T-2416-97
The Governor and Company of the Bank of Scotland (demanderesse)
c.
Les propriétaires et toute autre personne ayant un droit sur le navire Nel et Ocean Profile Maritime Limited (défendeurs)
Répertorié: Governor and Company of the Bank of Scotlandc. Nel (Le)(1re inst.)
Section de première instance, protonotaire Hargrave" Vancouver, 18 et 30 décembre 1998.
Preuve — Requête en vue d'autoriser la demanderesse à utiliser en preuve des documents, non joints à des affidavits, qu'elle a produits à la demande de différents créanciers devant se partager le produit de la vente du navire au moment du contre-interrogatoire de son témoin ou après — Les documents simplement produits et examinés par l'avocat ne font pas partie de la preuve, mais si l'avocat des créanciers qui a contre-interrogé l'auteur de l'affidavit déposé au nom de la demanderesse souhaite s'appuyer sur un document faisant partie d'une liasse ou d'une série de documents, alors la demanderesse peut s'appuyer sur les documents nécessairement accessoires faisant partie de cette liasse ou série.
Pratique — Modification des délais — Requête en vue de déposer un affidavit supplémentaire de réclamation afin de mettre à jour le solde dû en vue d'établir l'ordre de priorité des créanciers qui se partageront le produit de la vente du navire — Proroger le délai pour déposer d'autres affidavits est contraire à la règle 492(2) de la Cour fédérale et va à l'encontre de l'opinion de la C.A.F. énoncée dans l'arrêt National Bank of Greece S.A. c. Macoil Inc. — La règle 55 ne doit pas être utilisée pour modifier la règle 492(2), ni pour dispenser de l'observation du délai qui y est fixé — En outre, en l'espèce il ne s'agit pas d'une affaire extraordinaire qui présente des circonstances particulières suffisantes pour appliquer la règle 55 — Compte tenu de toutes les circonstances, y compris de la nécessité de déterminer rapidement ceux des créanciers qui ont droit au produit de la vente du navire et de mettre un terme aux frais juridiques de tous les créanciers, ces facteurs ont préséance sur toute injustice qui pourrait être causée à la demanderesse résultant du rejet des affidavits supplémentaires.
L'instance principale concernait la détermination, par voie de requête, de l'ordre de priorité des créanciers qui se partageront le produit de la vente du Nel. La demanderesse a déposé une requête visant à lui permettre d'utiliser en preuve des documents qu'elle a produits à la demande de différents créanciers au moment du contre-interrogatoire de son témoin, ou après celui-ci. La demanderesse souhaite également déposer un affidavit supplémentaire de réclamation.
Jugement: la requête est rejetée.
Des difficultés se posent pour deux raisons. Tout d'abord, ce ne sont pas tous les documents produits qui ont été examinés par le témoin, mais pourtant la demanderesse souhaite maintenant s'appuyer sur certains d'entre eux. Deuxièmement, si les créanciers qui ont contre-interrogé veulent s'appuyer sur certains documents précis tirés d'une liasse ou d'une série de documents que la demanderesse a produits, alors la demanderesse fait valoir à bon droit qu'il n'est que juste et approprié que les documents connexes dans la liasse ou la série de documents puissent également être utilisés comme preuve afin de permettre à la Cour d'évaluer de façon appropriée le document utilisé par un créancier.
Un certain courant jurisprudenciel soutient que, lorsqu'une partie demande un document qui est en possession d'une autre partie et qu'elle l'examine, elle est tenue de le déposer en preuve si on lui en fait la demande: Senat v. Senat, [1965] P. 172. Cependant, un autre courant jurisprudenciel indique qu'en vertu des Règles de la Cour fédérale, les anciennes comme les nouvelles, les documents sur lesquels on peut s'appuyer, dans une requête, doivent être déposés par voie d'affidavit, sous réserve d'autres documents déposés dans le cadre du contre-interrogatoire: Mountainbell Co. Ltd. et al. c. W.T.C. Air Freight (H.K.) Ltd. et al. (1991), 128 N.R. 75 (C.A.F.). La première solution doit s'appliquer seulement si un document est déposé devant le juge des faits. Ainsi, les documents simplement produits et examinés par l'avocat ne font pas partie de la preuve de cette partie, mais si l'avocat qui procède au contre-interrogatoire souhaite s'appuyer sur un document qui fait partie d'une liasse ou d'une série de documents, alors l'avocat de la demanderesse pourrait s'appuyer sur les documents nécessairement accessoires ou explicatifs faisant partie de cette liasse ou série.
