Befega Inc. (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le ler février; Ottawa, le 17 avril
1972.
Impôt sur le revenu—Bail emphytéotique de 99 ans avec
loyer élevé—Dépenses engagées pour trouver un preneur et
pour couvrir les honoraires des conseillers juridiques et des
comptables—Dépenses de capital—Ce n'est pas une »tenure
à bail»—Impossibilité de réclamer des allocations du coût
en capital.
En 1965 la compagnie appelante accordait un bail emphy-
téotique pour un terrain situé au Québec pour une période
de 99 ans et à un loyer annuel moyen de $110,000. Elle
versa $45,000 à une compagnie de fiducie pour trouver un
preneur et dépensa en outre $15,730 pour les honoraires
des conseillers juridiques et des comptables relativement au
bail.
Arrêt: (1) Le bail emphytéotique a entraîné des avantages
ou un profit de nature durable pour l'appelante et les
paiements susmentionnés étaient donc des paiements de
capital. Il s'ensuit qu'en vertu de l'article 11(1)a) de la Loi
de l'impôt sur le revenu il est impossible de les déduire dans
le calcul du revenu de l'appelante.
Arrêts mentionnés: Cohen c. M.R.N. [1967] C.T.C.
254; B.C. Electric Rly. Co. c. M.R.N. [1958] R.C.S.
133; British Insulated & Helsby Cables Ltd. c. Atherton
[1926] A.C. 205; Montreal Light, Heat & Power Con
solidated c. M.R.N. [1942] R.C.S. 89; Regent Oil Co. c.
Strick [1966] A.C. 295; M.R.N. c. Algoma Central Rly.
[1968] R.C.S. 447; M.R.N. c. Dominion Natural Gas
Co. [1941] R.C.S. 19; M.R.N. c. Kellogg Co. of Can.
[1943] R.C.S. 58; Hudson's Bay Co. c. M.R.N. [1947]
R.C.É. 130.
(2) Le droit de l'appelante en tant que bailleur d'un bail
emphytéotique n'était pas celui découlant d'une «tenure à
bail», terme qui se réfère au droit du preneur; en consé-
quence, en vertu du Règlement 1100(1)h) et de la catégorie
13 des Règlements de l'impôt sur le revenu, l'appelante n'a
pas droit à l'allocation du coût en capital pour les dépenses
susmentionnées.
Arrêt mentionné: Gateway Lodge Ltd.. c. M.R.N.
[1967] R.C.É. 326.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
Jean Marc Poulin pour l'appelante.
Roger Roy et Gaetan Drolet pour l'intimé.
LE JUGE WALSH—Il s'agit de l'appel de la
décision de la Commission d'appel de l'impôt en
date du 16 décembre 1969, confirmant la coti-
sation de l'impôt sur le revenu de l'appelante de
l'année 1965, qui a été établie le 24 octobre
1966 et légèrement modifiée par la nouvelle
cotisation établie le 29 février 1968. Dans sa
décision, la Commission a refusé d'allouer la
somme de $59,730.12 réclamée par l'appelante
à titre de dépenses pour cette année-là, ce qui
s'est soldé par un bénéfice de $14,660.19 au
lieu d'une perte de $45,069.93 que l'appelante
avait indiquée dans sa déclaration d'impôt. En
établissant par la suite la nouvelle cotisation, le
Ministre a également refusé une somme supplé-
mentaire de $380.72 incluse par l'appelante
dans sa déclaration à titre de coûts d'incorpora-
tion, ce qui a eu pour résultat de porter le
revenu imposable à $15,040.91 sur lequel un
impôt de $1,654.50 a été levé. Dans le présent
appel, l'appelante renonce à s'opposer au rejet
des coûts d'incorporation. La somme de $59,-
730.12, montant des dépenses refusées qui fait
l'objet de l'appel, se compose des trois postes
suivants: commission payable à la Morgan
Trust Co. $45,000.00, honoraires profession-
nels versés à M. Rodolphe Paré $10,230.12 et
honoraires professionnels versés à Samson et
Bélair $4,500.00. M. Paré est le conseiller juri-
dique et Samson et Bélair les vérificateurs de
l'appelante. La commission de $45,000 versée à
la Morgan Trust Company devait couvrir les
frais, à un taux réduit, qu'elle a engagés pour
trouver un preneur et faire conclure entre ce
dernier et l'appelante un bail emphytéotique
d'une durée de 99 ans. Ce bail portait sur un
certain bien dont l'appelante s'était portée
acquéreur simultanément à la conclusion du
bail. Le paiement des trois comptes en litige a
été fait au cours de l'année financière de la
compagnie se terminant le 31 juillet 1965 pour
des services prenant fin en août 1964, date de la
signature du bail emphytéotique. Alors que les
services de la Morgan Trust Company se limi-
taient à trouver un preneur qui louerait le bien
en question en signant un bail emphytéotique et
à négocier les termes de ce dernier, les services
des vérificateurs et du conseiller juridique de la
compagnie ont été également rendus pour d'au-
tres accords conclus simultanément et qui sont
intimement liés au bail. Il est donc nécessaire de
mentionner ces autres accords.
