T-944-98
Wang Canada Limited (demanderesse)
c.
Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux (défendeur)
Répertorié: Wang Canada Ltd.c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux)(1re inst.)
Section de première instance, juge McGillis"Ottawa, 10 et 28 septembre 1998.
Couronne — Contrats — Contrôle judiciaire d'une décision par laquelle le délégué du ministre a conclu qu'il n'était pas dans l'intérêt public, au sens de l'art. 1015(4)c) de l'ALÉNA d'adjuger un marché — Après enquête, le TCCE a conclu que TPSGC n'avait pas passé le marché pour la fourniture de services d'entretien du matériel informatique de Revenu Canada conformément aux exigences énoncées dans l'ALÉNA et dans l'Accord sur le commerce intérieur — Il a recommandé que TPSGC adjuge le marché à Wang, sous réserve de l'art. 1015(4)c) — TPSGC a décidé pour des raisons d'intérêt public de ne pas adjuger le marché à Wang — Il a lancé une nouvelle DP — En vertu de l'art. 1015(4)c), une entité gouvernementale doit adjuger un marché à un fournisseur dont la soumission respecte certains critères sauf si elle décide, pour des raisons d'intérêt public, de ne pas passer le marché — Une entité gouvernementale ne peut invoquer l'exception concernant l'intérêt public que lorsqu'elle décide de ne pas adjuger le marché — Le délégué du ministre n'a jamais décidé que le marché ne serait pas passé — L'exception prévue à l'art. 1015(4)c) ne peut pas être invoquée vu l'intention de passer le marché.
Commerce extérieur — Contrôle judiciaire d'une décision par laquelle le délégué du ministre a conclu qu'il n'était pas dans l'intérêt public, au sens de l'art. 1015(4)c) de l'ALÉNA, d'adjuger un marché — Après enquête, le TCCE a conclu que TPSGC n'avait pas passé le marché pour la fourniture de services d'entretien du matériel informatique de Revenu Canada conformément aux exigences énoncées dans l'ALÉNA et dans l'Accord sur le commerce intérieur — Il a recommandé que TPSGC adjuge le marché à Wang, sous réserve de l'art. 1015(4)c) — TPSGC a décidé pour des raisons d'intérêt public de ne pas adjuger le marché à Wang — Il a lancé une nouvelle DP — En prenant des mesures procédurales pour passer outre à la décision du Tribunal, le délégué du ministre a contrevenu à l'objectif du régime législatif, en particulier à l'obligation prévue à l'art. 30.18(1) de la Loi sur le TCCE de mettre en œuvre les recommandations du Tribunal dans toute la mesure du possible — Le régime législatif incorporant des accords commerciaux importants doit être rigoureusement respecté — Le délégué du ministre a commis une erreur de droit en interprétant mal l'étendue du pouvoir conféré par l'art. 1015(4)c).
Interprétation des lois — En vertu de l'art. 1015(4)c) de l'ALÉNA, une entité gouvernementale doit adjuger un marché à un fournisseur dont la soumission respecte certains critères sauf si elle décide, pour des raisons d'intérêt public, de ne pas passer le marché — L'argument selon lequel l'—intérêt public— devrait être interprété en opposant l'intérêt d'avoir une procédure de passation des marchés publics qui soit transparente et équitable et l'intérêt d'obtenir ses biens et services au prix le plus avantageux et le plus bas possible est rejeté — L'expression —intérêt public—, dans le contexte de l'art. 1015(4)c), habilite le ministre à prendre une décision administrative discrétionnaire en évaluant et en appréciant un large éventail de considérations allant au-delà de celles qui sont en litige entre les parties, afin de se prononcer sur ce qui est le plus avantageux pour le public canadien.