Le dépôt de l'affidavit supplémentaire de réclamation visant à mettre à jour le solde dû sur la réclamation ne devrait pas être autorisé. Le paragraphe 492(2) des Règles de la Cour fédérale (1998), comme l'ancien paragraphe 1008(2), dispose expressément qu'une fin de non-recevoir est opposée aux réclamations qui ne sont pas déposées dans les délais fixés par la Cour. La Cour d'appel fédérale a été inflexible sur ce point dans l'arrêt National Bank of Greece S.A. c. Macoil Inc. L'un des principes de base de la procédure de jugement sommaire " selon lequel aucune partie ne peut demeurer inactive, mais doit plutôt présenter sa cause sous son meilleur jour " s'applique à la procédure sommaire utilisée pour déterminer l'ordre de priorité par voie de requête. Et le paragraphe 492(2) devrait s'appliquer aux documents supplémentaires ayant trait à une réclamation, étant donné qu'au moins l'un des buts de la règle est de mettre un terme à l'ajout de documents à une réclamation de sorte que le partage du produit de la vente puisse se faire dans un délai raisonnable.
La règle 55 ne doit pas être appliquée pour dispenser de l'observation du délai fixé au paragraphe 492(2). Tout d'abord, parce qu'elle ne doit pas être utilisée pour modifier les Règles. Deuxièmement, parce qu'il ne s'agit pas d'une affaire extraordinaire qui présente des circonstances particulières suffisantes pour justifier l'application de la règle 55.
Autoriser le dépôt d'un affidavit de réclamation à l'heure actuelle, après deux ajournements de la requête visant à établir l'ordre de priorité, aboutirait à un résultat tout à fait contraire à la solution la plus juste et la plus expéditive et économique possible. En l'espèce, compte tenu de toutes les circonstances, y compris de la nécessité de déterminer rapidement ceux des créanciers qui ont droit au produit de la vente du Nel et de mettre un terme aux frais juridiques de tous les créanciers, ces facteurs ont préséance sur toute injustice qui pourrait être causée à la demanderesse. Le rejet de l'affidavit supplémentaire proposé par la Bank of Scotland n'empêche pas la mise à jour de la réclamation de la Banque au titre des intérêts courus sur les sommes qu'elle ne pourra recouvrer et qu'elle sera en mesure d'établir.
lois et règlements
Evidence Act, 1938 (U.K.), 1 & 2 Geo. 6, ch. 28.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 6 (édictée par DORS/90-846, art. 2), 319(2), 1008(2).
Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 3, 55, 363, 371, 492(2).
jurisprudence
décisions appliquées:
Mountainbell Co. Ltd. et al. c. W.T.C. Air Freight (H.K.) Ltd. et al. (1990), 128 N.R. 75 (C.A.F.); Kukan c. Ministre de la Main-d'œuvre et de l'Immigration, [1974] 1 C.F. 12; (1974), 1 N.R. 445 (C.A.); Calvert v. Flower, [1836] 7 Car. & P. 386; (1836), 173 E.R. 172; National Bank of Greece S.A. c. Macoil Inc., [1986] F.C.J. no 234 (C.A.) (QL); Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le), [1995] 3 C.F. 68; (1995), 184 N.R. 307 (C.A.); Fritz (T.) c. M.R.N., [1993] 1 C.T.C. 370; (1993), 93 DTC 5132; 63 F.T.R. 110 (1re inst.).
distinction faite avec:
Senat v. Senat, [1965] P. 172 (Ang.); Morrison-Knudsen Co. v. British Columbia Hydro & Power Authority (1972), 31 D.L.R. (3d) 633; [1972] 6 W.W.R. 254 (C.S.C.-B.).
décision examinée:
Wharam v. Routledge, [1805] 5 Esp. 235; (1805), 170 E.R. 797.
doctrine
Wigmore, John Henry. Evidence in Trials at Common Law, revised by James H. Chadbourn, Vol. 7, Boston: Little, Brown & Co., 1978.
