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     T-938-95

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (demandeur)

c.

Johann Dueck (défendeur)

Répertorié: Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c.Dueck (1re inst.)

Section de première instance, juge Noël"Selidovo, Ukraine, 25, 26, 27, 28, 29 mai, 1, 2 juin; Ottawa, 6, 7, 8, 13, 14, 15, 16, 19, 21, 22, 23, 26, 27, 28, 29, 30 octobre, 3, 4, 9 novembre; Toronto, 10 novembre; Winnipeg, 12 novembre; Ottawa, 17, 25, 26, 27 novembre et 21 décembre 1998.

Droit constitutionnel Gouvernement responsableDroit et conventionPouvoir exécutifCabinet et Conseil privéEn 1946, le Cabinet a décidé de prévoir le contrôle de sécurité des immigrants autrement que par voie législativeLa procédure de sécurité ne devait pas être rendue publiqueElle devait être réglée par voie administrative ministérielleLa GRC a été chargée du processus de contrôle à l'étrangerLes critères applicables en matière de sécurité ont fait l'objet de directives données verbalement par le quartier généralAucun appel du refoulement, une telle procédure étant jugée irréalisableLes motifs de refoulement n'étaient indiqués qu'aux officiers supérieursLa crainte de l'infiltration communiste était au cœur même de la préoccupation pour la sécuritéMême si le premier ministre lui avait expressément demandé s'il était légalement permis de refouler des candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité, le secrétaire du Cabinet a simplement précisé que le problème devait être réglé parvoie administrative— — Les décisions du Cabinet de 1946 et 1947 ont déterminé les politiques gouvernementalesToutefois, les décisions du Cabinet doivent être rendues légalement applicables par l'adoption d'une loi ou par la prise d'un décret du gouverneur en conseilEn juillet 1948, aucune mesure de ce genre n'avait été priseDes documents contemporains du Cabinet indiquent que le décret existant n'était pas censé conférer le pouvoir d'effectuer le contrôle de sécurité et n'était pas destiné à cette finIl n'existait, en juillet 1948, aucun pouvoir juridique permettant le refoulement d'un candidat à l'immigration parce qu'il avait collaboré avec un pays ennemi.

Couronne Prérogatives Renvoi visant à obtenir un jugement déclaratoire portant que le défendeur a obtenu la citoyenneté par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentielsLe défendeur, une personne déplacée provenant de l'Autriche, a été admis au Canada en 1948 et a obtenu la citoyenneté canadienne en 1957Le demandeur sollicitait la révocation de la citoyenneté du défendeur pour le motif que celui-ci avait omis de révéler son passé de collaborateur pendant la Seconde Guerre mondialeLe demandeur a soutenu que si la Loi de l'immigration ne permettait pas le refoulement de candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité, cette procédure pouvait se justifier par une prérogative de la CouronneLes prérogatives sont un ensemble de pouvoirs exercés et d'obligations assumées par la Couronne en vertu de la common lawUne fois qu'un texte législatif remplace une prérogative, la Couronne doit se conformer aux dispositions de ce texteLa Loi sur l'immigration vise l'ensemble de la prérogative que le demandeur invoque comme source du pouvoir de refouler des candidats à l'immigration pour des raisons de sécuritéUne fois qu'il a été décidé que le défendeur remplissait les conditions de la Loi et satisfaisait aux conditions prescrites par les décrets applicables, le défendeur avait le droit d'entrer au Canada.

Citoyenneté et Immigration Statut au Canada Citoyens Révocation de la citoyennetéRenvoi visant à obtenir un jugement déclaratoire portant que le défendeur a obtenu la citoyenneté par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentielsEn 1948, l'oncle du défendeur qui vivait en Saskatchewan a rempli une demande de parrainage, le formulaire 55, pour demander l'admission au Canada du défendeur qui était alors une personne déplacée en AutricheCe formulaire ne demandait pas de détails sur les activités pendant la guerreLe document de voyage du défendeur portait un tampon des autorités médicales ainsi qu'un tampon de visa, mais non le tampon de l'agent de sécuritéLa Cour a conclu que le défendeur avait servi d'interprète pour la police auxiliaire durant l'occupation de l'Ukraine par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondialeLe défendeur est devenu citoyen canadien en 1957Le demandeur n'a pas démontré que le défendeur avait obtenu l'admission au Canada en omettant de révéler son passé de collaborateur1) Il n'a pas établi qu'il existait, en juillet 1948, une procédure uniforme appliquée à tous les immigrants provenant d'Autriche, que cette procédure, si elle était applicable, aurait permis d'obtenir une réponse à toutes les questions relatives aux activités du défendeur pendant la guerre ou que l'admission au Canada était interdite à la catégoriegénéraledes collaborateursPour démontrer que le défendeur avait été reçu en entrevue, il était nécessaire d'établir qu'il avait été admis en raison de son appartenance à une catégorie d'emploi particulièreLe demandeur a reconnu que le défendeur avait été probablement admis à titre d'agriculteurEn 1948, certains agents d'immigration considéraient que les agriculteurs ne devaient pas faire l'objet d'un contrôle de sécurité2) Il est peu probable que les critères de sécurité applicables en juillet 1948 auraient empêché l'admission du défendeur au CanadaLes critères de sécurité appliqués en juillet 1948 étaient vaguesLa preuve semble indiquer que l'application d'une interdiction relative aux collaborateurs visait certains cas précis de collaborationIl n'existait aucune interdiction générale relativement aux collaborateurs3) En juillet 1948, les agents de sécurité n'étaient pas légalement habilités à refouler le défendeur pour le motif qu'il avait collaboré avec l'ennemi pendant la Seconde Guerre mondialeLe Cabinet considérait que la sécurité était de la plus haute importance, mais a décidé que le contrôle de sécurité devait être prévu par voie administrative plutôt que par voie législativeL'art. 38 de la Loi sur l'immigration conférait le pouvoir nécessaire pour le faire à la condition que le décret approprié soit prisLe décret en conseil, et ses modifications permettant l'admission des personnes déplacées, ne conférait pas le pouvoir légal permettant le refoulement de candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité.

Preuve Renvoi visant à obtenir un jugement déclaratoire portant que le défendeur a obtenu la citoyenneté par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentielsLe défendeur, une personne déplacée provenant d'Autriche, a été admis au Canada en 1948 et a obtenu la citoyenneté canadienne en 1957Le demandeur a demandé la révocation de la citoyenneté pour le motif que le défendeur n'avait pas révélé son passé de collaborateur pendant la Seconde Guerre mondialeOn peut se fier à des documents ultérieurs pour confirmer une situation antérieure lorsqu'il est possible de démontrer que cette situation est restée relativement constanteIl devient totalement non approprié de le faire lorsque la situation évolue rapidement comme ce fut le cas du contrôle de sécurité en 1948 lorsque le nombre annuel d'immigrants originaires d'Europe continentale a augmenté de façon spectaculaire, et que la GRC a dû se débattre pour se conformer à la directive du Cabinet lui enjoignant de maintenir le contrôle de sécurité sans entraver l'afflux d'immigrants.

Il s'agissait en l'espèce d'un renvoi présenté à la Cour afin d'obtenir un jugement déclaratoire portant que le défendeur avait obtenu sa citoyenneté par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

En 1948, le défendeur était une personne déplacée en Autriche lorsqu'il a présenté une demande d'immigration au Canada. L'oncle du défendeur a demandé l'admission au Canada du défendeur, de son épouse et de leurs deux enfants en remplissant à cette fin une demande de parrainage, le formulaire 55. Dans ce formulaire, on ne demandait pas au candidat à l'immigration de donner des détails sur son service militaire ou sur ses activités pendant la guerre. Quant aux antécédents professionnels, on demandait simplement au candidat de préciser son emploi actuel ainsi que l'emploi envisagé au Canada. Le document de voyage du défendeur portait un tampon des autorités médicales ainsi qu'un tampon de visa indiquant qu'il avait subi le contrôle médical et le contrôle d'immigration le 20 juillet 1948; ce document ne portait toutefois aucun tampon de l'agent de sécurité. Le défendeur est devenu citoyen canadien en 1957.

Suivant le demandeur, en juillet 1948, la procédure d'immigration comportait trois étapes: un contrôle de sécurité, un examen médical et un examen approfondi fait par un agent d'immigration. Le demandeur a soutenu qu'il existait des lignes directrices régissant le refoulement de personnes pour des raisons de sécurité et que ces critères étaient communiqués aux agents de sécurité travaillant sur place. En juillet 1948, l'admission au Canada aurait été interdite aux personnes qui provenaient de pays occupés par l'Allemagne dont on savait qu'elles avaient collaboré avec les nazis. Il a été jugé que le défendeur avait servi d'interprète aux forces auxiliaires de la police pendant l'occupation de Selidovo, en Ukraine, par les Allemands entre 1941 et 1943.

Après la Seconde Guerre mondiale, le Cabinet a décidé d'assouplir sa politique d'immigration, mais de maintenir l'interdiction concernant l'admission de sujets de pays ennemis. La preuve indiquait que 1) de 1945 à 1950, le Cabinet estimait que le contrôle sécuritaire des candidats à l'immigration devait être maintenu; 2) le Cabinet a décidé en fin de compte que la mise en place d'un système de contrôle sécuritaire pour les immigrants relevait de la GRC plutôt que du ministre responsable de l'immigration, et 3) la GRC devait concevoir et mettre en application le système de contrôle sécuritaire de manière à entraver le moins possible l'afflux d'immigrants au Canada. Le Cabinet considérait que les questions de sécurité étaient de la plus haute importance, mais ne voulait pas que la procédure de sécurité soit rendue publique. Le 5 août 1946, le Cabinet a décidé que le contrôle de sécurité serait prévu par "une autre voie" (c.-à-d. par une mesure administrative ministérielle) plutôt que par voie réglementaire. Pour donner suite à la recommandation d'un comité consultatif interministériel voulant que des équipes d'immigration soient envoyées dans le pays d'origine des candidats pour les interroger, un agent de la GRC, le sergent d'état-major Hinton, a été envoyé à Londres en octobre 1946 pour examiner les dossiers des candidats à l'immigration. Il a reçu pour ordre de se conformer aux instructions verbales que lui avait données le quartier général et on lui a donné pour directive de "faire de son mieux" avec les renseignements qui étaient à sa disposition pour faire disparaître l'arriéré de demandes. L'objectif était "de resserrer lentement le contrôle et de concentrer nos efforts sur le refoulement des personnes qui sont véritablement indésirables" et de ne pas s'"inquiéter si un certain nombre de personnes indésirables échappent au contrôle". Le 30 janvier 1947, un décret a été pris pour élargir les catégories de personnes admissibles dans le cas des proches parents et des agriculteurs, et pour autoriser l'admission des personnes voulant travailler dans des industries primaires. Le 5 février 1947, le Cabinet a décidé d'autoriser un contrôle sécuritaire sélectif, mais l'application des critères de sélection a été laissée à la discrétion de la GRC.

Vers le milieu de l'année 1948, le major Wright, qui supervisait le contrôle de sécurité en Europe, a préparé une liste de motifs pour lesquels les candidats étaient refoulés. La liste du major Wright, qui avait été dressée à partir des motifs recueillis sur le terrain, a été soumise en août 1948. Même si elle ne contenait aucune interdiction générale relativement aux collaborateurs, la liste prévoyait certains cas précis de collaboration donnant lieu à une interdiction; par exemple, la catégorie b): "Membre des SS ou de la Wehrmacht allemande. Personne dont on découvre qu'elle porte des marques du groupe sanguin des SS (non-Allemands)" et la catégorie c): membres du parti nazi. Dans la mesure où les interdictions visant les collaborateurs étaient concernées, le quartier général n'a pas modifié la liste sauf pour y ajouter un autre motif de refoulement en novembre 1948, savoir les "collaborateurs résidant présentement dans un territoire antérieurement occupé".

Les questions en litige étaient les suivantes: 1) le défendeur a-t-il fait l'objet d'un contrôle de sécurité lorsqu'il a présenté une demande d'immigration au Canada en juillet 1948; 2) quels étaient, en juillet 1948, les critères applicables dans le cadre du contrôle de sécurité; et 3) le contrôle de sécurité des immigrants avait-il un fondement juridique en juillet 1948?

Jugement: le défendeur n'a pas obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

1) Le demandeur n'a pas démontré que le défendeur avait obtenu l'admission au Canada en omettant de révéler son passé de collaborateur. Il n'a pas établi qu'il existait, en juillet 1948, une procédure uniforme appliquée à tous les immigrants provenant d'Autriche, que cette procédure, si elle était applicable, aurait permis d'obtenir une réponse à toutes les questions relatives aux activités du défendeur pendant la guerre, ou que l'admission au Canada était interdite à la catégorie "générale" des collaborateurs.

On pouvait douter que la GRC avait des ressources suffisantes pour se conformer entièrement à la décision de contrôler toutes les personnes déplacées. Vu le nombre d'immigrants au Canada en provenance d'Europe en 1948 ainsi que les pressions exercées sur la GRC pour qu'elle n'interrompe pas l'afflux d'immigrants, il est probable que la procédure rigoureuse de sécurité en place n'a pas toujours été suivie.

Le défendeur a allégué qu'il avait été admis au Canada en tant qu'"agriculteur" et que les agriculteurs n'étaient pas reçus en entrevue par les agents de sécurité. Le demandeur a reconnu que le défendeur avait probablement été admis au Canada en vertu de l'alinéa 4b ) du décret C.P. 1947-4849, qui prévoyait l'admission au Canada d'un agriculteur en vue de se livrer à la culture de la terre avec l'aide d'un oncle dont l'agriculture était l'occupation. Des personnes qui se trouvaient sur le terrain ont déclaré que des agents d'immigration considéraient en 1948 que les agriculteurs en général ne devaient pas faire l'objet d'un contrôle de sécurité consistant en une entrevue personnelle. Si un agent pensant ainsi avait contrôlé le défendeur, celui-ci n'aurait fait l'objet que d'un contrôle administratif. Pour démontrer que le défendeur avait probablement été reçu en entrevue, le demandeur devait établir que l'agent qui avait examiné son dossier l'avait classé dans la catégorie des "Personnes déplacées " Emmenées en vertu de leur appartenance à des catégories d'emploi particulières" plutôt que dans celle des "Agriculteurs " Choisis par les représentants des services de colonisation des compagnies de chemin de fer". Le demandeur ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve à cet égard.

Quant à savoir si un autre formulaire que le formulaire 55 était utilisé en juillet 1948, une directive du directeur de l'immigration indiquait que le seul formulaire nécessaire était le formulaire 55. Le demandeur a reconnu que, jusqu'en 1953, on ne demandait pas dans les formulaires de l'immigration de précisions sur le service militaire en temps de guerre. Dans les formulaires qui ont été produits relativement aux années 1940, on ne demandait pas au candidat à l'immigration des détails sur son service militaire, ses activités pendant la guerre ou ses emplois au cours des dix années précédentes. Certains de ces formulaires exigeaient tout au plus que le candidat à l'immigration précise ses emplois antérieurs. La preuve n'a pas établi l'existence d'une pratique uniformément suivie permettant de conclure que le défendeur a dû remplir un formulaire canadien dans lequel il a dû préciser les emplois occupés pendant les dix années précédentes ou qu'il aurait rempli un formulaire d'une organisation internationale sur les réfugiés dont se serait servi l'agent de sécurité examinant sa demande.

2) Même si le défendeur avait rempli des formulaires dans lesquels il aurait indiqué ses emplois antérieurs et s'il avait été reçu en entrevue, il est peu probable que les critères de sécurité applicables en juillet 1948 auraient empêché son admission au Canada.

Même si, d'un point de vue technique, on peut se fier à des documents ultérieurs pour confirmer une situation antérieure lorsqu'il est possible de démontrer que cette situation est restée relativement constante, il devient totalement non approprié de le faire lorsque la situation évolue rapidement. Telle était la situation dans le cas du contrôle de sécurité en 1948 lorsque le nombre annuel d'immigrants originaires d'Europe continentale est passé de 15 590 à 71 976 et que la GRC se débattait pour se conformer à la directive du Cabinet lui enjoignant de maintenir le contrôle de sécurité sans entraver l'afflux d'immigrants.

Le fait que l'on ait demandé au major Wright de préparer une liste des critères de contrôle employés à l'époque démontrait que la GRC ne pouvait pas indiquer avec précision les critères de contrôle utilisés par ses hommes en juillet 1948. Le demandeur a fait valoir qu'à l'époque où la liste du major Wright a été établie, la collaboration constituait une interdiction générale. En février 1947, la crainte de l'infiltration par les Soviétiques constituait la principale préoccupation des personnes qui jugeaient nécessaire de maintenir le système de contrôle de sécurité. Cette crainte a pris des proportions démesurées avec l'intensification de la guerre froide. On savait que les Soviétiques avaient recours au chantage pour engager des agents et que les personnes qui résidaient dans un territoire antérieurement occupé étaient particulièrement vulnérables. Par conséquent, les termes "collaborateurs résidant présentement dans un territoire antérieurement occupé" ont un sens logique et étaient faciles à comprendre en 1948. Cette interdiction constituait un critère ayant principalement pour but de contrer l'infiltration soviétique. Le sens attribué à ces termes dépendait manifestement de l'époque et du lieu, de sorte qu'ils ont perdu leur signification avec les années.

L'accueil qu'a reçu la liste du major Wright au quartier général ne permet pas d'alléguer qu'elle était manifestement incomplète. Cette liste semble indiquer qu'en juillet 1948, l'interdiction concernant les collaborateurs visait les personnes qui avaient collaboré de la manière indiquée aux alinéas b) et c). En novembre 1948, c'est-à-dire après que le demandeur a fait l'objet d'un contrôle, on a porté une attention particulière aux collaborateurs résidant présentement dans un territoire antérieurement occupé comme l'indique l'ajout qui a été fait à la liste du major Wright. Il s'agissait d'un nouveau critère et non de l'expression d'un motif de refoulement qui était déjà appliqué en juillet 1948.

Ces exclusions limitées concernant les collaborateurs ne sont pas étonnantes si on tient compte des pressions qui étaient exercées sur la GRC pour qu'elle n'entrave pas l'afflux d'immigrants. La "collaboration" était un concept vague en 1948. Il est peu probable que, si on avait appliqué en 1948 une interdiction générale en ce qui a trait à la collaboration, 70 000 immigrants auraient pu arriver par bateau au Canada en provenance de l'Europe continentale au cours de cette même année.

Même s'il existait une interdiction absolue empêchant l'admission des communistes pendant toute la période pertinente, on n'a pas démontré que tel était le cas des personnes indésirables décrites comme des collaborateurs en 1948. Il était possible qu'en juillet 1948, les collaborateurs n'étaient exclus que dans la mesure indiquée par le major Wright à cette époque.

3) Indépendamment des conclusions qui précèdent, les agents de sécurité n'étaient pas légalement habilités, en juillet 1948, à refouler le défendeur pour le motif qu'il avait collaboré avec l'ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale.

Alors que les agents de sécurité refoulaient des candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité en s'appuyant sur des instructions verbales, les agents d'immigration appliquaient la Loi de l'immigration qui continuait de prévoir des motifs précis de refoulement. Des différends ont opposé les membres des équipes envoyées en Europe relativement à leurs champs de compétence respectifs. En conséquence, un protocole d'entente signé par le ministre responsable de l'immigration et la GRC a été conclu; il prévoyait que seuls les membres de la GRC pouvaient refouler des candidats pour des raisons de sécurité, et qu'ils feraient part de leur décision en codifiant simplement les demandes "de la manière convenue". Cela présageait l'établissement de la liste des critères de sécurité du major Wright. En juillet 1948, les agents de sécurité ne rendaient de comptes qu'à la GRC, un droit d'appel était refusé parce que cette procédure était jugée irréalisable et le modus operandi était tel qu'il n'y avait aucun moyen de communiquer à qui que ce soit, y compris au ministre responsable de l'immigration, les motifs pour lesquels les candidats à l'immigration étaient refoulés pour des raisons de sécurité. Même si la Loi de l'immigration prévoyait un droit d'appel, l'octroi d'un tel droit dans les cas de refoulement pour raisons de sécurité aurait mis en péril le caractère secret du programme. C'est le besoin de préserver le secret qui explique pourquoi la politique de refoulement des candidats à l'immigration pour raisons de sécurité a été élaborée séparément et, ce qui est plus important, pourquoi le pouvoir d'effectuer un tel contrôle ne devait pas trouver sa source dans la législation, mais plutôt être prévu par "une autre voie".

Le demandeur a soutenu que le décret C.P. 1947-2180, qui autorisait l'admission des personnes déplacées, conférait le pouvoir de refouler des immigrants pour des raisons de sécurité. Ce décret ne conférait pas le pouvoir en vertu duquel le contrôle de sécurité était fait en juillet 1948. (i) Le contrôle de sécurité était une mesure d'application générale qui ne se limitait pas aux immigrants visés par le décret C.P. 1947-2180. (ii) Lorsque le gouverneur en conseil a désiré exclure une catégorie précise de personnes indésirables en 1948, il l'a fait en termes clairs et exprès, comme c'est le cas par exemple du décret C.P. 1950-4840 interdisant l'admission de sujets de pays ennemis. (iii) L'existence du pouvoir en vertu duquel le contrôle de sécurité était effectué a été une question préoccupante dès le début du programme de contrôle de sécurité jusqu'en 1950. Même si le premier ministre lui avait expressément demandé au cours d'une réunion du Cabinet tenue en 1949 d'indiquer en vertu de quel pouvoir existait le programme de refoulement pour des raisons de sécurité, le secrétaire du Cabinet a répondu dans un mémoire classé secret que cette question devait être réglée par la "voie administrative". Les décisions du Cabinet déterminent les politiques gouvernementales. Les décisions prises par le Cabinet le 5 août 1946 et le 5 février 1947 ont établi la politique du gouvernement en matière de contrôle de sécurité et prévoyaient clairement que les candidats à l'immigration ne pouvaient pas être admis à moins d'avoir fait l'objet d'un contrôle par la GRC conformément aux critères de sécurité applicables. Toutefois, une fois prises, les décisions du Cabinet doivent être rendues légalement applicables d'une façon ou d'une autre. Pourtant, en juillet 1948, aucune loi, aucun décret ni aucun règlement n'avaient été adoptés afin de permettre le refoulement des immigrants pour des raisons de sécurité. L'article 38 de la Loi de l'immigration conférait le pouvoir nécessaire pour le faire à la condition que le décret approprié soit pris. Ce n'est toutefois qu'en juin 1950 qu'on a pris un décret conférant au ministre le pouvoir discrétionnaire de refuser le débarquement par renvoi au libellé général de cet article. Des documents contemporains du Cabinet ont démontré sans équivoque que le décret C.P. 1947-2180 n'était pas censé conférer le pouvoir d'effectuer le contrôle de sécurité des candidats à l'immigration ni destiné à cette fin. Mis en face du fait que cette procédure n'avait aucun fondement législatif, le Cabinet a choisi de procéder par "voie administrative". Ces décisions ont été prises en fonction du fait que le Cabinet ne considérait pas que les décrets en vigueur à l'époque conféraient le pouvoir requis.

Le demandeur a soutenu que si la Loi de l'immigration ne permettait pas le refoulement de candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité, cette procédure pouvait néanmoins se justifier par la théorie des prérogatives de la Couronne. Les prérogatives sont un ensemble de pouvoirs exercés et d'obligations assumées par la Couronne en vertu de la common law. Une fois qu'un texte législatif remplace une prérogative, la Couronne doit se conformer aux dispositions de ce texte. Le demandeur a soutenu qu'une prérogative de la Couronne peut coexister avec un texte législatif qui traite du même sujet à condition que le texte législatif n'ait pas préséance sur la prérogative, expressément ou par déduction nécessaire. La Loi sur l'immigration vise l'ensemble de la prérogative que le demandeur invoque comme source du pouvoir de refouler des candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité. La Loi de l'immigration en vigueur en 1948 habilitait le ministre responsable de l'immigration à déterminer qui pouvait débarquer au Canada et qui, par définition, ne le pouvait pas. Lorsque l'on examine l'esprit de la Loi, on constate qu'il n'y avait apparemment aucune limite aux motifs que pouvait invoquer le ministre pour refuser l'admission au pays. Même si, en vertu de la common law, aucun immigrant étranger n'avait le droit de débarquer au Canada, la Loi de l'immigration en vigueur en 1948 déterminait l'admissibilité des candidats à l'immigration. Un agent d'immigration a statué en juillet 1948 que le défendeur remplissait les conditions de la Loi et qu'il satisfaisait aux conditions prescrites par les décrets applicables. C'est pourquoi il avait le droit d'entrer au Canada.

    lois et règlements

        Arrêté en conseil établissant des règlements d'application de la Loi de l'immigration, en ce qui concerne l'entrée au Canada des sujets de pays ennemis, C.P. 1946-1373, Décrets, ordonnances et règlements, 1946.II.64.