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle le délégué du défendeur a conclu qu'il n'était pas dans l'intérêt public, au sens de l'alinéa 1015(4)c) de l'Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d'Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique (l'ALÉNA), d'adjuger à Wang un marché de services d'entretien d'ordinateurs. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le ministère) a publié une demande de proposition et un énoncé des travaux (DP) pour la fourniture "au fur et à mesure des besoins" de services nationaux d'entretien du matériel informatique de Revenu Canada. Wang, le fournisseur de services en place, a présenté une soumission qui ne paraissait pas exiger qu'elle prenne à sa charge la main-d'œuvre pour l'enlèvement de composants défectueux et la réinstallation de composants nouveaux ou réparés suivant l'option de service "Composant par incident" dans la DP. Tous les autres soumissionnaires avaient prévu que la main-d'œuvre faisait partie du service à fournir. Le Ministère a informé Wang que sa proposition n'était pas conforme à la DP et que le marché serait adjugé "à la compagnie ayant présenté la proposition conforme portant la cote la plus élevée conformément aux critères d'évaluation". Wang a déposé une plainte devant le Tribunal canadien du commerce extérieur. Après son enquête, le Tribunal a conclu que la DP n'obligeait pas le soumissionnaire à inclure les frais de main-d'œuvre pour l'enlèvement d'un composant défectueux et la réinstallation d'un nouveau composant dans le cadre du service d'option "Composant par incident". Ayant conclu que le Ministère n'avait pas passé le marché conformément aux exigences énoncées dans l'ALÉNA et dans l'Accord sur le commerce intérieur , le Tribunal a recommandé que le Ministère adjuge le marché à Wang, sous réserve de l'exception concernant l'intérêt public prévue à l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA. Le délégué du ministre a informé le Tribunal que, pour des raisons d'intérêt public, le Ministère n'avait pas l'intention d'adjuger le marché à Wang. Wang a présenté une demande de contrôle judiciaire pour contester la décision du Ministère de republier une DP relativement aux services d'entretien d'ordinateurs dont a besoin Revenu Canada. Le Ministère a alors décidé qu'au lieu de republier la DP, il en lancerait une nouvelle qui était identique à la précédente, sauf qu'il y était précisé que la main-d'œuvre nécessaire à l'enlèvement et à l'installation de composants d'ordinateur constituait une condition essentielle de l'option de service "Composant par incident". Wang a présenté une soumission à la nouvelle DP.
La question en litige est de savoir si le ministre a agi de mauvaise foi, a commis une erreur de droit ou s'est fondé sur des considérations non pertinentes pour statuer qu'il n'était pas dans l'intérêt public d'adjuger le marché à Wang.
Jugement: la demande doit être accueillie et le marché doit être adjugé à Wang conformément à la recommandation du Tribunal.
L'avocat de la demanderesse a soutenu que l'expression "intérêt public" à l'alinéa 1015(4)c) devrait être interprétée en opposant l'intérêt d'avoir une procédure de passation des marchés publics qui soit transparente et équitable et l'intérêt de permettre au gouvernement d'obtenir ses biens et services au prix le plus avantageux et le plus bas possible. À l'appui de cet argument, il a fait remarquer que l'ALÉNA et l'Accord sur le commerce intérieur envisagent une procédure de passation des marchés qui tiennent compte de ces deux intérêts. Ces arguments ne peuvent être retenus parce qu'ils restreignent ou limitent inutilement la portée de l'expression "intérêt public". Cette expression, dans le contexte de l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA, habilite le ministre à prendre une décision administrative discrétionnaire en évaluant et en appréciant un large éventail de considérations allant au-delà de celles qui sont en litige entre les parties, afin de se prononcer sur ce qui est le plus avantageux pour le public canadien. Cette interprétation est étayée par la jurisprudence et par le préambule général de l'ALÉNA, qui prévoit notamment que les parties ont résolu "de préserver leur liberté d'action relativement à la sauvegarde du bien public".
En vertu de l'alinéa 1015(4)c), une entité gouvernementale doit adjuger un marché à un fournisseur dont la soumission respecte certains critères sauf si elle décide, pour des raisons d'intérêt public, de ne pas passer le marché. En conséquence, une entité gouvernementale ne peut invoquer l'exception concernant l'intérêt public prévue à l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA que lorsqu'elle décide de ne pas adjuger le marché. Le délégué du ministre n'a jamais décidé que Revenu Canada n'avait pas besoin de services nationaux d'entretien préventif et correctif sur place de son matériel informatique "au fur et à mesure des besoins", comme l'exigeait la DP originale, ou qu'un tel marché ne serait pas passé. Le délégué du ministre n'avait pas le droit de se prévaloir de l'exception concernant l'intérêt public puisqu'il n'a pas décidé "de ne pas passer le marché" au sens de l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA.
Qui plus est, en prenant des mesures procédurales pour passer outre à la décision du Tribunal, le délégué du ministre a contrevenu à l'objectif du régime législatif, en particulier à l'obligation, prévue au paragraphe 30.18(1) de la Loi sur le TCCE, pour une entité gouvernementale de mettre en œuvre les recommandations du Tribunal dans toute la mesure du possible. Le délégué du ministre aurait dû contester directement la décision en engageant des procédures de contrôle judiciaire. L'ALÉNA et l'Accord sur le commerce intérieur sont des accords commerciaux importants qui imposent des obligations considérables à nos institutions fédérales et le régime législatif les incorporant au droit canadien doit être rigoureusement respecté.
lois et règlements
Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d'Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, le 17 décembre 1992, [1994] R.T. Can. no 2, art. 1013(1)g), 1015(4)c),d).
