[1997] 1 C.F. 899
T-539-92
Olbert Metal Sales Limited et Metalplate Trading N.V. (demanderesses)
c.
Cerescorp. Inc., Longitude Transport Co., Société Unetelle, Norsul Internacional S.A. et le navire Harmac Dawn, ses propriétaires et toutes les personnes qui ont un intérêt dans le navire (défendeurs)
Répertorié : Olbert Metal Sales Ltd. c. Cerescorp Inc. (1re inst.)
Section de première instance, protonotaire Hargrave —Vancouver, 25 novembre et 5 décembre 1996.
Droit maritime — Pratique — Requête déposée par le fournisseur de tiges d’acier qui sont arrivées endommagées à Vancouver en vue de se désister comme demanderesse quatre ans et demi après l’introduction de l’action en dommages-intérêts par les assureurs subrogés — Requête rejetée — Certains éléments de preuve tendent à établir que les dommages ont été causés avant ou pendant le chargement alors que le fournisseur était encore propriétaire — C’est suffisant pour donner au fournisseur la qualité pour agir comme partie demanderesse — La possibilité qu’un préjudice soit causé aux défendeurs, l’étape tardive, la possibilité que le motif du désistement soit de se soustraire à l’interrogatoire préalable, le fait que la demanderesse est établie dans une région éloignée, et la probabilité que les demanderesses n’offriront que peu de collaboration, ont aussi été examinés.
Droit maritime — Contrats — Le connaissement porte la mention « FISLO » (franco chargement et arrimage, déchargement aux frais des lignes maritimes), signifiant qu’il incombe à l’expéditeur de charger et d’arrimer la cargaison, et que le coût de déchargement est inclus dans le fret maritime — La facture commerciale indique que la vente a été faite FAB — Quand des marchandises sont vendues FAB il y a transfert immédiat des risques à l’acheteur au moment de l’embarquement — Le paiement comptant contre remise des documents ne fait pas échec aux clauses du contrat indiquant que celui-ci est FAB — Une fois la cargaison chargée et arrimée, le fournisseur n’a plus aucun intérêt.
Pratique — Communication de documents et interrogatoire préalable — Production de documents — Une des demanderesses dans l’action intentée par les assureurs subrogés cherche à se désister alors qu’on la presse de se soumettre à l’interrogatoire préalable et de produire des documents — La partie qui demande à se désister prétend que les documents ont été détruits — Les défendeurs demandent un affidavit attestant la destruction des documents — Comme la demanderesse est installée dans une région éloignée (Antilles néerlandaises) et en raison de son attitude à l’égard du litige et de la destruction des documents, l’intérêt de la justice exige que la requête en désistement soit refusée.
Il s’agit d’une requête présentée par Metalplate, fournisseur des tiges d’acier qui sont arrivées à Vancouver endommagées, en vue de se désister comme demanderesse. L’action en dommages-intérêts a été intentée il y a quatre ans et demi par les assureurs subrogés. Bien qu’elles ne soient pas certaines à quel moment le droit de propriété relatif aux tiges d’acier a été transféré, les demanderesses prétendent maintenant que le risque a été transféré au moment où les tiges d’acier ont passé le bastingage, et le titre de propriété, à une date ultérieure quand la cosignataire a reçu et payé le connaissement. Les défendeurs s’opposent au désistement au motif qu’il n’est pas établi clairement à quel moment le titre de propriété a été transféré, que Metalplate pourrait disposer de certains renseignements sur ce qui a pu causer les dommages soit avant l’expédition, soit pendant le chargement et que la demande de désistement de Metalplate a pour simple objectif d’éviter l’interrogatoire préalable. Les défendeurs pressent Metalplate de produire des documents et de désigner un témoin aux fins de l’interrogatoire préalable. Metalplate a fait savoir que tous les documents avaient été détruits.