        Arrêté en conseil relatif au statut des réfugiés, C.P. 1945-6687, Décrets, ordonnances et règlements canadiens de guerre, 1945.4.121.

        Décret C.P. 1931-695.

        Décret C.P. 1945-6687.

        Décret C.P. 1946-2071.

        Décret C.P. 1947-2180.

        Décret C.P. 1947-3926.

        Décret C.P. 1948-1628.

        Décret C.P. 1948-3721.

        Décret C.P. 1950-2856.

        Décret C.P. 1950-4850.

        Décret portant modification aux Règlements d'application de la Loi de l'immigration, DORS/47-134.

        Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 17.

        Loi de l'immigrationDécret concernant l'entrée d'immigrants au Canada, DORS/50-232.

        Loi de l'immigrationDécret concernant l'entrée ou le débarquement d'étrangers ennemis au Canada, DORS/50-424.

        Loi de l'immigrationEntrée au Canada interdite aux étrangers ennemis, DORS/47-921.

        Loi de l'immigrationInterdiction aux immigrants de débarquer au Canada, sauf en certains cas, DORS/47-920.

        Loi de l'immigrationRèglements sur la production de passeports par les immigrants venant au Canada, DORS/47-922.

        Loi de l'immigration, S.R.C. 1927, ch. 93, art. 3, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 38.

        Loi des mesures de guerre, S.R.C. 1927, ch. 206.

        Modification de l'arrêté en conseil C.P. 695, du 21 mars 1931, concernant le débarquement d'immigrants au Canada, DORS/47-431.

    jurisprudence

        décisions examinées:

        Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vitols (1998), 151 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Bogutin (1998), 144 F.T.R. 1; 42 Imm. L.R. (2d) 248 (C.F. 1re inst.).

    doctrine

        Halsbury's Laws of England, Vol. 8(2), 4th ed. reissue. London: Butterworths, 1996.

        Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, 4th ed. Toronto: Carswell, 1997.

RENVOI visant à obtenir un jugement déclaratoire portant que le défendeur a obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Demande rejetée.

    ont comparu:

    Donald A. MacIntosh et Cheryl D. E. Mitchell pour le demandeur à Selidovo, Ukraine.

    Paul B. Vickery, Terry M. Beitner et Robert MacKinnon pour le demandeur à Ottawa, Toronto et Winnipeg.

    Donald B. Bayne, Peter K. Doody et Lawrence A. Elliot pour le défendeur.

    avocats inscrits au dossier:

    Le sous-procureur général du Canada pour le demandeur.

    Bayne, Sellar, Boxall, Ottawa, et Scott & Aylen, Ottawa, pour le défendeur.

    NOTE DE L'ARRÊTISTE

Le directeur général a décidé, conformément au paragraphe 58(2) de la Loi sur la Cour fédérale, qu'une partie seulement de la décision dont il est question en l'espèce devrait être publiée dans le recueil. Ont été omises les pages 1 à 68 des 163 pages des motifs de l'ordonnance de la Cour où elle traite de la question de savoir si le défendeur faisait partie de la police de Selidovo comme cela est allégué dans l'avis de révocation. Le reste des motifs est reproduit intégralement parce qu'il constitue un important document de recherche dans l'histoire canadienne ainsi qu'en raison de leur pertinence sur la question examinée au paragraphe 287: les décisions du Cabinet déterminant les politiques gouvernementalesmême celles qui ont trait aux questions vitales pour la sécurité nationaledoivent être rendues légalement applicables d'une manière ou d'une autre (par l'adoption d'une loi ou la prise d'un décret ou d'un règlement).

Ce qui suit est la version française des motifs de la décision rendus par

Le juge Noël:

    NOTE DE L'ARRÊTISTE [remplaçant

    les pages 1 à 68]

Il s'agissait en l'espèce d'un renvoi soumis à la Section de première instance de la Cour fédérale par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, conformément à l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté, afin de déterminer si le défendeur avait obtenu la citoyenneté par fraude ou au moyen d'une déclaration fausse ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels parce qu'il avait omis de révéler son appartenance à la police de district (raion) de Selidovo de 1941 à 1943 pendant l'occupation de l'Ukraine par les Allemands, et parce qu'il avait participé pendant cette même période à l'exécution de civils et de prisonniers de guerre. Il a été allégué que le demandeur avait agi comme chef de police adjoint, chef de police ou assistant du chef de police et qu'il avait servi d'interprète auprès des membres des forces allemandes d'occupation. Cette force de police aurait collaboré avec l'armée occupante en exécutant des Juifs et des soldats de l'Armée rouge (prisonniers de guerre), et elle aurait effectué des rafles de jeunes gens en vue de les envoyer aux travaux forcés en Allemagne. Le ministre a fait valoir qu'à l'époque où le défendeur a présenté une demande d'immigration au Canada, les personnes qui faisaient partie de la catégorie générale descollaborateursne pouvaient pas être admises au Canada et que le défendeur avait omis de révéler son appartenance à la police de district de Selidovo ou son rang au sein de celle-ci. On a allégué que si ces faits avaient été divulgués, le demandeur se serait vu refuser l'admission au Canada.

À l'audition du présent renvoi, le ministre a admis qu'il n'avait aucun élément de preuve à produire pour démontrer la participation du défendeur à des tueries. Les allégations ont donc été ramenées essentiellement à son appartenance à la police de Selidovo. Le défendeur a nié son appartenance à la police, mais il a reconnu qu'il avait été contraint, sous peine de mort, à servir d'interprète à Selidovo en 1942 et 1943. Le défendeur a fait valoir qu'à l'époque de son admission au Canada, l'entrée au Canada n'était pas interdite auxcollaborateursou que, même si une telle interdiction existait en théorie, elle n'était pas appliquée en pratique. On a en outre allégué qu'à l'époque pertinente, en 1948, le refoulement de candidats à l'immigration pour le motif qu'ils avaient collaboré avec l'ennemi n'avait aucun fondement juridique.

Après un examen approfondi des éléments de preuve produits par le ministre, dont certains reposaient sur du ouï-dire et sur les dépositions de témoins manquant de crédibilité (pages 10 à 68 des motifs), le juge a conclu que le défendeur n'avait pas fait partie de la police de Selidovo. L'argument suivant lequel on pouvait considérer que le défendeur était un membre de la police parce qu'il avait servi d'interprète pour celle-ci n'était pas justifié par la preuve et ne tenait pas compte du sens ordinaire des termes utilisés.

2. LE DÉFENDEUR A-T-IL FAIT L'OBJET D'UN CONTRÔLE DE SÉCURITÉ LORSQU'IL A PRÉSENTÉ UNE DEMANDE D'IMMIGRATION AU CANADA EN JUILLET 1948?

[149]Quoi qu'il en soit, le demandeur n'a pas démontré que le défendeur avait obtenu l'admission au Canada en omettant de révéler son passé de collaborateur. Le demandeur a reconnu qu'il lui incombait de démontrer l'existence d'un processus d'immigration uniformément suivi en juillet 1948 lorsque le défendeur a présenté sa demande d'immigration au Canada. Suivant le demandeur, cette procédure comportait trois étapes. Tous les immigrants devaient subir un contrôle de sécurité effectué par un agent de sécurité, un examen médical ainsi qu'un examen approfondi fait par un agent d'immigration pour déterminer s'ils remplissaient les conditions requises aux fins de l'immigration1.

[150]Le demandeur a en outre fait valoir qu'il existait des lignes directrices régissant l'admissibilité des immigrants en provenance de l'Europe, notamment des critères prévoyant le refoulement pour des raisons de sécurité. Ces critères, qui précisaient les catégories de personnes dont les demandes devaient être rejetées pour des raisons de sécurité, étaient communiqués aux agents de sécurité travaillant sur place. D'autres directives concernant les procédures d'admission des immigrants au Canada étaient communiquées aux agents d'immigration et aux agents de sécurité en poste partout en Europe. D'après le demandeur, en juillet 1948, l'admission au Canada était interdite aux personnes qui avaient servi dans une armée ennemie à quelque titre que ce soit, à celles qui provenaient de pays occupés par l'Allemagne dont on savait qu'elles avaient collaboré avec la machine nazie et à celles qui entraient dans la catégorie générale des "collaborateurs".

[151]Pour étayer sa position, le demandeur a fait comparaître Nicholas d'Ombrain à titre de témoin expert en ce qui concerne le Cabinet, ses rouages et l'appareil bureaucratique qui le soutenait, l'interprétation des documents concernant l'appareil gouvernemental, l'instauration des politiques au niveau du Cabinet et au niveau gouvernemental, les rapports entre le Cabinet et les hauts fonctionnaires, et l'instauration de politiques et la gestion de l'appareil gouvernemental dans le domaine des services secrets canadiens et étrangers2.

[152]Le demandeur a également fait comparaître Roger Martineau et Roger St. Vincent qui étaient tous les deux agents d'immigration en Europe en 1948. M. St. Vincent a été affecté à la mission de l'immigration du gouvernement canadien en Allemagne en juin 1948 et, entre 1948 et 1952, il a travaillé à Karlsruhe, en Allemagne, et à Salzbourg, en Autriche, en qualité d'agent d'immigration3. M. Martineau s'est joint à la mission canadienne en Allemagne en mai 1948. De la fin du mois de juin 1948 jusqu'au mois d'août 1949, il a été affecté en Autriche4. M. Martineau était le chef d'une équipe d'immigration formée d'un agent de sécurité, d'un médecin agréé et d'un agent des visas.

[153]Le défendeur et son épouse ont eux aussi témoigné relativement à la procédure à laquelle ils se sont soumis lorsqu'ils ont présenté leur demande d'immigration au Canada.

[154]D'après la preuve dont j'ai été saisi, le demandeur n'a pas établi qu'il existait, en juillet 1948, une procédure uniforme appliquée à tous les immigrants provenant d'Autriche, que cette procédure, si elle était applicable, aurait permis d'obtenir une réponse à toutes les questions relatives aux activités du défendeur pendant la guerre, ou que l'admission au Canada était interdite à la catégorie "générale" des collaborateurs.

LA POLITIQUE DU CANADA EN MATIÈRE D'IMMIGRATION APRÈS LA GUERRE

[155]M. d'Ombrain a déclaré dans son témoignage qu'il y avait eu peu d'immigration au Canada dans les années 1930 en raison de la dépression. En 1931, le Canada a adopté une politique extrêmement restrictive en matière d'immigration; il s'agit du décret C.P. 1931-695 qui prévoyait une interdiction générale en matière d'immigration, sauf pour quelques catégories restreintes de personnes5. Cette politique a été explicitement conçue en fonction des conditions économiques qui existaient au Canada pendant la dépression et, en particulier, des besoins moins importants en main-d'œuvre. En conséquence, dans les années 1930, le nombre d'immigrants au Canada était approximativement de 7 000 par année6. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il n'y a pas eu d'immigration structurée au Canada7.

[156]Lorsque la Seconde Guerre mondiale a pris fin, la politique canadienne d'immigration était encore celle qui était en vigueur dans les années 1930, même si la situation nationale et internationale avait radicalement changé. En conséquence, le Canada était mal préparé à faire face à une augmentation considérable de l'immigration8. Le Canada a néanmoins été pressé d'augmenter le nombre d'immigrants au pays. Pendant l'après-guerre, il y avait des milliers de personnes déplacées (PD) en Europe et, comme les autres pays alliés, le Canada a été invité à fournir son aide pour régler ce problème en autorisant un grand nombre de ces personnes déplacées à immigrer au Canada9. De plus, le Canada devant mettre sur pied une économie d'après-guerre, le besoin d'immigrants possédant des capacités professionnelles et commerciales s'est fait sentir. Les personnes responsables de la reconstruction de l'économie ont vu là l'occasion de faire venir un grand nombre de travailleurs qualifiés10.

[157]Par suite de ces pressions, le gouvernement du Canada a donné la priorité, entre 1945 et 1947, à l'élaboration d'une nouvelle politique d'immigration. À l'automne 1945, un comité spécial sur l'immigration présidé par le ministre des Mines et des Ressources, J. A. Glen, a été créé et chargé de préparer cette politique11. En mars 1946, le comité du Cabinet a mis sur pied un comité interministériel qui, en mars 1947, a été reconstitué à titre de Comité interministériel Immigration-Travail12.

[158]Même si le comité du Cabinet sur l'immigration avait entrepris cet examen, le Cabinet a néanmoins pris ses premières mesures pour assouplir la politique du Canada en matière d'immigration. Par exemple, dès le 26 octobre 1945, il a approuvé l'assouplissement des dispositions du C.P. 1931-695 dans le cas des réfugiés qui avaient été admis au Canada pendant la guerre et qui n'avaient aucun statut13. Le préposé de l'immigration en chef au point d'entrée était autorisé à permettre à un réfugié de débarquer au Canada s'il était arrivé au pays après le 1er  septembre 1939, à la condition que le réfugié soit en mesure d'établir à la satisfaction du préposé qu'il était de bonne vie et mœurs et qu'il pouvait se conformer, à tout autre égard, aux dispositions de la Loi de l'immigration [S.R.C. 1927, ch. 93]14.

[159]Malgré cet assouplissement initial des règlements, l'interdiction concernant l'admission au Canada de sujets de pays ennemis a été maintenue et, le 9 avril 1946, un décret à cet effet a été pris conformément au pouvoir conféré par l'article 38 de la Loi de l'immigration. La seule exception à cette interdiction visait les personnes qui pouvaient convaincre le ministre des Mines et des Ressources qu'elles étaient opposées à un gouvernement ennemi15.

[160]L'examen entrepris par le comité du Cabinet sur l'immigration a été terminé à la fin de 1946 et un rapport a été présenté au Cabinet au début de 1947. Pour donner suite aux recommandations du comité, le Cabinet a pris, le 30 janvier 1947, un décret modifiant le C.P. 1931-695 et élargissant les catégories de personnes admissibles dans le cas des proches parents16 (le régime applicable aux proches parents) et des agriculteurs, et autorisant l'admission des personnes voulant travailler dans des industries primaires. La disposition pertinente de ce décret pour le présent renvoi prévoyait l'admission au Canada des personnes suivantes:

4.a)Un agriculteur qui a les moyens suffisants pour se livrer à la culture de la terre au Canada.

        b)    Un agriculteur qui entre au Canada en vue de se livrer à la culture de la terre, lorsqu'il se rend chez son père, son beau-père, son fils, son gendre, son frère, son beau-frère, son oncle ou son neveu, dont l'agriculture est la principale occupation, et qui est en mesure de recevoir un tel immigrant et de l'établir sur une ferme.

        c)    Un ouvrier agricole qui entre au Canada en vue de se livrer à un emploi agricole assuré.

        d)    Une personne expérimentée dans le travail des mines, du bois ou de la forêt, qui entre au Canada en vue de se livrer à un emploi assuré dans l'une de ces industries17.

[161]En avril 1947, le comité du Cabinet a recommandé à celui-ci d'élargir encore une fois la catégorie des parents admissibles18 et a approuvé un projet d'énoncé de la politique d'immigration19. Le premier ministre King a fait état de ce projet d'énoncé dans un discours qu'il a prononcé devant la Chambre des communes le 1er  mai 1947. Il y indiquait la politique que devrait suivre le gouvernement en matière d'immigration au cours des années suivantes. Le premier ministre a dit ce qui suit:

[traduction] La politique du gouvernement consiste à favoriser l'argumentation de la population canadienne en encourageant l'immigration. Le gouvernement s'efforcera, par l'adoption des dispositions législatives et réglementaires nécessaires ainsi que par une gestion vigoureuse, d'assurer la sélection et l'établissement permanent d'un nombre d'immigrants pouvant être avantageusement absorbés par notre économie nationale [. . .]

À l'heure actuelle, ce ne sont ni les dispositions législatives ni les dispositions réglementaires qui limitent l'immigration, mais plutôt la pénurie de moyens de transport [. . .] Le problème du transport est réel. Il ne peut pas être réglé en une semaine ou en un mois ni même, en fait, au cours de la prochaine année [. . .]

En raison de cette pénurie de moyens de transport, le gouvernement a décidé qu'en ce qui concerne l'immigration en provenance de l'Europe, l'accent devrait être mis pour le moment sur l'admission des parents de personnes qui se trouvent déjà au Canada et sur l'aide au rétablissement des personnes déplacées et des réfugiés [. . .]

Le Canada n'est pas tenu, du fait de son appartenance aux Nations Unies et en vertu de la constitution de l'Organisation internationale sur les réfugiés, de recevoir un nombre donné de réfugiés ou de personnes déplacées. Nous avons néanmoins l'obligation morale d'aider les autres pays à régler ce problème, et nous sommes prêts à reconnaître cette obligation.

Le gouvernement envoie des agents d'immigration qui sont chargés d'examiner la situation des groupes de réfugiés et de prendre des mesures pour assurer l'admission rapide de quelques milliers de ceux-ci. Pour assurer le déplacement de ces personnes, la Direction générale de l'immigration et le ministère du Travail détermineront conjointement le nombre approximatif de personnes auxquelles un emploi peut être rapidement offert et qui peuvent être intégrées dans diverses industries et divers emplois. Les agents de sélection détermineront ensuite si les demandeurs peuvent être admis au Canada en déterminant leurs aptitudes et leur condition physique, et ils prendront les dispositions nécessaires pour assurer leur arrivée en bon ordre et leur placement [. . .] En prenant ces mesures, le gouvernement veut s'assurer que les personnes déplacées admises au Canada feront vraisemblablement de bons citoyens.

Examinons maintenant le programme à long terme du gouvernement. Celui-ci repose sur la conviction que le Canada a besoin d'être peuplé. Le gouvernement croit fermement que notre politique d'immigration devrait être positive, et avoir pour objectif précis, comme je l'ai déjà dit, d'augmenter le nombre d'habitants de ce pays20.

[162]Au cours de l'été 1947 et peu après le discours du premier ministre, divers décrets autorisant l'établissement de nombreuses personnes déplacées au Canada ont été pris. L'admission de 5 000 personnes déplacées a été autorisée le 6 juin 1947 et ce nombre a augmenté progressivement jusqu'à ce que le nombre total de personnes déplacées autorisées à entrer au Canada atteigne 40 000 à l'automne 194821.

[163]Ces modifications apportées à la politique canadienne d'immigration ont marqué le début de l'augmentation progressive du nombre et des catégories d'immigrants admis au Canada pendant l'aprèsguerre. Le nombre d'immigrants au Canada a été de 71 719 en 1946, 64 127 en 1947 et 125 414 en 194822.

[164]En juin 1950, les critères d'admissibilité des candidats à l'immigration ont encore une fois été élargis et un large pouvoir discrétionnaire a été conféré au ministre responsable lui permettant d'autoriser l'admission des personnes remplissant les conditions prescrites23. En septembre 1950, l'interdiction pour les Allemands d'entrer au Canada en raison de leur statut de sujets d'un pays ennemi a été annulée24.

LE CONTRÔLE DE SÉCURITÉ DES IMMIGRANTS: CONTEXTE

[165]Trois principales tendances se dégagent de l'examen de la preuve. Premièrement, de 1945 à 1950, le Cabinet estimait que le contrôle sécuritaire des candidats à l'immigration était une mesure essentielle qui devait être maintenue. Deuxièmement, le Cabinet a décidé en fin de compte que les questions de sécurité et la mise en place d'un système de contrôle sécuritaire pour les immigrants relevaient de la GRC plutôt que du ministre responsable de l'immigration. Troisièmement, la GRC devait concevoir et mettre en application le système de contrôle sécuritaire de manière à entraver le moins possible l'afflux d'immigrants au Canada. En bout de ligne, la décision du gouvernement d'augmenter considérablement le nombre d'immigrants tout en imposant à la GRC l'obligation de protéger les intérêts du Canada de la manière la moins dérangeante possible a exercé une pression très grande sur les personnes chargées de cette tâche. Ces aspects contradictoires ont eu une incidence importante sur les critères du contrôle de sécurité et la méthode de contrôle qui ont été mis au point et appliqués de la moitié jusqu'à la fin des années 1940.

[166]La sécurité était, pendant la Seconde Guerre mondiale, une question de la plus haute importance et, dans la période d'après-guerre qui a suivi, on a reconnu qu'il serait nécessaire d'harmoniser les politiques de sécurité applicables à tous les échelons du gouvernement25. Ce problème est devenu particulièrement aigu après septembre 1945 lorsqu'un chiffreur de l'ambassade soviétique à Ottawa, M. Gouzenko, a fait défection et a révélé l'existence d'un réseau d'espionnage communiste au Canada. Le scandale Gouzenko a semé l'inquiétude aux plus hauts échelons du gouvernement et a soulevé des doutes sérieux quant à la sécurité interne du Canada. Cette préoccupation pour la sécurité n'a fait que s'accentuer à la fin des années 1940 lorsque la tension découlant de la guerre froide a augmenté26.

[167]Dès le 15 octobre 1945, le Cabinet a reconnu qu'il était nécessaire de faire subir un contrôle de sécurité aux candidats à l'immigration. Lorsque le Cabinet a décidé en 1945 d'assouplir sa politique d'immigration de 1931 et de régulariser le statut des personnes qui avaient été admises au Canada pendant la guerre, il a également décidé que ces personnes devraient tout d'abord faire l'objet d'un contrôle de sécurité par la GRC; seules les personnes ayant obtenu le feu vert de la GRC pourraient se voir octroyer le droit d'être admises conformément à la Loi de l'immigration. Le Cabinet n'a toutefois pas décidé comment s'effectuerait le contrôle, par exemple, s'il comporterait une entrevue ou une vérification auprès d'autres services de renseignements. Le choix de la méthode utilisée et la détermination de la portée du contrôle de sécurité ont été laissés à la GRC27.

[168]La création en mai 1946 du conseil de sécurité, un comité consultatif interministériel qui devait [traduction] "faire des recommandations sur la coordination de la préparation, de l'organisation et de l'exécution des mesures de sécurité qui touchent les ministères; et [. . .] sur toute autre question de sécurité pouvant lui être soumise" illustre bien les préoccupations du Cabinet en matière de sécurité. Le conseil de sécurité était un comité d'experts, relevant directement du premier ministre et présidé par le secrétaire du Cabinet, le plus haut fonctionnaire du gouvernement. Suivant M. d'Ombrain, la création du comité au cours de la période pertinente dénote l'importance accordée aux questions de sécurité à cette époque28 .

[169]Le conseil de sécurité a eu un rôle important à jouer dans l'élaboration de la politique de sécurité en matière d'immigration au Canada. Il a mis au point les détails de la politique de sécurité du Canada en matière d'immigration et, de temps à autre, le Cabinet a pris note de ces questions de sécurité ou, lorsqu'il a été invité à le faire, a pris des décisions sur les questions de principe relatives à la sécurité29.

[170]La politique de sécurité du Canada en matière d'immigration a été conçue en fonction d'un "besoin de savoir" et, au départ, le conseil de sécurité avait élaboré cette politique relativement à d'autres domaines de compétence. Le ministère des Mines et des Ressources s'occupait de toutes les questions d'immigration; il déterminait notamment qui pouvait être admis au Canada à l'exception du cas des personnes dont l'admission était interdite pour des raisons de sécurité, un domaine qui a été finalement laissé à la GRC30 .

[171]En juillet 1946, le directeur de l'Immigration, M. A. L. Jolliffe, a soumis dès la deuxième réunion du conseil de sécurité certains problèmes découlant de la politique canadienne d'immigration31. Il a alors été reconnu qu'en raison de la reprise du tourisme et de la décision du gouvernement d'élargir les catégories d'immigrants autorisés à venir au Canada32, il serait souhaitable d'effectuer une sorte de contrôle sécuritaire des candidats à l'immigration. Les membres du conseil ont exprimé leur incertitude quant à savoir si les dispositions réglementaires alors applicables en matière d'immigration permettaient de refouler des immigrants pour des raisons de sécurité, et on s'est rendu compte qu'il n'existait aucun organisme canadien chargé du contrôle sécuritaire des candidats à l'immigration à l'étranger. Le conseil de sécurité a décidé que les installations du Royaume-Uni en Europe pourraient servir temporairement au contrôle, pour des raisons d'ordre de sécurité, des candidats à l'immigration au Canada. Le conseil a aussi chargé un sous-comité33 de rédiger des dispositions réglementaires autorisant le refoulement des candidats indésirables pour des raisons de sécurité34.