Trois personnes, nommément MM. Bernard
Dupuis, Gaston Dupuis et Fernand Lareau, pos-
sédaient à eux trois toutes les actions de la
Lucerne Motel Cie Ltée et 50% des actions de
la Réveillon Restaurant Inc., que la première
exploitait, les 50% restant des actions de la
Réveillon Restaurant Inc. appartenant à ladite
Lucerne Motel Cie Ltée. Ces deux corporations
sont désignées dans le contrat par l'expression
«les compagnies». A la suite d'une offre d'achat
faite auxdits actionnaires le 9 juillet 1964 et
acceptée le 17 juillet 1964, la Dobie Holdings
Corporation, qui ne nous intéresse pas en l'es-
pèce, a acheté au prix de $1,420,000 toutes les
actions de MM. Dupuis et de M. Lareau dans
ladite Lucerne Motel Cie Ltée et la Réveillon
Restaurant Inc. (à l'exception de 150 actions
privilégiées sans droit de vote de la Lucerne
Motel Cie Ltée qui devaient être remboursées).
Toutefois, on avait stipulé comme une condition
de la vente que, par la suite, les compagnies
vendraient, pour la somme de $1,596,050 aux
vendeurs ou à leurs représentants, les terrains
nus qu'elles possédaient à l'exception cepen-
dant des bâtiments ou constructions s'y trou-
vant (clause 8 du contrat d'achat). En outre, on
avait fait une condition de la vente des actions
l'obligation du vendeur de procéder ensuite, en
faveur des compagnies, à une rétrolocation
dudit terrain par bail emphytéotique, dont les
conditions étaient énoncées en détail à la clause
11 dudit contrat.
Les conditions de ce bail, qui devait être de
99 ans, peuvent se résumer de la façon sui-
vante. Pendant les six premiers mois à partir de
la date de la conclusion de la transaction il ne
serait payé aucun loyer; puis, le loyer serait
payé par versements mensuels au montant
annuel de $110,000, pendant 26 ans et 6 mois.
A partir de la 28e année et pendant les dix
années suivantes, le loyer augmenterait ou dimi-
nuerait sur la base de l'indice du coût de la vie
de Statistiques Canada, selon l'augmentation ou
la diminution de cet indice à partir de la conclu
sion de la transaction; cette augmentation ou
diminution ne devait pas dépasser 25% de
$110,000. Par la suite, tous les dix ans, le loyer
augmenterait ou diminuerait sur la base du loyer
de référence des dix années précédentes, aug
menté ou diminué proportionnellement à l'in-
dice du coût de la vie (à partir de l'indice fixé à
l'époque de la conclusion de la transaction),
cette augmentation ou diminution étant cepen-
dant limitée à 10%.
En sus du loyer, le preneur s'engageait
(comme le requiert un bail emphytéotique) à
apporter des améliorations spécifiques au bien,
en construisant cinq unités de motel supplémen-
taires d'une valeur minimum de $55,000 avant
juillet 1967. Le preneur doit payer tous les
impôts et cotisations, faire assurer les locaux et,
à la fin du bail, rendre le terrain loué avec
toutes les constructions s'y trouvant sans
aucune indemnisation (là encore, il s'agit d'une
condition du bail emphytéotique). Le preneur a
le droit de transférer et de céder le bail à un
cessionnaire qui doit s'engager à assumer toutes
les obligations du preneur prévues dans ledit
bail emphytéotique. En vertu de la clause aa, en
cas de vente ou de transfert du bien baillé ou
des droits au bail emphytéotique des bailleurs,
les preneurs auront un droit prioritaire d'achat
aux mêmes conditions que celles offertes par un
acheteur de bonne foi.
Le fait que les trois contrats (c'est-à-dire la
vente des actions de la Lucerne Motel Cie Ltée
et de la Réveillon Restaurant Inc. à la Dobie
Holdings Corporation, la vente du terrain nu par
la Lucerne Motel Cie Ltée à l'appelante Befega
Inc. (qui a été constituée en corporation par
MM. Dupuis et M. Lareau dans le but de con-
clure cette transaction), et la rétrolocation de ce
terrain nu par ladite Befega Inc. à la Lucerne
Motel Cie Ltée par bail emphytéotique) doivent
être considérés comme partie intégrante de la
même transaction est souligné par la clause 21
du contrat dont voici le premier paragraphe:
[TRADUCTION] Les vendeurs garantissent et conviennent
qu'au cas où la vente du terrain nu décrit dans cet acte, par
les compagnies aux vendeurs ou à leurs représentants, selon
les conditions énoncées aux présentes, serait assujettie à un
quelconque impôt sur le revenu par les gouvernements et ne
serait pas considérée comme un gain en capital, dans un tel
cas, les vendeurs veilleront alors, au choix de l'acheteur, à
ce que celui-ci et les compagnies soient indemnisés et (ou)
exemptés du paiement de cet impôt auquel ils seraient
assujettis, à défaut de quoi et sous réserve du rembourse-
ment par les vendeurs comme précisé ci-après, le présent
contrat de vente des actions sera considéré comme nul et
toutes les actions des compagnies retourneront aux ven-
deurs qui seront obligés de les reprendre. L'acheteur con-
vient que, dans un tel cas, et à condition que les vendeurs
effectuent le remboursement prévu ci-après, la vente du
terrain par les compagnies aux vendeurs en l'espèce peut
être annulée et le bail emphytéotique sera alors considéré
comme résilié, sous réserve cependant des droits que peu-
vent avoir les preneurs ayant des baux emphytéotiques
distincts qui leur ont été assignés comme prévu, baux qui
seront respectés par les propriétaires du terrain;
Dans le but d'appliquer ce contrat de base,
l'appelante, Befega Inc., a été constituée en
corporation et, par acte daté du 31 juillet 1964,
la Lucerne Motel Cie Ltée lui a vendu le terrain
en question pour la somme de $1,596,050. En
vertu d'un bail portant la même date, l'appe-
lante a alors loué le terrain en question à la
Lucerne Motel Cie Ltée aux conditions déjà
convenues.