REQUÊTE en vue d'autoriser la demanderesse à utiliser en preuve des documents qu'elle a produits, à la demande de différents créanciers qui se partageront le produit de la vente d'un navire, au moment du contre-interrogatoire de l'un de ses témoins ou après celui-ci, et en vue de déposer un affidavit supplémentaire. Requête rejetée.
ont comparu:
Peter G. Bernard, pour la demanderesse.
Louis Buteau, pour la créancière Alpha Bunkering Co. Ltd.
David F. McEwen, pour la créancière Marine et al.
Jonathan S. McLean, pour la créancière Aktina S.A.
avocats inscrits au dossier:
Campney & Murphy, Vancouver, pour la demanderesse.
Sproule, Castonguay, Pollack, Montréal, pour la créancière Alpha Bunkering Co. Ltd.
McEwen, Schmitt & Co., Vancouver, pour la créancière Marine et al.
Edwards, Kenny & Bray, Vancouver, pour la créancière Aktina S.A.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
Le protonotaire Hargrave: En janvier 1999, il y aura une audience afin d'établir l'ordre de priorité des créanciers qui se partageront le produit de la vente du Nel. Les présents motifs ont trait à une requête visant à permettre à la demanderesse d'utiliser en preuve des documents qu'elle a produits à la demande de différents créanciers au moment du contre-interrogatoire de son témoin, M. James Myles, ou après ce contre-interrogatoire. La demanderesse souhaite également déposer un affidavit supplémentaire de réclamation.
La procédure habituelle pour établir par voie de requête l'ordre des créanciers ayant droit au produit de la vente est, dans la plupart des cas, relativement simple. Toutefois, en l'espèce, il y a non seulement de nombreuses réclamations concurrentielles, mais aussi un certain nombre de ventes connexes de navires dans plusieurs ressorts, étant donné que le prêt de la demanderesse est en fait une marge de crédit garantie par une hypothèque générale sur une flotte de navires incluant le Nel. Cette situation n'a pas facilité la tâche des participants, étant donné qu'il n'y a pas eu d'actes de procédure comme tels, et que certains avocats se demandent quelle est la preuve réunie contre leurs clients.
Documents non joints aux affidavits
À l'audition de la requête, j'ai tranché le premier point, portant essentiellement sur la possibilité pour la demanderesse de s'appuyer sur des documents non joints à des affidavits, mais qui ont été produits pendant le contre-interrogatoire par suite d'une demande de communication. La difficulté se pose pour deux raisons. Tout d'abord, ce ne sont pas tous les documents produits qui ont été examinés par le témoin, mais pourtant la demanderesse souhaite maintenant s'appuyer sur certains d'entre eux. Deuxièmement, les créanciers qui ont contre-interrogé voudront peut-être s'appuyer sur certains documents précis tirés d'une liasse ou d'une série de documents que la demanderesse a produits après qu'on les lui eut demandés: en l'espèce, la demanderesse fait à bon droit valoir qu'il n'est que juste et approprié que les documents connexes dans la liasse ou la série de documents devraient également pouvoir être utilisés comme preuve afin de permettre à la Cour d'évaluer de façon appropriée le document utilisé par un créancier, en faisant aussi référence à des documents explicatifs ou fournis à l'appui et qui pourraient donner un éclairage tout à fait différent à la question.
