[1996] 2 C.F. 647
T-1181-95
Indian Manufacturing Limited et 951268 Ontario Limited (demanderesses)
c.
Kin Ming Lo, Phillip Bannon et Madame Une Telle et Monsieur Un Tel et d’autres personnes dont les noms sont inconnus, qui mettent en vente, vendent, importent, fabriquent, impriment, distribuent, annoncent, lancent, expédient, entreposent ou affichent des marchandises non autorisées portant la marque de commerce Indian Motorcycle ou Indian Motorcycle in Canada ou en font d’une autre manière le commerce (défendeurs)
Répertorié : Indian Manufacturing Ltd. c. Lo (1re inst.)
Section de première instance, juge Reed—Toronto, 19 février; Ottawa, 25 mars 1996.
Avocats et procureurs — L’avocat qui obtient une ordonnance Anton Piller est tenu de s’assurer qu’elle n’excède pas les limites des droits légitimes de son client, qu’elle soit exécutée équitablement et que, lors de la présentation de toute requête connexe, les documents soumis à la Cour soient exacts et bien fondés — Ces obligations n’ont pas été remplies puisque la requête présentée en vue de réviser l’ordonnance Anton Piller n’a pas été signifiée aux personnes à l’encontre desquelles l’émission d’injonctions interlocutoires était sollicitée et qu’aucune tentative n’a été faite en vue de les ajouter à titre de défendeurs désignés; l’ordonnance Anton Piller n’est pas limitée aux marchandises à l’égard desquelles la marque de commerce a été déposée.
Marques de commerce — Marque de commerce des demanderesses enregistrée pour emploi en liaison avec des marchandises déterminées — Ordonnance Anton Piller non limitée à ces marchandises — Objets saisis non visés par la marque de commerce — Obligation de l’avocat qui obtient une ordonnance Anton Piller de s’assurer qu’elle n’excède pas les limites des droits légitimes de son client — Ordonnance Anton Piller annulée.
Injonctions — Requête en vue d’obtenir l’émission d’injonctions interlocutoires à l’encontre de deux personnes physiques et d’une entreprise, à l’encontre desquelles une ordonnance Anton Piller a été exécutée — Nature des ordonnances Anton Piller — Obligations particulières de l’avocat non remplies — Requête non signifiée, aucune tentative d’ajouter à titre de défendeurs désignés les personnes à l’encontre desquelles les injonctions sont sollicitées; validité de la marque de commerce mise en doute; ordonnance Anton Piller non limitée aux marchandises à l’égard desquelles la marque de commerce a été déposée.
Il s’agit d’une requête en vue de réviser une ordonnance Anton Piller datée du 5 juin 1995 et de faire émettre des injonctions interlocutoires à l’encontre de deux personnes physiques et de The Key Place. Aucune de ces personnes n’a comparu ou n’était représentée. La requête concerne l’exécution de l’ordonnance Anton Piller qui a eu lieu les 11 et 12 février 1996. La requête soulève plusieurs problèmes. L’avis de requête n’a pas été signifié aux deux personnes physiques ni au propriétaire du magasin dont l’identité était connue et rien n’indique que The Key Place est une personne morale. Les demanderesses sollicitaient des injonctions interlocutoires devant durer jusqu’au procès mais elles n’ont pas ajouté ces personnes à titre de défendeurs désignés à l’action après que leur identité eut été connue. En supposant qu’elles étaient parties à l’action avant que l’ordonnance Anton Piller leur soit signifiée parce qu’elles étaient des « personnes dont les noms sont inconnus qui mettent en vente », toute action contre elles a été abandonnée. La plupart des assertions n’étaient pas appuyées sur une preuve. Les documents versés au dossier n’appuyaient pas l’allégation que les demanderesses disposaient d’une preuve convaincante à première vue. Plusieurs raisons permettaient de douter de la validité de la marque de commerce déposée des demanderesses. Enfin, l’ordonnance Anton Piller ne comportait aucune limite quant aux marchandises déterminées à l’égard desquelles la marque de commerce a été déposée. En conséquence, des objets qui n’étaient pas visés par la marque de commerce déposée des demanderesses ont été saisis.