Il a été convenu d'intégrer au dossier de cette
Cour les témoignages déposés devant la Com
mission d'appel de l'impôt, aucune autre preuve
n'ayant été apportée. Lors de son témoignage,
M. Marcel Mercier, le vérificateur des compa-
gnies, a été très franc en reconnaissant que la
procédure adoptée l'avait été en raison de cer-
tains avantages fiscaux, soulignant que, si la
Lucerne Motel et la Réveillon Restaurant
avaient vendu leur actif en tant que tel à la
Dobie Holdings, il aurait alors fallu payer un
impôt provincial sur environ $500,000 des biens
mobiliers ainsi vendus, comprenait le mobilier
et l'équipement du motel et du restaurant. Il y
aurait aussi eu un problème touchant au trans-
fert des noms de la Lucerne Motel et la Réveil-
lon Restaurant, qui sont bien connus. La
méthode adoptée permettrait d'obtenir pour les
MM. Dupuis et M. Lareau une sorte de rente
annuelle de $110,000, indexée sur le coût de la
vie et garantie par le bien. C'est pourquoi ils ont
refusé de vendre l'actif de deux compagnies en
tant que tel et insisté pour conclure un bail à
long terme.
L'appelante prétend que les débours de $59,-
730.12, qui ont été rejetés, constituaient une
dépense engagée «en vue de gagner ou de pro-
duire un revenu tiré de biens ou d'une entre-
prise du contribuable» au sens de l'article
12(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Subsi-
diairement, et sans porter préjudice à cette pré-
tention, l'appelante soutient avoir le droit d'a-
mortir ces dépenses sur une période de 40 ans à
partir de l'année 1965, en vertu du Règlement
1100(1)b) et de l'article 11(1)a) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, lus en corrélation avec
l'annexe B, catégorie 13 et avec l'annexe H,
traitant des tenures à bail. Pour sa part, le
Ministre soutient que ces dépenses ne peuvent
faire l'objet d'aucune déduction en vertu de
l'article 12(1)b) de la Loi, qui interdit de telles
déductions à l'égard «d'une somme déboursée,
d'une perte ou d'un remplacement de capital,
d'un paiement à compte de capital ou d'une
allocation à l'égard de dépréciation, désuétude
ou d'épuisement, sauf ce qui est expressément
permis par la présente Partie», au motif que ces
dépenses constituaient une somme déboursée
ou un paiement à compte de capital au sens de
l'article 11(1)a) et, en outre, que le Règlement
1100(1)b) ne permet aucune de ces allocations à
l'égard de dépréciation ou d'épuisement.
Il serait utile à ce stade d'examiner la nature
juridique d'un bail emphytéotique. Ce terme
n'est pas employé dans la Loi de l'impôt sur le
revenu, mais il s'agit d'un type de contrat fré-
quemment utilisé dans la province de Québec,
où le bien en question se trouve. Le fondement
du contrat est énoncé aux articles 567 et 568 du
Code civil du Québec:
567. L'emphytéose ou bail emphytéotique est un contrat
par lequel le propriétaire d'un immeuble le cède pour un
temps à un autre, à la charge par le preneur d'y faire des
améliorations, de payer au bailleur une redevance annuelle
et moyennant les autres charges dont on peut convenir.
568. La durée de l'emphytéose ne peut excéder quatre-
vingt-dix-neuf ans, et doit être pour plus de neuf ans.
Bien que le bail en question inclut ces élé-
ments essentiels, il comporte néanmoins une
dérogation aux dispositions de l'article 569 que
voici:
569. L'emphytéose emporte aliénation; tant qu'elle dure,
le preneur jouit de tous les droits attachés à la qualité de
propriétaire ....
dans la mesure où le bailleur se réserve le droit
d'aliéner le bien lui-même, sous réserve tou-
jours de l'offrir d'abord à la Dobie Holdings
Corporation, aux mêmes conditions.
Les effets d'un bail emphytéotique, dans un
contexte tout à fait différent, ont été examinés
par le juge Noël, maintenant juge en chef
adjoint, dans l'arrêt Cohen c. M.R.N. [1967]
C.T.C. 254. Il y a jugé que le preneur avait droit
de réclamer l'allocation du coût en capital en
vertu de la catégorie 3 (édifices) au taux de 5%
et non en vertu de la catégorie 13 (tenures à
bail) au taux annuel d'un quarantième du coût
en capital d'un édifice déjà sur le terrain acquis
par les appelants à une époque où le bail
emphytéotique de 99. ans devait encore courir
pendant 58 ans. Dans cette affaire, après avoir
mentionné plusieurs articles du Code civil du
Québec relatifs à l'emphytéose, le •juge a
déclaré à la page 259:
[TRADUCTION] Il ressort de ce qui précède que le preneur
emphytéotique a, au Québec, non seulement un droit per
sonnel sur le bien immobilier baillé (comme tout locataire
ordinaire) mais un droit réel, bien que ce soit un droit réel
démembré. Toutefois, ce droit ne le rend pas propriétaire du
terrain et ne lui donne pas la propriété entière des planta
tions ou constructions qui s'y trouvent.
Toutefois, dans la suite du jugement, on étudie
sur quel point le bail emphytéotique en cause
dans cette affaire déroge aux règles générales.