Accord sur le commerce intérieur, Gazette du Canada, Partie I, vol. 129, no 17 (29 Avril 1995), art. 506(6).
Loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain, L.C. 1993, ch. 44.
Loi de mise en œuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, L.C. 1996, ch. 17.
Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 47, art. 30.11(1) (édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 44), 30.13 (édicté, idem), 30.14 (édicté, idem), 30.15(1) (édicté, idem), (2) (édicté, idem), 30.18(1) (édicté, idem), (2) (édicté, idem).
Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93-602 (mod. par DORS/95-300, art. 2), art. 7 (mod., idem, art. 7; 96-30, art. 5), 11 (mod. par DORS/95-300, art. 9; 96-30, art. 8), 13a) (édicté, idem, art. 9).
jurisprudence
décisions citées:
Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2; (1982), 137 D.L.R. (3d) 558; 44 N.R. 354; Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646; (1997), 147 D.L.R. (4th) 93; 212 N.R. 63 (C.A.); Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Nakina (Municipalité) (1986), 69 N.R. 124 (C.A.F.); R. c. Morales, [1992] 3 R.C.S. 711; (1992), 77 C.C.C. (3d) 91; 17 C.R. (4th) 74; 12 C.R.R. (2d) 31; 144 N.R. 176; 51 Q.A.C. 161; R. c. Zundel, [1992] 2 R.C.S 731; (1992), 95 D.L.R. (4th) 202; 75 C.C.C. (3d) 449; 16 C.R. (4th) 1; 140 N.R. 1; 56 O.A.C. 161.
DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le délégué du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux a conclu qu'il n'était pas dans l'intérêt public, au sens de l'Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d'Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, d'adjuger à Wang un marché de services d'entretien d'ordinateurs (Wang Canada Ltd. (Re), [1998] T.C.C.E. no 17 (QL)). Demande accueillie.
ont comparu:
Gordon K. Cameron et Nancy K. Brooks pour la demanderesse.
Michael Ciavaglia pour le défendeur.
avocats inscrits au dossier:
Blake, Cassels & Graydon, Ottawa, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
Le juge McGillis:
INTRODUCTION
La demanderesse Wang Canada Limited (Wang) conteste par voie de contrôle judiciaire une décision datée du 31 mars 1998 par laquelle le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le ministre) a conclu, par l'intermédiaire de son sous-ministre adjoint Alan Williams, qu'il n'était pas dans l'intérêt public, au sens de l'alinéa 1015(4)c) de l'Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d'Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique (l'ALÉNA)1, d'adjuger à Wang un marché de services d'entretien d'ordinateurs.
FAITS
En juillet 1997, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) a publié une demande de proposition et un énoncé des travaux (DP) pour la fourniture "au fur et à mesure des besoins" de services nationaux d'entretien préventif et correctif sur place du matériel informatique de Revenu Canada. Wang et sept autres compagnies ont présenté des soumissions en réponse à la DP. Wang est l'actuel fournisseur de tels services à Revenu Canada en vertu d'un contrat qui prend fin le 30 septembre 1998.
Au début d'octobre 1997, le Ministère a décidé que la proposition de Wang satisfaisait aux exigences de la DP, et a estimé que sa proposition présentait la "meilleure valeur" conformément aux critères spécifiés.
Au cours des mois d'octobre et de novembre 1997, le Ministère et Wang ont négocié les conditions du marché aux termes duquel les services devaient être fournis. Le 19 novembre 1997, ils se sont entendus sur les conditions du marché. Toutefois, le Ministère a par la suite informé Wang que sa soumission ne semblait pas exiger qu'elle prenne à sa charge la main-d'œuvre pour l'enlèvement de composants défectueux et la réinstallation de composants nouveaux ou réparés suivant l'option de service "Composant par incident" dans la DP. Wang a répondu au Ministère que la main-d'œuvre pour l'enlèvement de composants défectueux et la réinstallation de composants nouveaux ou réparés n'était pas une exigence obligatoire en vertu de l'option de service "Composant par incident". En fait, aux termes du marché de service existant avec Wang, Revenu Canada devait fournir la main-d'œuvre pour enlever les composants défectueux et les remplacer par des composants nouveaux ou réparés. Toutefois, les sept autres compagnies qui ont présenté des propositions en réponse à la DP avaient prévu que la main-d'œuvre faisait partie du service à fournir.