Le connaissement porte la mention « FISLO » (franco chargement et arrimage, déchargement aux frais des lignes maritimes), signifiant qu’il incombe à l’expéditeur de charger et d’arrimer la cargaison, et que le coût du déchargement est inclus dans le fret maritime. Le connaissement a été envoyé par la poste et il faut présumer qu’il a été payé avant l’arrivée du navire. La facture commerciale indique que la vente a été faite FAB Rio de Janeiro et que le prix pouvait être acquitté comptant contre remise des documents.
Jugement : la requête doit être rejetée.
Les irrégularités apparentes entre le connaissement et la facture commerciale peuvent être conciliées. Quand un vendeur expédie des marchandises FAB, il y a au moment de l’embarquement un transfert immédiat des risques et habituellement du titre de propriété à l’acheteur, qui assure les marchandises. Si le vendeur conserve le connaissement, pour se protéger contre une défaillance possible, cela ne signifie pas que tous les risques de perte ou de dommages restent à la charge du vendeur. Le paiement comptant contre remise des documents ne fait pas échec aux clauses du contrat indiquant que celui-ci est FAB. Une fois les lots de tiges d’acier chargés et arrimés, Metalplate n’avait plus aucun intérêt dans ces marchandises. Toutefois, si les dommages ont été causés avant le chargement, ou pendant le chargement ou l’arrimage, alors ils se sont produits quand les tiges d’acier étaient encore la propriété de Metalplate. L’expert a déclaré qu’à son avis la rouille a été causée par l’eau douce et c’est pourquoi il présume que les dommages ont été causés avant ou pendant le chargement. Cette preuve de dommages causés pendant que les tiges d’acier appartenaient à Metalplate est suffisante pour donner à Metalplate la qualité pour agir en tant que partie demanderesse.
En outre, si Metalplate était autorisée à se désister, cela pourrait causer un préjudice aux défendeurs qui n’auraient aucun moyen de trouver des éléments de preuve pour déterminer ce qui est arrivé à l’acier avant qu’il soit arrimé à bord du navire. Finalement, il semble que la volonté de se soustraire à l’interrogatoire préalable soit un facteur qui a été à l’origine de la requête en désistement et qui, joint au préjudice qui serait causé aux défendeurs, constitue un argument suffisant pour refuser la requête. Compte tenu du fait que la demanderesse est installée dans une région éloignée (les Antilles néerlandaises), de son attitude à l’égard du litige et du fait qu’elle a détruit les documents, les défendeurs ne peuvent attendre que peu de collaboration de sa part. Il est beaucoup trop tard pour que Metalplate se désiste de l’action au détriment des défendeurs. La justice exige que tous les intérêts réguliers soient représentés. La requête des défendeurs, en vue d’obtenir des affidavits confirmant la destruction des documents, devrait être ajournée pour permettre aux avocats de s’entendre.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi spéciale des revenus de guerre, S.R.C. 1927, ch. 179.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES :
Johnson c. Canada, [1990] 1 C.F. 275 (1989), 30 F.T.R. 120 (1re inst.); Steel Co. of Canada v. The Queen, [1955] R.C.S. 161; [1955] 2 D.L.R. 593; [1955] CTC 21; (1955), 55 DTC 1022; inf. Queen, The, v. Steel Co. of Canada Ltd., [1953] R.C.É. 200; [1953] CTC 255; (1953), 53 DTC 1154; Browne v. Hare (1858), 3 H. & N. 484; 157 E.R. 561; Martin v. B.C. (Govt.) (1986), 3 B.C.L.R. (2d) 60; [1986] 3 C.N.L.R. 84 (C.S.); Frebold and Another v. Circle Products Ltd., [1970] 1 Lloyd’s Rep. 499 (C.A.).
DÉCISION CITÉE :
Stock v. Inglis (1884), 5 Asp. M.L.C. 294 (C.A.); conf. par (1885), 10 App. Cas. 263.