Jugement : la requête doit être rejetée et l’ordonnance Anton Piller annulée.
La Cour ne s’adapte pas bien aux ordonnances Anton Piller renouvelables qui, de par leur nature, ne reposent que sur les arguments d’une seule partie. Il s’agit essentiellement d’une procédure qui autorise une exécution sans jugement. Dans ces circonstances, les avocats qui obtiennent de la Cour une ordonnance Anton Piller renouvelable ont l’obligation de veiller à ce que les ordonnances qu’ils sollicitent n’excèdent pas les limites des droits auxquels leurs clients peuvent légitiment prétendre. Ils sont aussi tenus de voir à ce qu’une ordonnance obtenue soit exécutée équitablement et que, lors de la présentation de toute requête connexe, les documents soumis à la Cour soient exacts et bien fondés. Cela ne s’est pas produit en l’espèce.
Une ordonnance a été émise pour enjoindre (1) de restituer les marchandises saisies les 11 et 12 février; (2) de déposer auprès du greffe de la Cour l’ensemble des marchandises, des documents, des données et du matériel saisis, de même que les noms et adresses des personnes de qui ces biens ont été saisis; (3) les demanderesses doivent déposer une liste de tous les autres mandataires aux services desquels elles ont eu recours pour exécuter l’ordonnance Anton Piller, ainsi que les noms et adresses des personnes de qui des biens ont été saisis; (4) les demanderesses doivent aviser toutes les personnes de qui de la marchandise, des documents, des données ou du matériel ont été saisis que ces biens ont été remis à la garde de la Cour et leur fournir une copie des motifs de l’ordonnance.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE :
Nintendo of America, Inc. c. Coinex Video Games Inc., [1983] 2 C.F. 189 (1982), 69 C.P.R. (2d) 122 (C.A.).
DÉCISION EXAMINÉE :
Cooper c. Barakett International Inc. (1992), 46 C.P.R. (3d) 74; 57 F.T.R. 241 (C.F. 1re inst.).
REQUÊTE en vue de réviser une ordonnance Anton Piller et de faire émettre des injonctions contre deux personnes physiques et une entreprise à l’encontre desquelles une ordonnance Anton Piller a été exécutée. Requête rejetée et ordonnance Anton Piller annulée.
AVOCATS :
Joseph S. Garten pour les demanderesses.
Personne n’a comparu pour les défendeurs.
PROCUREURS :
Joseph S. Garten, Toronto, pour les demanderesses.
Aucun procureur pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par
Le juge Reed : Il s’agit d’une requête présentée en vue de réviser une ordonnance Anton Piller rendue par la Cour le 5 juin 1995, et d’obtenir des injonctions interlocutoires contre Anuva Dutta et Maria Teresa Hadgett, ainsi que contre The Key Place. Aucune de ces trois « personnes », à l’encontre desquelles une injonction interlocutoire est sollicitée, n’a comparu ou n’était représentée lors de l’audition de la requête qui s’est déroulée devant moi.
La requête soulève plusieurs problèmes. En premier lieu, il n’est pas évident qu’elle a été signifiée aux trois « personnes » à l’encontre desquelles des ordonnances sont sollicitées. La requête est adressée à [traduction] l’« Administrateur, Cour fédérale du Canada » et à « Madame Une Telle et Monsieur Un Tel et d’autres personnes dont les noms sont inconnus » et concerne une ordonnance Anton Piller datée du 5 juin 1995 et exécutée les 11 et 12 février 1996. Un affidavit signé par Jack Hunter indique que l’avis de la requête devant être présentée le 19 février 1996 a été signifié à Anuva Dutta le 11 février 1996 et à Maria Teresa Hadgett le 12 février 1996. Or l’avis de requête qui m’a été présenté est daté du 14 février 1996. Il est évident qu’il n’a pas été signifié à ces deux personnes. Il appert des pièces jointes à l’affidavit de Jack Hunter que l’avis de requête signifié à ces deux personnes est daté du 23 août 1995. Contrairement à la requête qui m’est soumise, cet avis ne mentionne pas le nom de ces deux personnes, mais indique que les demanderesses présenteront une requête devant la Cour le 19 février 1996 en vue d’obtenir une injonction [traduction] « à l’égard des intimés ou des défendeurs ayant reçu signification à personne ». Je ne me prononce pas sur la question de savoir si cette façon de procéder constitue un avis suffisant aux personnes concernées. Toutefois, je souligne qu’il n’y a pas de raison pour laquelle on n’aurait pu signifier à ces personnes la requête qui m’a été soumise. Les demanderesses disposaient d’assez de temps pour le faire entre le dépôt de la requête le 14 février 1996 et l’audition de celle-ci le 19 février 1996.