Dans une lettre datée du 5 décembre 1997, le Ministère a informé Wang que sa proposition n'était pas conforme à la DP, et que le marché devrait être adjugé [traduction] "à la compagnie ayant présenté la proposition conforme portant la cote la plus élevée conformément aux critères d'évaluation". Dans cette lettre, le Ministère a expliqué les raisons pour lesquelles il estimait que les frais de main-d'œuvre requis pour l'enlèvement et la réinstallation de composants d'ordinateur étaient une partie essentielle des conditions de Revenu Canada dans la DP. Il a notamment invoqué les renseignements contenus dans la mise à jour de la DP indiquant que l'option de service en cause était "nouvelle" et que Wang, qui était l'actuel fournisseur de services pour Revenu Canada, ne pouvait se servir des clauses qui, dans son contrat actuel, concernaient les travaux effectués pour interpréter celles contenues dans la DP.
Le 16 décembre 1997, Wang a déposé une plainte conformément au paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (la Loi sur le TCCE)2 devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal). Wang a soutenu dans sa plainte que le Ministère avait contrevenu au paragraphe 506(6) de l'Accord sur le commerce intérieur3 en n'indiquant pas clairement dans la DP les critères appliqués dans l'évaluation des soumissions. Subsidiairement, Wang a allégué que la DP était ambigüe quant aux travaux nécessaires concernant l'option de service "Composant par incident". Elle a en outre prétendu que le Ministère avait enfreint les alinéas 1015(4)c) et d) de l'ALÉNA puisque le marché ne serait pas adjugé en conformité avec les critères et les conditions essentielles spécifiés dans la DP. Wang a finalement affirmé que le Ministère avait enfreint l'alinéa 1013(1)g) de l'ALÉNA en omettant d'inclure "une description complète des produits ou services demandés".
Le 19 décembre 1997, le Tribunal a statué que les conditions d'enquête précisées à l'article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics4 (le Règlement sur les enquêtes du TCCE) avaient été remplies et, conformément à l'article 30.13 [édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 44] de la Loi sur le TCCE, il a décidé d'enquêter sur la plainte. Le Tribunal a effectué son enquête en se fondant sur les observations écrites de Wang, du Ministère et d'un intervenant.
Dans sa plainte, Wang a demandé au Tribunal de prendre diverses mesures correctives. Elle lui a notamment demandé de lui adjuger le marché. Subsidiairement, dans l'éventualité où le Tribunal déciderait que la disposition attaquée dans la DP était ambigüe, Wang a demandé ce qui suit:
[. . .] qu'une nouvelle invitation à soumissionner soit lancée pour la partie du marché portant sur le "Composant par incident" uniquement ou qu'une nouvelle invitation portant sur la proposition financière seulement soit lancée, ou qu'une nouvelle invitation pour combler le besoin soit lancée. Wang a en outre demandé d'être indemnisée de ses frais pour la révision de sa soumission pour la rendre conforme aux exigences de la nouvelle invitation à soumissionner et de ses frais de présentation de la présente plainte.
Le Ministère a notamment fait valoir devant le Tribunal qu'il n'y avait aucune ambiguïté dans les exigences de la DP. Il a donc demandé au Tribunal de rejeter la plainte de Wang avec dépens.
Après son enquête, le Tribunal a rendu sa décision le 11 mars 1998 [Wang Canada Ltd. (Re), [1998] T.C.C.E. no 17 (QL)]; il a statué que la plainte de Wang était fondée. Il a en particulier conclu que la DP n'obligeait pas le soumissionnaire à inclure les frais de main-d'œuvre pour l'enlèvement d'un composant défectueux et la réinstallation d'un nouveau composant dans le cadre du service d'option "Composant par incident". Dans ses conclusions et sa décision, le Tribunal a dit notamment ce qui suit [aux paragraphes 55 à 59]:
Le Tribunal est d'avis que, selon les termes de la DP et les éclaircissements fournis par le Ministère, ces tâches peuvent être effectuées par le personnel de Revenu Canada. En revanche, ces tâches peuvent être effectuées par l'entrepreneur indépendamment de l'option de service "Composant par incident".
Comme il est d'avis que la DP n'exige pas que le soumissionnaire inclue dans le "Tarif de maintenance corrective d'un composant par incident" les frais de main-d'œuvre associés à l'enlèvement d'un composant défectueux et à l'installation d'un composant nouveau ou réparé, le Tribunal conclut que la décision du Ministère selon laquelle la proposition de Wang n'était pas conforme, pour le motif qu'elle ne comprenait pas les frais de main-d'œuvre, constitue une violation des dispositions du paragraphe 506(6) de l'ACI et du paragraphe 1013(1) de l'ALÉNA. Le Tribunal fait observer notamment que, comme le Ministère a interprété la DP comme si les frais de main-d'œuvre étaient inclus et a décidé de ce fait que la proposition de Wang était non conforme, le Ministère a introduit, après la clôture des soumissions, une nouvelle exigence obligatoire dans la DP.