DOCTRINE
Benjamin, J. P. A Treatise on the Law of Sale of Personal Property with references to the French Code and Civil Law, 8th ed. London : Sweet & Maxwell, 1950.
Kennedy, A. R. Contracts of Sale. C.I.F., 2nd ed. London : Stevens and Sons, 1928.
Sassoon, David M. C.I.F. and F.O.B. Contracts, 4th ed. London : Stevens & Sons, 1995.
REQUÊTE en désistement. Requête rejetée.
AVOCATS :
Kim A. Wigmore, pour les demanderesses.
Peter Swanson, pour les défenderesses Longitude Transport Co., le navire Harmac Dawn, et Norsul Internacional S.A.
Mark L. Barr, pour la défenderesse Cerescorp Inc.
PROCUREURS :
A. B. Oland Law Corporation, Vancouver, pour les demanderesses.
Campney & Murphy, Vancouver, pour les défenderesses Longitude Transport Co., le navire Harmac Dawn, et Norsul Internacional S.A.
Owen, Bird, Vancouver, pour la défenderesse Cerescorp Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par
Le Protonotaire Hargrave : Au début de 1991, le Harmac Dawn a transporté 130 tonnes de tiges d’acier, emballées dans du plastique et un cadre de bois, de Rio de Janeiro à Vancouver. À l’arrivée à Vancouver, l’expert du propriétaire du fret a constaté que l’emballage était endommagé et que les tiges d’acier étaient dans un état avancé de rouille causée par l’eau douce, situation qui, selon lui, s’était produite avant ou pendant le chargement au Brésil.
Les assureurs subrogés ont intenté la présente action en mars 1992 en désignant, comme demanderesses, Olbert Metal Sales Limited (Olbert Metal), la consignataire, et Metalplate Trading N.V. (Metalplate), le fournisseur, parce que les assureurs et leurs avocats n’étaient pas certains à quel moment le droit de propriété relatif aux tiges d’acier avait été transféré. Olbert Metal est une société établie en Ontario. Metalplate a des bureaux et un établissement commercial dans les Antilles néerlandaises au large du Venezuela.
Aujourd’hui, près de six ans après l’événement, et quatre ans et demi après l’introduction de l’action, et par suite de demandes pressantes pour que Metalplate produise des documents et se soumette à l’interrogatoire préalable, les demanderesses demandent que Metalplate soit autorisée à se désister de l’action. Tous les défendeurs s’y opposent et, à leur tour, les défenderesses Longitude Transport et Norsul Internacional ont présenté une requête pour production de documents et interrogatoire préalable, et réclament des redressements ayant trait à la demande de désistement de Metalplate.
LES DEUX REQUÊTES
Deux requêtes ont été entendues le 25 novembre 1996. Les demanderesses réclament que Metalplate soit autorisée à se désister, parce qu’elles prétendent maintenant que le risque a été transféré au moment où les tiges d’acier ont passé le bastingage, alors que le titre de propriété a été transféré à une date ultérieure non précisée quand Olbert Metal a reçu et payé le connaissement (et d’autres documents) qui lui a été transmis par la poste. Les défendeurs s’opposent au désistement au motif qu’il n’est pas établi clairement à quel moment le titre de propriété a été transféré, que Metalplate pourrait bien disposer de certains renseignements sur ce qui a pu causer la formation de la rouille soit avant l’expédition, soit pendant le chargement et, de plus, d’après les défendeurs, parce que la demande de désistement de Metalplate a pour simple objectif d’éviter l’interrogatoire préalable. Depuis quelque temps déjà, les défendeurs pressent Metalplate de produire des documents et de désigner un témoin aux fins de l’interrogatoire préalable. À cet égard, Metalplate a fait savoir par ses avocats qu’elle n’a plus aucun document, ceux-ci ayant été détruits.