Le deuxième problème que soulève la présente requête est plus important. Une injonction interlocutoire est demandée à l’encontre de « The Key Place ». Rien n’indique que cette entité est une personne morale. Les seuls renseignements concernant The Key Place se trouvent dans l’affidavit de M. Hunter. Ce document indique que Maria Teresa Hadgett était [traduction] « la personne apparemment responsable des marchandises en montre … dans un kiosque sous l’enseigne de The Key Place ». Hunter déclare que Maria Teresa Hadgett lui avait dit que le propriétaire du magasin était Claudio Stellato, lequel était absent à ce moment-là. Non seulement n’y a-t-il aucune indication que The Key Place est une personne morale mais Stellato n’a pas reçu signification de la requête, alors qu’on sait qu’il est le propriétaire de la boutique et que Hadgett est désignée comme étant [traduction] « la personne apparemment responsable » (non souligné dans l’original).
En troisième lieu, les demanderesses sollicitent des injonctions interlocutoires contre les trois « personnes », lesquelles injonctions doivent rester en vigueur jusqu’au procès. Pourtant, le nom de ces personnes n’a pas été ajouté à titre de défendeurs désignés à l’action. En supposant qu’elles étaient parties à l’action avant que l’ordonnance Anton Piller leur soit signifiée parce qu’elles étaient visées par la description des défendeurs, à savoir [traduction] « les personnes, dont les noms sont inconnus, qui mettent en vente », les demanderesses n’ont pas demandé qu’elles soient ajoutées à titre de défenderesses désignées après que leur identité a été connue. Ainsi, toute action contre elles a été abandonnée. Pourtant, les demanderesses sollicitent à leur encontre des injonctions interlocutoires devant durer jusqu’au procès.
Le quatrième problème concerne les motifs sur lesquels s’appuie la demande d’injonctions interlocutoires. Ceux-ci sont énumérés dans plusieurs paragraphes de l’avis de requête. La plupart sinon l’ensemble des assertions qui y sont faites ne sont pas appuyées sur une preuve. Plus précisément, dans cinq des paragraphes pertinents, les demanderesses affirment qu’elles disposent d’une preuve convaincante à première vue. Or, les documents versés au dossier n’appuient pas cette allégation. L’affidavit de Steven Richman, daté du 4 juin 1995, renvoie à un litige entre les demanderesses (ou leurs prédécesseurs en titre) et Barakett International Inc. (numéro du greffe T-1569-92) [Cooper c. Barakett International Inc.]. Dans le cadre de cette instance, les demanderesses se sont vu accorder une injonction interlocutoire le 16 septembre 1992. Une étude des motifs du juge Rothstein, publiés à (1992), 46 C.P.R. (3d) 74, révèle les contestations auxquelles la validité de la marque de commerce des demanderesses est exposée. Les défendeurs ont souligné que les mots « Indian » et « Indian Motorcycle » avaient été employés par un certain nombre de sociétés au Canada pendant de nombreuses années. Ils ont souligné que le nom « Indian Motorcycle » n’avait pas été inventé de toutes pièces et qu’il était censé évoquer d’anciens modèles de motocyclettes de marque « Indian ». La validité de la marque a été contestée parce qu’elle n’était pas distinctive et que le caractère distinctif est une condition de validité d’une marque de commerce. Le juge Rothstein a accordé aux demanderesses une injonction interlocutoire non pas parce que celles-ci disposaient d’une preuve convaincante à première vue, mais parce qu’il était persuadé que si elles avaient gain de cause au procès et qu’une injonction interlocutoire ne leur était pas accordée, elles subiraient un préjudice qui ne pourrait être quantifié. À plusieurs occasions, le juge Rothstein a souligné qu’en ce qui concernait le bien-fondé de la cause des demanderesses, il concluait seulement qu’il y avait une question sérieuse à trancher. Il a souligné qu’il s’agissait d’un critère beaucoup moins sévère que la norme de l’apparence de droit. Après le prononcé de l’injonction interlocutoire, les défendeurs, Barakett et autres, ont signé un consentement en faveur des