[172]Ce sous-comité est allé jusqu'à recommander que le ministre des Mines et des Ressources soit habilité à certifier que [traduction] "l'admission au Canada devrait être refusée à une personne pour le motif qu'elle était un nazi ou un fasciste ou qu'elle préconisait des opinions subversives à l'encontre d'un gouvernement démocratique". Le ministre des Mines et des Ressources, J. A. Glen, était toutefois d'avis que la Loi de l'immigration devait être modifiée afin d'interdire l'entrée au pays aux:

[traduction] Personnes qui sont ou qui ont été membres du parti nazi, du parti fasciste, de la Gestapo, de la Schutzsaffel, de la Sturm Abteilung ou de toute organisation ou de tout parti connexe préconisant le nazisme ou le fascisme, ou aux personnes considérées comme des criminels de guerre par la Commission des Nations Unies pour les crimes de guerre35.

[173]Constatant la difficulté de rédiger une telle disposition, le Cabinet a rejeté le 5 août 1946 la recommandation qui lui avait été faite de prévoir le contrôle de sécurité par voie réglementaire ou par modification législative. Il a plutôt décidé que le contrôle de sécurité serait prévu par [traduction] "une mesure administrative ministérielle". M. d'Ombrain a dit être d'avis que, pour en arriver à cette décision, le Cabinet a probablement tenu compte de l'importance de préserver le secret dans les questions de sécurité36 .

[174]Vu la décision du Cabinet, le conseil de sécurité s'est réuni le 19 août 1946 pour examiner la question du contrôle de sécurité des candidats à l'immigration. Le conseil a exprimé l'avis qu'il était [traduction] "très important" que les nombreuses personnes déplacées et autres individus des territoires de l'Europe centrale que l'on s'attendait à voir présenter une demande d'immigration au Canada dans un avenir rapproché fassent l'objet d'un contrôle de sécurité. Il a été souligné qu'il serait pratiquement impossible d'expulser les personnes déplacées entrées illégalement au pays. Le conseil a donc recommandé au ministre des Mines et des Ressources que des équipes d'immigration, comprenant des membres de la GRC, soient envoyées dans les pays d'origine des candidats pour les y interroger37 . C'était la première fois qu'on évoquait la possibilité de contrôler les personnes déplacées à l'étranger, une méthode qui serait bientôt mise en pratique. Le conseil de sécurité voulait:

[traduction] [. . .] que les personnes ayant appartenu à des organisations fascistes, nazies ou autres du même genre soient identifiées et refoulées38.

[175]La participation de la GRC au contrôle des immigrants pour des raisons de sécurité a été approuvée en octobre 1946 par le ministre de la Justice, Louis Saint-Laurent, sur la recommandation de S. T. Wood, commissaire de la GRC39. À l'origine, quatre membres de la GRC devaient être envoyés à Londres pour travailler en collaboration avec le Bureau de contrôle des passeports et examiner les dossiers des candidats à l'immigration. Le premier agent de la GRC, le sergent d'état-major Hinton, a été envoyé le 25 octobre 194640.

[176]Dès le début, la GRC a été débordée par le nombre d'immigrants. Lorsqu'il est arrivé à Londres, le sergent d'état-major Hinton a dû s'attaquer à un arriéré d'environ 6 261 demandes. On a décidé que, même si les renseignements disponibles au sujet de ces candidats n'étaient pas [traduction] "tout ce qui [était] désirable pour permettre une vérification minutieuse", l'obtention de renseignements additionnels sur les candidats entraînerait [traduction ] "un délai déraisonnable". En conséquence, le sergent Hinton a reçu pour directive de [traduction ] "faire de son mieux" avec les renseignements qui étaient à sa disposition41 .

[177]Dès décembre 1946, le comité du Cabinet sur l'immigration a fait de plus en plus de pressions pour qu'un plus grand nombre d'immigrants soient admis. Dans une lettre datée du 27 décembre 1946, le commissaire adjoint Nicholson, directeur des Enquêtes criminelles de la GRC, a informé le sergent Hinton que les représentants de l'immigration s'inquiétaient du fait que son bureau ne traitait que de vingt-cinq à trente dossiers par jour. Nicholson a écrit dans sa lettre que la GRC devait faire certains "compromis" dans le cas de l'arriéré afin de maintenir "en principe" la méthode actuelle de contrôle de sécurité. Ce compromis consistait à dispenser du contrôle de sécurité les personnes qui avaient présenté une demande d'admission au Canada avant le 10 novembre 1946 et qui résidaient en Angleterre, en France, en Norvège, en Grèce, en Belgique, aux Pays-Bas ou au Danemark42 .

[178]Il est clair, comme le démontre un rapport adressé au conseil de sécurité, qu'on considérait encore, en janvier 1947, que le contrôle de sécurité était une procédure expérimentale appelée à être modifiée avec le temps43. Le commissaire adjoint Nicholson était d'avis (comme il l'a indiqué au sergent d'état-major Hinton) que:

[traduction] Il faudra beaucoup de temps avant que nous puissions couvrir tous les aspects du contrôle et nous devons accepter une application graduelle du plan. Des ajustements devront être faits au fur et à mesure, et nous ne devons pas nous inquiéter si un certain nombre de personnes indésirables échappent au contrôle. Notre objectif est de resserrer lentement le contrôle et de concentrer nos efforts sur le refoulement des personnes qui sont véritablement indésirables44.

[179]Le 27 janvier 1947, le directeur de l'Immigration a écrit ce qui suit au ministre des Mines et des Ressources au sujet du contrôle de sécurité:

[traduction] La procédure adoptée existe depuis octobre dernier, et il a été établi qu'il est impossible de continuer ainsi dans les conditions actuelles. La GRC indique que, suivant la procédure actuelle, le nombre maximal de dossiers qui peuvent être vérifiés au cours des douze prochains mois est de 10 000 ou approximativement 800 par mois. Cela signifierait qu'outre les épouses et les enfants mineurs, moins de 5 000 immigrants étrangers pourraient venir au Canada au cours de la prochaine saison. Le nombre de demandes d'admission de parents est maintenant supérieur à 10 000 et augmentera considérablement au cours des prochains mois; de plus, de nombreux autres immigrants étrangers deviendront admissibles à l'immigration au cours de l'année 1947; la poursuite de la procédure actuelle entraînera l'interruption virtuelle de l'immigration d'étrangers. Cela déclenchera deux genres de critiques: premièrement, que la Direction générale de l'immigration retarde pendant de nombreux mois les demandes d'admission de parents, et, deuxièmement, que l'élargissement des textes réglementaires afin de permettre une augmentation du nombre d'immigrants ne signifie rien puisque les personnes appartenant aux catégories admissibles en vertu de la loi ne peuvent pas venir au pays en raison des exigences concernant le contrôle de sécurité45.

[180]Lorsque le ministre des Mines et des Ressources a recommandé au Cabinet d'élargir les catégories de personnes admissibles au Canada, M. Glen a aussi fait remarquer que:

[traduction] [. . .] la procédure de contrôle de sécurité des immigrants qui a été établie pour donner suite à la décision du 5 août 1946 s'est révélée inadéquate pour traiter le nombre de demandes d'admission qui ont été reçues. À moins que cette procédure ne soit supprimée ou considérablement modifiée, l'élargissement des dispositions réglementaires afin d'y prévoir d'autres catégories ou groupes d'immigrants sera inefficace en raison du nombre de personnes présentant une demande d'admission et du temps requis pour effectuer le contrôle de sécurité maintenant prévu46.

[181]Même si le ministre Glen l'avait averti que le contrôle de sécurité rendait déjà inapplicable sa décision d'augmenter le nombre d'immigrants, le Cabinet a décidé le 29 janvier 1947 de modifier les dispositions réglementaires applicables en matière d'immigration afin de permettre l'admission d'autres catégories de parents de résidents canadiens, d'agriculteurs et de personnes à la recherche d'un emploi dans les industries primaires. Le Cabinet a demandé au conseil de sécurité de réexaminer les problèmes de contrôle de sécurité découlant de cette mesure47.

[182]Le conseil de sécurité s'est réuni le 30 janvier 1947. Il a appris que, même s'il ne serait possible en raison du contrôle de sécurité de traiter que 10 000 dossiers environ par an, le nombre d'immigrants en provenance de l'Europe serait de 30 000 à 50 000 en 1947. Le manque de ressources et les renseignements limités dont disposaient les agents de la GRC entravaient la bonne marche du contrôle de sécurité. Le conseil de sécurité s'est prononcé contre la suspension du contrôle de sécurité et a proposé deux solutions de rechange au Cabinet. L'option qui a été privilégiée consistait à concentrer le contrôle sur les candidats originaires de l'Europe de l'Est et à permettre aux autres candidats par ailleurs admissibles d'entrer au pays sans se soumettre à un contrôle48. Le conseil de sécurité a fait les remarques suivantes:

[traduction] Le conseil souhaite réaffirmer l'importance du principe général du contrôle et signaler les dangers considérables associés au fait de permettre à des immigrants d'entrer au pays sans avoir fait l'objet d'une enquête. C'est particulièrement vrai des personnes provenant des pays situés dans la sphère d'influence soviétique où la preuve indique que l'émigration ne peut avoir lieu qu'avec l'autorisation du gouvernement en cause, et il semble subsister peu de doute que, dans tout groupe de personnes, un certain nombre recevront pour instructions de poursuivre les objectifs de leur gouvernement en s'installant au Canada. C'est pourquoi le conseil de sécurité se prononce contre l'abandon du contrôle de sécurité parce qu'il s'agirait d'une orientation très dangereuse49.

Ces remarques illustrent à quel point on redoutait l'espionnage communiste au début de 194750. La deuxième solution consistait à maintenir le système de contrôle, mais seulement dans la mesure où il n'empêchait pas l'admission d'immigrants qui étaient par ailleurs admissibles. La décision de soumettre une personne au contrôle devait être laissée à la discrétion de la GRC. Il a été admis que cette solution:

[traduction] [. . .] équivaudrait à un système de vérification "ponctuelle" qui, au mieux, permettrait l'examen de 20 % des demandes d'immigration attendues. Même si cela n'est pas souhaitable du point de vue de la sécurité, un tel système permettrait de donner suite à la décision du gouvernement d'augmenter le nombre d'immigrants et, en même temps, préserverait le cadre d'un service de contrôle qui pourrait être étendu si jugé souhaitable ultérieurement51 .

Le conseil de sécurité a dit précisément:

[traduction] Dans l'intérêt de la sécurité, il convient de donner la préférence à la solution (a) [le contrôle des candidats provenant de l'Europe de l'Est], mais on comprend bien qu'il existe d'autres considérations importantes qui pourraient en empêcher l'application pratique et, le cas échéant, nous recommandons la solution (b) [un contrôle sélectif] plutôt que la suppression du contrôle de sécurité52.

[183]Le 5 février 1947, le Cabinet a examiné le rapport du conseil de sécurité et, contrairement à l'avis de ce dernier, a adopté la solution (b). Il a convenu que:

[traduction] [. . .] le contrôle de sécurité des étrangers présentant une demande d'immigration au Canada n'était requis que dans les cas où l'on a jugé que les renseignements accessibles aux autorités de l'Immigration devaient être complétés grâce à des enquêtes spéciales sur la sécurité.

Il a été aussi convenu que le ministère des Mines et des Ressources et la GRC, en consultation avec les Affaires extérieures, examineraient la possibilité d'améliorer les installations de contrôle en étroite collaboration avec les organismes du R.-U. et des É.-U.53.

Le Cabinet a donc décidé d'opter pour un contrôle sélectif, sans toutefois indiquer qui devrait faire l'objet d'un contrôle, comment celui-ci devrait être fait ni quels critères de contrôle seraient appliqués. Ces décisions ont été laissées à la GRC54. La décision d'opter pour un contrôle sélectif démontre clairement l'opposition entre le désir du gouvernement d'augmenter le nombre d'immigrants au Canada et celui de maintenir des procédures de contrôle de sécurité55. M. d'Ombrain a déclaré dans son témoignage qu'à ce stade, il n'y avait pas vraiment de politique de contrôle de sécurité, mais qu'il y avait plutôt improvisation continuelle dans ce domaine56. Cette improvisation avait lieu tandis que le nombre d'immigrants au Canada augmentait de façon spectaculaire.

[184]Les premières équipes d'inspection de l'immigration ont été envoyées en Allemagne en mars 1947. M. d'Ombrain a dit lors de son témoignage:

[traduction] Deux équipes d'inspection de l'immigration ont été envoyées en Allemagne en mars 1947. Chacune de celles-ci était composée d'un inspecteur de l'immigration, d'un médecin du service de l'Immigration du ministère de la Santé nationale et d'un agent de la GRC chargé du contrôle de sécurité. Ces équipes ont commencé par examiner les demandes des personnes déplacées pouvant être admissibles en vertu du régime applicable aux proches parents. Lorsque le gouvernement a décidé d'accepter tout d'abord 5 000 personnes déplacées et ensuite 10 000 autres (dans la catégorie des travailleurs) pendant l'été 1947, les équipes ont fait porter leurs examens sur ces candidats [. . .] Une troisième équipe devait être ajoutée sous peu [. . .]57.

[185]À partir du moment où le sergent d'état-major Hinton a été envoyé à Londres en 1946 jusqu'en 1948, les agents de sécurité refoulaient les candidats à l'immigration en s'appuyant sur des instructions verbales. Vers le milieu de 1948, on a décidé de dresser une liste des motifs de refoulement; toutefois, cette liste n'a pas été complétée avant novembre 194858 . En juillet 1948, à l'époque où le défendeur aurait obtenu son visa, les agents de sécurité refoulaient donc des candidats à l'immigration en se fondant sur des instructions verbales.

[186]Lors d'une réunion du conseil de sécurité tenue le 5 avril 1949, il a été question d'une note de service de la GRC intitulée [traduction] "Contrôle de sécurité des immigrants-Problèmes actuels", datée du 31 mars 1949. Ce document traitait des problèmes qui s'étaient posés en matière de contrôle de sécurité au cours de l'année précédente. Il n'est pas étonnant d'y trouver les remarques suivantes au sujet de l'afflux d'immigrants:

[traduction] Le programme de contrôle de sécurité s'est révélé partiellement inefficace pour les raisons suivantes:

    a) surcharge des installations de contrôle en raison du nombre élevé de candidats à l'immigration;

    b) impossibilité d'obtenir des pays de l'Europe de l'Est, de l'Extrême-Orient et d'Israël des renseignements relatifs à la sécurité59.

Il convient aussi toutefois de signaler que le contrôle des personnes déplacées dans les camps où elles se trouvaient était considéré comme une [traduction] "méthode utile pour vérifier s'il était avantageux de les accepter". À cette époque, 1 000 des 60 000 personnes déplacées dont la demande d'admission au Canada a été examinée ont été refoulées pour des raisons de sécurité60 .

[187]Le président du conseil de sécurité a aussi signalé ce qui suit au Cabinet en 1949:

[traduction] Le contrôle de sécurité est fait par la GRC dans la mesure du possible en collaboration avec les organisations de renseignements et de sécurité de pays amis et sans retarder indûment la mise en œuvre des politiques d'immigration du gouvernement61. [Non souligné dans l'original.]

M. d'Ombrain était d'accord avec l'argument de l'avocat du défendeur que cela signifie que:

[traduction] [. . .] la GRC a fait de son mieux, dans la mesure du possible, mais vu les circonstances et la pression résultant des politiques du gouvernement en matière d'immigration, elle n'a pas complètement réussi62.

[188]Ainsi, on peut constater que, même si en principe le Cabinet, du milieu jusqu'à la fin des années 1940, n'a pas cessé d'être d'accord avec le contrôle de sécurité, l'afflux croissant d'immigrants au Canada a eu des répercussions importantes sur l'efficacité de l'ensemble du programme de contrôle de sécurité. L'étendue du contrôle de sécurité des personnes déplacées présentant des demandes d'immigration à partir de l'Autriche en juillet 1948 est toutefois plus importante pour les questions en litige dans le présent renvoi.

LA MÉTHODE EMPLOYÉE POUR EFFECTUER LE CONTRÔLE DE SÉCURITÉ

[189]Le demandeur soutient que toutes les personnes déplacées qui, en 1948, demandaient l'admission au Canada à partir de l'Autriche faisaient l'objet d'une procédure de contrôle identique. D'après le demandeur, toutes les personnes déplacées devaient tout d'abord se soumettre à la procédure prévue par l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR)63. Chaque immigrant était ensuite reçu en entrevue personnelle par une équipe de représentants canadiens de l'Immigration, composée d'un agent de sécurité, d'un médecin et d'un agent d'immigration.

[190]En 1948, le défendeur était une personne déplacée en Autriche lorsqu'il a présenté une demande d'immigration au Canada. L'oncle du défendeur, Jacob John Janzen de Humboldt, en Saskatchewan, a demandé l'admission au Canada du défendeur, de son épouse et de leurs deux enfants le 26 janvier 1948 en remplissant à cette fin une demande de parrainage, le formulaire 5564.

[191]Le formulaire 55 est le seul formulaire canadien qui a été produit au cours des présentes procédures relativement à l'immigration du défendeur au Canada. Le demandeur a reconnu que le dépôt de ce formulaire a constitué la première étape de l'immigration du défendeur au Canada et que, dans son cas, la procédure d'immigration avait commencé au Canada. Les seuls renseignements que l'on y trouve au sujet du défendeur sont son âge, son état civil, ses liens avec le répondant, sa date de naissance, son lieu de naissance, son pays d'origine, sa citoyenneté, son adresse actuelle, sa profession dans son pays et l'emploi envisagé au Canada. Il y est aussi précisé que le défendeur n'a jamais habité au Canada ni aux ÉtatsUnis. M. Janzen a confirmé dans ce formulaire qu'il fournirait [traduction] "le gîte et un emploi pour [la famille] dans sa ferme" et que le transport des membres de la famille devait être payé d'avance.

[192]Un document de voyage intitulé [traduction] "Certificat aux fins de l'émigration au Canada" délivré par la Commission préparatoire de l'Organisation internationale pour les réfugiés (CPOIR) à Johann Dueck65 porte un tampon des autorités médicales ainsi qu'un tampon de visa datés du 20 juillet 1948. Ces tampons indiquent que le défendeur a subi le contrôle médical et le contrôle d'immigration au Canada ce même jour. D'après la preuve, l'agent de sécurité ne tamponnait pas les documents de voyage des candidats à l'immigration66.

[193]Le défendeur soutient qu'il n'a pas rencontré d'agent de sécurité, et en dehors du témoignage de Tatjana Dueck, il n'y a aucune autre preuve directe à cet égard. En conséquence, la question qui se pose est celle de savoir s'il existait un système suffisamment uniforme pour qu'il soit vraisemblable que le défendeur ait fait l'objet d'un contrôle de sécurité avant son admission au Canada.

Portée du contrôle de sécurité effectué en Autriche en juillet 1948

[194]Par suite de la décision du Cabinet en février 1947 d'autoriser la GRC à effectuer, à sa discrétion, un contrôle sécuritaire sélectif, des représentants de la GRC, des Affaires extérieures et de l'Immigration ont immédiatement décidé de faire subir un contrôle de sécurité à toutes les personnes déplacées. Il a été convenu que, même si en règle générale, l'approbation des visas ne nécessiterait désormais plus le feu vert de la GRC, une procédure différente serait suivie dans le cas des immigrants en provenance d'Allemagne, d'Autriche et d'Italie. Plus précisément, il a été convenu ce qui suit:

[traduction] À l'exception des demandes visant l'épouse et les enfants célibataires âgés de moins de dix-huit ans d'un résident légitime du Canada, toutes les demandes présentées au Canada pour l'admission de parents originaires d'Allemagne, d'Autriche ou d'Italie seront mises de côté jusqu'à l'obtention d'une autorisation de la [GRC] qui ne sera accordée qu'après une enquête à l'étranger. Les demandes présentées par des personnes déplacées en Allemagne, en Autriche et en Italie qui sont admissibles au Canada en raison de leurs liens de parenté sont traitées différemment; elles font l'objet d'un contrôle par des agents de la [GRC] envoyés en Europe à cette fin précise67. [Non souligné dans l'original.]

Toutes les demandes parrainées présentées au Canada devaient tout d'abord faire l'objet d'une vérification dans les dossiers de la GRC à Ottawa, et celles au sujet desquelles l'enquête se révélait défavorable devaient être immédiatement signalées au commissaire de l'Immigration68. Une fois cette première vérification faite par la GRC, le dossier était ensuite envoyé à l'étranger pour servir au contrôle du candidat à l'immigration en Europe.

[195]On peut toutefois douter que la GRC avait des ressources suffisantes pour se conformer entièrement à cette décision et contrôler toutes les personnes déplacées, soit par une entrevue personnelle soit par sélection administrative. Les personnes chargées du contrôle de sécurité des candidats à l'immigration étaient soumises à une pression énorme et ce, en raison de leur nombre restreint, de l'étendue de leurs responsabilités et de l'obligation d'effectuer le contrôle d'un nombre croissant d'immigrants.

[196]Au départ, deux équipes d'immigration ont été envoyées en Allemagne en mars 1947 et leur rôle devait tout d'abord se limiter à examiner le cas des personnes déplacées admissibles en vertu du régime applicable aux proches parents. Cependant, lorsque le Cabinet a autorisé l'admission d'un plus grand nombre de personnes déplacées, le contrôle de ces personnes s'est ajouté à leurs tâches. Le 8 août 1947, le ministre par intérim des Mines et des Ressources69 a demandé au Cabinet des ressources additionnelles pour les équipes d'immigration affectées en Allemagne. Il a indiqué qu'à cette époque, environ 16 000 demandes avaient été approuvées en vertu du régime applicable aux proches parents; cela s'ajoutait à l'obligation pour les équipes de contrôler les 10 000 personnes représentant le quota qui avait été autorisé à cette date aux fins de l'admission de travailleurs au Canada70.

[197]Peu après le 8 août 1947, une troisième équipe devait être affectée en Allemagne et en Autriche71. Le 1er  novembre 1947, on a ajouté aux responsabilités de la GRC le contrôle de tous les candidats à l'immigration au Canada en provenance d'Allemagne et d'Autriche72.

[198]En mars 1948, une seule équipe d'immigration travaillait en Autriche, et on a rapporté au directeur de l'Immigration, M. Jolliffe, que cette équipe passait deux semaines consécutives dans chacun des cinq centres de traitement de l'OIR en Autriche. Ainsi, l'équipe se rendait à chacun des centres de traitement environ une fois tous les deux mois. Cela entraînait des retards et c'est pourquoi un fonctionnaire de la mission d'immigration du gouvernement canadien a proposé à M. Jolliffe que l'une des équipes qui travaillaient en Allemagne soit transférée en Autriche73.

[199]En juillet 1948, lorsque le demandeur a présenté une demande d'immigration au Canada, deux équipes d'immigration se trouvaient en Autriche, l'une dans la zone américaine et l'autre dans la zone britannique. Cependant, l'une des équipes est partie en août 1948 et, en conséquence, il n'y a eu encore une fois qu'une seule équipe d'immigration canadienne dans toute l'Autriche jusqu'en 194974. Le 8 octobre 1948 et donc après la période en cause dans le présent renvoi, il y avait onze agents de sécurité en poste à la mission d'immigration du gouvernement canadien à Karslruhe, en Allemagne75.