La requête des défenderesses Longitude Transport Co. et Norsul Internacional S.A., les propriétaires et affréteurs, a pour but d’obtenir de Metalplate un affidavit attestant la destruction des documents; d’obtenir d’Olbert Metal un affidavit de documents, qui confirmerait également la destruction de divers documents, notamment de la totalité des documents concernant la vente des tiges d’acier comme récupération; d’obtenir que Metalplate désigne, dans un délai de trente jours, un témoin aux fins de l’interrogatoire préalable; et si Metalplate est autorisée à se désister, d’obtenir le droit de présenter une demande reconventionnelle contre Metalplate, de sorte que la demande puisse être signifiée aux avocats de celle-ci avant le désistement. La demande reconventionnelle proposée est compatible avec les défenses des aconiers de Vancouver, de Cerescorp et de Longitude et Norsul, qui allèguent un emballage déficient (au dire de l’un des experts) ainsi que la rouille causée par l’eau douce avant l’expédition des tiges d’acier transportées aux termes d’un connaissement net.
Bien que le connaissement soit sans réserve (il n’y a pas eu d’examen au moment du chargement), les défendeurs prétendent que l’emballage des tiges d’acier n’aurait pas permis de constater les dommages causés par la rouille avant l’expédition.
ANALYSE
Le connaissement porte la mention « FISLO », qui est l’abréviation de « Free in Stow, Liner Out » (franco chargement et arrimage, déchargement aux frais des lignes maritimes), signifiant qu’il incombe à l’expéditeur de charger et d’arrimer la cargaison, et que le coût de déchargement est inclus dans le fret maritime. La facture commerciale énonce des conditions différentes mais conciliables, indiquant que la vente a été faite FAB Rio de Janeiro et que le prix peut être acquitté comptant contre remise des documents : comme je l’ai dit, le connaissement a été envoyé au Canada par la poste et il faut présumer qu’il a été payé quelque temps avant l’arrivée du navire. Ces irrégularités apparentes, entre le connaissement et la facture commerciale, et sur la facture commerciale elle-même, peuvent être conciliées.
Quand un vendeur expédie des marchandises FAB, il y a au moment de l’embarquement un transfert immédiat des risques et habituellement du titre de propriété à l’acheteur, qui assure les marchandises. Le fait que le vendeur conserve le connaissement, pour se protéger contre une défaillance possible, ne permet pas de conclure que tous les risques de perte ou de dommages sont à la charge du vendeur ou que celui-ci conserve le titre de propriété : voir par exemple, Stock v. Inglis (1884), 5 Asp. M.L.C. 294 (C.A.), aux pages 297 et 298, confirmé par la Chambre des lords (1885), 10 App. Cas. 263.
David M. Sassoon, dans son ouvrage C.I.F. and F.O.B. Contracts, 4e éd., Londres : Sweet & Maxwell, 1995, dans son analyse sur la livraison FAB fait observer que les tribunaux [traduction] « ont quelquefois abordé la question du transfert de propriété au lieu de se limiter à traiter de la question indépendante et plus restreinte du transfert des risques » (à la page 456). Ce point est peut-être valable; toutefois la Cour suprême du Canada a traité du transfert de propriété au cours d’une opération FAB dans l’arrêt Steel Co. of Canada Ltd. v. The Queen, [1955] R.C.S. 161. Il y était question d’un transfert de propriété, sans livraison des marchandises, ayant entraîné l’assujettissement à une taxe en vertu de la Loi spéciale des revenus de guerre [S.R.C. 1927, ch. 179]. La Cour de l’Échiquier avait statué qu’en vertu d’un contrat FAB le titre de propriété avait été transféré au moment de la livraison des marchandises à l’entrepôt des transporteurs : Queen, The, v. Steel Co. of Canada Ltd., [1953] R.C.É. 200. La Cour suprême a conclu à la majorité que le titre de propriété des marchandises n’avait pas été transféré aux acheteurs par la simple livraison des marchandises à l’entrepôt des transporteurs.