Le preneur initial du bail emphytéotique a cédé
spécifiquement aux appelants non seulement le
droit, le titre et l'intérêt sur le bail, mais égale-
ment l'édifice de pierre et de brique de dix
étages érigé sur le terrain, et le juge Noël con-
clut donc aux pages 261 et 262:
[TRADUCTION] Il me semble donc, quels que soient les
droits d'un preneur emphytéotique ordinaire au Québec ou
quelles que soient les difficultés qui peuvent exister dans les
provinces de common law parce que la propriété du terrain
emporte propriété de tout ce qui est construit sur ce terrain,
que je peux, d'après les preuves de l'espèce, seulement
conclure que les appelants étaient les propriétaires de l'édi-
fice construit sur le terrain du séminaire.
Et le juge poursuit, à la page 262:
[TRADUCTION] Ayant conclu qu'ilsi avaient un droit de
propriété sur cet édifice et non une tenure à bail, ils doivent
et ont le droit d'amortir leur bien comme un édifice.
Cette affaire semble être presque l'inverse de la
présente, où, par dérogation aux règles ordinai-
res des baux emphytéotiques, les bailleurs se
sont réservés le droit d'aliéner le bien baillé et
en ont ainsi clairement conservé la propriété. Il
est assez intéressant de noter toutefois que,
dans ce cas, le Ministre avait reconnu que le
bail emphytéotique conférait un droit de tenure
à bail aux preneurs, leur permettant ainsi de
réclamer une allocation du coût en capital étalée
sur 40 ans en vertu du Règlement 1100(7)
(abrogé en 1964 et remplacé par le Règlement
1100(1)b) actuel, dont l'appelante essaie de se
prévaloir à titre subsidiaire).
La prétention de l'appelante se fonde sur
l'argument suivant, à savoir que la commission
a été versée à l'agent immobilier et les autres
dépenses engagées dans le but de tirer un
revenu de la location du bien et que le simple
fait que le revenu ainsi gagné soit renouvelé
d'année en année pendant 99 ans et constitue-
ainsi un bénéfice durable ne devrait pas en
lui-même transformer ces dépenses en dépenses
de capital puisqu'à la différence des situations
présentées dans l'ensemble de la jurisprudence
citée par l'avocat de l'intimé, elles n'ont pas été
engagées pour acquérir un bien de capital, mais
plutôt à titre de dépenses relatives à l'obtention
d'un contrat produisant un revenu à long terme.
L'avocat de l'intimé a prétendu que le bail lui-
même a une existence en tant que bien de
capital, même s'il n'est pas inscrit dans les
livres de l'appelante comme tel, distinct du bien
qui est donné à bail et qui lui figure sur les
livres de la compagnie au prix d'achat de
$1,596,050.
Toutefois, le fait qu'une dépense soit engagée
dans le but de gagner ou de produire un revenu
n'en fait pas nécessairement une dépense ordi-
naire distincte d'une dépense en capital. Ceci
ressort clairement du jugement rendu par le
juge Abbott, auquel ont souscrit le juge en chef
Kerwin et le juge Fauteux, dans l'affaire B.C.
Electric Rly. Co. c. M.R.N. [1958] R.C.S. 133,
où il déclare à la page 137:
[TRADUCTION] L'objectif essentiel présumé de toute entre-
prise commerciale étant la recherche d'un profit, toute
dépense consentie «dans le but de gagner ou de produire un
revenu» s'inscrit dans le cadre de l'article 12(1)a), qu'il
s'agisse d'une dépense de revenu ou d'une dépense de
capital.
Dès qu'il est acquis qu'une dépense donnée est engagée
dans le but de gagner ou de produire un revenu, il faut
ensuite, pour rechercher s'il y a assujettissement à l'impôt
sur le revenu, déterminer si une telle dépense constitue une
dépense de revenu ou une dépense de capital. Les principes
sous-jacents à une telle distinction reviennent à dire, en fait,
que, le revenu aux fins de l'impôt étant calculé sur une base
annuelle, une dépense de revenu est une dépense engagée
dans le but de gagner le revenu au cours de l'année où elle a
été consentie, et elle doit être déduite du revenu brut de
l'année en question. La majeure partie des dépenses en
capital d'autre part, peut être amortie ou annulée en un
certain nombre d'années, selon que l'actif pour lequel la
dépense est consentie s'inscrit ou ne s'inscrit pas dans le
cadre des règlements sur l'allocation du coût en capital
prévus à l'article 11(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Dans cette affaire, l'appelante, en accord avec
un certain nombre de municipalités, exploitait
un chemin de fer transportant à la fois des
passagers et des marchandises. Elle désirait
abandonner le transport de passagers qui était
déficitaire et le remplacer par un service d'auto-
bus. Dans le but d'éviter toute objection de la
part des municipalités, elle a accepté de leur
verser $220,000 pour améliorer les routes,
somme qu'elle a tentée d'amortir sur une
période de 10 ans à titre de dépenses d'exploita-
tion. Elle n'a pas obtenu gain de cause. Les
juges Locke et Cartwright ont d'abord conclu
que la compagnie avait fait ce paiement pour se
libérer de l'obligation de maintenir un service de
transport de passagers; ils l'ont donc considéré
comme un paiement à compte de capital visant
à la libération d'une partie des obligations du
permis dont l'acquisition avait été une acquisi
tion de capital, d'où l'interdiction de la déduc-
tion en vertu de l'article 12(1)b) de la Loi. Ils
ont donc décidé qu'il n'était pas nécessaire d'e-
xaminer si le paiement avait été effectué «dans
le but de gagner ou de produire un revenu tiré
de biens» au sens de l'article 12(1)a). Dans son
jugement, auquel ont souscrit le juge en chef
Kerwin et le juge Fauteux, le juge Abbott a
conclu que le paiement avait été effectué dans
le cadre des opérations spéculatives de l'appe-
lante, puisqu'en se libérant de l'obligation d'ex-
ploiter un service de transport de passagers
déficitaire, tout en conservant le service de
transport de marchandises qui rapportait, elle
augmentait ses bénéfices; le paiement était donc
fait dans le but de gagner ou de produire un
revenu au sens de l'article 12(1)a). Toutefois, il
poursuivait son raisonnement en appliquant le
principe énoncé par le vicomte Cave dans l'ar-
rêt British Insulated and Helsby Cables Ltd. c.