[200]Quant au nombre de personnes déplacées ayant fait l'objet d'un contrôle, un rapport présenté sous la forme d'une note de service datée du 30 mars 1948 et adressée par la GRC au conseil de sécurité76 fournissait les renseignements suivants pour la période du 1er  novembre 1946 au 30 mars 194877:

[traduction]

    Demandes traitées et rejetées jusqu'à maintenant

Demandes reçues de l'Immigration

  1er  novembre 1946 jusqu'à [. . .]    33 538

Immigrants refusés par le bureau de la GRC,

 à Londres [. . .]    70

Demandes de parrainage rejetées par la GRC,

  à Ottawa [. . .]     47

Personnes déplacées refusées par suite du

  contrôle des PD par la GRC [. . .]    272

Personnes déplacées ayant reçu le feu vert

  par suite du contrôle des PD par la GRC [. . .]    1 339

Arriéré des demandes en attente, GRC,

  à Ottawa [. . .]    1 311

Arriéré des demandes en attente, GRC,

  à Londres [. . .]     8 000

Cas traités renvoyés à l'Immigration [. . .]    22 499             

    33 538    33 538

[201]Les statistiques préparées pour le Comité Immigration-Travail indiquent que 8 728 personnes déplacées étaient arrivées au Canada en date du 8 avril 194878. Le défendeur a fait valoir que si l'on compare ce nombre aux 1 611 personnes déplacées qui avaient fait l'objet d'un contrôle par la GRC en date du 30 mars 1948, on constate que cela signifie que seulement 18,45 % des personnes déplacées avaient en fait été contrôlées par la GRC79. Un tel calcul s'appuie sur un certain nombre d'hypothèses, mais le demandeur n'a pas contesté ces hypothèses ni la source de ces chiffres, la méthode qui a été utilisée et la conclusion tirée relativement au nombre de personnes déplacées qui avaient fait l'objet d'un contrôle. Ces chiffres soulèvent des doutes sérieux quant à l'application d'une méthode uniforme de contrôle de sécurité pendant la période pertinente.

[202]Une lettre confidentielle qu'a fait parvenir à M. A. McNamara, sous-ministre du Travail, l'un de ses fonctionnaires travaillant à Karlsruhe, le 8 mai 1948, illustre bien les pressions qui étaient exercées à cette époque sur les agents de sécurité en poste en Allemagne et en Autriche:

[traduction] Je crains que nous en revenions à une époque où il devient plus important de respecter les subtilités de la procédure plutôt que de remplir les bateaux avec des PD remplissant les conditions requises.

Ni Cormier ni personne d'autre ne pouvait espérer éviter la "confusion" dans nos opérations en Allemagne et en Autriche puisque le désordre qui y existe la rend inévitable. Je voudrais toutefois souligner que malgré la "confusion" au cours des derniers mois, aucun envoi de l'OIR n'a été annulé à notre demande; aucun bateau n'est parti avec des places vides; et nous avons toujours eu un excédent de personnes attendant d'être envoyées dans un délai relativement court et nous avons en fait envoyé des personnes après un très court préavis. L'obligation de suivre la procédure nous aurait empêché de le faire , et, en fait, au cours des premiers mois, nous n'étions pas toujours prêts80. [Non souligné dans l'original.]

[203]Vu le nombre d'immigrants au Canada en provenance d'Europe en 1948 ainsi que les pressions exercées sur la GRC pour qu'elle n'interrompe pas l'afflux d'immigrants, il est probable que la procédure rigoureuse de sécurité en place n'ait pas toujours été suivie. C'est particulièrement vrai à l'époque où l'obligation de "remplir les bateaux" constituait une priorité reconnue.

Contrôle des agriculteurs

[204]Si l'on présume toutefois que le défendeur a fait l'objet d'un contrôle, celui-ci allègue qu'il a été admis au Canada en tant qu'"agriculteur" et que les agriculteurs n'étaient pas reçus en entrevue par les agents de sécurité, mais que ces derniers se contentaient de faire une vérification administrative. Ainsi, d'après le défendeur, si l'agent l'avait classé dans la catégorie des agriculteurs, il n'aurait pas été reçu en entrevue par un agent de sécurité.

[205]À l'interrogatoire préalable, le demandeur a admis que le défendeur n'avait pas été admis au Canada en qualité de proche parent ni en vertu du décret C.P. 1947-2180, le régime applicable aux travailleurs en général. Il a en outre reconnu que, même s'il se pouvait que le défendeur ait été admis au Canada en vertu de l'alinéa 4c) du décret C.P. 1947-4849 [DORS/47-920] (la refonte du décret C.P. 1931-695) parce qu'il était parrainé par son oncle, il a probablement été admis conformément à l'alinéa 4b). Cet alinéa prévoyait l'admission au Canada d'un agriculteur en vue de se livrer à la culture de la terre avec l'aide d'un oncle81 dont l'agriculture était l'occupation tandis que l'alinéa 4c) prévoyait l'admission au Canada d'un ouvrier agricole en vue de se livrer à un emploi agricole assuré82.

[206]Les deux agents d'immigration, M. St. Vincent et M. Martineau, ont affirmé que toutes les personnes déplacées étaient reçues en entrevue par un agent de sécurité, examinées par un médecin agréé et, enfin, reçues en entrevue par un agent des visas83.

[207]Le 29 mars 1947, M. Jolliffe, directeur de l'Immigration, a donné la [traduction] "Directive no  1: Procédure à suivre pour le traitement des demandes d'immigration présentées par des étrangers" à toutes les personnes chargées de l'application du programme d'immigration. Ce document complète la politique de contrôle adoptée par la GRC par suite de la décision du Cabinet datée du 5 février 1947:

[traduction] Tous les candidats à l'immigration originaires de Russie, d'Allemagne, d'Autriche et d'Italie doivent obtenir une attestation de sécurité avant de se voir délivrer un visa, à l'exception des épouses et des enfants mineurs ainsi que des fiancées des militaires lorsque celles-ci ne sont pas des sujets de pays ennemis. Les personnes déplacées font l'objet d'un contrôle dans le territoire occupé en vertu de mesures spéciales prises par la GRC et le CIR84.

La directive no 1 précisait que le Comité intergouvernemental des Nations Unies sur les réfugiés85 avait accepté de réunir des personnes déplacées visées par son mandat afin qu'elles soient interrogées par les équipes d'immigration canadiennes envoyées dans les territoires occupés à cette fin et de prendre les mesures nécessaires pour assurer le transport au Canada des personnes ayant obtenu un visa.

[208]M. d'Ombrain a déclaré dans son témoignage que la directive no  1 donnait des directives opérationnelles aux agents d'immigration au sujet de l'attestation de sécurité. Même si c'était en réalité la GRC qui devait s'occuper de telles attestations, les subalternes de M. Jolliffe y étaient informés de la politique qui serait suivie.

[209]La directive no 1 prévoyait toutefois aussi que le contrôle de sécurité des personnes admissibles en vertu de l'article 4 du décret C.P. 1931-695 serait "effectué différemment" en ce sens que les compagnies de transport et les autres organisations recrutant des candidats à l'immigration fourniraient les renseignements nécessaires à l'agent d'immigration; il semble que l'on prévoyait que le contrôle consisterait en une sélection administrative plutôt qu'en une entrevue personnelle86 . De même, la directive no  3 aux agents des visas canadiens, datée du 29 juillet 1947 et donnée par le directeur par intérim de l'Immigration, exposait encore une fois des procédures de contrôle de sécurité différentes pour les immigrants admissibles au Canada en vertu du décret C.P. 1931-695. Une sélection administrative était envisagée dans le cas des immigrants admissibles au Canada en vertu de l'alinéa 4b) du C.P. 1931-695 lorsqu'ils étaient recrutés par les services de la colonisation du CP et du CN. Même si les demandes des candidats visés par l'alinéa 4c) du C.P. 1931-695 devaient être traitées à l'aide du formulaire 55, ce document ne précise pas si le contrôle de sécurité devait consister en une entrevue personnelle ou en une simple vérification administrative87.

[210]Comme nous l'avons mentionné plus haut, la GRC a préparé un rapport non daté intitulé [traduction] "Contrôle de sécurité des immigrants" qu'elle a présenté au conseil de sécurité sous la forme d'une note de service datée du 30 mars 1948. D'après M. d'Ombrain, ce rapport faisait état de ce qui s'était jusqu'alors passé relativement au contrôle de sécurité depuis la décision du Cabinet datée de février 1947. Il donnait aussi un aperçu de la manière dont le contrôle de sécurité était effectué88 . On y trouvait ce qui suit relativement à la méthode employée:

[traduction] Cinq catégories d'immigrants sont traitées suivant des méthodes qui varient dans chaque cas et qui ont été acceptées par l'Immigration et la GRC. Ce sont les suivantes:

    a) Proches parents-Répondants résidant au Canada.

    b) Proches parents-Personnes déplacées. Répondants résidant au Canada.

    c) Personnes déplacées-Emmenées en vertu de leur appartenance à des catégories d'emploi particulières.

    d) Agriculteurs-Choisis par les représentants des services de colonisation des compagnies de chemins de fer.

    e) Tous les autres immigrants n'entrant pas dans les quatre premières catégories et pouvant être admis en vertu d'un décret spécial, tels les commis, les enseignants, les membres de professions libérales, les travailleurs scientifiques, etc.

Les principales distinctions qui existent entre les diverses méthodes d'examen sont celles qui existent entre la méthode qui est suivie pour les catégories b) et c) (personnes déplacées) et celle qui est suivie dans le cas des catégories a), d) et e).

Les personnes déplacées sont reçues en entrevue dans leur camp. Leurs papiers sont examinés et une vérification est faite dans les dossiers disponibles.

Les demandes présentées par les autres candidats à l'immigration-catégories a), d) et e)-sont comparées aux dossiers que possèdent nos contacts, mais le candidat n'est pas lui-même interrogé par l'enquêteur de sécurité. [Non souligné dans l'original.]

[211]L'objectif de ce rapport de la GRC était de renseigner le conseil de sécurité sur le contrôle des immigrants en général. Il est raisonnable de penser qu'il couvrait toutes les méthodes utilisées à cette époque pour contrôler les candidats à l'immigration. Il est clair que le défendeur n'entrait pas dans les catégories a) ou b) puisqu'il n'était pas un proche parent. Il n'entrait pas non plus dans la catégorie e).

[212]Il semble donc que le défendeur entrait soit dans la catégorie c) soit dans la catégorie d). D'après le témoignage de M. Martineau, une personne allant travailler sur la ferme d'un oncle pouvait être considérée comme un "ouvrier agricole" entrant dans la catégorie des travailleurs en général89 . Le défendeur aurait donc été classé dans la catégorie c) de la liste du 30 mars 1948. Il aurait donc été reçu en entrevue personnelle90.

[213]Il se peut aussi, toutefois, que le demandeur ait fait partie de la catégorie d) de la liste du 30 mars 1948, en particulier s'il a été admis au Canada en vertu de l'alinéa 4b) du décret C.P. 1931-695, ce qui, de l'aveu du demandeur, est probable. Lors de son contre-interrogatoire, M. St. Vincent a reconnu qu'il avait appris en septembre 1948 que certains agents d'immigration croyaient que le processus de contrôle applicable aux agriculteurs était différent de celui qui s'appliquait aux personnes déplacées en général. Lorsqu'on lui a demandé ce qu'il avait appris au sujet des agriculteurs en septembre 1948, M. St. Vincent a dit ce qui suit:

[traduction] R. De nombreuses personnes prétendaient que la procédure était différente pour les agriculteurs; nous pensions toutefois qu'on entendait par agriculteurs les personnes qui présentaient une demande pour venir s'installer au Canada sur des terres offertes par le Canadien Pacifique ou par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, ou pour acheter des terres offertes par les services de colonisation des provinces de l'Ouest.

Q. Vous dites "de nombreuses personnes prétendaient". Quelles étaient ces personnes?

R. Ces personnes"qui prétendaient quoi?

Q. Qui prétendaient qu'il y avait une politique différente pour les agriculteurs.

R. Oui; qu'elle ne s'appliquait pas à nous lorsqu'il était question d'ouvriers agricoles.

Q. Monsieur, vous avez dit que "de nombreuses personnes prétendaient qu'il existait une politique différente pour les agriculteurs". Qui disait cela?

R. Les agents d'immigration qui discutaient avec nous91.

Ainsi, tandis que M. St. Vincent et M. Martineau semblent se souvenir clairement, d'après ce qu'ils faisaient eux-mêmes, de la méthode qui était constamment utilisée pour contrôler les personnes déplacées, des personnes qui se trouvaient sur le terrain ont déclaré que d'autres agents d'immigration considéraient en 1948 que les agriculteurs en général92 ne devaient pas faire l'objet d'un contrôle de sécurité consistant en une entrevue personnelle. Si un agent pensant ainsi avait contrôlé le défendeur, celui-ci n'aurait fait l'objet que d'un contrôle administratif.

[214]Pour démontrer que le défendeur avait probablement été reçu en entrevue, le demandeur devait établir que l'agent qui a examiné son dossier l'avait classé dans la catégorie c) plutôt que dans la catégorie d) de la liste du 30 mars 1948. La preuve dont j'ai été saisi ne me permet pas de tirer une conclusion définitive sur ce point et, en conséquence, je dois conclure que le demandeur ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve à cet égard.

Formulaires

[215]Le demandeur soutient néanmoins que peu importe que le contrôle ait pris la forme d'une entrevue personnelle ou d'une sélection administrative, le défendeur aurait dû remplir un formulaire dans lequel il aurait dû fournir des renseignements au sujet de ses activités pendant la guerre. Le demandeur estime que si le défendeur avait révélé ses véritables activités pendant la guerre, il lui aurait été interdit d'entrer au Canada.

[216]La preuve indique que l'oncle du défendeur a rempli un formulaire 55, une demande de parrainage. Dans ce formulaire, on ne demandait pas expressément au candidat à l'immigration de donner des détails sur son service militaire ou sur ses activités pendant la guerre. Quant aux antécédents professionnels, on demandait simplement au candidat de préciser son emploi actuel ainsi que l'emploi envisagé au Canada. Le défendeur a inscrit "agriculture" dans les deux cases de son formulaire 55.

[217]Le défendeur affirme qu'il n'a rempli aucun autre formulaire; on peut donc se demander si les autorités canadiennes de l'immigration utilisaient couramment d'autres formulaires en juillet 1948 et, le cas échéant, si ces formulaires auraient permis d'obtenir le type de renseignements susceptibles d'entraîner le refoulement du défendeur sur le fondement des critères de sécurité applicables. Le demandeur fait valoir à cet égard que l'agent de sécurité avait entre les mains une demande de visa canadien et des documents de l'OIR qui lui auraient ainsi fourni ces renseignements.

[218]En février 1947, M. Jolliffe a fait parvenir à M. Cotsworth, commissaire par intérim de l'immigration européenne, une lettre dans laquelle il était notamment question du contrôle de sécurité des personnes déplacées en Allemagne, en Autriche et en Italie. Après avoir informé M. Cotsworth qu'aucun formulaire 55 ne serait approuvé avant que les agents de la GRC travaillant en collaboration avec les équipes d'immigration envoyées en Europe n'aient effectué le contrôle de sécurité, M. Jolliffe a dit ce qui suit:

[traduction] Quant à l'utilisation du formulaire 55 approuvé comme demande de visa, cette mesure a pour but de ne pas avoir à constituer des dossiers non nécessaires. Le formulaire 55 contient tous les renseignements essentiels à l'exception de ceux qui figurent dans les passeports et ceux-ci peuvent être notés dans l'espace réservé à l'administration au verso du formulaire où le tampon du visa peut aussi être apposé. Ce dossier devrait être suffisant pour l'agent des visas. De toute façon, ce n'est qu'au cours d'un interrogatoire que l'agent peut s'assurer que tout est en ordre et, advenant le cas où un visa serait refusé, il aura besoin d'un dossier plus complet que le formulaire de demande de visa. En cas de doute, l'agent effectuant l'interrogatoire pourrait juger utile de demander au candidat de remplir une demande de visa, mais cette mesure ne devrait pas être la règle93. [Non souligné dans l'original.]

La preuve documentaire montre donc qu'une directive du directeur de l'Immigration précisait que le seul formulaire nécessaire était le formulaire 5594. Si, contrairement à la directive de M. Jolliffe, d'autres formulaires de demande étaient utilisés à l'époque où le défendeur a présenté sa demande d'immigration au Canada, il reste à savoir si le formulaire en question aurait permis de recueillir des précisions sur les activités du défendeur pendant la guerre.

[219]Le demandeur a reconnu que, jusqu'en 1953, on ne demandait pas dans les formulaires de l'immigration de précisions sur le service militaire en temps de guerre. Dans un formulaire utilisé après le 21 août 1950, on demandait des détails non pas sur le service militaire, mais plutôt sur les emplois occupés au cours des dix années précédentes. À première vue, ce formulaire aurait couvert le service militaire jusqu'en 194095. On n'a toutefois pas démontré qu'un formulaire de ce genre était utilisé pendant la période qui nous concerne. De plus, un bon nombre de formulaires utilisés dans les années 1940 existent encore. On ne demandait pas au candidat à l'immigration dans les formulaires qui ont été produits relativement à la période pertinente des détails sur son service militaire, ses activités pendant la guerre ou ses emplois au cours des dix années précédentes96. Certains de ces formulaires exigeaient tout au plus que le candidat à l'immigration précise ses emplois antérieurs; un espace restreint était réservé à cette fin sur le formulaire.

[220]MM. Martineau et St. Vincent ont tous les deux déclaré dans leur témoignage que les dossiers qu'ils se rappelaient avoir eus entre les mains comportaient une demande de visa d'immigration de même qu'un formulaire 55 lorsque le candidat était parrainé. Ils ont aussi ajouté que le formulaire de demande de visa contenait toujours des questions sur l'emploi et le lieu de résidence du requérant au cours des dix années précédentes97.

[221]J'accepte les témoignages de MM. Martineau et St. Vincent en ce qui a trait à leur manière de traiter les dossiers. Néanmoins, on n'a produit aucun formulaire confirmant la procédure qu'ils suivaient à l'époque en cause en l'espèce. Les formulaires qui ont été produits à cet égard exigeaient tout au plus un très court résumé des antécédents professionnels du candidat. Qui plus est, les directives de M. Jolliffe montrent clairement que, dans le contexte de l'immigration européenne, on considérait en 1948 que le formulaire 55 contenait toutes les données sur papier nécessaires au traitement des visas. La preuve n'établit pas l'existence d'une pratique uniformément suivie qui me permettrait de conclure que le défendeur a dû remplir un formulaire canadien dans lequel il a dû préciser les emplois occupés pendant les dix années précédentes.

[222]On doit aussi se demander si le défendeur aurait été requis d'indiquer ses emplois des dix dernières années dans les documents de l'OIR. MM. Martineau et St. Vincent ont tous les deux déclaré que le dossier qui leur a été soumis contenait des documents de l'OIR98. M. Martineau a ajouté que l'un de ces documents contenait des renseignements sur le lieu de résidence et les emplois occupés pendant une période de dix ans99.

[223]Même si le demandeur n'a pas présenté d'arguments précis à cet égard100, il est sous-entendu que, si on présume qu'il a rempli un tel formulaire, le défendeur aurait trompé les autorités canadiennes de l'immigration sur des faits essentiels en y donnant de faux renseignements. Il faudrait à tout le moins démontrer que les représentants de l'immigration se sont servis des renseignements contenus dans ce formulaire et que le défendeur savait que les autorités canadiennes le feraient. À cet égard, M. Martineau a dit qu'il [traduction] "ignorait à toutes fins pratiques ce qu'il y avait dans le formulaire [de l'OIR]". De plus, d'après un rapport adressé le 30 mars 1948 par la GRC au conseil de sécurité, l'OIR avait été infiltrée par les communistes et on ne pouvait pas considérer que les renseignements qu'elle fournissait étaient fiables101 .

[224]Ainsi, compte tenu de la preuve dont j'ai été saisi, on n'a pas démontré que le demandeur aurait rempli une demande de visa canadien dans laquelle il aurait dû fournir des renseignements sur ses activités pendant la guerre ou qu'il aurait rempli un formulaire de l'OIR dont se serait servi l'agent de sécurité examinant sa demande.

3. QUELS ÉTAIENT EN JUILLET 1948 LES CRITÈRES APPLICABLES DANS LE CADRE DU CONTRÔLE DE SÉCURITÉ?

[225]Même si le défendeur avait rempli des formulaires dans lesquels il aurait indiqué ses emplois antérieurs et s'il avait été reçu en entrevue, il est peu probable que les critères de sécurité applicables en juillet 1948 auraient empêché son admission au Canada.

[226]M. d'Ombrain a déclaré dans son témoignage qu'en 1948, la collaboration était [traduction] "une interdiction générale" appliquée par les agents de sécurité partout en Europe. Il affirme dans son affidavit que les critères de sécurité visant les activités en temps de guerre sont restés les mêmes longtemps après juillet 1948102 . Pour l'essentiel, il était d'avis qu'en 1948, le concept de "collaborateur" devait encore être précisé103 et qu'il servait d'interdiction générale à l'égard de toute personne qui avait [traduction] "collaboré ou travaillé pour toute division des forces armées allemandes, notamment les organisations de police"104. À l'appui de cette opinion, M. d'Ombrain rappelle le rapport que la GRC a soumis le 30 mars 1948 au conseil de sécurité:

[traduction] Les personnes déplacées portant des marques du groupe sanguin d'un combattant d'une unité de choc nazie sont refoulées pour des raisons de sécurité. De la même manière, les personnes originaires des pays occupés par les Allemands dont on sait qu'elles ont collaboré avec la machine nazie ou ont servi volontairement dans les forces allemandes sont refoulées105.

[227]Même si, dans son affidavit, M. d'Ombrain considère ce passage comme un énoncé de politique106, il n'est pas présenté ainsi dans le rapport auquel il fait référence. Cet énoncé figure sous la rubrique [traduction] "Notes sur certains cas", et il se trouve à la fin du rapport avec l'exposé de quatre situations factuelles isolées qui, selon la GRC, se sont présentées sur le terrain.

[228]Ce qui est significatif c'est qu'il s'agit du seul document contemporain auquel renvoie M. d'Ombrain dans son affidavit comme preuve de son affirmation que, suivant la politique gouvernementale, l'admission au Canada était de façon générale interdite aux collaborateurs en juillet 1948, époque à laquelle le défendeur a obtenu son droit d'admission. M. d'Ombrain s'appuie sur de nombreux documents et, à l'exception de celui qui est mentionné, ces documents ont été rédigés entre 1949 et 1959107.

[229]J'ouvre ici une parenthèse pour faire remarquer que, même si d'un point de vue technique, on peut se fier à des documents ultérieurs pour confirmer une situation antérieure lorsqu'il est possible de démontrer que cette situation est restée relativement constante, il devient totalement non approprié de le faire lorsque la situation change ou évolue rapidement108. Telle était la situation dans le cas du contrôle de sécurité en 1948 lorsque le nombre annuel d'immigrants originaires d'Europe continentale est passé de 15 590 à 71 976109 et que la GRC se débattait pour se conformer à la directive du Cabinet lui enjoignant de maintenir le contrôle de sécurité sans entraver l'afflux d'immigrants110.

[230]Le seul autre document auquel renvoie M. d'Ombrain dans son affidavit et qui est censé exprimer la politique de contrôle en vigueur en 1948111 est un projet de mémoire daté du 16 septembre 1949, adressé à Louis Saint-Laurent qui était récemment devenu premier ministre112. Le mémoire explique la politique de contrôle de sécurité telle qu'elle existait avant le 16 septembre 1949. L'objectif du programme de contrôle de sécurité est énoncé au paragraphe 3:

[traduction]

3. L'objectif du contrôle de sécurité serait le suivant:

    "Refuser l'admission aux personnes qui, en raison de leurs antécédents connus et de leur passé, ne seraient pas susceptibles de s'adapter au mode de vie canadien ni à notre forme démocratique de gouvernement".

[231]Il est indubitable que cet énoncé, aussi imprécis soit-il, exprimait la politique gouvernementale officielle sur la question du contrôle de sécurité de la moitié jusqu'à la fin des années 1940. C'est ce qui ressort des directives qui ont été données au sergent d'état-major Hinton lorsqu'il est parti pour la première fois à Londres à la fin de 1946. Après avoir reçu pour ordre de se conformer aux instructions verbales qu'il avait reçues au quartier général, on lui a rappelé l'objectif du programme dans les termes de l'énoncé de politique susmentionné113.

[232]Les instructions verbales données au sergent d'état-major Hinton et à ses successeurs concernaient notamment les catégories d'immigrants qui devaient être refoulés pour des raisons de sécurité. Telle était la situation en juillet 1948 lorsque le défendeur a obtenu son visa. Quant au fait que les agents de sécurité refoulaient des candidats à l'immigration en s'appuyant sur des instructions verbales, M. d'Ombrain a déclaré que les hommes sur le terrain travaillaient à partir de données qui n'étaient ni [traduction] "concrètes" ni "convenues"114.