Au début, j'ai pensé que je n'aurais peut-être d'autre choix que d'appliquer la proposition selon laquelle lorsqu'une partie demande un document qui est en possession d'une autre partie et qu'elle l'examine, elle est tenue de le déposer en preuve si on lui en fait la demande. Cette proposition est énoncée dans un passage de Senat v. Senat, [1965] P. 172. Dans cette affaire, il fallait décider si l'un des requérants pouvait s'appuyer sur certaines inscriptions dans un carnet d'adresses comme preuve corroborante d'adultère, étant donné qu'une déclaration admissible en vertu de la Evidence Act, 1938 [1 & 2 Geo. 6, ch. 28] ne pouvait être utilisée à cette fin. L'avocat de l'autre requérant, à qui on avait montré le carnet d'adresses, ne s'est pas opposé à ce que ce carnet soit déposé en preuve en vertu de la Evidence Act, 1938, mais il ne l'avait pas demandé et ne l'avait pas examiné. Toutefois, il avait contre-interrogé un témoin au sujet de ce carnet d'adresses. La question était de savoir si le carnet d'adresses était admissible en preuve, abstraction faite de la Evidence Act, 1938. Sir Jocelyn Simon, président de la Division des successions et des homologations, des divorces et de l'amirauté, énonce le droit en vigueur à la page 177:
[traduction] Mais M. Law soutient que ce document était admissible, et en fait qu'il a été admis, en vertu d'une autre disposition qui ne l'exclut pas comme preuve corroborante aux termes de la disposition législative dont je viens de faire lecture. Il prétend que lorsqu'un document est examiné par l'avocat de la partie adverse pour les fins de l'instance, ce document devient un élément de preuve que l'avocat doit déposer. Il m'a référé à la décision du juge Wrangham dans l'affaire Stroud v. Stroud (No. 1) ([1963] 1 W.L.R. 1080; [1963] 3 All E.R. 539), dans laquelle il agissait lui-même à titre d'avocat. À mon avis, le simple examen d'un document n'en fait pas un élément de preuve que l'avocat qui l'a examiné est tenu de déposer. Je pense que les véritables règles à suivre sont les suivantes. Lorsqu'un document est utilisé pour rafraîchir la mémoire d'un témoin, l'avocat qui procède au contre-interrogatoire peut examiner ce document afin d'en vérifier le contenu, sans en faire un élément de preuve. En outre, il peut contre-interroger le témoin au sujet de ce document sans en faire un élément de preuve pourvu qu'il limite son contre-interrogatoire aux parties qui sont utilisées pour rafraîchir la mémoire du témoin: Gregory v. Tavernor ((1833) 6 C. & P. 280). Mais, si une partie demande un document qui est en possession de l'autre partie et qu'elle le consulte, elle est tenue de le déposer en preuve si on lui en fait la demande: Wharam v. Routledge ((1805) 5 Esp. 235). La distinction est clairement indiquée dans la décision de Sir Cresswell, qui avait bien entendu une très grande expérience à la fois des cours de common law et de la cour des divorces, dans l'affaire Palmer v. Maclear and M'Grath ((1858) 1 Sw. & Tr. 149, 151). [Non souligné dans l'original.]
Le concept selon lequel une partie qui demande un document pour en faire l'examen est tenue de le déposer en preuve, si on lui en fait la demande, a été approuvé par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l'affaire Morrison-Knudsen Co. v. British Colombia Hydro & Power Authority (1972), 31 D.L.R. (3d) 633, à la page 635. Ce concept, qui s'applique dans certains ressorts à des documents produits à l'instruction, doit faire l'objet d'une distinction dans le cas d'un contre-interrogatoire sur un affidavit ayant trait à une requête, compte tenu de ce qu'a déclaré la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Mountainbell Co. Ltd. et al. c. W.T.C. Air-Freight (H.K.) Ltd. et al. (1990), 128 N.R. 75, à la page 76: "Il est nécessaire, d'après les Règles de la Cour fédérale , qu'un requérant produise un affidavit à l'appui d'une requête s'il veut établir des faits qui n'apparaissent pas au dossier de la Cour". Il y a un passage au même effet dans Kukan c. Ministre de la Main-d'œuvre et de l'Immigration , [1974] 1 C.F. 12, à la page 16, une décision du juge en chef Jackett:
Les exposés des faits présentés dans un avis de requête ou dans une plaidoirie écrite doivent être établis par un ou plusieurs affidavits versés à l'appui de ladite requête conformément à la Règle 319(2).
L'équivalent du paragraphe 319(2) [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663] se trouve maintenant à la règle 363 [Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106] qui dispose comme suit:
363. Une partie présente sa preuve par affidavit, relatant tous les faits sur lesquels elle fonde sa requête qui ne figurent pas au dossier de la Cour.
Manifestement, en vertu des Règles de la Cour fédérale, les anciennes comme les nouvelles, les documents sur lesquels on peut s'appuyer, dans une requête, doivent être déposés par voie d'affidavit, sous réserve bien entendu d'autres documents déposés dans le cadre du contre-interrogatoire.