Il est clair selon les renseignements au dossier que le Ministère a déterminé que la proposition de Wang avait la "meilleure valeur" et avait l'intention d'adjuger le marché à Wang comme en témoignent les négociations contractuelles entre le Ministère et Wang. N'eût été l'écart d'interprétation de l'élément du "Tarif de maintenance corrective d'un composant par incident" dans la DP, élément qui n'est venu à la connaissance du Ministère et de Wang qu'au moment où les conditions du marché allaient être mises au point, le Tribunal est d'avis que le Ministère aurait adjugé le marché à Wang. C'est pourquoi le Tribunal est d'avis que, sous réserve du paragraphe 1015(4) de l'ALÉNA, le marché doit être adjugé à Wang.
DÉCISION DU TRIBUNAL
À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine, relativement à l'objet de la plainte, que le marché public n'a pas été passé conformément aux exigences énoncées dans l'ALÉNA et dans l'ACI, et que, par conséquent, la plainte est fondée.
Aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective que, sous réserve des dispositions de l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA, le Ministère adjuge le marché à Wang.
Ayant conclu que la plainte était fondée puisque le Ministère n'avait pas passé le marché conformément aux exigences énoncées dans l'ALÉNA et dans l'Accord sur le commerce intérieur, le Tribunal a recommandé, comme mesure corrective, que le Ministère adjuge le marché à Wang, sous réserve de l'exception concernant l'intérêt public prévue à l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA. Dans les circonstances, il était inutile pour le Tribunal d'examiner la mesure corrective subsidiaire demandée par Wang, savoir qu'une nouvelle invitation à soumissionner soit lancée sous diverses formes.
En vertu du paragraphe 30.18(2) [édicté, idem] de la Loi sur le TCCE et de l'alinéa 13a) [édicté par DORS/96-30, art. 9] du Règlement sur les enquêtes du TCCE, le Ministère était tenu d'informer le Tribunal des mesures qu'il allait prendre relativement à sa décision. Dans une lettre datée du 31 mars 1998, le ministre, par l'intermédiaire de son sous-ministre adjoint Alan Williams, a informé le Tribunal que, pour des raisons d'intérêt public, le Ministère n'avait pas l'intention d'adjuger le marché à Wang. Dans sa lettre, M. Williams dit ce qui suit:
[traduction] La présente lettre est expédiée conformément à l'alinéa 13a) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics.
Dans la décision qu'il a rendue le mercredi 11 mars 1998, le Tribunal a fait la recommandation suivante concernant la plainte mentionnée en exergue relativement à une demande de proposition (DP) pour la fourniture de services d'entretien pour Revenu Canada.
"Aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur , le Tribunal canadien du commerce extérieur recommande, à titre de mesure corrective, que, sous réserve des dispositions de l'alinéa 1015(4)c) de l'Accord de libre-échange nord-américain, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux adjuge le marché à la société Wang Canada Limited."
L'État a examiné les conclusions du Tribunal et a analysé attentivement la recommandation du Tribunal, les exigences de Revenu Canada et les dispositions des accords commerciaux. Le Tribunal a conclu que la DP n'exigeait pas que le soumissionnaire inclue dans le "Tarif de maintenance corrective de composant par incident" les frais de main-d'œuvre associés à l'enlèvement d'un composant défectueux et à l'installation d'un composant nouveau ou réparé.
Ces frais de main-d'œuvre étaient toutefois censés faire partie des exigences concernant la fourniture de services d'entretien pour Revenu Canada, et l'État a toujours eu l'intention d'obtenir des services d'entretien qui respectaient les exigences énoncées dans le rapport de l'institution fédérale.
Les services proposés par Wang Canada Limited ne satisfont pas aux besoins de Revenu Canada. Si un marché devait être conclu avec Wang Canada Limited sur le fondement des spécifications de la DP comme l'a décidé le Tribunal, Revenu Canada paierait pour un service qui ne satisfait pas à tous ses besoins.
Il est allégué qu'en négociant avec Wang Canada pour élargir les travaux et augmenter le prix à payer en vertu du marché proposé afin de satisfaire aux exigences de Revenu Canada, l'État enfreindrait l'article 1014 de l'ALÉNA.
Pour ces motifs, l'État a conclu, conformément à l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA, qu'il n'est pas dans l'intérêt public d'adjuger le marché en cause à Wang Canada Limited.