[233]Vers le milieu de l'année 1948, on a décidé de modifier le système en place et de dresser par écrit une liste des critères applicables dans le cadre du contrôle de sécurité. Dans une lettre datée du 7 juillet 1948, le surintendant McClellan, officier en charge de la Division spéciale, a demandé au major Wright, qui, à l'époque, supervisait le contrôle de sécurité en Europe, de préparer une liste des [traduction] "raisons pour lesquelles nos hommes refoulent à l'heure actuelle des candidats". [Soulignement ajouté.] La lettre se terminait ainsi: [traduction ] "Il est crucial que les motifs de refoulement soient exposés aussi clairement que possible"115. [Soulignement ajouté.] Inutile de dire qu'il s'agissait d'une révision en profondeur de la politique appliquée sur le terrain. D'après la preuve, cela démontre que la GRC ne pouvait pas indiquer avec précision les critères de contrôle qu'appliquaient ses hommes en juillet 1948116.

[234]Avant que le major Wright ait pu terminer sa tâche, le surintendant McClellan lui a écrit une autre fois le 26 juillet 1948 pour l'aviser que des agents de sécurité refoulaient des candidats pour le motif qu'ils étaient sujets de pays ennemis. Il a informé le major Wright que ce motif de refoulement ne pouvait être invoqué que par les agents des visas. En conséquence, il a donné l'instruction suivante au major Wright:

[traduction] Nous donnerons le feu vert en matière de sécurité à la condition qu'il n'y ait pas d'autres motifs de refoulement tel le fait que la personne est un communiste connu, un criminel, un collaborateur, etc. La décision quant à savoir si elle devrait être acceptée ou non du seul fait de sa nationalité devrait être laissée à l'agent des visas117. [Non souligné dans l'original.]

[235]Cette lettre est importante pour deux motifs. Premièrement, elle confirme que les collaborateurs faisaient partie des catégories de personnes indésirables en juillet 1948 et, deuxièmement, elle établit que le major Wright le savait lorsqu'il a parachevé sa liste.

[236]Le major Wright a soumis sa liste au commissaire de la GRC dans une lettre datée du 11 août 1948. Le paragraphe d'introduction est ainsi conçu sous la mention "Politique de contrôle des visas":

[traduction] Pour faire suite à mon rapport du 20 du mois dernier, j'ai maintenant reçu un rapport du sergent Norfolk sur ce sujet118, et l'affaire a aussi été discutée avec le sergent Syron, qui est maintenant à Londres. En conséquence de quoi, et après avoir examiné l'affaire attentivement, je demande l'autorisation de citer ci-dessous une liste révisée précisant les raisons pour lesquelles nos hommes refoulent à l'heure actuelle des candidats que ce soit au bureau de Londres, en Allemagne ou ailleurs. [Non souligné dans l'original.]

Les "motifs de refoulement" sont ensuite énumérés:

[traduction]

a)    COMMUNISTE. Communiste connu. Personne soupçonnée d'être communiste. Agitateur communiste ou personne soupçonnée d'être un agent communiste.

b)    Membre des SS ou de la Wehrmacht allemande. Personne dont on découvre qu'elle porte des marques du groupe sanguin des SS (non-Allemands).

c)    Membre du parti nazi.

d)    Criminel (connu ou soupçonné de l'être). Joueur professionnel.

e)    Prostitué(e).

f)    Trafiquant du marché noir.

g)    Personne évasive ou qui ne dit pas la vérité lors de son interrogatoire.

h)    Défaut de produire les documents nécessaires au sujet de la date de son arrivée et de la durée de son séjour en Allemagne. Ces documents sont familiers à tous les agents de contrôle.

i)    Déclarations inexactes; usage d'un nom faux ou fictif.

j)    Après un interrogatoire approfondi et après réflexion, personne qui n'est pas considérée apte à être admise au Canada. Ceci englobe la preuve reçue (en Allemagne) indiquant que le candidat était peu enclin à travailler ou ne voulait pas le faire, et est en général paresseux119.

J'ouvre ici une parenthèse pour insister sur le fait que, d'après la preuve, les motifs énumérés dans la liste dressée par le major Wright auraient été recueillis sur le terrain au cours des enquêtes et des entrevues faites avec des agents de sécurité travaillant à l'endroit où le défendeur aurait fait l'objet d'un contrôle pendant la période précise où il aurait subi ce contrôle120. D'où l'importance de cette liste qui, par coïncidence, est censée indiquer précisément quelle était la situation en juillet 1948.

[237]Ce qu'il y a d'étonnant au sujet de cette liste, aux fins de la présente affaire, c'est qu'elle ne contient aucune interdiction générale relativement aux collaborateurs. Elle prévoit toutefois certains cas précis de collaboration qui donnent lieu à une interdiction; l'admission est interdite aux personnes qui entrent dans la catégorie b): "membre des SS ou de la Wehrmarcht allemande. Personne dont on découvre qu'elle porte des marques du groupe sanguin des SS (non-Allemands)", de même qu'aux membres du parti nazi121 . M. d'Ombrain a reconnu que les personnes ainsi décrites étaient des "collaborateurs" au sens attribué à ce terme à l'époque122 .

[238]Avant de commenter plus longuement la liste du major Wright, je crois utile d'examiner l'accueil que lui ont fait ses supérieurs au quartier général. Dans une lettre datée du 23 septembre 1948123, l'officier responsable de la Division spéciale a accusé réception de la liste et a demandé au major Wright de réfléchir à [traduction] "toute cette question en vue de pouvoir mettre en application la liste proposée". Il a ensuite dit: [traduction ] "Nous sommes d'accord avec les catégories spéciales établies"124 et a mentionné que [traduction] "on pourrait envisager d'étendre la portée de la liste proposée" en y incluant une "catégorie additionnelle d'immigrants indésirables" savoir "les collaborateurs résidant présentement dans un territoire antérieurement occupé". Il a souligné que [traduction ] "cette catégorie de personnes est décidément indésirable et nous pensons qu'elle devrait être incluse dans la liste". Après avoir proposé l'addition des "trotskystes" et des "membres du parti fasciste italien" à titre d'autres catégories prohibées, l'officier termine sa lettre en proposant au major Wright de revoir sa liste afin d'y ajouter ces autres motifs de refoulement.

[239]La liste définitive des critères de sécurité qui ont été ainsi établis est datée du 20 novembre 1948125 et comporte les trois motifs additionnels de refoulement qui ont été communiqués au major Wright; on a omis la catégorie j) qui figurait dans la liste du major Wright parce qu'on pensait que ce motif relevait des agents d'immigration. C'est pour cette même raison que les alinéas d), e) et f) ont finalement été supprimés dans la liste du 20 novembre 1948126. La liste du major Wright est pour le reste demeurée intacte127. Dans la mesure où les interdictions visant les collaborateurs sont concernées, les alinéas b) et c) n'ont pas été modifiés128, et l'alinéa k) de la liste du 20 novembre 1948 prévoyait un autre motif de refoulement, les "collaborateurs résidant présentement dans un territoire antérieurement occupé".

[240]Dans son affidavit, M. d'Ombrain ne parle pas de la liste du major Wright et ne la mentionne même pas. C'est très étonnant étant donné, comme je l'ai déjà mentionné, que ce document était censé établir les critères de sécurité applicables sur le terrain à l'époque précise où le défendeur a obtenu son visa. L'avocat du demandeur a fait remarquer dans ses observations que la décision de M. d'Ombrain de ne pas se reporter à ce document est attribuable au fait que la liste du major Wright est si manifestement incomplète que cela ne vaut pas la peine de la mentionner129.

[241]Le demandeur fait valoir qu'à l'époque où la liste du major Wright a été établie, la collaboration constituait une interdiction générale. La thèse du demandeur est que le major Wright a commis une erreur flagrante en n'indiquant pas les "collaborateurs" comme motif général de refoulement et que cette erreur a été rapidement corrigée par l'ajout de l'alinéa k): "collaborateurs résidant présentement dans un territoire antérieurement occupé". Les termes qualificatifs seraient du verbiage inutile, dénué de sens. D'après le demandeur, cet alinéa était censé exprimer une interdiction générale visant les "collaborateurs".

[242]En accord avec cela, M. d'Ombrain fait remarquer dans son affidavit que les termes [traduction] "sibyllins" "résidant présentement dans un territoire antérieurement occupé" ont été supprimés dix ans plus tard de sorte que l'interdiction visait alors les "collaborateurs" sans plus130 . Le demandeur soutient essentiellement que tel était l'objectif visé dès le départ et que le major Wright a commis un oubli inexplicable en ne prévoyant pas cette catégorie dans sa liste.

[243]Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vitols131, M. d'Ombrain aurait exprimé essentiellement le même point de vue:

En contre-interrogatoire, à la p. 671 de la transcription, M. d'Ombrain a parlé de la catégorie k) en particulier. Il a déclaré qu'il ne voyait pas du tout ce que cette catégorie voulait dire. Il a reconnu que cette catégorie ne semblait pas s'appliquer à une personne déplacée en Allemagne, parce qu'on ne pouvait pas considérer ce pays comme un territoire ayant déjà été occupé. M. d'Ombrain a déclaré qu'à son avis, cette catégorie était représentative du libellé très vague employé par la GRC pour dire quelque chose de très simple: les collaborateurs n'étaient pas autorisés à venir au Canada.

[244]Je ne crois pas que l'on puisse aussi facilement écarter la liste du major Wright qui a été dressée après la réception d'un rapport et des discussions sur cette question, et qui aurait fait l'objet d'un examen "minutieux".

[245]Il est important de souligner que la décision du Cabinet du 5 février 1947 qui, suivant M. d'Ombrain, devait régir la politique du contrôle de sécurité pendant toute la période en cause en l'espèce132, était le résultat d'une recommandation fondamentale du conseil de sécurité. Le conseil de sécurité avait fait la recommandation suivante:

[traduction] Le conseil souhaite réaffirmer l'importance du principe général du contrôle et signaler les dangers considérables associés au fait de permettre à des immigrants d'entrer au pays sans avoir fait l'objet d'une enquête. C'est particulièrement vrai des personnes provenant des pays situés dans la sphère d'influence soviétique où la preuve indique que l'émigration ne peut avoir lieu qu'avec l'autorisation du gouvernement en cause, et il semble subsister peu de doute que, dans tout groupe de personnes, un certain nombre recevront pour instructions de poursuivre les objectifs de leur gouvernement en s'installant au Canada. C'est pourquoi le conseil de sécurité se prononce contre l'abandon du contrôle de sécurité parce qu'il s'agirait d'une orientation très dangereuse133. [Non souligné dans l'original.]

[246]Cette recommandation montre bien que c'était la crainte de l'infiltration par les Soviétiques qui constituait la principale préoccupation des personnes qui ont jugé nécessaire de maintenir le système de contrôle de sécurité. Cette crainte des Soviétiques, qui était omniprésente depuis l'affaire Gouzenko, a pris des proportions démesurées avec l'intensification de la guerre froide. En mai 1948, deux mois avant que le défendeur n'obtienne son visa, le commissaire de la GRC a rétorqué ce qui suit aux allégations que ses hommes ne se montraient pas assez vigilants à l'égard des communistes:

[traduction] Je peux affirmer que c'est [la détection des communistes] notre principal souci à l'heure actuelle et tous les membres du personnel responsable de la sécurité sont pleinement conscients de ce fait134. [Non souligné dans l'original.]

[247]Même si M. d'Ombrain ne le mentionne pas dans son affidavit, la preuve documentaire indique aussi que, le 5 mars 1947, le Cabinet a décidé d'interdire expressément l'admission au Canada des communistes. Ce renseignement figure dans le projet de mémoire au premier ministre Saint-Laurent dont il a été question plus haut, dont le but était de l'informer de la situation qui existait avant 1949. Ce mémoire exposait au premier ministre les catégories de personnes jugées non admissibles pour des raisons de sécurité:

[traduction]

a)    Communiste connu ou personne fortement soupçonnée de l'être. Agitateur communiste ou personne soupçonnée d'être un agent communiste.

b)    Membre des SS ou de la Wehrmacht allemande. Personne dont on découvre qu'elle porte des marques du groupe sanguin des SS (non-Allemands).

c)    Membre du parti nazi.

d)    Personne évasive ou qui ne dit pas la vérité au cours de son interrogatoire.

e)    Défaut de produire des documents reconnaissables et acceptables au sujet de la date de son arrivée et de la durée de son séjour en Allemagne.

f)    Déclarations inexactes; usage d'un nom faux ou fictif.

g)    Collaborateurs résidant présentement dans un territoire antérieurement occupé.

h)    Membre du parti fasciste italien ou de la mafia.

i)    Trotskyste ou membre d'un autre mouvement révolutionnaire.

Suivait la mise en garde suivante:

[traduction] La seule catégorie visée par une directive précise du Cabinet est celle des communistes. Le 5 mars 1947, il a été convenu que lorsqu'il est démontré, par suite d'une enquête de sécurité, qu'un candidat à l'immigration est un communiste, la Direction générale de l'immigration devrait lui refuser l'admission sans motiver sa décision. [Non souligné dans l'original.]

Le paragraphe se terminait ainsi:

[traduction] Il ressort des dossiers que l'on a longuement examiné la question de savoir si la Loi de l'immigration devrait être modifiée afin d'exclure certaines catégories de personnes indésirables telles les nazis, les fascistes et les criminels de guerre, ou si le problème devrait être réglé par voie administrative. Les décisions prises favorisaient cette dernière façon de procéder135.

[248]Le Cabinet a donc donné, le 5 mars 1947, une directive interdisant l'admission des communistes. Le demandeur n'a pas produit la directive ni aucun des documents connexes à celle-ci probablement parce que, comme ce fut le cas de nombreux autres documents manquants, ils ont été détruits dans le cadre des programmes de destruction de documents autorisés par le gouvernement.

[249]Nous sommes néanmoins en mesure de savoir qu'en mars 1947, les craintes du Cabinet à l'égard de la menace pour la sécurité que représentaient les communistes étaient telles qu'une directive interdisant expressément leur admission a été jugée souhaitable. Il faut également présumer que cette directive a été communiquée aux personnes chargées de l'appliquer, savoir les agents de sécurité travaillant en Europe. Il est aussi évident que le Cabinet a jugé qu'une telle directive n'était pas nécessaire pour les autres catégories de personnes indésirables et que les agents de sécurité devaient le savoir.

[250]M. d'Ombrain ne parle pas de cette décision du Cabinet dans son affidavit; pourtant, il en était question dans l'un des documents qu'il a examiné en détail136. Cette directive particulière du Cabinet qui avait pour but de contrer la menace la plus importante à la sécurité existant à cette époque ne peut pas avoir été considérée comme une question banale, dénuée d'importance.

[251]Il faut rappeler que le demandeur était d'avis que la liste du major Wright était fondamentalement déficiente parce qu'il n'y était pas question des collaborateurs en général et que l'addition ultérieure de l'alinéa k) "collaborateurs résidant présentement dans un territoire antérieurement occupé" avait pour but de remédier à cette lacune. On a dit que les autres termes complétant le mot "collaborateurs" étaient superflus et que l'objectif visé, d'après M. d'Ombrain, était d'interdire l'admission au Canada aux collaborateurs en général. La contestation de la liste du major Wright repose donc entièrement sur le fait que l'alinéa k) visait les collaborateurs en général.

[252]Comme M. d'Ombrain a été obligé de le reconnaître au cours de son contre-interrogatoire, les termes "collaborateurs résidant présentement dans un territoire antérieurement occupé" ne sont pas dénués de tout sens logique. Après qu'il eut reconnu qu'en 1948, le communisme était un sujet de préoccupation et qu'on savait que les Soviétiques avaient recours au chantage pour engager des agents, on a demandé à M. d'Ombrain si les collaborateurs qui résidaient en 1948 dans un territoire antérieurement occupé étaient particulièrement vulnérables au chantage. M. d'Ombrain a été forcé d'admettre que tel était le cas et que c'était, en fait, une explication pour une phrase à laquelle il ne pouvait autrement attribuer de sens. Les passages pertinents du contre-interrogatoire sont les suivants:

[traduction] Étant donné votre formation et votre connaissance des questions de sécurité en général ainsi que votre analyse de ce problème de sécurité, nous pouvons tout d'abord admettre, n'est-ce pas, que les forces de sécurité canadiennes faisaient preuve de vigilance pour empêcher des espions éventuels de venir au Canada?

R. Oui.

Q. Et [. . .] que [. . .] les forces de sécurité sont habituellement sur le qui-vive à l'égard des personnes qui peuvent faire l'objet de chantage?

R. Oui, bien sûr.

Q. Et au cours de la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, c'était particulièrement vrai[. . .] les forces de sécurité étaient conscientes de cette possibilité et considéraient que ces personnes pourraient éventuellement être victimes de coercition de la part des Soviétiques?

R. Oui, sans aucun doute.

Q. Et nous admettons que si une personne était un collaborateur, c'est-à-dire si elle avait collaboré avec les Allemands à un haut niveau ou de manière secrète pendant la guerre et habitait après la guerre dans un territoire antérieurement occupé, c'est-à-dire un pays du rideau de fer, ou en Belgique, ou en France, ou en Hollande, et s'il s'agissait d'un collaborateur mais que ce fait n'était pas connu, cela créerait une faiblesse qui pourrait être exploitée par les Soviétiques?

R. Il s'agirait certes d'une sorte de collaboration dont se préoccuperaient les autorités chargées de la sécurité.

    [. . .]

Ainsi, pour cette catégorie particulière d'anciens collaborateurs qui vivaient encore dans le territoire antérieurement occupé, en Europe de l'Ouest ou en Europe de l'Est, le service de sécurité ne voudrait pas, s'il en avait le choix, que ces individus viennent au Canada parce qu'elles pourraient éventuellement être victimes de coercition de la part des Soviétiques?

R. C'est exact137.

M. d'Ombrain a donc reconnu que les termes en question, qu'il avait jugés "sibyllins" jusqu'alors, avaient un sens logique et étaient, en fait, faciles à comprendre en 1948. Une fois qu'on la comprend bien, on peut dire de cette interdiction qu'il s'agissait d'un critère ayant principalement pour but de contrer l'infiltration soviétique. Le sens attribué à ces termes dépendait manifestement de l'époque et du lieu138 , de sorte qu'ils auraient perdu leur signification avec les années. Il n'est donc pas étonnant qu'on ait progressivement cessé d'en tenir compte et qu'ils aient été supprimés en 1958. Cependant, lorsque ces mots ont été inclus pour la première fois, ils avaient une signification.

[253]Si on examine l'affaire sous un autre angle, l'accueil qu'a reçu la liste du major Wright au quartier général ne permet pas d'alléguer qu'elle était manifestement incomplète. S'il avait été clair pour tout le monde qu'il existait une interdiction générale à l'égard des collaborateurs comme le prétend le demandeur, la réaction à la liste du major Wright aurait dû le faire ressortir d'une façon ou une autre. Cependant, d'après la preuve, la liste du major Wright a reçu un accueil favorable. Le major a reçu pour instruction de prendre les mesures nécessaires pour qu'elle soit appliquée, notamment les alinéas b) et c) qui, comme nous l'avons vu, visaient les collaborateurs quoique de façon très limitée.

[254]Ces interdictions limitées concernant les collaborateurs qui, selon le major Wright, auraient été appliquées sur le terrain en juillet 1948 ne peuvent pas être attribuées au fait qu'il ignorait que les "collaborateurs" tout comme les "communistes" et les "criminels" faisaient partie des catégories interdites. Comme nous l'avons vu, peu de temps avant de communiquer sa liste, le major Wright a reçu des instructions lui rappelant ces catégories de personnes indésirables. La liste du major Wright semble indiquer qu'en juillet 1948, l'interdiction concernant les collaborateurs visait les personnes qui avaient collaboré de la manière indiquée aux alinéas b) et c). Le 20 novembre 1948, c'est-à-dire après que le demandeur aurait fait l'objet d'un contrôle, on a aussi porté une attention particulière aux "collaborateurs résidant présentement dans un territoire antérieurement occupé" comme l'indique l'ajout qui a été fait à la liste du major Wright.

[255]À cet égard, je conclus qu'il s'agissait d'un nouveau critère et non de l'expression d'un motif de refoulement qui était déjà appliqué en juillet 1948. Même si on pouvait considérer que la réaction à la liste établie par le major Wright indiquait qu'il s'agissait d'un sujet de préoccupation au quartier général, les témoignages des hommes sur le terrain montrent que ce critère n'avait pas encore été appliqué en juillet 1948. Qui plus est, le ton de la lettre laisse fortement entendre que cet ajout était prospectif139.

[256]Ces exclusions limitées concernant les collaborateurs ne sont pas étonnantes dans le contexte de 1948. À cette époque, la GRC subissait des pressions pour qu'elle n'entrave pas l'afflux d'immigrants au Canada. La décision du Cabinet de février 1947 a été le résultat du fait que [traduction] "la procédure [de contrôle sécuritaire] [. . .] s'était révélée inadéquate pour faire face au nombre de demandes d'admission qui avaient été reçues"140 et que "la poursuite des procédures actuelles ralentirait l'immigration au point d'annihiler l'objectif visé par les règlements modifiés"141. Malgré ces problèmes, les catégories d'immigrants non admissibles ont été élargies, tandis que la GRC devait maintenir un contrôle de sécurité sans entraver l'afflux d'immigrants.

[257]La "collaboration" était un concept vague en 1948142 et tous les candidats originaires de territoires antérieurement occupés en Europe étaient susceptibles d'avoir aidé l'ennemi d'une manière ou d'une autre. Si on garde cela à l'esprit, il est peu vraisemblable que, si on avait appliqué en 1948 une interdiction générale en ce qui a trait à la collaboration, 70 000 immigrants auraient pu arriver par bateau au Canada en provenance de l'Europe continentale au cours de cette même année.

[258]À la fin des années 1940, les communistes figuraient au premier rang sur la liste des critères ayant été établis. Le Cabinet a senti le besoin de donner une directive interdisant l'admission au Canada des communistes sans donner de directive de ce genre aux agents de sécurité relativement aux autres catégories d'indésirables. Suivant le dossier, le commissaire de la GRC aurait affirmé que l'infiltration communiste était le principal mal contre lequel ses hommes devaient lutter en 1948. Il n'est pas étonnant, dans un tel contexte, de trouver l'énoncé suivant dans une note de service datée du 30 avril 1952 et adressée au conseil de sécurité:

[traduction] La politique de sécurité applicable en matière d'immigration interdit l'immigration des collaborateurs, mais jusqu'à présent, les cas ont été tranchés en fonction de leurs faits143.

[259]Même s'il existait une interdiction absolue empêchant l'admission des communistes pendant toute la période pertinente, on n'a pas démontré que tel était le cas des personnes indésirables décrites comme des collaborateurs en 1948. La liste du major Wright ne dénote pas l'interdiction générale qui aurait existé suivant M. d'Ombrain. Même si on a tenté de dénigrer cette liste, on ne m'a fourni aucun élément me permettant de l'écarter. M'appuyant sur l'ensemble de la preuve, je conclus qu'il est à tout le moins possible qu'en juillet 1948, les collaborateurs n'étaient exclus que dans la mesure indiquée par le major Wright à cette époque.

[260]Je conclus donc qu'en juillet 1948, les agents de sécurité n'appliquaient pas une interdiction générale visant les collaborateurs ou n'empêchaient pas les collaborateurs en général d'entrer au Canada, et que le défendeur ne faisait pas partie de la catégorie des collaborateurs auxquels il était interdit à l'époque d'entrer au Canada.

4. LE CONTRÔLE DE SÉCURITÉ DES IMMIGRANTS AVAIT-IL UN FONDEMENT JURIDIQUE EN JUILLET 1948?

[261]Enfin, je ne crois pas et ce, indépendamment de mes conclusions antérieures, que les agents de sécurité étaient légalement habilités, en juillet 1948, à refouler le défendeur pour le motif qu'il avait collaboré avec l'ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale.

