au Règles, et plus particulièrement aux Règles 408 et 412. Les défendeurs auront ensuite 30 jours à compter de la signification de la déclaration modifiée à nouveau pour déposer et signifier une défense.
Étant donné qu'une autre société composée de personnes qui revendiquent apparemment un statut et des droits similaires a été constituée sous le nom de Société de la Première Nation de Kelly Lake en vertu de la Society Act de la Colombie-Britannique, j'ordonne qu'une copie de l'ordonnance délivrée conformément aux présents motifs et de toute déclaration modifiée à nouveau soit signifiée à cette société. Si cette société veut participer à la présente instance, ou ses membres le désirent, cette question pourra être examinée sur présentation d'une requête en ce sens en vertu des règles relatives à la jonction d'une partie ou à l'intervention d'une partie intéressée aux questions dont la Cour est saisie.
1 ;Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735.
2 Tagish Kwan Corp. (faillie) c. Canada (1994), 89 F.T.R. 293 (C.F. 1re inst.).
3 [1980] 1 C.F. 518 (1re inst.).
4 [1996] 2 R.C.S. 507.
5 [1996] 3 R.C.S. 101.
6 Voir, par exemple, Imperial Chemical Industries PLC c. Apotex Inc. (1990), 31 C.P.R. (3d) 517 (C.F. 1re inst.).
7 ;Bande indienne de Montana c. Canada, [1991] 2 C.F. 30 (C.A.).
8 [1990] 1 R.C.S. 279.
9 ;Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, à la p. 980.
10 Id.
11 Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, supra, note 1, à la p. 740 et Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441, aux p. 486 et 487.
12 Hunt, supra note 9, à la p. 980.
13 [1994] 2 C.F. 406 (C.A.), aux p. 421 et 422.
14 Vojic (L.) c. M.R.N., [1987] 2 C.T.C. 203 (C.A.F.).
15 (1987), 15 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1re inst.), à la p. 11.
16 [1948] O.W.N. 221 (H.C.), aux p. 221 et 222, décision citée et approuvée par le protonotaire Hargrave dans la décision Tagish Kwan Corp. (faillie) c. Canada (1994), 82 F.T.R. 140 (C.F. 1re inst.); à la p. 145, confirmée pour d'autres motifs, arrêt précité, note 2.
17 Arrêt précité, note 6. Voir également Canada c. Mayer (1996), 208 N.R. 145 (C.A.F.).
18 [1978] 2 C.F. 782 (1re inst.), à la p. 784.
19 Précité, note 8.
20 Id., à la p. 280.
21 Arrêt précité, note 7.
22 Mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 3 [L.R.C. (1985), appendice II, no 9].
23 ;Waterside Ocean Navigation Co., Inc. c. International Navigation Ltd., [1977] 2 C.F. 257 (1re inst.), à la p. 259. Voir également Cyr c. Canada (Pénitencier fédéral, Directeur), [1992] A.C.F. no 561 (1re inst.) (QL); Mayflower Transit Ltd. c. Marine Atlantic Inc. et al. (1989), 29 F.T.R. 30 (C.F. 1re inst.).
24 (1996), 108 F.T.R. 32 (1re inst.), à la p. 39.
25 Décision précitée à la note 3, à la p. 556.
26 [1973] R.C.S. 313.
27 [1982] 1 Q.B. 892 (C.A.), à la p. 934.
28 (1993), 104 D.L.R. (4th) 470 (C.A.C.-B.), en appel devant la Cour suprême du Canada [les motifs du jugement ont été prononcés le 11 décembre 1997, ils se trouvent à [1997] 3 R.C.S. 1010].
29 Id., à la p. 751.
30 Id., aux p. 593 et 594.
31 (1991), 79 D.L.R. (4th) 185 (C.S.C.-B.), à la p. 304.
32 [1988] 1 R.C.S. 187, à la p. 191.
33 [1984] 2 R.C.S. 335.
34 [1990] 1 R.C.S. 1075, à la p. 1108.
35 [1995] 4 R.C.S. 344, à la p. 362.
36 Précité, note 7.
37 (1996), 122 F.T.R. 187 (C.F. 1re inst.), à la p. 191.
38 [1972] C.F. 732 (1re inst.), à la p. 736.
39 Décision précitée, note 23.
40 Mayor, &c., of City of London v. Horner (1914), 111 L.T. 512 (C.A.), à la p. 514, cité dans Meyers and Lee v. Freeholders Oil Co. and Canada Permanent Trust Co. (1956), 19 W.W.R. 546 (C.A. Sask.), à la p. 549.
41 (1982), 64 C.P.R. (2d) 206 (C.F. 1re inst.), à la p. 210. Voir aussi Copperhead Brewing Co. c. John Labatt Ltée (1995), 61 C.P.R. (3d) 317 (C.F. 1re inst.).