Il existe une notion qui peut être utilisée pour distinguer les deux courants jurisprudentiels, d'une part Senat v. Senat et, d'autre part, les affaires donnant une interprétation de ce qui est maintenant la règle 363, notion que j'adopte d'après les prétentions de M. McEwan. Ce n'est que si un document est déposé devant le juge des faits que la règle énoncée dans Senat v. Senat doit s'appliquer. Cette position est conforme à un passage d'une décision de lord Denman, juge en chef, dans Calvert, v. Flower, [1836] 7 Car. & P. 386; (1836), 173 E.R. 172, dans laquelle lord Denman signale que c'est au juge du procès qu'il incombe de décider si l'utilisation par l'avocat de certains éléments matériels en fera une preuve pertinente [à la page 172 E.R.]:
[traduction] Dans le cadre de l'interrogatoire d'un des témoins de la partie demanderesse"Kelly, pour la partie défenderesse, a demandé les livres de comptabilité de l'intestat par voie d'avis de communication.
Le procureur général Campbell, pour la partie demanderesse"Je communiquerai ce document si vous avez l'intention de l'utiliser comme preuve.
Kelly"Je demande ce document, mais je n'accepte aucune condition.
Lord Denman, juge en chef"Si le livre de comptabilité de l'intestat est demandé par voie d'avis de communication, et qu'il n'est pas communiqué, M. Kelly peut contre-interroger quant au contenu de ce document; mais s'il est communiqué et remis à M. Kelly, ce sera à moi de décider si M. Kelly en fait un usage qui l'obligera à l'utiliser comme élément de preuve.
Le livre de comptabilité a été produit et Kelly a consulté le contenu de plusieurs pages.
Lord Denman, juge en chef"Je dois maintenant préciser que si M. Kelly examine le livre il sera tenu de le déposer comme preuve.
Kelly"Certainement, j'en suis tout à fait conscient.
Lord Denman, juge en chef"Je mentionne ce fait parce que certains ont supposé que l'avocat de la partie adverse peut examiner des documents ou des livres demandés par voie d'avis de communication, et ensuite ne pas s'en servir. [Non souligné dans l'original.]
Wigmore [Evidence in Trials at Common Law] (édition de 1978, volume 7, " 2125, page 688) considère ce principe, inventé par lord Ellenborough dans Wharam v. Routledge , [1805] 5 Esp. 235; (1805), 170 E.R. 797, comme étant une règle illogique à la lumière du principe actuel de la communication complète des documents, une règle qui est conçue pour garder une partie dans l'ignorance de la preuve de la partie opposée en l'obligeant à prendre le risque d'avoir à déposer la totalité d'un document même s'il ne fait que le feuilleter au moment de sa communication, étant donné que cette règle empêcherait l'avocat de consulter des documents à moins d'être tout à fait certain de leur contenu. Donc, bien qu'elle ait été approuvée par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Morrison-Knudsen, l'application de cette règle doit être limitée à l'instruction. En fait, elle a été rejetée dans certains ressorts dont le système juridique est fondé sur la common law. La démarche suivie, dans le contexte d'une requête, dans Mountainbell et dans Kukan, précités, est plus raisonnable. D'où la présente ordonnance indiquant que les documents simplement produits et examinés par l'avocat ne font pas partie de la preuve de cette partie, mais que si l'avocat qui procède au contre-interrogatoire souhaite s'appuyer sur un document qui fait partie d'une liasse ou d'une série de documents, alors l'avocat de la demanderesse pourra s'appuyer sur les documents nécessairement accessoires ou explicatifs faisant partie de cette liasse ou de cette série.
Affidavit supplémentaire de réclamation
J'aborde maintenant la question de l'affidavit supplémentaire de réclamation. Par suite de certaines procédures pertinentes, le Nel a été vendu aux termes d'une ordonnance de vente datée du 3 décembre 1997 qui prévoyait, notamment, que toutes les réclamations contre le produit de la vente, y compris la réclamation de la demanderesse, devaient être faites par voie d'affidavit déposé au greffe au plus tard le 31 décembre 1997.
Par la suite, le 30 janvier 1998, aucune défense ne lui ayant été signifiée, la demanderesse a demandé un jugement par défaut au montant de 17 602 057,32 $ et, après la vente, a reçu un paiement partiel sur le produit de la vente qui excédait le montant raisonnablement nécessaire pour payer le reste des créanciers.