[262]Comme le reconnaît le demandeur dans ses observations écrites, [traduction] "[i]l est clair que les dossiers historiques indiquent que le Cabinet considérait que les questions de sécurité étaient de la plus haute importance, mais ne voulait pas que la procédure de sécurité soit rendue publique"144. Non seulement la procédure elle-même était-elle secrète, mais son existence était elle aussi tenue secrète. Suivant M. d'Ombrain, c'est pour cette raison que le Cabinet a décidé de prévoir le contrôle de sécurité autrement que par voie législative en 1946. Cette décision a été mentionnée dans une lettre adressée par le conseil de sécurité au ministre des Mines et des Ressources:

[traduction] Lors de sa réunion du 19 août 1946, le conseil de sécurité a examiné la question du contrôle de sécurité des candidats à l'immigration eu égard à la décision récente du Cabinet que cette question devrait être réglée par voie administrative ministérielle plutôt que par voie législative145.

[263]La décision en cause a été prise le 5 août 1946; la voici:

[traduction] 3. Le ministre des Mines et des Ressources a demandé si le projet de loi visant à modifier la Loi de l'immigration devrait prévoir une catégorie additionnelle de personnes interdites englobant les membres du parti nazi, du parti fasciste, les criminels de guerre et d'autres groupes semblables.

On a examiné la possibilité d'inclure une sorte de principe général visant tous ces groupes, mais vu la difficulté que présentait la rédaction d'une clause acceptable, il a été proposé de ne pas inclure une interdiction spéciale de ce genre. Ce problème pouvait être réglé par une autre voie146.

Le contexte dans lequel cette question a été soumise au Cabinet est exposé dans une note de service datée du 24 juillet 1946147. En voici un extrait:

[traduction] Un sous-comité du conseil de sécurité a été formé le 8 juillet; il était chargé de formuler, à l'intention du ministre des Mines et des Ressources, une clause devant être incluse dans le nouveau Règlement sur l'immigration en cours de rédaction, afin de permettre le refoulement, pour des raisons de sécurité, de personnes souhaitant être admises au Canada.

Après de longues discussions, il a été décidé de soumettre à l'Immigration et au ministère de la Justice d'autres modifications (copies jointes) à la Loi de l'immigration. Ces modifications proposées ont été montrées à M. Robertson et à M. Heeney avant qu'ils ne partent, et ceux-ci ont douté de la pertinence de proposer une modification qui habilitait le ministre des Mines et des Ressources à attester que l'admission au Canada devrait être refusée à une personne pour le motif que cette personne était un nazi ou un fasciste ou qu'elle préconisait des opinions subversives allant à l'encontre d'un gouvernement démocratique. J'ai par la suite fait part officieusement de ces opinions à M. Jolliffe et à la GRC, et M. Jolliffe en a ensuite discuté avec son ministre.

Le ministre des Mines et des Ressources a maintenant décidé de soumettre une modification différente de celle proposée à l'origine par le sous-comité du conseil. Cette modification prendra la forme d'un paragraphe additionnel inséré à l'article 3 de la Loi de l'immigration, qui énumère les catégories de personnes interdites, et sera ainsi rédigée:

    "Ces personnes qui sont ou qui ont été membres du parti nazi ou du parti fasciste, de la gestapo ou de la Schutzstaffel, de la Sturm Abteilung ou de toute autre organisation ou parti auxiliaire appuyant le nazisme ou le fascisme, ou les personnes considérées comme des criminels de guerre par la Commission des Nations Unies pour les crimes de guerre".

    [. . .]

Même si cette modification devait être adoptée, elle ne confère pas le pouvoir de mettre en place une forme de contrôle des visas à l'étranger, et on a proposé au conseil qu'on devrait faire valoir devant le Cabinet que des visas devraient être refusés à des personnes pour des raisons de sécurité et que l'Immigration devrait donner suite à de tels refus par voie administrative jusqu'à ce que le conseil ait eu une autre occasion d'examiner les moyens permettant de traiter l'ensemble du problème.

[264]C'est par suite de la décision du Cabinet de traiter la question du contrôle de sécurité par "une autre voie"148 que le sergent d'état-major Hinton a été envoyé à Londres en octobre 1946 pour instaurer le processus de contrôle à l'étranger. Dans une lettre classée "secret", le commissaire de la GRC a donné au sergent d'état-major des [traduction ] "Directives à l'intention du personnel travaillant à l'étranger dans le cadre du contrôle des visas". Le sergent d'état-major Hinton a reçu, relativement aux critères applicables en matière de sécurité, les directives suivantes:

[traduction] 11. Pour décider quels facteurs rendent un candidat à l'immigration indésirable, vous vous reporterez aux instructions verbales données au quartier général. Vous prêterez aussi attention à tous les renseignements additionnels que vous serez en mesure d'obtenir de vos contacts du R.-U. quant au passé et au statut de toutes les organisations qui ne sont pas expressément visées ou que vous ne connaissez pas149. [Non souligné dans l'original.]

Cette façon de faire devait être suivie par le sergent d'état-major Hinton et ses successeurs jusqu'en novembre 1948. Elle fait évidemment ressortir le secret qui entourait les critères applicables en matière de contrôle de sécurité ainsi que les moyens pris par la GRC pour empêcher que ces renseignements ne tombent entre de mauvaises mains.

[265]Alors que les agents de sécurité refoulaient des candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité en s'appuyant sur des instructions verbales, les agents d'immigration appliquaient la Loi de l'immigration150 qui continuait de prévoir des motifs précis de refoulement. L'article 3 de la Loi prévoyait notamment ce qui suit:

3. Nul immigrant, passager, voyageur, ni autre individu, à moins qu'il ne soit citoyen du Canada ou n'ait un domicile au Canada, n'est admis à entrer ou à débarquer au Canada, ou, s'il y est débarqué ou y est entré, n'est admis à y rester, s'il appartient à l'une des catégories suivantes, ci-après appelées "catégories interdites", savoir:

    [. . .]

d) Les personnes qui ont été trouvées coupables ou ont avoué avoir perpétré quelque crime impliquant turpitude morale;

    [. . .]

i) Les personnes qui n'observent pas les conditions et exigences de règlements alors en vigueur et qui sont applicables à ces personnes sous le régime de la présente loi, ou n'y répondent pas ou ne s'y conforment pas;

    [. . .]

p) Les étrangers de nationalité ennemie ou les personnes qui ont été des étrangers de nationalité ennemie et qui étaient ou peuvent être internés dans toute partie des possessions de Sa Majesté, ou par tout allié de Sa Majesté, le ou après le onzième jour de novembre mil neuf cent dix-huit;

q) Les personnes coupables d'espionnage à l'égard de Sa Majesté ou de tout allié de Sa Majesté;

r) Les personnes jugées coupables de haute trahison ou de trahison ou de conspiration contre Sa Majesté, ou d'avoir aidé en temps de guerre les ennemis de Sa Majesté, ou de tout crime semblable contre tout allié de Sa Majesté;

[266]L'article 38 de la Loi de l'immigration conférait aussi au gouverneur en conseil un large pouvoir discrétionnaire lui permettant d'interdire ou de restreindre, par proclamation ou arrêté, l'admission au Canada des immigrants:

38. Le gouverneur en son conseil peut, par proclamation ou arrêté, lorsqu'il le juge nécessaire ou à propos,

    [. . .]

c) Interdire, pendant une période de temps déterminée ou d'une manière permanente, le débarquement au Canada ou le débarquement à tous les ports d'entrée désignés, au Canada, ou limiter le nombre d'immigrants appartenant à quelque nationalité ou race, ou d'immigrants d'une catégorie ou occupation particulière, à cause d'une situation économique, industrielle ou autre régnant temporairement au Canada, ou parce que ces immigrants sont jugés impropres, eu égard aux conditions ou exigences climatériques, industrielles, sociales, éducationnelles, ouvrières ou autres du Canada, ou parce que ces immigrants sont considérés comme non désirables par suite de leurs coutumes, habitudes, modes de vie et méthodes particulières de posséder des biens, et vu leur probable inaptitude à s'assimiler facilement ou à assumer les devoirs et les responsabilités du citoyen canadien dans un temps raisonnable après leur arrivée au pays.

[267]Quatre arrêtés de ce genre étaient en vigueur à l'été 1948. Le décret C.P. 4849151, pris le 6 décembre 1947, a abrogé et refondu l'ancien décret C.P. 1931-695 et prévoyait notamment ce qui suit:

[. . .] en vertu des dispositions de l'article 38 de la Loi de l'immigration, chapitre 93, Statuts révisés du Canada, 1927, il plaît à Son Excellence le Gouverneur général en conseil de rendre par le décret suivant, en remplacement des règlements abrogés par les présentes:

    DÉCRET

À compter de la date des présentes, et jusqu'à nouvel ordre, il est interdit aux immigrants de toutes catégories et professions, de débarquer au Canada, sauf dans les cas prévus ci-après:

Le préposé de l'immigration peut permettre de débarquer au Canada à un immigrant qui, par ailleurs, se conforme aux dispositions de la Loi de l'immigration, s'il est démontré à sa satisfaction que cet immigrant est

    [. . .]

4.    a)    Un agriculteur qui a les moyens suffisants pour se livrer à la culture de la terre au Canada.

    b)    Un agriculteur qui entre au Canada en vue de se livrer à la culture de la terre avec l'une des personnes suivantes ou avec son aide, savoir: son père, son beau-père, son fils, son gendre, son frère, son beau-frère, son oncle ou son neveu, dont l'agriculture est la principale occupation, et qui est en mesure de recevoir un tel immigrant et de l'établir sur une ferme, et qui y consent.

    c)    Un ouvrier agricole qui entre au Canada en vue de se livrer à un emploi agricole assuré.

    d)    Une personne expérimentée dans le travail des mines, du bois ou de la forêt, qui entre au Canada en vue de se livrer à un emploi assuré dans l'une de ces industries.

Le décret C.P. 4850152, pris le 26 novembre 1947, prévoyait ce qui suit:

Sur le même avis conforme et en vertu des dispositions de l'article 38 de la Loi de l'immigration, chapitre 93, Statuts révisés du Canada, 1927, il plaît à Son Excellence le Gouverneur général en conseil d'ordonner par les présentes ce qui suit:

À compter de la date des présentes, et jusqu'à nouvel ordre, il est interdit aux étrangers ennemis d'entrer ou de débarquer au Canada.

Toutefois, il doit être entendu que le présent décret n'est pas censé exclure les personnes rangées dans la catégorie ci-dessus définie, qui convainquent le ministre des Mines et des Ressources qu'elles étaient opposées à un gouvernement ennemi;

En outre, il doit être entendu que le présent décret n'est pas censé exclure les ressortissants de Finlande, de Hongrie, d'Italie et de Roumanie, pays avec lesquels des traités de paix ont été ratifiés par le Canada.

Le décret C.P. 4851153, pris le 26 novembre 1947, prévoyait notamment:

Sur le même avis conforme et en vertu des dispositions de l'article 37 de la Loi de l'immigration, chapitre 93, des Statuts révisés du Canada, 1927, il plaît à Son Excellence en conseil d'établir et d'édicter par le présent décret les règlements suivants, en remplacement des règlements abrogés par les présentes:

À compter de la date des présentes, toute personne qui cherche à entrer [sic] périmé délivré par le pays duquel une telle personne est sujet ou citoyen. Toutefois:

    [. . .]

2.    Le passeport de tout étranger partant directement ou indirectement d'Europe doit porter le visa d'un fonctionnaire d'immigration canadien posté en Europe;

    [. . .]

4.    Un papier de voyage établissant l'identité du titulaire peut être accepté, au lieu d'un passeport, à l'égard d'un immigrant qui a été déplacé de son pays d'origine par suite de la guerre et qui n'a pas en sa possession un passeport valide.

Enfin, le décret C.P. 2180, pris le 6 juin 1947, et modifié par divers autres décrets, dont le décret C.P. 1628, pris le 23 avril 1948, prévoyait que 30 000 personnes déplacées originaires d'Europe pouvaient être immédiatement admises au Canada.

[268]Les agents d'immigration étaient chargés d'appliquer ces décrets, les interdictions qu'ils prévoyaient ainsi que celles qui découlaient de la Loi de l'immigration. Les agents de sécurité étaient chargés du contrôle de sécurité et du refoulement des candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité. Comme on pouvait s'y attendre, des différends ont opposé les membres des équipes envoyées en Europe relativement à leurs champs de compétence respectifs. Le fait que les agents de sécurité s'appuyaient sur des instructions verbales n'a servi qu'à compliquer la situation.

[269]Le 22 juillet 1948, le commissaire adjoint de la GRC, L. H. Nicholson, a fait allusion à une question suscitant de plus en plus la controverse:

[traduction] Ce problème s'est posé pendant que j'étais en Allemagne. Le refoulement d'une personne pour le motif qu'elle a la nationalité d'un pays ennemi est fait en vertu d'une directive du Cabinet et je ne pense pas qu'on devrait considérer qu'il s'agit d'un "refoulement pour raisons de sécurité"; cette décision devrait plutôt être laissée à l'agent d'immigration.

Si notre homme refoule une personne pour raisons de sécurité parce qu'elle a la nationalité d'un pays ennemi, il n'y a pas de droit d'appel. Si c'est l'agent des visas qui prend une telle décision, il y a un droit d'appel.

De plus, il y a des cas spéciaux où l'on n'applique pas la clause concernant la nationalité et où l'agent des visas reçoit des instructions à cet effet. Il y a eu des cas où notre homme a néanmoins ordonné le refoulement.

Je pense que, dans de tels cas, nous devons attester que la personne ne présente pas de danger pour la sécurité à la condition qu'il n'existe pas d'autres motifs de refoulement, savoir qu'il s'agit d'un communiste connu, d'un criminel, d'un collaborateur, etc. La décision de l'accepter ou non du fait uniquement de sa nationalité devrait être laissée à l'agent des visas154.

[270]Quatre jours plus tard, le major Wright, qui s'occupait à l'époque des opérations de contrôle de sécurité en Europe, a été informé du problème. On avait dit que [traduction] "[s]i notre homme refoule une personne pour raisons de sécurité parce qu'elle a la nationalité d'un pays ennemi, il n'y a pas de droit d'appel. Si c'est l'agent des visas qui prend une telle décision, il y a un droit d'appel". Le major Wright a reçu l'instruction suivante:

[traduction] Nous pensons ici que la politique suivante devrait donc être adoptée. Nous attesterons qu'une personne ne présente pas de danger pour la sécurité à la condition qu'il n'y ait pas d'autres motifs de refoulement, tel qu'il s'agit d'un communiste connu, d'un criminel, d'un collaborateur, etc. La décision d'accepter ou non la personne du fait uniquement de sa nationalité devrait être laissée à l'agent des visas155.

[271]L'inexistence d'un droit d'appel lorsque l'agent de sécurité refoule une personne pour des raisons de sécurité est expliquée dans un rapport que la GRC a fait parvenir au conseil de sécurité le 30 mars 1948. On trouve ce qui suit à la page 4 dudit rapport:

[traduction] L'admission ou le refoulement par l'enquêteur de sécurité est une décision finale: les demandes d'interjeter appel du refoulement ont été rejetées pour le motif qu'une telle procédure est irréalisable156.

Le fait que l'octroi d'un droit d'appel était jugé "irréalisable" est encore une fois probablement attribuable au secret qui entourait l'existence et le processus de contrôle de sécurité de même que les critères de refoulement appliqués. Même si la Loi de l'immigration prévoyait un droit d'appel157, l'octroi d'un tel droit dans les cas de refoulement pour raisons de sécurité aurait mis en péril le caractère secret du programme.

[272]Manifestement au courant des différends ne cessant d'opposer les agents d'immigration et les agents de sécurité qui faisaient partie des équipes de contrôle envoyées en Europe, le commissaire de la GRC a écrit la lettre suivante à M. Jolliffe, directeur de l'Immigration, le 3 juillet 1948:

[traduction] 1. On m'a appris qu'on n'avait jamais clairement défini les fonctions et attributions de nos hommes en Allemagne et en Autriche, et qu'on n'avait pas non plus discuté avec votre direction générale certains aspects administratifs qui pourraient vous intéresser. Je pense à la directive du Cabinet datée du 14 août 1947 qui attribue certaines compétences au chef de la mission. Il est également nécessaire d'éviter tout malentendu qui pourrait entraîner des frictions.

2. Comme vous le savez, nous avons récemment pris des mesures pour améliorer et renforcer ce point, et il est maintenant temps de corriger toute lacune dans notre méthode de contrôle ou dans nos mesures administratives.

3. Je propose la rédaction d'une ordonnance administrative, signée par des représentants de nos deux services, et servant de guide aux membres du personnel concernés. Ayant présumé que vous pourriez être d'accord avec la nécessité de rédiger une telle ordonnance, j'ai joint en annexe aux fins de discussion certains points qui, selon moi, pourraient y être inclus158.

[273]Était joint à cette lettre un projet de protocole d'entente signé le 12 juillet 1948 par M. Jolliffe au nom du ministère des Mines et des Ressources et par le commissaire de la GRC. L'alinéa h) est particulièrement important aux fins de la présente affaire159:

h)    Seuls les membres de la GRC peuvent accepter ou refouler, pour raisons de sécurité, les personnes demandant l'admission au Canada qu'ils ont interrogées. Ils ne feront part de leurs motifs de refoulement qu'à leurs seuls officiers supérieurs au sein de la Gendarmerie, et ils codifieront simplement les demandes de la manière convenue pour signifier l'acceptation ou le refoulement. [Non souligné dans l'original.]

[274]La mention d'une codification suivant la "manière convenue" pour indiquer soit l'acceptation soit le refoulement était prospective. En effet, à la date de la conclusion du protocole, il n'existait aucune liste écrite des critères applicables en matière de sécurité et c'est pourquoi il n'y avait aucun moyen de codifier les demandes de la "manière convenue". Cela présageait donc l'établissement d'une liste des critères applicables en matière de sécurité qu'on avait demandée au major Wright de préparer aux environs du mois de juin 1948. Peu de temps après que cette liste fut établie, on a convenu, en février 1949, que l'agent de sécurité inscrirait sur les formulaires l'alinéa précisant les critères de refoulement applicables en vertu de cette liste. Cela permettrait aux personnes qui étaient au courant de la liste de savoir le critère précis invoqué pour justifier le refoulement sans que le candidat ou qui que ce soit d'autre ne soit en mesure de l'indiquer160 .

[275]La crainte de l'infiltration communiste était au cœur même de la préoccupation pour la sécurité qui a caractérisé l'évolution du processus de contrôle de sécurité de la moitié jusqu'à la fin des années 1940. À l'époque même où il élaborait la politique de contrôle de sécurité applicable aux candidats à l'immigration, le conseil de sécurité s'était aussi lancé dans un examen à grande échelle des opérations et des structures gouvernementales en vue de déterminer les ministères qui étaient vulnérables à l'infiltration communiste. Sa principale responsabilité consistait à mettre au point des contre-mesures avec l'aide de la GRC et des services de renseignements de pays amis161.

[276]M. d'Ombrain a décrit dans son affidavit l'ambiance qui existait à l'époque:

[traduction] [. . .] le conseil de sécurité a été créé à une époque où l'on se préoccupait beaucoup à Ottawa des menaces pour la sécurité nationale par suite des révélations faites au cours de l'affaire Gouzenko qui a marqué le début de la guerre froide au Canada. Cette atmosphère de peur devait s'intensifier pendant toute la période examinée au cours de laquelle le rideau de fer a fait son apparition en Europe de l'Est, des scandales mettant en cause des espions soviétiques ont éclaté aux États-Unis, la guerre froide a pris de l'ampleur au sujet du blocus de Berlin, et les Alliés se sont retrouvés encore une fois en guerre avec la Corée162.

[277]On peut constater que le souci de préserver le secret a eu un effet déterminant sur l'élaboration et l'évolution du programme de contrôle de sécurité des candidats à l'immigration. En juillet 1948, les critères de sécurité appliqués reposaient sur des instructions verbales, les agents de sécurité ne rendaient de comptes qu'à la GRC, un droit d'appel était refusé et le modus operandi était tel qu'il n'y avait aucun moyen de communiquer à qui que ce soit, y compris au ministre responsable de l'immigration, les motifs pour lesquels des candidats à l'immigration étaient refoulés pour raisons de sécurité.

[278]Cette préoccupation pour la sécurité a eu aussi une incidence sur la structure générale du programme. Le refoulement des candidats à l'immigration, que ce soit pour des motifs de sécurité ou pour toute autre raison, revenait en dernier ressort au ministre responsable de l'immigration. C'est le besoin de préserver le secret qui explique pourquoi la politique de refoulement des candidats à l'immigration pour raisons de sécurité a été élaborée séparément et, ce qui est plus important, pourquoi le pouvoir d'effectuer un tel contrôle ne devait pas trouver sa source dans la législation, mais plutôt être prévu par "une autre voie"163.

[279]Au soutien de l'argument que le refoulement des candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité avait un fondement juridique en juillet 1948, le demandeur a cité le décret C.P. 1947-2180 qui autorisait l'admission des personnes déplacées. Il renvoie précisément au paragraphe suivant:

[traduction] Il est ordonné au ministre des Mines et des Ressources d'adopter des dispositions par l'intermédiaire de la Direction générale de l'immigration et de toute autre ressource nécessaire et mise à sa disposition par le ministre du Travail pour la sélection et le transport au Canada des cinq mille personnes susmentionnées; [Soulignement ajouté par le demandeur.]

[280]La prétention exacte du demandeur est exposée au paragraphe 486 de ses observations finales:

[traduction] Le demandeur fait valoir que le décret C.P. 2180 habilite le ministre des Mines et des Ressources à adopter des dispositions, par l'intermédiaire de la Direction générale de l'immigration, pour la sélection des personnes déplacées. Ce décret habilitait le ministre à imposer par voie administrative des critères de sélection pour ces immigrants. Un examen médical, un contrôle de sécurité par l'agent de contrôle des visas et une entrevue avec l'agent d'immigration ayant délivré le visa faisaient partie du processus de "sélection" des personnes déplacées dont l'admission au Canada était autorisée par le décret C.P. 2180. Le pouvoir de prendre le décret C.P. 2180 est prévu à l'alinéa 38c) de la Loi de l'immigration (S.R.C. 1927) qui habilite le gouverneur en conseil à "interdire, pendant une période de temps déterminée ou d'une manière permanente, le débarquement au Canada [. . .] ou limiter le nombre d'immigrants [. . .] parce que ces immigrants sont jugés impropres, eu égard aux conditions ou exigences climatériques, industrielles, sociales, éducationnelles, ouvrières ou autres du Canada".

[281]Je ne crois pas que l'on puisse considérer que le décret C.P. 1947-2180 conférait le pouvoir en vertu duquel le contrôle de sécurité était fait en juillet 1948. Premièrement, le contrôle de sécurité était une mesure d'application générale qui ne se limitait pas aux immigrants visés par le décret C.P. 1947-2180164. Deuxièmement, lorsque le gouverneur en conseil a désiré exclure une catégorie précise de personnes indésirables en 1948, il l'a fait en termes clairs et exprès165. Troisièmement, l'existence du pouvoir en vertu duquel le contrôle de sécurité était effectué a été une question préoccupante dès le tout début du programme de contrôle de sécurité jusqu'en 1950166. Il n'a en aucun temps été suggéré que le décret C.P. 1947-2180 ou tout autre décret en vigueur pendant cette période conférait le pouvoir requis.

[282]La première décision du Cabinet sur ce sujet est mentionnée dans une note de service de M. Heeney à M. Robertson datée du 20 septembre 1946. M. Heeney y décrit la situation telle qu'elle existait entre le 25 octobre 1945 et la date de son rapport:

[traduction]

Objet: Débarquement des réfugiés

Vos documents sur ce sujet sont retournés avec la présente. Les faits sont les suivants:

1. Le 25 octobre [1945], le Cabinet a approuvé un mémoire du ministre des Mines et des Ressources (qui avait fait auparavant l'objet d'une étude et de recommandations par un comité spécial du Cabinet) qui recommandait la prise d'un décret reprenant le texte du projet joint. Ce mémoire était le document 93 du Cabinet du 15 octobre 1945.

2. Le mémoire approuvé contenait une disposition concernant le "contrôle par la GRC" rédigée de la manière suivante-"mesure nécessaire à prendre pour permettre l'admission permanente au Canada des réfugiés décrits dans le présent mémoire, sous réserve de la condition restrictive que seules les personnes ayant obtenu une autorisation de la Gendarmerie royale du Canada soient admissibles à débarquer au Canada au sens de la Loi de l'immigration , les personnes ne remplissant pas les conditions requises pour obtenir une telle autorisation conservant leur statut actuel jusqu'à ce que leur cas soit finalement tranché".