Il me fait plaisir de vous informer que l'État a l'intention de relancer une demande de proposition relativement à ses besoins afin de permettre à tous les fournisseurs potentiels de présenter une proposition en fonction des exigences de Revenu Canada et selon lesquelles le "Tarif de maintenance corrective d'un composant par incident" inclut les frais de main-d'œuvre associés à l'enlèvement d'un composant défectueux et à l'installation d'un composant nouveau ou réparé. Il convient de souligner que cette façon de procéder correspondrait à la mesure corrective expressément demandée dans la plainte de Wang Canada Limited.
Le 5 mai 1998, Wang a présenté une demande de contrôle judiciaire pour contester la décision du Ministère de republier une DP relativement aux services d'entretien d'ordinateurs dont a besoin Revenu Canada. Dans une lettre datée du 11 mai 1998, l'avocat du Ministère a informé l'avocat de Wang que le Ministère ne republierait pas la DP, mais en lancerait plutôt une nouvelle.
Le 11 mai 1998, le Ministère a lancé une nouvelle DP relativement aux services d'entretien des ordinateurs de Revenu Canada. La nouvelle DP était identique à la précédente, sauf qu'il y était précisé que les frais de main-d'œuvre associés à l'enlèvement et à l'installation de composants d'ordinateur constituaient une condition essentielle de l'option de service "Composant par incident". La nouvelle DP prévoyait que les soumissions devaient être présentées au plus tard le 29 juin 1998. Wang a présenté une soumission à la nouvelle DP.
QUESTIONS EN LITIGE
La principale question en litige dans la présente demande est celle de savoir si le ministre a agi de mauvaise foi, a commis une erreur de droit ou s'est fondé sur des considérations non pertinentes pour statuer qu'il n'était pas dans l'intérêt public d'adjuger le marché à Wang.
ANALYSE
i) le régime législatif régissant la révision des marché publics
Le Canada est signataire de l'ALÉNA et de l'Accord sur le commerce intérieur qui exigent notamment que la procédure de passation des marchés publics concernant certains biens et services, dont ceux qui sont en cause dans l'espèce, soit transparente et équitable. Ces accords obligent aussi les signataires à mettre sur pied une instance chargée d'entendre les plaintes. Au Canada, la Loi sur le TCCE a créé le Tribunal à cette fin. Ce sont les articles 30.1 à 30.19 de la Loi sur le TCCE qui contiennent les dispositions applicables aux plaintes des fournisseurs potentiels à l'égard des marchés publics. Aux fins de la présente affaire, il suffit de se reporter à quelques-unes seulement de ces dispositions.
En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE, le soumissionnaire à un contrat pour la fourniture de biens et services que doit adjuger une institution fédérale peut déposer une plainte auprès du Tribunal "concernant la procédure des marchés publics". Sur dépôt d'une plainte, le Tribunal doit décider, conformément au paragraphe 30.13(1), s'il y a lieu d'enquêter. Lorsque le Tribunal décide d'enquêter sur une plainte, l'article 11 [mod. par DORS/95-300, art. 9; 96-30, art. 8] du Règlement sur les enquêtes du TCCE prévoit qu'il doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux exigences de l'ALÉNA et de l'Accord sur le commerce intérieur . Le Tribunal détermine le bien-fondé de la plainte conformément au paragraphe 30.14(2) [édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 44] de la Loi sur le TCCE. Le paragraphe 30.15(1) [édicté, idem] de la Loi sur le TCCE prévoit que le Tribunal doit remettre au plaignant, à l'institution fédérale concernée et à toute autre partie intéressée ses conclusions et ses éventuelles recommandations. Aux termes du paragraphe 30.15(2) [édicté, idem], le Tribunal peut, lorsqu'il donne gain de cause au plaignant, "recommander que soient prises des mesures correctives". Cette disposition est libellée de la manière suivante:
30.15 [. . .]
(2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu'il donne gain de cause au plaignant, recommender que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes:
a) un nouvel appel d'offres;
b) la réévaluation des soumissions présentées;
c) la résiliation du contrat spécifique;
d) l'attribution du contrat spécifique au plaignant;
e) le versement d'une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.
Le paragraphe 30.18(1) [édicté, idem] prévoit que, lorsque le Tribunal lui fait des recommandations, l'institution fédérale doit "les mettre en œuvre dans toute la mesure du possible". Le paragraphe 30.18(1) prévoit ce qui suit:
30.18 (1) Lorsque le Tribunal lui fait des recommendations en vertu de l'article 30.15, l'institution fédérale doit, sous réserve des règlements, les mettre en œuvre dans toute la mesure du possible.