La question des affidavits supplémentaires portant sur les faits s'est alors posée: dans une ordonnance en date du 25 mars 1998, la Cour a exigé que tous les affidavits portant sur les faits soient signifiés et déposés au plus tard le 15 avril 1998. La Cour a réservé du temps en août et septembre pour entendre la requête afin de déterminer l'ordre de priorité. La demanderesse n'a pu se conformer à l'ordonnance et, le 20 avril 1998, elle a obtenu une prorogation de délai jusqu'au 28 avril 1998. L'affidavit de la Bank of Scotland a été déposé le 22 avril 1998, indiquant un solde, soit [traduction] "une somme minimum approximative due à la Banque après le paiement sur le produit de la vente des quatre navires" de 965 348 $US. Il s'agissait apparemment d'un chiffre approximatif, étant donné que l'affidavit précisait ensuite que le prêt ne serait pas remboursé au complet même si aucune réclamation au Canada, en Afrique du Sud ou à Singapour n'avait priorité sur celle de la Bank of Scotland en tant que créancière hypothécaire.
Je voudrais noter ici que l'affidavit du 22 avril 1998 s'appuyait sur des chiffres approximatifs, ce qui est raisonnable, étant donné que la Bank of Scotland ne pouvait prévoir dans quel ordre seraient classés les créanciers par les différents tribunaux compétents. L'auteur de l'affidavit établi sous serment au nom de la Bank of Scotland a été contre-interrogé en août 1998. Les dates d'audience fixées pour les mois d'août et de septembre ont été reportées. La Cour a prévu cinq jours, soit deux à Montréal et trois à Vancouver, en novembre et en décembre, pour entendre la requête sur l'ordre de priorité; toutefois, les parties n'étaient toujours pas prêtes à procéder: la requête a été remise au rôle pour le début de janvier 1999. Ce qui nous amène à l'affidavit supplémentaire de réclamation en question.
Le 14 décembre 1998, la Bank of Scotland a produit un affidavit supplémentaire, celui de Douglas Newton, dans lequel on prévoyait qu'il resterait sur le prêt, après les remboursements prévus, un solde de 3 525 669,85 $. C'est à cet affidavit que s'opposent les créanciers.
Quant à l'affidavit lui-même, il indique les paiements qui ont été faits et les soldes reçus ayant trait au Nel, au Angelina L, au Blue L et au Anna L, bien que dans le cas de ce dernier navire le produit brut ait été remis à la Bank of Scotland. Les créanciers sont déçus que l'affidavit de Newton ne fasse aucune mention d'un montant de 1 700 000 $US qui, à leur avis, constitue une prime pour la Bank of Scotland que celle-ci a réalisée lors de l'achat et de la revente du Blue L.
Dans le cas du Nel et du Angelina L, les différents versements faits aux créanciers sont énumérés par ordre chronologique: il est pertinent de noter que sur les 44 paiements indiqués, 33 sont antérieurs à l'affidavit de réclamation du 22 avril 1998 de M. Myles qui a été établi sous serment au nom de la Bank of Scotland. Dans le cas du Blue L, il n'y a pas d'indication de la date à laquelle les versements ont été faits aux créanciers, bien qu'une ordonnance d'un tribunal sud-africain ait exigé que les réclamations contre le Blue L soient déposées au plus tard le 27 mars 1998. L'arbitre, à qui la présente Cour avait ordonné de recevoir les réclamations contre le Blue L, a déposé son rapport le 31 mars 1998, soit bien avant l'affidavit de réclamation du 22 avril 1998 de la Bank of Scotland. Il n'y a pas d'indication de la date à laquelle la Cour a ultimement permis le paiement des réclamations recommandées par l'arbitre, qui totalisaient une somme d'environ 2 000 000 $. Je tiens à signaler ici que l'affidavit supplémentaire que la Bank of Scotland cherche maintenant à déposer ne donne pas de montant définitif pour les sommes recouvrées sur le Blue L, mais plutôt un remboursement maximum anticipé d'un peu plus de 2 000 000 $ sur un prix de vente de 3 334 750 $. J'aborde maintenant la règle régissant le dépôt des réclamations en temps opportun.
Le paragraphe 492(2) des Règles, comme l'ancien paragraphe 1008(2), est très stricte sur les délais prévus pour le dépôt des réclamations: une fin de non-recevoir est opposée aux réclamations non déposées dans les délais fixés par la Cour. La Cour d'appel fédérale a été inflexible sur ce point dans l'arrêt National Bank of Greece S.A. c. Macoil Inc., [1986] F.C.J. no 234 (QL) [ci-après appelé Polar Paraguay].