3. Le lendemain, un décret (C.P. 6687, 26 octobre 1945), reprenant les termes du projet recommandé par le ministre, a été pris. Le décret prévoit que le préposé de l'immigration à un port d'entrée "peut permettre à un réfugié de débarquer au Canada s'il est entré au Canada à titre de réfugié avec statut de non-immigrant après le 1er  septembre 1939, à condition que ledit réfugié puisse convaincre le préposé de l'immigration qu'il est de bonne vie et mœurs et peut se conformer, à tous les égards, aux dispositions de la Loi de l'immigration".

4. Vous remarquerez que le décret, qui, évidemment, constitue la seule "loi" sur le sujet, ne mentionne nullement le contrôle de sécurité. Il est en même temps très clair que le Cabinet, ayant approuvé le mémoire justificatif du ministre, voulait que les préposés compétents n'autorisent à "débarquer" que les personnes qui avaient obtenu une autorisation de la GRC.

5. À mon avis, l'autorisation de la GRC constituait donc une exigence administrative et non législative, préalable à la délivrance de documents de débarquement aux personnes visées par le décret167.

[283]Comme le décret C.P. 1945-6687 était la seule "loi" sur le sujet, M. Heeney conclut que l'attestation de sécurité doit être considérée comme une exigence administrative plutôt que comme une exigence prévue par la loi. Il ressort de sa conclusion que, peu importe le point de vue que l'on puisse avoir sur cette question aujourd'hui, M. Heeney ne considérait pas que le décret en cause conférait le pouvoir requis pour autoriser un contrôle de sécurité. Cette conclusion semblait inévitable puisque le Cabinet avait décidé, le 5 août 1946, que le contrôle de sécurité serait prévu par voie "administrative" plutôt que par voie réglementaire ou législative, et qu'il n'est nullement question du contrôle de sécurité dans le décret C.P. 1945-6687.

[284]La situation a encore une fois été rappelée au Cabinet dans un mémoire que lui a fait parvenir le conseil de sécurité et qui est à l'origine de la décision du 5 février 1947:

[traduction] Le 29 janvier [1947], le Cabinet a approuvé la recommandation que lui avait faite le ministre des Mines et des Ressources de modifier le règlement sur l'immigration de manière à y prévoir d'autres catégories d'immigrants, et, vu l'augmentation considérable du nombre de demandes à laquelle il s'attendait par suite de cette modification, il a ordonné au conseil de sécurité de réexaminer le problème du contrôle de sécurité et de lui présenter un rapport.

En août dernier, le Cabinet a décidé que le contrôle des candidats à l'immigration devait être prévu par voie administrative ministérielle plutôt que par voie législative. Comme le contrôle ne pouvait être effectué efficacement qu'au lieu d'origine, on a adopté une procédure en vertu de laquelle toutes les demandes d'admission présentées par des immigrants étrangers ont été déférées à la GRC qui a envoyé au Royaume-Uni des agents chargés de contrôler les demandes en collaboration avec les organismes responsables du Royaume-Uni et des États-Unis168. [Non souligné dans l'original.]

[285]Deux ans et demi plus tard, au cours d'une réunion du Cabinet tenue en août 1949, le premier ministre Saint-Laurent a encore une fois soulevé la question de savoir s'il était légalement permis de refouler des candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité. Dans un mémoire classé "secret" qu'il a adressé au premier ministre169 , N. A. Robertson, secrétaire du Cabinet et président du conseil de sécurité, a précisé qu'avec le temps, le contrôle de sécurité avait été approuvé par le Cabinet et il a fait un bref rappel historique de cette question. Quant à la question précise de l'origine de ce pouvoir, on trouve ce qui suit dans le mémoire:

[traduction] Le comité du Cabinet sur l'immigration ou le Cabinet ont examiné à quelques reprises les problèmes de sécurité qui découlaient de l'augmentation du nombre d'immigrants. Il ressort des dossiers qu'on a longuement débattu de la question de savoir si la Loi de l'immigration devait être modifiée pour exclure certaines catégories de personnes indésirables tels les nazis, les fascistes et les criminels de guerre, ou si le problème devait être réglé par voie administrative. On a donné la préférence à la dernière solution. [Non souligné dans l'original.]

[286]Encore une fois, même si le premier ministre lui a expressément demandé de lui indiquer en vertu de quel pouvoir les candidats à l'immigration étaient refoulés pour des raisons de sécurité, M. Robertson n'a mentionné aucun des décrets qui étaient alors en vigueur. Comme l'avait fait M. Heeney en 1946, il confirme que la question était réglée par "voie administrative".

[287]Comme le fait remarquer M. d'Ombrain dans son affidavit, les décisions du Cabinet déterminent les politiques gouvernementales. Les décisions prises par le Cabinet le 5 août 1946 et le 5 février 1947 ont établi la politique du gouvernement en matière de contrôle de sécurité et prévoyaient clairement que les candidats à l'immigration ne pouvaient pas être admis à moins d'avoir fait l'objet d'un contrôle par la GRC conformément aux critères de sécurité applicables. Toutefois, une fois prises, les décisions du Cabinet doivent être rendues légalement applicables d'une façon ou d'une autre. Suivant les termes de M. d'Ombrain, elles doivent revêtir une forme officielle ou juridique que ce soit par l'adoption d'une loi ou la prise d'un décret du gouverneur en conseil170. Pourtant, en juillet 1948, aucune loi, aucun décret ni aucun règlement n'avaient été adoptés afin de permettre le refoulement des immigrants pour des raisons de sécurité.

[288]Il ne fait aucun doute que l'article 38 de la Loi de l'immigration conférait le pouvoir nécessaire pour le faire à la condition que le décret approprié soit pris, mais ce n'est qu'en juin 1950 qu'on a pris un décret conférant au ministre le pouvoir discrétionnaire de refuser le débarquement par renvoi au libellé général contenu dans cet article171.

[289]Ce décret conférait au ministre le pouvoir discrétionnaire de refuser à une personne de débarquer au Canada à moins qu'il ne soit démontré que cette personne:

4. [. . .]

a) [. . .] est un immigrant convenable, eu égard aux conditions climatériques, sociales, éducatives, industrielles, ouvrières ou autres, ainsi qu'aux besoins du Canada; et

b) [. . .] n'est pas indésirable en raison de ses coutumes ou de ses habitudes particulières, ou de son mode d'existence ou de son régime de propriété particulier, ou à cause de son incapacité probable de s'adapter promptement à la vie d'une collectivité canadienne, de s'y intégrer et d'assumer les devoirs de la citoyenneté canadienne dans un délai raisonnable après son entrée.

[290]Avant que ce décret ne soit pris, le Cabinet avait donné la directive no 14 qui, encore une fois, insistait sur la nécessité de préserver le secret en ce qui concerne les critères du contrôle de sécurité appliqués sur le terrain172. Cette question était de plus en plus préoccupante depuis qu'une liste écrite des critères existait et que des fonctionnaires choisis ne faisant pas partie de la GRC y avaient accès.

[291]Il semble toutefois que le décret C.P. 1950-2856 a été adopté sous la forme qu'il revêtait afin de conférer le pouvoir légal permettant le refoulement de candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité tout en préservant le caractère secret du processus et des critères appliqués. C'est à tout le moins la thèse qu'a fait valoir le demandeur devant le juge McKeown dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Bogutin. Dans cette décision, le juge McKeown fait un bref historique de la question:

En juillet 1946, lors de la deuxième rencontre du conseil de sécurité, il n'existait aucun organisme canadien qui s'occupait du contrôle de sécurité des candidats à l'immigration au point d'origine. On a décidé de former un comité chargé d'élaborer un règlement permettant de refouler les indésirables pour des raisons de sécurité. Le gouvernement a d'abord envisagé la possibilité de prévoir des critères de sécurité dans le règlement ou dans la Loi, mais cette idée a été écartée et le Cabinet a décidé que le contrôle de sécurité des candidats à l'immigration devait s'effectuer dans le cadre d'une structure administrative du Ministère plutôt que par voie législative. Les pièces versées au dossier ne renferment aucun élément de preuve clair et direct expliquant les motifs de cette décision. Les raisons en sont toutefois évidentes lorsqu'on les examine dans le contexte de la directive no  14 que le Cabinet a donnée en 1949173. [Non souligné dans l'original.]

[292]Le juge McKeown souligne ensuite que la directive no 14 reprenait les motifs pour lesquels des candidats à l'immigration étaient refoulés pour des raisons de sécurité et dit en ce qui a trait à cette directive:

Voici la raison qui est donnée pour procéder par voie de mesure administrative ministérielle:

    "Comme certaines des personnes ainsi refoulées ne savent pas que les agences de sécurité et les services secrets sont au courant de leurs antécédents subversifs, la divulgation des motifs de leur refoulement risquerait d'éveiller les soupçons et de compromettre des sources de renseignement précieuses"174.

Le juge explique plus loin l'objectif du décret C.P. 1950-2856:

La directive no 14 du Cabinet a été mise en application par le décret C.P. 2856 du 9 juin 1950, qui interdisait l'entrée au Canada d'immigrants de toutes catégories, sauf ceux qui entraient dans certaines catégories comme les sujets britanniques et les ressortissants de colonies britanniques déterminées, les citoyens des États-Unis et les citoyens de France. Le décret disposait en outre:

"4. Une personne qui fournit, à la satisfaction du Ministre, dont la décision est définitive, les renseignements suivants:

    a) Qu'elle est un immigrant convenable, eu égard aux conditions climatériques, sociales, éducatives, industrielles, ouvrières ou autres, ainsi qu'aux besoins du Canada; et

    b) Qu'elle n'est pas indésirable en raison de ses coutumes ou de ses habitudes particulières, ou de son mode d'existence [ . . .]" (Non souligné dans l'original.)

Les "besoins du Canada" dont il est question dans le décret étaient les critères de refoulement pour raisons de sécurité qui étaient précisés dans la directive du Cabinet, ainsi que dans les directives administratives ultérieures qui ont été envoyées à la GRC et qui se rapportaient à la question de savoir si les candidats à l'immigration étaient des immigrants convenables175. [Non souligné dans l'original.]

[293]Il est indubitable, d'après la preuve dont je suis maintenant saisi et la manière dont la question a été présentée au juge McKeown, que c'était précisément dans le but de prévoir discrètement un pouvoir juridique permettant le refoulement des candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité que le décret C.P. 1950-2856 a été pris. Dans le contexte de la présente affaire, je peux comprendre pourquoi le demandeur voudrait trouver l'origine de ce pouvoir dans un décret antérieur, mais les faits ne le permettent tout simplement pas.

[294]Le décret C.P. 1947-2180 n'autorise pas le refoulement des immigrants pour des raisons de sécurité. À sa face même, ce décret vise la sélection des personnes qui cherchaient à venir ici en se prévalant des dispositions concernant les besoins en maind'œuvre. Cette question relevait directement du Comité interministériel Immigration-Travail formé en mars 1947176. Le décret prévoit expressément la participation de ces deux ministères dans la sélection des personnes déplacées; il ne prévoit pas la participation du ministère de la Justice ni de la GRC.

[295]Ce décret a été pris sur la recommandation de C. D. Howe, qui était alors ministre par intérim des Mines et des Ressources, avec l'appui du Comité du Cabinet sur la politique d'immigration177. Il s'agissait du premier d'une série de décrets qui devaient servir à mettre en application la politique d'immigration annoncée par le premier ministre King devant la Chambre des communes le 1er  mai 1947. Cette politique a été conçue séparément de la politique applicable en matière de sécurité et elle n'a pas été mise en œuvre pour atténuer les problèmes de sécurité178. Au contraire, comme nous l'avons vu, sa mise en œuvre a accru les risques en matière de sécurité et le Cabinet a spécifiquement décidé que les problèmes de sécurité en découlant seraient réglés par "une autre voie".

[296]Mais, même si le décret C.P. 1947-2180 était si ambigu que je devrais me servir des règles d'interprétation pour en connaître le véritable sens, nous avons l'occasion unique dans la présente affaire d'avoir accès à des documents contemporains du Cabinet qui démontrent sans équivoque que ce décret n'était pas censé conférer le pouvoir d'effectuer le contrôle de sécurité des candidats à l'immigration ni destiné à cette fin.

[297]Mis en face du fait que cette procédure n'avait aucun fondement législatif, le Cabinet a choisi de procéder par "voie administrative". Il ressort de la preuve que nous avons examinée que ces décisions ont été prises en fonction du fait que le Cabinet ne considérait pas que les décrets en vigueur à l'époque conféraient le pouvoir requis. Ce n'est qu'en juin 1950, après que le premier ministre Saint-Laurent eut soulevé le problème une autre fois, que l'idée de conférer au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration179 un large pouvoir discrétionnaire en vertu de l'article 38 de la Loi de l'immigration a finalement pris forme.

[298]Je conclus donc qu'en juillet 1948, la Loi de l'immigration et les décrets pris en application de celle-ci ne permettaient pas le refoulement de candidats à l'immigration pour le motif qu'ils avaient collaboré avec l'ennemi.

[299]Le demandeur a aussi soutenu que, si la Loi de l'immigration ne permettait pas le refoulement de candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité, cette procédure pouvait néanmoins se justifier par la théorie des prérogatives de la Couronne.

[300]Cette doctrine est ainsi décrite:

[traduction] [. . .] prééminence dont jouit le souverain sur toute autre personne en vertu de la common law, non à titre personnel, mais du fait de sa dignité de souverain; elle comprend les honneurs, libertés, privilèges, pouvoirs et droits dévolus à la Couronne d'Angleterre par la common law180.

[301]Les prérogatives sont un ensemble de pouvoirs exercés et d'obligations assumées par la Couronne en vertu de la common law. Ces pouvoirs et obligations peuvent toutefois être supprimés par une loi. Une fois qu'un texte législatif remplace une prérogative, la Couronne doit se conformer aux dispositions de ce texte181.

[302]À l'appui de son argument que la prérogative de la Couronne de refouler les étrangers n'avait pas été supprimée, le demandeur a invoqué l'article 17 de la Loi d'interprétation182 qui prévoit ce qui suit:

17. Sauf indication contraire y figurant, nul texte ne lie Sa Majesté ni n'a d'effet sur ses droits et prérogatives.

Le demandeur a soutenu qu'une prérogative de la Couronne peut coexister avec un texte législatif qui traite du même sujet à condition que le texte législatif n'ait pas préséance sur la prérogative, expressément ou par déduction nécessaire. Le demandeur soutient que la Loi sur l'immigration n'a pas un tel effet.

[303]À mon avis toutefois, la Loi sur l'immigration vise l'ensemble de la prérogative que le demandeur invoque comme source du pouvoir de refouler des candidats à l'immigration pour des raisons de sécurité. La Loi de l'immigration en vigueur en 1948 habilitait le ministre des Mines et des Ressources à déterminer qui pouvait débarquer au Canada et qui, par définition, ne le pouvait pas. Lorsque l'on examine l'esprit de la Loi, on constate qu'il n'y avait apparemment aucune limite aux motifs que pouvait invoquer le ministre pour refuser l'admission au pays. Comme nous l'avons vu, l'article 38 de la Loi habilitait le ministre à interdire, par proclamation ou par arrêté, le débarquement au Canada en raison des "conditions ou exigences climatériques, industrielles, sociales, éducationnelles, ouvrières ou autres du Canada" ou en raison des "coutumes, habitudes, modes de vie et méthodes particulières de posséder des biens, et vu leur probable inaptitude à s'assimiler facilement [etc.]" de ces immigrants. C'est en vertu de cette disposition que le décret C.P. 1950-2856 a finalement été pris, et il est indubitable que cette disposition réglementaire a conféré au ministre concerné le pouvoir de refouler des immigrants pour des raisons de sécurité.

[304]Même si, en vertu de la common law, aucun immigrant étranger n'avait le droit de débarquer au Canada, la Loi de l'immigration en vigueur en 1948 déterminait l'admissibilité des candidats à l'immigration. Un agent d'immigration a statué en juillet 1948 que le défendeur remplissait les conditions de la Loi et qu'il satisfaisait aux conditions prescrites par les décrets applicables183. C'est pourquoi le défendeur a eu le droit d'entrer au Canada. Même si, en raison de considérations qui n'avaient rien à voir avec la Loi et les décrets applicables, il n'aurait pu être admis au Canada s'il avait révélé honnêtement ses activités passées184, il n'en demeure pas moins qu'il a été légalement admis au Canada.

CONCLUSION

[305]Pour les motifs qui précèdent, je conclus que le défendeur n'a pas obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

[306]Les parties devront débattre de la question des dépens en audience publique pendant la semaine du 11 janvier 1999, à une date qui leur sera communiquée par le greffier.

1 Pendant toute cette période, le contrôle de sécurité était fait par des agents de la GRC aussi appelés "agents de contrôle des visas" ou "agents de sécurité". Les agents d'immigration étaient aussi appelés "agents des visas".

2 Transcription, aux p. 265 et 266, 269.

3 Transcription, à la p. 1760.

4 Transcription, à la p. 1674.

5 C.P. 1931-695. L'immigration était essentiellement restreinte aux personnes originaires du Royaume-Uni, des États-Unis, de l'Irlande et des Dominions reconnus de l'Empire britannique. Il n'y a pas eu à cette époque une vague particulière d'immigrants au Canada en provenance de ces pays ou Dominions.

6 Mémoire au Cabinet du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 21 février 1952, Pièce 14, document 921.

7 Transcription, aux p. 285 et 286.

8 Transcription, à la p. 287, et mémoire au Cabinet du ministre des Mines et des Ressources, 5 septembre 1945. Pièce 7, document 241.

9 Le 30 mars 1948, on estimait à environ 600 000 le nombre de personnes déplacées en Europe. Transcription, à la p. 286, et mémoire au Cabinet du Secrétaire d'État pour les Affaires extérieures, 30 mars 1946. Pièce 11, document 599.

10 Affidavit de d'Ombrain, au par. 40, et transcription, à la p. 287.

11 Affidavit de d'Ombrain, au par. 41, et transcription, aux p. 288 et 289. À cette époque, le ministre des Mines et des Ressources était responsable de l'immigration. M. d'Ombrain a déclaré que cela dénotait le peu d'importance accordée à l'immigration pendant les années 1930.

12 Affidavit de d'Ombrain, au par. 26.

13 Lettre adressée à J. A. Glen, ministre des Mines et des Ressources, par A. D. P. Heeney, secrétaire du Cabinet, 25 octobre 1945. Pièce 7, document 248.

14 Arrêté en conseil relatif au statut des réfugiés, C.P. 1945-6687, Décrets, ordonnances et règlements canadiens de guerres, 1945.4.121.

15 [Arrêté en conseil établissant des règlements d'application de la Loi de l'immigration, en ce qui concerne l'entrée au Canada des sujets de pays ennemis] C.P. 1946-1373 [Décrets, ordonnances et règlements, 1946.II.64], abrogé et remplacé par Loi de l'immigrationEntrée au Canada interdite aux étrangers ennemis, C.P. 1947-4850, DORS/47-921, Gazette du Canada 1947.II.2487. Avant l'adoption du décret de 1946, il était interdit aux sujets de pays ennemis d'entrer au Canada en vertu de la Loi des mesures de guerre [S.R.C. 1927, ch. 206].

16 Un premier élargissement de cette catégorie d'immigrants a été fait par le C.P. 1946-2071 le 28 mai 1946.

17 Affidavit de d'Ombrain, au par. 48, mémoire au Cabinet du comité du Cabinet sur la politique d'immigration, 20 janvier 1947. Pièce 9, document 379. Conclusions du Cabinet, 29 janvier 1930. Pièce 9, document 387. Décret portant modification aux Règlements d'application de la Loi de l'immigration, C.P. 1947-371, DORS/47-134, Gazette du Canada 1947.II.366.

À l'époque où le demandeur a été admis au Canada, le libellé des art. 4a), c) et d) du décret applicable, Loi de l'immigrationInterdiction aux immigrants de débarquer au Canada, sauf en certains cas, C.P. 1947-4849, DORS/47-920, Gazette du Canada 1947.II.2485 était exactement le même. L'art. 4b) a été modifié.

    4. [. . .]

    b) Un agriculteur qui entre au Canada en vue de se livrer à la culture de la terre avec l'une des personnes suivantes ou avec son aide, savoir: son père, son beau-père, son fils, son gendre, son frère, son beau-frère, son oncle ou son neveu, dont l'agriculture est la principale occupation, et qui est en mesure de recevoir un tel immigrant et de l'établir sur une ferme, et qui y consent.

18 Ce qui a été fait par la Modification de l'arrêté en conseil C.P. 695, du 21 mars 1931, concernant le débarquement d'immigrants au Canada, C.P. 1947-1734, DORS/47-431 Gazette du Canada 1947.II.1069.

19 Transcription, à la p. 289, et procès-verbal de la réunion du comité du Cabinet sur la politique d'immigration, 24 avril 1947. Pièce 10, document 445.

20 Transcription, à la p. 292, et exposé du premier ministre concernant la politique du Canada en matière d'immigration, 1er mai 1947. Pièce 10, document 447.

21 Voir C.P. 1947-2180, C.P. 1947-2856, C.P. 1947-3926, C.P. 1948-1628 et C.P. 1948-3721. Le C.P. 1948-3721, pris en octobre 1948, a permis à la fois d'augmenter à 40 000 le nombre de personnes déplacées autorisées à venir au Canada et de modifier le libellé du C.P. 1947-2180 pour permettre l'admission de personnes déplacées qui ne se trouvaient pas dans des camps des personnes déplacées.

22 Mémoire au Cabinet du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 21 février 1952, Pièce 14, document 921.

23 Loi de l'immigrationDécret concernant l'entrée d'immigrants au Canada, C.P. 1950-2856, DORS/50-232, Gazette du Canada 1950.II.814. Le ministre de la Citoyenneté et de l'immigration était habilité à autoriser, à sa discrétion, une personne à débarquer au Canada s'il était convaincu:

    4. [. . .]

    a) Qu'elle est un immigrant convenable, eu égard aux conditions climatériques, sociales, éducatives, industrielles, ouvrières ou autres, ainsi qu'aux besoins du Canada; et

    b) Qu'elle n'est pas indésirable en raison de ses coutumes ou de ses habitudes particulières, ou de son mode d'existence ou de son régime de propriété particulier, ou à cause de son incapacité probable de s'adapter promptement à la vie d'une collectivité canadienne, de s'y intégrer et d'assumer les devoirs de la citoyenneté canadienne dans un délai raisonnable après son entrée.

24 Loi de l'immigrationDécret concernant l'entrée ou le débarquement d'étrangers ennemis au Canada, C.P. 1950-4364, DORS/50-424, Gazette du Canada 1950.II.1384.

25 Transcription, aux p. 283 et 284.

26 Affidavit de d'Ombrain, au par. 14, et transcription, à la p. 302.

27 Transcription, aux p. 297 à 300, 448, et note de service adressée à M. Robertson relativement à l'admission des réfugiés par A.D.P.H., 20 septembre 1946. Pièce 8, document 327. Relativement à cette décision, Arnold Heeney, secrétaire du Cabinet, a écrit ce qui suit à M. Robertson:

    [traduction] Vous remarquerez que le décret, qui constitue évidemment la seule "loi" sur le sujet, ne fait pas état d'un contrôle de sécurité. Par contre, il est tout à fait évident que le Cabinet, qui a approuvé le mémoire justificatif du ministre, voulait que l'"admission" ne soit accordée par les agents en cause qu'aux personnes ayant obtenu le feu vert de la GRC.

28 Transcription, aux p. 280 à 285. Mémoire au Cabinet du secrétaire, comité de la défense du Cabinet, 21 mai 1946. Pièce 7, document 285. Conclusions du Cabinet, 22 mai 1946. Pièce 7, document 286.

29 Transcription, à la p. 295.

30 Transcription, aux p. 295 et 296.

31 Transcription, à la p. 303.

32 Le 28 mai 1946, le Conseil privé avait élargi les catégories de parents admissibles au Canada en prenant le décret C.P. 1946-2071.

33 Ce sous-comité devait être composé de représentants des Affaires extérieures, de l'Immigration, de la Justice et de la GRC.

34 Affidavit de d'Ombrain, aux par. 65 et 66. Transcription, aux p. 304 à 310. Procès-verbal de la deuxième réunion du conseil de sécurité, 8 juillet 1946. Pièce 7, document 315.