demanderesses. Il serait erroné de considérer qu’il s’agit d’une concession relative à la validité de la marque de commerce des demanderesses. Les parties signent des confession de jugement pour différents motifs, dont l’un est souvent le coût de la poursuite de l’instance. Quoi qu’il en soit, des questions importantes concernant la validité de la marque de commerce des demanderesses ont été soulevées et n’ont jamais été résolues. Dans l’arrêt Nintendo of America, Inc. c. Coinex Video Games Inc., [1983] 2 C.F. 189(C.A.), la Cour d’appel fédérale a statué que la demanderesse avait droit à une ordonnance Anton Piller parce qu’elle avait démontré : 1) l’existence d’un commencement de preuve extrêmement solide; 2) qu’un préjudice réel ou possible très grave risquait d’être subi si une injonction n’est pas accordée; et 3) l’existence d’une possibilité réelle qu’à moins d’être saisis, les marchandises ou les documents soient détruits par les défendeurs. En l’espèce, plusieurs raisons permettent de douter de la validité de la marque de commerce déposée des demanderesses. Aussi, il ne m’apparaît pas évident que les autres conditions ont été remplies dans tous les cas où l’ordonnance a été exécutée.
L’ordonnance soulève un autre problème. La marque de commerce des demanderesses est enregistrée pour emploi en liaison avec des marchandises déterminées (par exemple, des sweat-shirts, des chandails de rubgy, des vestes de cuir, des casquettes de baseball, des tasses, des horloges murales, des boucles de ceinture, des épingles et des portefeuilles). Cette énumération figure dans la déclaration qui constitue le fondement de l’ordonnance Anton Piller. Il en est aussi question indirectement dans l’ordonnance Anton Piller elle-même puisque certains paragraphes de celle-ci traitent de l’interdiction, pour les défenderesses, de faire le commerce des marchandises en « violation de la marque de commerce canadienne numéro 364,615 ». Parallèlement, d’autres paragraphes de l’ordonnance Anton Piller exigent que certaines personnes remettent aux personnes exécutant l’ordonnance [traduction] « toutes les marchandises portant la propriété intellectuelle Indian Motorcycle ou toute marque de commerce semblable au point de créer de la confusion avec celle-ci ». L’expression « propriété intellectuelle Indian Motorcycle » désigne [traduction] « la marque de commerce « Indian Motorcycle » ou toute autre marque de commerce susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce « Indian Motorcycle » ». Or, cette définition ne se limite pas aux marchandises déterminées à l’égard desquelles la marque de commerce a été déposée.
En étudiant le présent dossier, j’ai remarqué que le 6 janvier 1996, l’ordonnance Anton Piller du 5 juin 1995 a été exécutée contre Nostalgic Toy Creations Ltd. Vingt-cinq automobiles, camions et motocyclettes jouets ont été saisis d’un stand au International Centre, 6900 Airport Road à Mississauga. Ces biens ne constituent pas un type de marchandises visé par la marque de commerce déposée des demanderesses. Lors de l’audition du 19 février 1996, j’ai demandé à M. Joseph Garten s’il s’était déjà servi de l’ordonnance Anton Piller pour saisir des biens ne correspondant pas au type de marchandises à l’égard desquelles ses clients revendiquent des droits de marque de commerce. Il a répondu que si des marchandises avaient été saisies sans droit, il pourrait les retourner. Il a par la suite déposé un mémoire fondé sur les termes généraux de l’ordonnance Anton Piller. M. Garten a également affirmé que 951268 Ontario Limited était titulaire d’une demande d’extension de marque de commerce visant des [traduction] « modèles miniatures, c’est-à-dire des modèles réduits ». Je ne trouve aucune mention de cette demande dans les documents versés au dossier. En outre, je ne suis pas convaincue qu’une demande de marque de commerce puisse conférer le droit d’obtenir une ordonnance Anton Piller permettant au requérant de fouiller les locaux d’autres personnes et de saisir de la marchandise, des données, des documents et du matériel de fabrication appartenant à ces personnes.