La procédure sommaire pour déterminer l'ordre de priorité par voie de requête s'apparente, par analogie, à la procédure de jugement sommaire. Dans la procédure de jugement sommaire, il existe un principe de base selon lequel aucune partie ne peut demeurer inactive, mais doit plutôt présenter sa cause sous son meilleur jour: voir par exemple Feoso Oil Ltd. c. Le Sarla, [1995] 3 C.F. 68 (C.A.), à la page 82.
En l'espèce, la première ordonnance de vente du 3 décembre 1997 est très précise, exigeant que toutes les réclamations, y compris celle de la demanderesse, aient été déposées par affidavit au plus tard le 31 décembre 1997. De même, l'ordonnance du 25 mars 1998 demande précisément que les affidavits portant sur les faits soient déposés au plus tard le 15 avril 1998. Je note que c'est la demanderesse qui a présenté la requête, en mars 1998, appuyée par des documents indiquant qu'elle souhaitait que la date limite pour la production des affidavits soit fixée au 30 mars 1998, une date que la Cour a reportée au 15 avril 1998. Comme je l'ai déjà noté, la demanderesse a ensuite obtenu une prorogation de ce délai pour déposer son affidavit portant sur les faits le 22 avril 1998.
L'affidavit de la demanderesse en date du 22 avril 1998 laisse supposer qu'il ne s'agit pas d'une réclamation finale, étant donné qu'il indique que certains chiffres sont provisoires, se fondant sur les renseignements dont la demanderesse disposait à ce moment. Toutefois, il est malheureux que la demanderesse n'ait pas indiqué clairement dans cet affidavit d'une part que l'affidavit n'était pas à jour au 22 avril 1998 et d'autre part qu'elle avait oublié plusieurs milliers de dollars de redressements qui ont été apportés avant que l'affidavit soit établi sous serment; en fait, certaines dépenses ont été faites plusieurs mois avant que l'affidavit soit établi sous serment.
L'avocat de la Bank of Scotland prétend qu'il s'agit d'une affaire extraordinaire et que, comme il n'y a pas de procédure prescrite pour la mise à jour du solde dû sur une réclamation qui a été clairement énoncée dans deux affidavits de réclamations antérieurs déposés par la Bank of Scotland, il n'est que juste d'autoriser la Banque à déposer un affidavit supplémentaire.
Proroger le délai pour permettre à la Bank of Scotland de déposer d'autres affidavits est contraire au paragraphe 492(2) des Règles et va carrément à l'encontre de l'opinion exprimée par la Cour d'appel dans l'arrêt Polar Paraguay, précité. Mais j'ai examiné si je pouvais à bon droit m'appuyer sur la règle 55 en estimant qu'il y a des circonstances particulières qui m'autorisent à dispenser la Banque d'observer le paragraphe 492(2), règle qui empêche manifestement le dépôt d'une réclamation en dehors des délais fixés. De la façon dont j'interprète le paragraphe 492(2), cette règle doit s'appliquer aux documents supplémentaires ayant trait à une réclamation, étant donné qu'au moins l'un des buts de la règle est de mettre un terme à l'ajout de documents à une réclamation de sorte que le partage du produit de la vente puisse se faire dans un délai raisonnable. Il y a trois raisons pour lesquelles je ne devrais pas appliquer la règle 55 pour dispenser de l'observation du délai fixé au paragraphe 492(2). Premièrement, la règle 55 ne doit pas être utilisée pour modifier les Règles: Fritz (T.) c. M.R.N., [1993] 1 C.T.C. 370 (C.F. 1re inst.) à la page 373, [auparavant la règle 6 (édicté par DORS/90-846, art. 2)]. Ignorer une disposition qui fixe un délai précis et de rigueur équivaudrait à modifier le paragraphe 492(2). Deuxièmement, si je fais erreur sur ce premier point, je ne suis pas convaincu qu'il s'agit d'une affaire extraordinaire qui présente des circonstances particulières suffisantes pour justifier l'application de la règle 55. Troisièmement, la règle 55 doit être lue de concert avec la règle 3:
3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.