En vertu du paragraphe 30.18(2) [édicté, idem], l'institution fédérale doit en outre, "par écrit [. . .] faire savoir [au Tribunal] dans quelle mesure elle compte mettre en œuvre les recommandations et, dans tous les cas où elle n'entend pas les appliquer en totalité, lui motiver sa décision".
ii) la mesure corrective recommandée par le Tribunal
Comme il a été mentionné plus haut, le Tribunal a recommandé, à titre de mesure corrective, que le Ministère adjuge le marché à Wang sous réserve des dispositions de l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA qui prévoit ce qui suit:
Article 1015 [. . .]
4. L'adjudication des marchés s'effectuera conformément aux procédures suivantes:
[. . .]
c) sauf si elle décide, pour des raisons d'intérêt public, de ne pas passer le marché, l'entité adjugera au fournisseur qui aura été reconnu pleinement capable d'exécuter le marché et dont la soumission sera la soumission la plus basse ou celle qui aura été jugée la plus avantageuse selon les critères d'évaluation spécifiés dans les avis ou dans la documentation relative à l'appel d'offres;
iii) la norme de contrôle
Dans leurs observations, les avocats des parties ont reconnu que la décision ministérielle de ne pas adjuger un marché est de nature discrétionnaire et n'est susceptible de contrôle par la Cour que dans les cas où le ministre ou son délégué a agi de mauvaise foi, a commis une erreur de droit ou a pris en considération des facteurs dénués de pertinence5.
iv) le sens de l'expression "intérêt public"
Il ressort d'un examen de la jurisprudence portant sur les termes "intérêt public" qu'il s'agit d'un concept général, souple et indéterminé, qui comporte néanmoins des considérations allant au-delà des intérêts des parties à un litige6 .
En l'espèce, l'avocat de la demanderesse a notamment soutenu que l'expression "intérêt public" à l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA devrait être interprétée en opposant l'intérêt d'avoir une procédure de passation des marchés publics qui soit transparente et équitable et l'intérêt de permettre au gouvernement d'obtenir ses biens et services au prix le plus avantageux et le plus bas possible. À l'appui de cet argument, il a fait remarquer que l'ALÉNA et l'Accord sur le commerce intérieur envisagent une procédure de passation des marchés qui tiennent compte de ces deux intérêts. Je ne peux pas retenir ces arguments parce qu'ils restreignent ou limitent inutilement la portée de l'expression "intérêt public". À mon avis, cette expression, dans le contexte de l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA, habilite le ministre à prendre une décision administrative discrétionnaire en évaluant et en appréciant un large éventail de considérations allant au-delà de celles qui sont en litige entre les parties, afin de déterminer ce qui est le plus avantageux pour le public canadien. Mon interprétation de l'expression "intérêt public" à l'alinéa 1015(4)c) est étayée non seulement par la jurisprudence, mais aussi par le préambule général de l'ALÉNA qui prévoit notamment que les parties ont résolu "de préserver leur liberté d'action relativement à la sauvegarde du bien public".
Toutefois, dans le contexte de l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA, la question qui se pose est non seulement de savoir si le ministre a commis une erreur en appréciant l'intérêt public, mais aussi s'il a commis une erreur en décidant, "pour des raisons d'intérêt public, de ne pas [adjuger] le marché" à Wang.
v) l'exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire
Dans une lettre datée du 11 mars 1998, le délégué du ministre, Alan Williams, a décidé, en vertu de l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA, de ne pas adjuger le marché à Wang pour des raisons d'ordre public. Dans sa lettre, il a indiqué que le gouvernement avait toujours voulu que les frais de main-d'œuvre en cause soient inclus dans les conditions concernant la fourniture de certains services d'entretien spécifiés dans la DP. De plus, dans l'éventualité où Revenu Canada serait tenu de conclure un marché fondé sur les spécifications contenues dans la DP, selon l'interprétation du Tribunal, il devrait payer un service qui ne répond à tous ses besoins. Enfin, l'avocat a soutenu que le Ministère serait obligé de négocier avec Wang, contrevenant ainsi à l'article 1014 de l'ALÉNA. C'est pourquoi, a-t-il indiqué, la DP serait publiée de nouveau afin de permettre à des soumissionnaires de présenter une proposition fondée sur l'exigence que l'option de service "Composant par incident" inclue les frais de main-d'œuvre pour l'enlèvement et la réinstallation de composants. Il a ajouté que la nouvelle publication de la DP permettrait à Wang d'obtenir la mesure corrective qu'elle avait demandée dans sa plainte au Tribunal. Après que Wang eut déposé la présente demande de contrôle judiciaire, une nouvelle DP identique à la première a été lancée, sauf que l'option de service "Composant par incident" exigeait expressément les frais de la main-d'œuvre pour enlever des composants défectueux et les remplacer par des pièces nouvelles ou réparées.