35 Affidavit de d'Ombrain, au par. 67. Transcription, aux p. 309 et 310. Note de service à l'intention de M. Wrong, 24 juillet 1946. Pièce 7, document 314.

36 Affidavit de d'Ombrain, par. 68 et 69. Transcription, aux p. 310 à 313. Conclusions du Cabinet, 5 août 1946. Pièce 7, document 315. Extrait tiré des "Conclusions du Cabinet" lors de la réunion du Cabinet du 5 août 1946. Pièce 8, document 316. Lettre adressée à J. A. Glen, ministre des Mines et des Ressources, par le président par intérim du conseil de sécurité, 23 août 1946. Pièce 8, document 325.

37 Affidavit de d'Ombrain, aux par. 70 à 72. Transcription, aux p. 314 à 318. Lettre adressée à J. A. Glen, ministre des Mines et des Ressources, par le directeur par intérim du conseil de sécurité, 23 août 1946. Pièce 8, document 325. Procès-verbal de la cinquième réunion du conseil de sécurité, 19 août 1946. Pièce 8, documents 322, 323, 324.

38 Lettre adressée à Louis Saint-Laurent, ministre de la Justice, par S. T. Wood, commissaire de la GRC, 9 octobre 1946. Pièce 8, document 331.

39 À cette époque, c'était le ministre de la Justice qui était responsable de la GRC.

40 Transcription, aux p. 319 à 322, 452-454, et lettre adressée à Louis Saint-Laurent, ministre de la Justice, par S. T. Wood, commissaire de la GRC, 9 octobre 1946. Pièce 8, document 331.

41 Lettre adressée à l'inspecteur A. W. Parsons par le directeur, 23 octobre 1946. Pièce 8, document 340.

42 Transcription, aux p. 459 à 462. Lettre adressée au sergent Hinton par L. H. Nicholson, commissaire adjoint de la GRC, 27 décembre 1946. Pièce 9, document 367. Note de service adressée au conseil de sécurité par le secrétaire du conseil de sécurité, 3 janvier 1947. Pièce 9, document 368.

43 Note de service adressée au conseil de sécurité par le secrétaire du conseil de sécurité, 3 janvier 1947. Pièce 9, document 368.

44 Lettre adressée au sergent Hinton par L. H. Nicholson, commissaire adjoint de la GRC, 3 janvier 1947. Pièce 9, document 370.

45 Transcription, aux p. 466 à 469, et lettre adressée à J. A. Glen, ministre des Mines et des Ressources, par M. Jolliffe, directeur de l'Immigration, 27 janvier 1947. Pièce 9, document 384.

46 Conclusions du Cabinet, 29 janvier 1947. Pièce 9, document 327.

47 Conclusions du Cabinet, 29 janvier 1930. Pièce 9, document 387.

48 Transcription, aux p. 332 à 337. Procès-verbal de la dixième réunion du conseil de sécurité, 30 janvier 1947. Pièce 9, documents 393, 394, 395. Mémoire au Cabinet de E. W. T. Gill, vice-président, conseil de sécurité, 4 février 1947. Pièce 9, document 398.

49 Mémoire au Cabinet de E. W. T. Gill, vice-président, conseil de sécurité, 4 février 1947. Pièce 9, document 398.

50 Transcription, à la p. 478.

51 Mémoire au Cabinet de E. W. T. Gill, vice-président, conseil de sécurité, 4 février 1947. Pièce 9, document 398.

52 Mémoire au Cabinet de E. W. T. Gill, vice-président, conseil de sécurité, 4 février 1947. Pièce 9, document 398.

53 Lettre adressée à J. A. Glen, ministre des Mines et des Ressources, par A. D. P. Heeney, secrétaire du Cabinet, 7 février 1947. Pièce 9, document 400.

54 Transcription, aux p. 462, 485 et 486.

55 Transcription, à la p. 343.

56 Transcription, à la p. 465.

57 Affidavit de d'Ombrain, au par. 75, et mémoire au Cabinet de Jas. A. MacKinnon, ministre par intérim des Mines et des Ressources, 8 août 1947. Pièce 10, documents 497, 498, 499.

58 Sélection des candidats en vue de leur admission au Canada, 20 novembre 1948. Pièce 12, document 710.

59 Procès-verbal de la vingt et unième réunion du conseil de sécurité, 5 avril 1949. Pièce 12, document 743.

60 Procès-verbal de la vingt et unième réunion du conseil de sécurité, 5 avril 1949. Pièce 12, document 743.

61 Mémoire au Cabinet de N. A. Robertson, président du conseil de sécurité, 22 août 1949. Pièce 13, document 772.

62 Transcription, à la p. 592.

63 Après la guerre, diverses organisations s'occupaient des personnes déplacées et des réfugiés. Il s'agissait du Comité intergouvernemental pour les réfugiés (CIR), de l'Administration des Nations Unies pour les secours et la reconstruction (UNRRA), de la Commission préparatoire de l'Organisation internationale pour les réfugiés (CPOIR) et de l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR). Toutes ces organisations relevaient des Nations Unies.

64 Formulaire 55 rempli par Jacob John Janzen, 26 janvier 1948. Pièce 11, document 579.

65 Pièce 34. Un document presque identique a été délivré à Tatjana Dueck pour elle-même et ses enfants, Johann et Alla Dueck. Pièce 35.

66 Transcription, à la p. 1694.

67 Lettre adressée au commissaire S. T. Wood, GRC, par A. L. Jolliffe, directeur de l'Immigration, 17 février 1948. Pièce 9, document 404.

68 Lettre adressée au commissaire S. T. Wood, GRC, par A. L. Jolliffe, directeur de l'Immigration, 17 février 1948. Pièce 9, document 404.

69 Avec l'appui du ministère des Affaires étrangères, de la Justice (GRC), du Travail et de la Santé nationale et du Bien-être social.

70 Mémoire au Cabinet de Jas. A. MacKinnon, ministre par intérim des Mines et des Ressources, 8 août 1947. Pièce 10, documents 497, 498, 499.

71 Rapport de d'Ombrain, au par. 75. Transcription, aux p. 324 à 330. Mémoire au Cabinet de Jas. A. MacKinnon, ministre par intérim des Mines et des Ressources, 8 août 1947. Pièce 10, documents 497, 498, 499.

72 Procès-verbal de la réunion sur la question du contrôle de sécurité, 2 octobre 1947. Pièce 10, documents 518, 519.

73 Transcription, aux p. 529 à 532, et lettre adressée à M. Jolliffe, directeur de la Direction générale de l'Immigration, par J. D. McFarlane, 17 mars 1948. Pièce 11, document 598.

74 Transcription, aux p. 1703 et 1704.

75 Transcription, à la p. 610 et liste du personnel-Karlsruhe 8 octobre 1948.

76 Note de service adressée au conseil de sécurité, Objet : Contrôle de sécurité des candidats à l'immigration, par J. A. K. Rutherford, secrétaire du conseil de sécurité, 30 mars 1948. Pièce 11, document 604.

77 Le rapport ne comporte en fait aucune date limite. Il doit cependant avoir été rédigé avant le 30 mars 1948 et M. d'Ombrain était d'avis que les chiffres qui y sont donnés devaient être [traduction] "raisonnablement récents". Transcription, à la p. 367.

78 Comité Immigration-Travail, Mouvements des groupes, 8 avril 1948. Pièce 11, document 615.

79 Observations écrites du défendeur, à la p. 60.

80 Lettre confidentielle adressée par M. Phelan à A. McNamara, sous-ministre du Travail, 25 mai 1948. Pièce 20, document 14.

81 Parmi d'autres parents possibles.

82 Transcription, aux p. 3553 à 3556.

83 Transcription, aux p. 1680, 1773 et 1774.

84 Cette directive prévoyait en outre ce qui suit:

[traduction] Le mandat du CIR ne s'applique pas aux ressortissants des pays ennemis (Allemands, Autrichiens, Italiens, Roumains, Hongrois, Finlandais, Volksdeutsche), aux prisonniers de guerre détenus par des pays alliés peu importe leur nationalité, aux criminels de guerre, aux collaborateurs, aux traîtres ou à toute personne qui a aidé les forces ennemies ou à celles qui ont fui l'Allemagne ou qui se sont réfugiées en Allemagne après avoir quitté leur lieu de résidence afin d'échapper aux armées alliées, etc.

85 Voir la note 62.

86 Procédure à suivre pour le traitement des demandes d'immigration présentées par des étrangers, directeur de l'Immigration, 29 mars 1947. Pièce 9, document 430.

87 Directive no 3 aux agents des visas canadiens du directeur par intérim de l'Immigration, 29 juillet 1947. Pièce 10, document 495.

88 Transcription, aux p. 353 et 354.

89 Transcription, à la p. 1752.

90 Il convient de rappeler ici que le demandeur a reconnu, lors de l'interrogatoire préalable, que le défendeur n'avait pas été admis au Canada en vertu du décret C.P. 1947-2180, le régime applicable aux travailleurs en général. Transcription, aux p. 3553 à 3556.

91 Transcription, aux p. 1820 et 1821.

92 C'est-à-dire non seulement ceux choisis par les représentants de la colonisation des compagnies de chemins de fer.

93 Lettre adressée à M. Cotsworth, commissaire par intérim de l'immigration européenne, par A. L. Jolliffe, directeur, 23 février 1947. Pièce 9, document 406.

94 Même si un document du Comité intergouvernemental des Nations Unies sur les réfugiés en date du 24 février 1947 indique que toute personne qui se présente devant un comité de sélection canadien doit avoir rempli un formulaire canadien, il ne précise pas s'il s'agit d'un formulaire 55 ou d'un autre formulaire. Une copie du formulaire était annexée au document original, mais elle n'était pas jointe à la copie du document qui a été produit. Note de service au chef, opérations sur le terrain, CIR, et chef adjoint, Opérations sur le terrain, CIR, Objet: Régime canadien applicable aux proches parents, 24 février 1947. Pièce 6, document 408.

95 Transcription, aux p. 3569 et 3570.

96 Demande de visa d'immigration, pièce 1, document 38. Demande de visa d'immigration, IMM 382, pièce 1, document 40. Em. 3, demande de visa, pièce 1, document 41. IMM.357 questionnaire, pièce 1, document 61. Questionnaire d'immigration Em.2, 25 avril 1948, pièce 11, document 628. Lettre au commissaire de l'Immigration, 8 janvier 1949, accompagnant le questionnaire Em.2 et demande de visa d'immigration, IMM.362, pièce 12, document 723. Lettre adressée au directeur de l'Immigration par le commissaire par intérim de l'Immigration, 18 novembre 1947, pièce 10, document 527.

97 Transcription, aux p. 1683 à 1685, 1712, 1775 et 1776.

98 Transcription, aux p. 1683 à 1686, 1775.

99 Transcription, aux p. 1685 et 1686.

100 C'est un peu étonnant puisque le demandeur a déposé en preuve de nombreux documents concernant la procédure de l'OIR.

101 Note de service adressée au conseil de sécurité par J. A. K. Rutherford, secrétaire du conseil de sécurité, 30 mars 1948. Pièce 11, document 604.

102 Affidavit de d'Ombrain, au par. 93.

103 Affidavit de d'Ombrain, au par. 116.

104 Affidavit de d'Ombrain, au par. 114.

105 Note de service adressée au conseil de sécurité, Objet: Contrôle de sécurité des candidats à l'immigration, par J. A. K. Rutherford, secrétaire du conseil de sécurité, 30 mars 1948. Pièce 11, document 604.

106 Affidavit de d'Ombrain sous la rubrique [traduction] "Conclusions relatives au contrôle de sécurité des candidats à l'immigration", aux par. 85, 115.

107 Voir l'affidavit de d'Ombrain et les documents mentionnés sous les rubriques [traduction] "Critères applicables au contrôle de sécurité", "Méthodes de contrôle de sécurité", "Clarification des critères relatifs aux activités en temps de guerre" et "Conclusions relatives au contrôle de sécurité", aux par. 83 à 119.

108 À moins, évidemment, que le document en cause soit rétrospectif.

109 Tableau, Statistiques d'immigration après la guerre. Pièce 22.

110 L'intensité de la situation qui existait ressort du fait que le comité du Cabinet sur la politique d'immigration s'est réuni 37 fois entre avril 1947 et avril 1948 (affidavit de d'Ombrain, au par. 49). Le conseil de sécurité s'est réuni 21 fois entre juin 1946 et avril 1949 (affidavit de d'Ombrain, au par. 32). D'après M. d'Ombrain, c'est en 1947 et 1948 que la liste des critères de sécurité a [traduction] "évolué" (affidavit de d'Ombrain, au par. 85).

111 C'est-à-dire la politique générale en vertu de laquelle les critères de contrôle ont été mis au point.

112 Projet de mémoire adressé au premier ministre par N. A. R. (N. A. Robertson), 16 septembre 1949. Pièce 13, document 783.

113 Lettre du commissaire de la GRC au sergent d'état-major W. W. Hinton, 23 octobre 1946, par. 12. Pièce 8, document 342.

114 Transcription, à la p. 577.

115 Lettre adressée au major J. A. Wright par Geo. B. McClellan, surintendant, Division spéciale, 7 juillet 1948. Pièce 11, document 652.

116 C'est ce que démontre le fait que les critères de contrôle exposés au premier ministre le 9 septembre 1949 sont ceux que l'on trouve dans la liste qui a été établie à la suite de ce processus. (Voir la liste au par. 247 des présents motifs.)

117 Lettre adressée au major J. A. Wright par Geo. B. McClellan, surintendant, Division spéciale, 26 juillet 1948. Pièce 12, document 661.

118 Le demandeur a été incapable de produire le rapport du major Wright du "20 du mois dernier" ou le rapport du sergent Norfolk sur le sujet.

119 Lettre adressée au commissaire de la GRC par le major J. A. Wright, 11 août 1948. Pièce 12, document 668.

120 Aucun des agents de sécurité exerçant leurs fonctions à l'époque n'a pu venir témoigner.

121 Il faut également considérer que l'interdiction visant les membres du parti nazi s'applique aux non-Allemands puisque en 1948, les Allemands étaient des étrangers ennemis et qu'il leur était donc interdit d'entrer au Canada en vertu du décret C.P. 1950-4850.

122 Transcription, à la p. 580.

123 Lettre adressée au major J. A. Wright par A. W. Parsons, inspecteur pour l'officier responsable de la Division spéciale, 23 septembre 1948. Pièce 12, document 692.

124 Il ajoute ensuite dans sa lettre [traduction] "À l'exception de la catégorie j)", un motif que l'on pensait relever des agents d'immigration. Voir le paragraphe 5 de ladite lettre.

125 Sélection des personnes sollicitant l'admission au Canada, 20 novembre 1948. Pièce 12, document 710.

126 Voir la note de service adressée au commissaire de la GRC par Laval Fortier, commissaire de l'Immigration, ministère des Mines et des Ressources, 7 février 1949, à la p. 2. Pièce 12, document 730.

127 Comparer avec la liste figurant au par. 247 ci-dessous.

128 Le demandeur n'a pas soutenu que le défendeur était visé par l'un ou l'autre de ces alinéas.

129 J'ai eu l'impression que M. d'Ombrain n'avait pas parlé de ce document parce qu'on lui avait simplement demandé de donner son avis sur la politique générale du gouvernement. Cependant, lorsque j'ai soulevé cette question pendant les plaidoiries, l'avocat du demandeur a confirmé qu'on avait demandé à M. d'Ombrain de donner son avis sur les critères de sécurité tels qu'ils étaient appliqués sur le terrain à l'époque.

130 Affidavit de d'Ombrain, au par. 106.

131 (1998), 151 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.), à la p. 194 (ci-après Vitols).

132 Affidavit de d'Ombrain, au par. 82.

133 Mémoire au Cabinet de E. W. T. Gill, vice-président, conseil de sécurité, 4 février 1947, par. 5. Pièce 9, document 398.

134 Lettre du commissaire de la GRC au sous-ministre, Direction générale de l'immigration, ministère des Mines et des Ressources, 10 mai 1948. Pièce 11, document 634.

135 Projet de mémoire au premier ministre de N. A. R. (N. A. Robertson), 16 septembre 1949. Pièce 13, document 783.

136 Affidavit de d'Ombrain, aux par. 83, 84.

137 Transcription, aux p. 582 à 584.

138 On renvoie précisément aux adverbes "présentement", "sur" et "antérieurement".

139 On a clairement laissé entendre qu'on [traduction] "pourrait envisager d'étendre la portée de la liste proposée" en y incluant les [traduction ] "collaborateurs résidant présentement dans un territoire antérieurement occupé".

140 Procès-verbal de la 10e réunion du conseil de sécurité tenue le 30 janvier 1947, signé par J. A. K. Rutherford, secrétaire, 1er février 1947. Pièce 9, document 395.

141 Mémoire au Cabinet de E. W. Gill, vice-président, conseil de sécurité, 4 février 1947, par. 3. Pièce 9, document 398.

142 M. d'Ombrain utilise le terme [traduction] "imprécis" dans son affidavit. Voir l'affidavit de d'Ombrain sous la rubrique [traduction ] "Clarification des critères relatifs aux activités en temps de guerre", aux par. 93 à 109.

143 Note de service adressée par P. M. Dwyer, secrétaire, conseil de sécurité, au conseil de sécurité, 30 avril 1952, par. 10. Pièce 15, document 944.

144 Observations finales du demandeur, au par. 489.

145 Lettre de E. W. Gill, secrétaire par intérim, conseil de sécurité, à J. A. Glen, ministre des Mines et des Ressources, 23 août 1946. Pièce 8, document 325.

146 Extrait tiré des "Conclusions du Cabinet" lors de la réunion du Cabinet du 5 août 1946. Pièce 8, document 316.

147 Note de service confidentielle à l'intention de M. Wrong, 24 juillet 1946. Pièce 7, document 314.

148 Extrait tiré des "Conclusions du Cabinet" lors de la réunion du Cabinet du 5 août 1946. Pièce 8, document 316.

149 Lettre adressée par le commissaire de la GRC au sergent d'état-major W. W. Hinton, 23 octobre 1946. Pièce 8, document 342.

150 Loi de l'immigration, S.R.C. 1927, ch. 93.

151 Loi de l'immigrationInterdiction aux immigrants de débarquer au Canada, sauf en certains cas, C.P. 1947-4849, DORS/47-920, Gazette du Canada 1947.II.2485.

152 Loi de l'immigrationEntrée au Canada interdite aux étrangers ennemis, C.P. 1947-4850, DORS/47-921, Gazette du Canada 1947.II.2487.

153 Loi de l'immigrationRèglements sur la production de passeports par les immigrants venant au Canada, C.P. 1947-4851, DORS/47-922, Gazette du Canada 1947.II.2487.

154 Lettre adressée par le commissaire adjoint Nicholson à l'officier responsable de la Division spéciale, contrôle des visas, 22 juillet 1948. Pièce 11, document 660.

155 Lettre adressée par Geo. B. McClellan au major J. A. Wright, 26 juillet 1948. Pièce 12, document 661.

156 Note de service adressée au conseil de sécurité, Objet: Contrôle de sécurité des candidats à l'immigration, par J. A. K. Rutherford, secrétaire du conseil de sécurité, 30 mars 1948. Pièce 11, document 604.

157 Les art. 13 à 20 de la Loi de l'immigration conféraient le droit d'interjeter appel devant un conseil d'enquête de toute décision de refuser l'admission en vertu de la Loi ainsi qu'un autre droit d'interjeter appel devant le ministre sauf dans les cas où le refus reposait sur des raisons d'ordre médical.

158 Lettre du commissaire de la GRC au directeur de l'Immigration, 3 juillet 1948. Pièce 11, document 650.

159 Accord confidentiel relatif aux [traduction] "Fonctions et attributions des agents de sécurité affectés à la mission d'immigration du Canada dans les territoires occupés" signé par le directeur, Direction générale de l'immigration, et le commissaire de la GRC, 12 juillet 1948. Pièce 11, document 655.

160 Dans une note de service datée du 7 février 1949, le commissaire adjoint de l'Immigration, Laval Fortier, fait la remarque suivante: [traduction] "afin de permettre aux hauts fonctionnaires de la Direction générale (le ministre, le sous-ministre [etc.]) de connaître les motifs de refoulement, la GRC a accepté d'inclure, après les termes "N'a pas réussi le contrôle de sécurité", les motifs de refoulement en indiquant ceux-ci par les lettres a), b), c), d), etc., suivant les motifs applicables". Pièce 12, document 730.

161 Affidavit de d'Ombrain, aux par. 29 à 33.

162 Affidavit de d'Ombrain, au par. 28.

163 Extrait tiré des "Conclusions du Cabinet" de la réunion du Cabinet, 5 août 1946. Pièce 8, document 316.

164 Cela devrait être évident pour le demandeur puisqu'il a admis, dans la présente affaire, que le défendeur n'était pas visé par la refonte du décret C.P. 1947-2180, mais plutôt par la refonte du décret C.P. 1931-695. Transcription, aux p. 3533 à 3556.

165 Voir le décret C.P. 1950-4850, interdisant l'entrée au Canada aux étrangers ennemis.

166 Dès le 8 juillet 1948, au cours de la deuxième réunion du conseil de sécurité, on trouve ce qui suit :

    [traduction] Des doutes existaient quant à savoir si les dispositions réglementaires applicables en matière d'immigration conféraient le pouvoir de refouler les personnes jugées indésirables du point de vue de la sécurité et, advenant le cas où la situation l'exigeait, si de nouvelles procédures devaient être prévues.

À la fin de cette réunion, on a adopté une résolution qui prévoyait la rédaction, pour le bénéfice du ministre des Mines et des Ressources, d'une [traduction] "disposition devant être incluse dans les nouveaux règlements [. . .] afin de permettre le refoulement des personnes indésirables pour raisons de sécurité". Procès-verbal du conseil de sécurité, 8 juillet 1946, à la p. 5. Pièce 7, document 309.

167 Note de service adressée à M. Robertson par A. P. Heeney, 20 septembre 1926. Pièce 8, document 327.

168 Mémoire au Cabinet de E. W. T. Gill, vice-président, conseil de sécurité, 4 février 1947. Pièce 9, document 398.

169 Projet de mémoire adressé au premier ministre par N. A. R. (N. A. Robertson), 16 septembre 1949. Pièce 13, document 783.

170 Affidavit de M. d'Ombrain, au par. 14.

171 Loi de l'immigrationDécret concernant l'entrée d'immigrants au Canada, C.P. 1950-2856, DORS/50-232, Gazette du Canada 1950.II.814.

172 Directive du Cabinet: Circulaire no 14: Refoulement d'immigrants pour raisons de sécurité, N. A. Robertson, 28 octobre 1949. Document 805.

    [traduction] Les personnes déplacées ainsi que certaines catégories de candidats à l'immigration souhaitant entrer au Canada font l'objet d'une enquête conformément aux procédures établies par la GRC. Les personnes entrant dans certaines catégories (c.-à-d. les communistes, les membres du parti nazi ou d'un parti fasciste ou de tout groupe révolutionnaire, les "collaborateurs" et les personnes qui se servent de noms ou de documents faux ou fictifs) sont considérées inadmissibles au sens de la Loi de l'immigration et leur demande de visa est rejetée. Comme certaines des personnes ainsi refoulées ne savent pas que les agences de sécurité et les services secrets sont au courant de leurs antécédents subversifs, la divulgation des motifs de leur refoulement risquerait d'éveiller les soupçons et de compromettre des sources de renseignement précieuses.

173 Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigraiton) c. Bogutin, (1998), 144 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.), au par. 66, p. 18.

174 Bogutin, précitée, au par. 67, p. 18.

175 Bogutin, précitée, au par. 73, p. 19.

176 Affidavit de d'Ombrain, aux par. 26, 49.

177 Affidavit de d'Ombrain, au par. 54.

178 Affidavit de d'Ombrain, aux par. 56, 57.

179 À cette époque, l'immigration ne relevait plus du ministère des Mines et des Ressources. Un nouveau ministère avait été créé et l'immigration avait été confiée au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

180 Halsbury's Laws of England, vol. 8(2), 4e éd., réédition, à la p. 244, par. 367.

181 P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 4e éd. (Toronto: Carswell, 1997), aux p. 15 à 19.

182 L.R.C. (1985), ch. I-21. 

183 Voir le par. 267 ci-dessus.

184 Si on présume que c'est le cas aux fins de la présente affaire.

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