Atherton [1926] A.C. 205, à la page 214 à
l'effet que le critère déterminant si une dépense
est faite à compte de capital est de savoir si elle
a été engagée «dans le but d'apporter un avan-
tage pour le bénéfice durable de l'entreprise» de
l'appelante et il a décidé que, vu les faits de
l'espèce, il en était ainsi et qu'il s'agissait donc
d'une dépense en capital. Le juge Kerwin a
approuvé cette décision et l'a citée dans l'af-
faire Montreal Light, Heat & Power Consolida
ted c. M.R.N. [1942] R.C.S. 89, où il déclare
aux pages 105 et 106:
[TRADUCTION] A mon sens, il s'est produit la chose suivante:
on a utilisé les bénéfices d'une certaine année pour empê-
cher la naissance d'une dépense annuelle ultérieure; ceci a
classé les affaires dans le cadre du critère du vicomte Cave
énoncé dans l'arrêt British Insulated and Helsby Cables
Limited c. Atherton ([1926] A.C. 205, à la page 213),
c'est-à-dire d'une dépense effectuée dans le but d'apporter
un avantage pour le bénéfice durable de l'entreprise de
l'appelante. Les dépenses sont des débours ou paiements à
compte de capital ...�
Si nous devions substituer les termes «obtenir
un revenu annuel» aux termes «empêcher une
dépense annuelle», la décision du juge Kerwin
serait alors applicable à l'espèce présente.
Le dictum du vicomte Cave dans l'arrêt Brit-
ish Insulated and Helsby Cables Ltd. c. Ather-
ton (précité) a été discuté en détail et sa portée
limitée dans plusieurs affaires ultérieures. Dans
l'arrêt Regent Oil Co. c. Strick [ 1966] A.C. 295,
Lord Morris de Borth -y-Gest a déclaré aux
pages 328 et 329:
[TRADUCTION] Les mots bien connus du lord chancelier
vicomte Cave, dans sa décision portant sur l'affaire British
Insulated and Helsby Cables c. Atherton ([1926] A.C. 205, à
la p. 213) sont peut-être si souvent cités parce que, dans une
seule phrase, il est fait référence à bon nombre de caracté-
ristiques ou attributs. Quelques-uns d'entre eux peuvent
avoir une valeur indicative à l'occasion, mais il ne faut pas
présumer qu'ils sont toujours tous utiles. Dans certains cas,
il peut être d'une certaine importance qu'un paiement soit
fait «une fois pour toutes». Le lord président (Lord Dune-
din) a déjà exprimé cette opinion dans l'arrêt Vallambrosa
Rubber Co. Ltd. c. Farmer ([1910] S.C. 519, à la p. 525), où
il a déclaré que
«en gros» (ces termes montrent qu'il parlait en termes
généraux) «je pense que ce n'est pas un mauvais critère
de ce qu'est une dépense de capital, par rapport à ce
qu'est une dépense ordinaire, de dire que les dépenses de
capital sont celles qui seront dépensées une fois pour
toutes et que les dépenses ordinaires sont celles qui
reviendront chaque année.»
Il est possible que la notion du paiement fait «une fois
pour toutes» puisse dans certains cas suggérer le paiement
du prix de quelque chose de la nature d'un capital, mais,
comme toute autre expression prise à titre individuel, elle
doit être d'une application et d'une aide limitée seulement. Il
faut également se rappeler, comme l'a souligné Lord Dune-
din dans l'arrêt Vallambrosa (ibid 524), qu'il serait inexact
de dire que chaque année doit absolument être prise à titre
individuel et que rien ne pourrait jamais être déduit à titre
de dépense à moins d'être uniquement relié à un bénéfice
gagné pendant cette année. Les dépenses annuelles néces-
saires pour couvrir le sarclage annuel d'une exploitation de
caoutchouc semblerait relever essentiellement de la nature
d'une dépense ordinaire.
Par ailleurs, il peut être de quelque importance, comme l'a
souligné le vicomte Cave, qu'à la suite d'un paiement,
quelque chose soit créé qui est un «bien ou un avantage» et
qu'elle soit «pour le bénéfice durable d'une entreprise.»
Dans la même affaire, Lord Upjohn déclare aux
pages 343 et 344:
[TRADUCTION] Parmi les affaires dont je dois discuter, la
première dans l'ordre est British Insulated and Helsby
Cables c. Atherton ([1926] A.C. 205, aux pages 213 et 214)
où le lord chancelier vicomte Cave a rendu sa décision
célèbre à l'effet que, si un bien ou un avantage naît «pour le
bénéfice durable d'un commerce ... il y a de très bonnes
raisons (en l'absence de circonstances particulières condui-
sant à une conclusion contraire) de traiter une telle dépense
comme si elle était à juste titre imputable ... au capital.»