Il ressort clairement de ce qui précède non seulement que la requête du 19 février 1996 doit être rejetée mais que l’ordonnance du 5 juin 1995 devrait être annulée. Je suis consciente qu’il a déjà été demandé à plusieurs de mes collègues de réviser l’ordonnance du 5 juin 1995. Je reconnais que de nombreuses ordonnances d’injonction interlocutoire ont été rendues contre les personnes auxquelles l’ordonnance du 5 juin 1995 a été signifiée et desquelles des marchandises ont été saisies sans que leurs noms aient été ajoutés à titre de défendeurs à l’action.
Les ordonnances Anton Piller du type « renouvelable » et les injonctions provisoires que la Cour a l’habitude de rendre comportent certaines caractéristiques particulières. Habituellement, elles sont rendues par un juge et ensuite révisées par plusieurs autres. Leur durée est d’un an. Elles sont souvent prolongées annuellement pendant plusieurs années. Au cours de cette période, elles sont exécutées contre différentes personnes, souvent des marchands ambulants et des préposés de stands dans des marchés aux puces, parmi lesquels se trouvent non seulement ceux qui, de manière flagrante et sciemment, vendent des marchandises contrefaites, mais aussi celui qui le fait sans le savoir, et même une personne ne portant aucunement atteinte aux droits du requérant. Dans le cas des marchands ambulants et des marchés aux puces, les marchandises saisies sont habituellement de peu de valeur. En ce qui concerne la requête qui m’a été soumise le 19 février 1996, les biens saisis de Anuva Dutta consistaient en sept boucles de ceinture et deux T-shirts et, pour ce qui est de Maria Teresa Hadgett, en cinq T-shirts. Il est très peu probable que ces personnes contestent la requête des demanderesses visant à obtenir une injonction contre elles (si elles comprennent vraiment de quoi il s’agit) ou qu’elles tentent de reprendre possession des biens qu’elles considéraient, du moins avant qu’ils soit saisis, comme les leurs ou ceux de leur employeur.
Les ordonnances Anton Piller sont souvent rendues à la suite d’une audience à huis clos et ex parte. Les ordonnances Anton Piller qu’accorde la présente Cour sont en général rédigées par des avocats. Longues et complexes, elles sont soumises à un juge sans grand préavis. On invoque habituellement l’urgence de les accorder afin de protéger les droits du demandeur. Il n’y a pas véritablement opposition à ces ordonnances, ni au moment du prononcé initial ni à celui de l’exécution. En outre, une fois qu’un juge a rendu une ordonnance, ou révisé une ordonnance sans y ajouter de commentaires, les autres membres de la Cour font par la suite preuve de retenue à l’égard de cette décision. Ainsi, lorsqu’un avocat présente à un juge un projet d’ordonnance en expliquant que ce type d’ordonnance a été rendu ou approuvé maintes fois auparavant par d’autres membres de la Cour, le principe de la courtoisie judiciaire incite ce juge à accorder l’ordonnance demandée.