Pour ce qui a trait au transfert du titre de propriété en vertu d’un contrat FAB et bien qu’il s’agisse d’une opinion incidente, cependant très convaincante, le juge en chef Kerwin et le juge Fauteux ont cité un passage de Benjamin on Sale [A Treatise on the Law of Sale of Personal Property with references to the French Code and Civil Law, 8e éd.] indiquant que le transfert des risques en vertu d’un contrat FAB se produisait une fois que les marchandises étaient placées à bord du navire et ils ajoutent, à la page 165 :
[traduction] Cela ne signifie pas que, dans tous les cas de transport FAB, le titre de propriété des marchandises devant être vendues en vertu du contrat n’est transféré que lorsque les marchandises sont ainsi placées à bord, mais les circonstances de l’espèce ne nous permettent pas de nous écarter de la règle générale.
Il ne s’agissait pas d’une méprise, ni d’une confusion entre les risques et le titre de propriété, étant donné que la question qui se posait aux termes de la Loi spéciale des revenus de guerre était le transfert du titre de propriété. Les juges Locke et Taschereau n’ont pas été aussi explicites, bien qu’ils aient fait référence tous les deux au passage susmentionné de Benjamin on Sale, quant au transfert des risques, et à un extrait de A. R. Kennedy, dans son ouvrage Contracts of Sale. C.I.F., 2e éd., qui énonce clairement qu’en vertu d’un contrat FAB le titre de propriété et les risques sont transférés lorsque les marchandises sont placées à bord du navire.
La prochaine étape de l’analyse consiste à examiner l’effet, si tant est qu’il y en a un, de la condition reliée au paiement comptant contre remise des documents. Dans l’arrêt Browne v. Hare (1858), 3 H. & N. 484; 157 E.R. 561, la partie demanderesse avait expédié de l’huile végétale FAB Rotterdam, la lettre de change devant être acceptée et payée par les acheteurs défendeurs, contre remise des connaissements, au moyen d’une lettre de change payable à trois mois. Le connaissement endossé par l’acheteur a été expédié, accompagné d’une facture et d’une lettre de change, à un courtier pour présentation à l’acheteur; cependant, le navire et la cargaison ont été totalement détruits avant la présentation des documents. L’acheteur a refusé de payer. La Cour d’appel a émis l’avis majoritaire que le titre de propriété et les risques avaient été transférés à l’acheteur au moment de l’expédition aux termes de la clause FAB du contrat. La Cour a signalé que le vendeur n’avait pas utilisé cette forme particulière de connaissement afin de conserver les marchandises, mais uniquement pour en garantir le paiement : cette façon de garantir le paiement des marchandises n’était pas incompatible avec le contrat FAB. En l’espèce, le paiement comptant contre remise des documents ne fait pas échec aux clauses du contrat indiquant que celui-ci est FAB.
De même, dans Frebold and Another v. Circle Products Ltd., [1970] 1 Lloyd’s Rep. 499, la Cour d’appel était saisie d’une expédition FAB, le paiement devant être fait comptant contre remise des documents. L’acheteur a fait valoir que le titre de propriété n’avait pas été transféré tant que les documents d’expédition n’avaient pas été acquittés. Le lord juge Edmund Davies, qui a rédigé le plus long des trois jugements, a statué que la livraison avait été faite au moment où les marchandises avaient été placées à bord du navire. Le lord juge Widgery, à la page 504, a estimé qu’il s’agissait d’un contrat FAB normal et que la présomption de livraison n’avait pas été réfutée simplement parce que les vendeurs avaient donné instruction à leurs banques de ne pas remettre les marchandises avant le paiement. Sire Frederic Sellers est plus explicite quant aux effets qui découlent d’un contrat FAB quand il indique qu’au moment de l’expédition des marchandises [traduction] « le titre de propriété passe à l’acheteur, qui est responsable du fret et qui assume le risque concernant les marchandises » (à la page 505). Il s’est ensuite demandé s’il y avait des éléments de preuve permettant de modifier les conditions essentielles d’un contrat FAB : il a conclu que l’exigence du paiement comptant avant livraison des marchandises n’était pas incompatible avec l’intention d’effectuer le transfert de propriété au moment de l’expédition FAB (loc. cit.).