Dans de nombreux cas, c'est un critère valable, mais il ne
nous aide pas en l'espèce car il mène à une autre question, à
savoir: combien de temps faut-il pour qu'il y ait un «béné-
fice durable» s'il s'agit purement d'un accord commercial à
long terme? Je suis sûr que, lorsque Lord Cave a fait ces
observations, il ne pensait à rien de semblable à un accord
commercial à long terme. Je ne tire donc aucune aide réelle
de cet arrêt.
Dans l'arrêt Anglo-Persian Oil Co. c. Dale 16
T.C. 253, Lord Hanworth, maître des rôles,
déclarait à la page 268:
[TRADUCTION] Le critère de Lord Cave selon lequel, lors-
qu'une somme est dépensée pour un bénéfice durable, il
s'agit d'un capital, ne fait que déplacer le problème vers la
signification du terme «durable».
Dans l'arrêt Montreal Light, Heat & Power
Consolidated c. M.R.N. (précité), le juge en
chef Duff a déclaré à la page 92:
[TRADUCTION] En outre, je pense que ces débours ont été
faits dans un but qui relève du principe énoncé par Lord
Cave dans l'arrêt British Insulated and Helsby Cables Ltd.
c. Atherton ([1926] A.C. 205 la p. 212); c'est-à-dire, que
les dépenses ont été effectuées dans le but d'assurer un
bénéfice durable, savoir la réduction du coût d'un emprunt
pendant une période d'au moins quinze ans.
Dans l'arrêt récent M.R.N. c. Algoma Central
Rly. [1968] R.C.S. 447, le juge Fauteux, mainte-
nant juge en chef, déclare aux pages 449 et 450:
[TRADUCTION] Le Parlement ne définit pas les expressions
«dépense ... de capital» ou «dépense à compte de capital».
Comme il n'y a pas de critère législatif, appliquer ou non ces
expressions à toutes dépenses particulières doit dépendre
des circonstances propres à l'affaire. Nous ne pensons pas
qu'un critère unique permette d'élaborer cette définition et
nous approuvons l'avis exprimé dans une décision récente
du Conseil privé rendue par Lord Pearce dans l'affaire B.P.
Australia Ltd. c. Commissioner of Taxation of the Com
monwealth of Australia ([1966] A.C. 224, (1965) 3 All E.R.
209). En mentionnant la question de savoir si une dépense
était de capital ou ordinaire, il déclarait à la page 264:
On ne peut pas trouver la solution du problème en
appliquant un critère ou une description rigide. Elle doit
découler de plusieurs aspects de l'ensemble des circons-
tances dont certaines peuvent aller dans un sens et d'au-
tres dans un autre. Une observation peut se détacher si
nettement qu'elle domine d'autres indications plus vagues
dans le sens contraire. C'est une appréciation saine de
toutes les caractéristiques directrices qui doit apporter la
réponse finale.
Cet arrêt a confirmé la décision du président
Jackett, maintenant juge en chef, autorisant la
déduction des dépenses engagées par une com-
pagnie de chemin de fer pour faire des études
géologiques qui, espérait-elle, encourageraient
l'industrie à s'implanter le long d'une ligne de
chemin de fer qui s'était révélée déficitaire. Le
jugement de la Cour de l'Échiquier avait fait
une distinction entre l'information recueillie en
conséquence directe des dépenses, qui n'était
pas en elle-même un avantage pour le bénéfice
durable de l'entreprise du contribuable, et l'ex-
ploitation ultérieure de ces connaissances. Voici
un extrait du sommaire ([1967] C.T.C. 130):
[TRADUCTION] Dans les affaires citées où il a été jugé qu'une
dépense était un paiement à compte de capital, l'avantage
caractérisé comme productif d'un bénéfice durable était
l'objet du contrat ou toute autre chose que le contribuable
pouvait espérer comme résultat direct de la dépense. Dans
l'affaire présente, l'information reçue à la suite de la
dépense ne constituait pas en elle-même un tel avantage;
l'appel a par conséquent été accueilli.
Pour qu'une dépense soit considérée comme
une dépense de capital, il n'est pas nécessaire
qu'elle ait été engagée dans le but d'acquérir un
bien tangible, lui-même d'une nature déprécia-
ble. Dans l'affaire M.R.N. c. Dominion Natural
Gas Co. [1941] R.C.S. 19, où le contribuable a
tenté de déduire les frais juridiques qu'il avait
engagés pour se défendre contre l'attaque des
droits tirés de sa concession, le juge en chef
Duff, appliquant le critère du vicomte Cave, a
décidé comme suit à la page 24:
[TRADUCTION] Le règlement du litige né des poursuites
contre les droits des intimés dans le but de les empêcher de
poursuivre leur entreprise dans les limites de la ville de
Hamilton était, à mon sens, un de ces avantages durables
dont parle Lord Cave. Comme Lord Macmillan l'a souligné
dans Van den Berghs Ld. c. Clark ([1935] A.C. 431 la p.
440):
Lord Atkinson a indiqué que le terme «bien» ne devrait
pas se limiter à «quelque chose de matériel» et, pour
mieux préciser ce principe, le lord juge Romer a ajouté
que l'avantage payé n'a pas besoin d'être «d'un caractère
positif» et qu'il peut consister à se débarrasser d'un
élément d'immobilisation qui est trop onéreux: Anglo-Per-
sian Oil Co. c. Dale [1932] 1 K.B. 146.