La Cour est habituée à ce que les litiges qui lui sont soumis soient de nature contradictoire. Elle ne s’adapte pas bien aux ordonnances Anton Piller renouvelables qui, de par leur nature, ne reposent que sur les arguments d’une seule partie. Il s’agit essentiellement d’une procédure qui autorise une exécution sans jugement. Dans ces circonstances, les avocats qui obtiennent de la Cour une ordonnance Anton Piller renouvelable ont des responsabilités particulières, dont l’obligation de veiller à ce que les ordonnances qu’ils sollicitent de la Cour n’excèdent pas les limites des droits auxquels leurs clients peuvent légitimement prétendre. Les avocats sont aussi tenus de voir à qu’une ordonnance obtenue soit exécutée équitablement et que, lors de la présentation de toute requête connexe, les documents soumis à la Cour soient exacts et bien fondés. Cela ne s’est pas produit en l’espèce. Ainsi que je l’ai indiqué, la requête présentée le 19 février 1996 sera rejetée. L’ordonnance Anton Piller en date du 5 juin 1995 sera annulée.
Il reste à examiner les conséquences découlant de ces décisions. À l’évidence, les biens saisis les 11 et 12 février doivent être restituées aux personnes de qui ils ont été saisis. L’ensemble des marchandises, des documents, des données ou du matériel de fabrication saisis lors des différentes exécutions antérieures de l’ordonnance Anton Piller depuis le 5 juin 1995 sont, aux termes de l’ordonnance, conservés pour être [traduction] « utilisés uniquement aux fins de l’instance civile relative au respect de la marque de commerce et des droits d’auteur de la demanderesse ».
Quant à la requête qui m’est soumise, la perquisition et la saisie des marchandises ainsi que la signification de l’ordonnance Anton Piller ont été faites par Jack Hunter et un autre membre de Hallmark Investigation Services. L’ordonnance du 5 juin 1995 exige que les intimés à qui l’ordonnance est signifiée [traduction] « remettent aux PERSONNES EXÉCUTANT LA PRÉSENTE ORDONNANCE, pour être confiés à la garde provisoire des PERSONNES EXÉCUTANT LA PRÉSENTE ORDONNANCE » les marchandises, les documents, les données et le matériel saisis. L’ordonnance mentionne en outre que ces marchandises, ces documents, ces données et ce matériel de fabrication doivent [traduction] « être déposés pour être confiés à la garde du greffe de la Cour à Toronto ou ailleurs ou déposés auprès des PERSONNES EXÉCUTANT LA PRÉSENTE ORDONNANCE ». L’expression [traduction] « PERSONNES EXÉCUTANT LA PRÉSENTE ORDONNANCE », définie au paragraphe 1(a) du préambule de l’ordonnance, s’entend des personnes qui signifient l’ordonnance.
Il ressort de l’étude du dossier que les demanderesses ont retenu les services de Hunter et de son agence en maintes occasions, en plus des 11 et 12 février. En conséquence, une ordonnance sera rendue pour enjoindre à Hunter de déposer auprès du greffe de la Cour fédérale à Toronto l’ensemble des marchandises, des documents, des données et du matériel saisis pour le compte des demanderesses en vertu de l’ordonnance du 5 juin 1995, de même que les noms et adresses des personnes de qui ces biens ont été saisis. Dans le cas où des marchandises ont été saisies auprès de personnes dont les noms n’ont pas été obtenus, les marchandises en question doivent être remises au greffe de la Cour, avec mention de ce fait. Il sera ordonné aux demanderesses de déposer auprès de la Cour une liste des autres agences, préposés ou mandataires dont ils ont retenu les services pour exécuter l’ordonnance Anton Piller, ainsi que les noms et adresses des personnes de qui des biens ont été saisis dans la mesure où elles en ont connaissance. Les demanderesses doivent également déposer auprès de la Cour une liste des noms et adresses de toutes les personnes de qui, à leur connaissance, des biens ont été saisis, de même qu’une indication de la quantité et de la nature des marchandises, des documents, des données ou du matériel saisis. Les demanderesses doivent aviser toutes les personnes de qui des marchandises, des documents, des données ou du matériel ont été saisis que ces biens ont été confiés à la garde du greffe de la Cour fédérale, et leur fournir une copie des présents motifs. Naturellement, il sera loisible aux demanderesses d’y ajouter les personnes ayant reçu signification de l’ordonnance à titre de défendeurs à l’action, en suivant la procédure normale. Dans un tel cas, une liste des noms et adresses de toutes les personnes ainsi ajoutées doit être fournie à chacune de ces personnes.