En vertu de l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA, une entité gouvernementale doit adjuger un marché à un fournisseur dont la soumission respecte certains critères sauf si "elle décide, pour des raisons d'intérêt public, de ne pas passer le marché". En conséquence, une entité gouvernementale ne peut invoquer l'exception concernant l'intérêt public prévue à l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA que lorsqu'elle décide de ne pas adjuger le marché.
En l'espèce, les faits démontrent que le délégué du ministre n'a pas décidé "de ne pas passer le marché" au sens de l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA; au contraire, il a décidé que le marché devait être adjugé, mais que la DP devrait être modifiée pour qu'y soit expressément mentionnée l'exigence concernant la main-d'œuvre dans le service d'option "Composant par incident". En d'autres termes, le délégué du ministre n'a jamais décidé que Revenu Canada n'avait pas besoin de services nationaux d'entretien préventif et correctif sur place de son matériel informatique "au fur et à mesure des besoins", comme l'exigeait la DP originale, ou qu'un tel marché ne devrait pas être passé. Toutefois, pour corriger ce qu'il considérait comme une erreur, une omission ou une ambiguïté dans la DP originale, il a choisi de ne pas tenir compte des conclusions du Tribunal ni de sa recommandation d'adjuger le marché à Wang, en lançant une nouvelle DP. À mon avis, le délégué du ministre n'avait pas le droit, dans les circonstances de l'espèce, de se prévaloir de l'exception concernant l'intérêt public puisqu'un examen objectif des faits révèle qu'il n'a pas décidé "de ne pas passer le marché" au sens de l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA. Qui plus est, en prenant des mesures procédurales pour passer outre à la décision du Tribunal, le délégué du ministre a contrevenu à l'objectif du régime législatif, en particulier à l'obligation prévue au paragraphe 30.18(1) de la Loi sur le TCCE de mettre en œuvre les recommandations du Tribunal dans toute la mesure du possible. Vu son désaccord manifeste avec l'interprétation qu'a faite le Tribunal de la disposition attaquée de la DP, le délégué du ministre aurait dû contester directement la décision en engageant des procédures de contrôle judiciaire plutôt qu'en se prévalant de l'exception concernant l'intérêt public prévue à l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA pour tenter de soustraire à cette obligation. L'ALÉNA et l'Accord sur le commerce intérieur sont des accords commerciaux importants qui imposent des obligations considérables à nos institutions fédérales, et le régime législatif les incorporant au droit canadien doit être rigoureusement respecté. Malheureusement, les actes du délégué du ministre en l'espèce sont incompatibles avec l'objectif général de ce régime législatif en ce qui concerne la procédure de passation des marchés.
Compte tenu des circonstances, je conclus que le délégué du ministre a commis une erreur de droit en interprétant mal l'étendue du pouvoir qui lui est conféré par l'alinéa 1015(4)c) de l'ALÉNA, vu son intention de passer le marché pour la fourniture de services nationaux d'entretien préventif et correctif sur place du matériel informatique de Revenu Canada.
DÉCISION
La demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens. La décision du ministre, rendue par son sous-ministre adjoint Alan Williams le 31 mars 1998, est annulée. Le Ministère doit adjuger le marché à Wang conformément à la recommandation du Tribunal.
1 17 décembre 1992, [1994] R.T. Can. no 2. L'ALÉNA a été incorporé aux lois du Canada par la Loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain, L.C. 1993, ch. 44.
2 L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 47, édicté par la Loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain, L.C. 1993, ch. 44, art. 44.
3 Accord sur le commerce intérieur, Gazette du Canada, Partie I, 29 avril 1995, vol. 129, no 17, p. 1323-1470. L'Accord sur le commerce intérieur a été incorporé aux lois du Canada par la Loi de mise en œuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, L.C. 1996, ch. 17.
4 DORS/93-602, mod. par DORS/95-300, art. 7 et DORS/96-30, art. 5.
5 Voir, par exemple, Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux p. 7 et 8; Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.), à la p. 664.
6 Voir, par exemple, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada v. Nakina (Municipalité) (1986) , 69 N.R. 124 (C.A.F.), à la p. 125; R. c. Morales, [1992] 3 R.C.S. 711, aux p. 732, 751 et 752, 755 à 766; et R. c. Zundel, [1992] 2 R.C.S. 731, aux p. 769 et 770.