Voir, au même effet, le jugement du juge
Kerwin dans l'affaire Montreal Light, Heat &
Power Consolidated c. M.R.N. (précitée)?
La Cour suprême a circonscrit l'arrêt Domin
ion Natural Gas Co. dans l'arrêt M.R.N. c.
Kellogg Co. of Canada [1943] R.C.S. 58. En
rendant le jugement, le juge en chef Duff a
déclaré aux pages 60 et 61:
[TRADUCTION] En ce qui concerne ce paiement, la ques
tion posée est de savoir si les marques de commerce enre-
gistrées des demanderesses en cause sont des marques de
commerce valides ou, en d'autres termes, si les intimés en
l'espèce, la Kellogg Company et tous les membres du grand
public, ne pouvaient utiliser les mots qui ont fait l'objet de
la plainte. Le droit sur lequel les intimés s'appuient n'est pas
un droit de propriété ou un droit exclusif d'un type particu-
lier, mais le droit (en commun avec tous les autres membres
du public) de décrire leur marchandise de la manière dont ils
l'ont décrite.
On a souligné, dans l'arrêt Le ministre du Revenu national
c. The Dominion Natural Gas Company, précité, à la page
25, que, normalement, les frais juridiques sont de simples
dépenses courantes et déductibles à ce titre. Les dépenses
en question ici sembleraient obéir à cette règle générale.
De nouveau, dans l'arrêt Hudson's Bay Co. c.
M.R.N. [1947] R.C.E. 130, le juge Angers,
après une analyse très approfondie de la juris
prudence britannique et canadienne, a autorisé
la déduction de frais juridiques engagés par une
compagnie pour faire protéger son nom, en
demandant une injonction contre un concurrent
qui avait adopté un nom semblable. Il a décidé à
la page 176:
[TRADUCTION] Les frais juridiques et dépens engagés par
l'appelante pour protéger son nom commercial, son entre-
prise et sa réputation n'ont pas été engagés dans le but de
créer ou d'acquérir un bien nouveau, mais ont été engagés
normalement pour protéger et conserver ses biens déjà
existants. Par ailleurs, je ne pense pas que ces dépenses et
dépens puissent être considérés comme une dépense ou
perte de capital.
L'avocat de l'intimé a soutenu que l'appelante, grâce aux
poursuites intentées aux États-Unis, avait obtenu un avan-
tage durable. Je ne suis pas de cet avis. Aucun bien nouveau
n'est né- de ces poursuites. Les dépenses ont été engagées
dans un effort normal pour conserver les biens déjà exis-
tants de la compagnie.
A la lumière de la jurisprudence citée, je
conclus que, bien que la commission versée à la
Morgan Trust Co. pour trouver le preneur et
conclure les négociations qui ont abouti au bail
emphytéotique, et les frais professionnels
versés aux conseiller juridique et comptable de
l'appelante en rapport avec ce bail et les autres
accords liés intimement à ce dernier, ont sans
aucun doute été engagés par le contribuable
dans le but de gagner ou de produire un revenu
au sens de l'article 12(1)a) de la Loi, le bail
emphytéotique, qu'on peut ou non considérer
comme partie intégrante des biens immobiliers
de l'appelante, a néanmoins procuré un bénéfice
ou avantage de nature durable à l'appelante; les
dépenses engagées pour obtenir cet avantage
constituaient donc des dépenses d'une nature de
capital et, à ce titre, elles ne peuvent pas, en
vertu de l'article 11(1)a) de la Loi, être déduites
du calcul de l'impôt de l'appelante sauf dans la
mesure autorisée par les règlements.
Ceci nous conduit donc à l'argument subsi-
diaire de l'appelante selon lequel le Règlement
1100(1)b), intitulé «Tenure à bail», devrait s'ap-
pliquer. Voici ce Règlement:
1100. (1) En vertu de l'alinéa a) du premier paragraphe
de l'article 11 de la Loi, il est par les présentes alloué au
contribuable dans le calcul de son revenu d'une entreprise
ou de biens, selon le cas, les déductions pour chaque année
d'imposition égales
b) au montant qu'il peut réclamer à l'égard de ce que lui
coûtent en capital les biens de la catégorie 13 de l'Annexe
B, sans dépasser le montant pour l'année calculé en
conformité de l'Annexe H;
La catégorie 13 de l'annexe B concerne un bien
qui est une tenure à bail et mentionne certaines
exceptions qui ne sont pas applicables en l'es-
pèce. L'annexe H précise, en détail, le mode de
calcul des déductions pour une tenure à bail, en
particulier dans l'extrait suivant:
1. Aux fins de l'alinéa b) du paragraphe (1) de l'article
1100, le montant qui peut être déduit dans le calcul du
revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, à
l'égard du coût en capital des biens de la catégorie 13 de
l'Annexe B est le moindre
a) de l'ensemble de chaque montant déterminé en confor-
mité de l'article 2 de la présente Annexe qui est une part
proportionnelle de la partie du coût en capital, pour lui,
contracté dans une année d'imposition particulière, d'une
tenure à bail particulière; ou
2. Sous réserve de l'article 3 de la présente Annexe, la
part proportionnelle pour l'année de la partie du coût en
capital, contracté dans une année d'imposition particulière,
d'une tenure à bail particulière est le moindre des montants
suivants:
a) le cinquième de ladite partie du coût en capital; ou
b) le montant déterminé en divisant ladite partie du coût
en capital par le nombre de période de 12 mois (sans
dépasser 40 semblables périodes) tombant dans la période
commençant avec le début de l'année d'imposition parti-
culière dans laquelle le coût en capital a été contracté et
se terminant avec le jour où le bail doit prendre fin.