Pour résumer, d’après les éléments dont je suis saisi, je dois conclure qu’une fois les lots de tiges d’acier chargés et arrimés, Metalplate n’avait plus aucun intérêt dans ces marchandises. Toutefois, si les dommages ont été causés avant le chargement, ou pendant le chargement ou l’arrimage, alors ils se sont produits quand les tiges d’acier étaient encore la propriété de Metalplate. L’expert de la Lloyd’s à Vancouver, qui représentait la demanderesse Olbert Metal, déclare clairement qu’à son avis la rouille, d’après la réaction au test du nitrate d’argent, a été causée par l’eau douce, et c’est pourquoi il présume que les dommages ont été causés avant ou pendant le chargement. Cette preuve de dommages causés pendant que les tiges d’acier appartenaient à Metalplate est suffisante pour donner à Metalplate la qualité pour agir en tant que partie demanderesse. Mais il y a d’autres raisons qui nous obligent à maintenir Metalplate au nombre des parties à l’instance.
Les assureurs subrogés qui ont intenté la présente action se satisferaient peut-être de courir le risque de ne pas être dédommagés si les dommages se sont produits avant que leur assuré, Olbert Metal, n’acquiert un intérêt dans les marchandises. Mais cela pourrait bien causer un préjudice aux défendeurs, y compris aux propriétaires et affréteurs du navire, qui n’ont pu évaluer les marchandises emballées pour vérifier si elles avaient été attaquées par la rouille causée par l’eau douce avant le chargement et qui, privés de la possibilité de savoir quand et pourquoi Metalplate a détruit leurs documents ou de procéder à l’interrogatoire préalable d’un témoin de Metalplate pour se renseigner sur les méthodes de fabrication et d’emballage de celle-ci, n’auront aucun moyen de trouver des éléments de preuve pour déterminer ce qui est arrivé à l’acier avant qu’il soit arrimé à bord du navire.
Ici, je tiens à mentionner une décision de Mme le juge Reed, Johnson c. Canada, [1990] 1 C.F. 275 (1re inst.), dans laquelle certains des demandeurs cherchaient à se désister de l’action. Leur seul motif était de se soustraire à l’interrogatoire préalable. L’autorisation de se désister leur a été refusée, aux pages 286 et 287 :
À mon sens, la situation présente n’est tout simplement pas une situation dans laquelle la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à permettre aux demandeurs de se désister. Le seul et unique motif du désistement recherché est de tenter d’éviter l’interrogatoire préalable. La Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire à l’appui de cet objectif. Pour ce seul motif, je refuserais d’accorder le désistement recherché en l’espèce. Il existe en outre, vu le caractère flottant de la jurisprudence, une certaine incertitude quant au préjudice que pourrait causer le désistement aux défenderesses. Il est possible qu’un jugement qui serait rendu à la suite d’une action engagée au nom de la (des) bande(s) uniquement ne lierait pas tous les membres de la bande. Comme l’a dit le juge McEachern dans l’arrêt Martin, précité, l’objectif poursuivi à ce stade de la procédure devrait être de parer à toute éventualité. Il n’est pas approprié d’adopter une façon de procéder qui est des plus incertaines et qui augmenterait plutôt qu’elle ne diminuerait le risque de mesures interlocutoires.