Autoriser le dépôt d'un affidavit de réclamation à l'heure actuelle, après deux ajournements de la requête visant à établir l'ordre de priorité, des ajournements qui, d'après ce que je comprends, ont été accordés, du moins en partie, du fait que les créanciers ont procédé à un contre-interrogatoire portant sur l'affidavit de la Bank of Scotland et à cause des retards attribuables au manque de disponibilité de l'auteur de l'affidavit et à la communication tardive des documents, aboutirait à un résultat tout à fait contraire à la solution la plus juste et la plus expéditive et économique possible. Cependant, le refus d'autoriser le dépôt de l'affidavit entraînerait-il une injustice déraisonnable pour la Bank of Scotland?
Il n'est pas contesté que l'hypothèque de la Bank of Scotland garantit une marge de crédit. Toutefois, cette situation ne peut être maintenue indéfiniment en déposant de nouveaux affidavits à l'appui de la réclamation, en procédant à un nouveau contre-interrogatoire et en demandant de nouveaux ajournements. Dans une certaine mesure à tout le moins, la Bank of Scotland semble elle-même responsable des difficultés qu'elle éprouve actuellement, car elle ne prend pas cette procédure aussi au sérieux qu'elle le devrait. Sur ce point, je fais une distinction entre l'avocat de la banque et la banque elle-même. La banque a insisté pour avoir un règlement rapide, et pourtant elle n'est pas capable de respecter le calendrier qu'elle a elle-même demandé. Les affidavits antérieurs de la banque semblent avoir été préparés sans tenir compte de postes qui, si la tenue de livres avait été faite convenablement, auraient dû figurer dans l'affidavit de réclamation du 22 avril 1998: je fais référence ici aux 33 des 44 paiements ayant trait au Nel et au Angelina L qui ont été faits à une date qui aurait dû leur permettre de figurer dans l'affidavit de réclamation du 22 avril 1998.
En rétrospective, les parties auraient peut-être dû opter pour une instruction complète, qui aurait été accompagné d'une procédure complète de communication (ce qui est très coûteux) afin d'établir l'ordre de priorité. Mais elles n'ont pas fait ce choix. Elles ont choisi de procéder par voie de requête. Il incombe donc à toutes les personnes qui ont un droit sur le produit de la vente, non seulement de présenter leur cause sous leur meilleur jour, à la date fixée par la Cour en consultation avec les parties pour le dépôt des affidavits portant sur les faits afin d'appuyer leurs réclamations, mais également de mettre rapidement fin au contre-interrogatoire et, à défaut d'une entente, de faire en sorte que leurs requêtes sur l'ordre de priorité soient entendues le plus rapidement possible. En l'espèce, compte tenu de toutes les circonstances, y compris de la nécessité de déterminer rapidement ceux des créanciers qui ont droit au produit de la vente du Nel et de mettre un terme aux frais juridiques de tous les créanciers, ces facteurs ont préséance sur toute injustice qui pourrait être causée à la Bank of Scotland.
L'avocat de la Bank of Scotland fait valoir que je devrais appliquer la règle 371, une règle qui autorise la Cour, dans le cadre d'une requête et dans des circonstances particulières, à entendre une personne témoigner sur une question de fait. Les circonstances particulières dépendent des faits de chaque espèce. Je ne considère pas que le refus d'ordonner la renonciation à une date limite constitue une circonstance particulière qui justifierait d'entendre un témoin sur cette question, étant donné qu'il s'agit essentiellement d'une tentative de déposer une preuve qui a été rejetée parce que les délais étaient expirés, preuve qui avait pour but de corriger les lacunes d'un affidavit antérieur.
Conclusion
La requête de la demanderesse est rejetée, sous réserve que, si l'avocat des créanciers qui a contre-interrogé l'auteur de l'affidavit déposé au nom de la Bank of Scotland souhaite s'appuyer sur un document qui fait partie d'une liasse ou d'une série de documents, alors la demanderesse pourra s'appuyer sur les documents nécessairement accessoires faisant partie de cette liasse ou de cette série de documents. Bien entendu, le rejet de l'affidavit supplémentaire proposé par la Bank of Scotland n'empêche pas la mise à jour de la réclamation de la banque au titre des intérêts courus sur les sommes qu'elle ne pourra recouvrer et qu'elle sera en mesure d'établir.
Les frais de la présente requête seront décidés ultérieurement à une date convenant aux parties.