En l’espèce, la seule raison invoquée n’est peut-être pas d’éviter la production de documents et l’interrogatoire préalable, étant donné que Metalplate fait valoir que ses avocats, après avoir évalué de façon appropriée la réclamation, sont d’avis que Metalplate n’avait plus d’intérêt une fois que les tiges d’acier ont passé le bastingage du navire pendant l’embarquement. J’ai conclu que cet argument fondé sur l’absence d’intérêt est erroné étant donné que Metalplate a conservé la propriété jusqu’au chargement et à l’arrimage des tiges d’acier. Toutefois, même si je fais erreur en pensant que les dommages ont pu être causés à une période où Metalplate était toujours propriétaire des tiges d’acier, je ne suis pas disposé à exercer mon pouvoir discrétionnaire pour autoriser Metalplate à se désister à une étape aussi tardive, étant donné les pressions exercées sur elle pour produire des documents et se soumettre à l’interrogatoire préalable, pressions qui l’ont incitée à déposer cette requête en désistement. Il se peut que le dépôt de cette requête n’ait pas pour but de se soustraire à l’interrogatoire préalable, mais il semble, selon toutes les apparences, que ce soit effectivement un facteur qui a joué et qui, joint au préjudice qui serait causé aux défendeurs, constitue un argument suffisant pour refuser le désistement.
Mme le juge Reed a également examiné le préjudice qui serait causé à la partie défenderesse dans l’affaire Johnson, en raison de l’incertitude touchant la question de savoir si les demanderesses restantes, soit les bandes indiennes, par opposition à la bande et à ses membres, seraient liées par l’issue de l’action. En l’espèce il y a, comme je l’ai déjà indiqué, une possibilité très réelle qu’un préjudice soit causé aux défendeurs du fait qu’on leur refuserait le moyen d’établir de façon satisfaisante qu’il y avait des dommages préexistants ou, subsidiairement, d’établir qu’aucun dommage n’a pu être causé pendant que Metalplate était encore propriétaire des marchandises, éléments de preuve qui devaient être connus de Metalplate en tant que fournisseur et expéditeur ayant l’obligation de charger et d’arrimer les marchandises.
Je sais bien que Metalplate, si elle a des éléments de preuve, peut être convoquée à titre de témoin, et que cela n’en fait pas nécessairement une partie essentielle à l’action. Mais en fait, nous sommes en présence d’une demanderesse qui donne une adresse dans les Antilles néerlandaises, bien loin des sentiers battus et de la part de qui, compte tenu de son attitude à l’égard du litige et du fait qu’elle a détruit les documents, les défendeurs ne peuvent attendre que peu de collaboration, particulièrement du fait que les défendeurs allèguent qu’il y avait des dommages préexistants. En outre, il y a maintenant quatre ans et demi qu’Olbert Metal et Metalplate ont intenté cette action : il est beaucoup trop tard pour que Metalplate se désiste de cette action au détriment des défendeurs.
Ceci me ramène à une observation formulée par Mme le juge Reed dans l’extrait que j’ai cité de la décision Johnson, selon lequel l’objectif poursuivi à l’étape des mesures interlocutoires est de parer à toute éventualité. Elle fait référence à un passage de l’arrêt Martin v. B.C. (Govt.) (1986), 3 B.C.L.R. (2d) 60 (C.S.), décision rendue par le juge en chef McEachern, duquel elle conclut que l’étape interlocutoire est centrée sur un problème et que la meilleure solution est de parer à toute éventualité en s’assurant que tous les intérêts réguliers sont représentés et de laisser le juge de première instance décider selon la preuve. À mon sens, c’est ce que l’intérêt de la justice exige en l’espèce.
Quant à la requête des défenderesses Longitude Transport et Norsul Internacional, j’accorde un ajournement pour les points 1, 2 et 3 qui pourront être remis au rôle pour audition sur demande écrite si les avocats sont incapables de s’entendre. Le point 4 est refusé puisque Metalplate continue de figurer comme partie demanderesse.
Je remercie les avocats pour la qualité de leurs exposés. Les dépens suivront l’issue de la cause.