C'est sur cette base que l'appelante demande
l'autorisation d'amortir, sur une période de 40
ans, le coût en capital des dépenses engagées
pour obtenir ce bail, en déduisant chaque année
un quarantième du revenu locatif des quarante
premières années du bail.
ToutefoiT, dans le but d'appliquer l'annexe H,
le bien doit relever de la catégorie 13 de l'an-
nexe B. Il semblerait que le terme «tenure à
bail» inclut au Québec les droits acquis par un
preneur en vertu d'un bail emphytéotique. Telle
était la prétention du Ministre dans l'affaire
Cohen c. M.R.N. (précitée); bien que le juge-
ment ait décidé que l'édifice ne serait pas
amorti à titre de tenure à bail en vertu de la
catégorie 13 mais plutôt à titre d'édifice en
vertu de la catégorie 3 puisque, vu les condi
tions du bail, le droit des appelants n'était pas
celui d'un preneur à bail mais d'un propriétaire,
cette décision n'appuie pas la proposition vou-
lant qu'un bail emphytéotique ne confère pas un
droit de la nature d'une tenure à bail. Les défi-
nitions que l'on trouve dans divers dictionnaires
anglais-français, bien que ne liant pas la Cour,
viennent renforcer l'idée qu'un bail emphytéoti-
que crée un droit de tenure à bail pour le
preneur. Le dictionnaire français-anglais Har-
rap's Standard, (1955) vol. 2, anglais-français,
définit «leasehold» en français, à la page 696,
comme suit:
a) tenure à bail, esp. tenure en vertu d'un bail
emphytéotique;
b) propriété, immeuble loué à bail.
Le nouveau dictionnaire anglais-français et
français-anglais de L. C. Clifton et A. Grimaux
définit «leasehold» comme suit:
tenure par bail à terme—tenure par bail emphytéotique.
Le dictionnaire juridique anglais-français (1955)
de. Th. A. Quemner définit «leasehold» comme
suit:
bien-fonds loué à bail—tenure en vertu d'un bail
emphytéotique.
Toutefois, il semblerait que le terme «tenure
à bail» utilisé dans l'intitulé du Règlement
1100(1)b), à l'annexe B, catégorie 13, et à l'an-
nexe H, se rapporte au droit de tenure à bail du
preneur du bien. Selon cette interprétation, le
bailleur accorde un bail sur le bien au preneur,
mais c'est seulement le preneur qui a «un droit
de tenure à bail» sur le bien. Toute la jurispru
dence citée traite de demandes, présentées par
un preneur, d'allocations du coût en capital rela
tives à son droit de tenure à bail. Par exemple,
dans l'arrêt Gateway Lodge Ltd. c. M.R.N.
[1967] 2 R.C.É. 326, bien que le jugement porte
sur un autre point, en l'espèce la demande d'al-
location à l'occasion de la cession d'un bail en
vertu de l'article 1100(2) des Règlements, le
président Jackett, maintenant juge en chef, a
déclaré à la page 334:
[TRADUCTION] Tout d'abord, eu égard à la définition des
catégories pertinentes, il paraît clair que le droit de tenure à
bail de l'appelante sur le terrain dont les édifices font partie
au regard du droit, relève de la catégorie 13 et non de la
catégorie 6. La catégorie 6 inclut seulement les biens «non
compris dans aucune autre catégorie», c'est-à-dire les édifi-
ces; le droit de tenure à bail de l'appelante tombe donc dans
la catégorie 13.
Ici, le droit de tenure à bail mentionné était
celui du preneur. Voir également Reitman c.
M.R.N. [1967] C.T.C. 368, où le juge Dumoulin
a jugé que le preneur, en vertu d'un bail de 99
ans, détenait seulement un droit sur un bail et
non un droit sur un édifice et que son droit était
donc amortissable sur 40 ans, relevant de la
catégorie 13 et non de la catégorie 3. Dans cet
arrêt, on discute la décision du juge Noël dans
l'affaire Cohen c. M.R.N. (précitée), pour y
souscrire vu les différences entre le droit qué-
becois de l'emphytéose en regard duquel la
décision a été rendue et la common law qui
s'appliquait au bail à long terme faisant l'objet
du litige porté devant le juge Dumoulin. Voir
également l'arrêt McLean c. M.R.N. [1965]
C.T.C. 530, où le juge Gibson, dans une affaire
d'impôt successoral, traitait de la valeur d'un
droit de tenure à bail pour un preneur.
Si on a besoin d'autres éléments pour établir
que le contrat de tenure à bail n'est pas un
attribut du bailleur mais seulement du preneur,
il est intéressant de noter que dans le texte
français du Règlement 1102(5), règlement qui
n'est pas applicable en l'espèce, les termes
«where the taxpayer has a leasehold interest in
a property» ont été rendus par «lorsque le con-
tribuable est locataire à bail de biens» (les itali-
ques sont de moi), indiquant ainsi que le terme
«leasehold interest» se rapporte au droit du
preneur.
Ce moyen d'appel subsidiaire doit donc aussi
être rejeté. Il n'existe aucun autre règlement
permettant d'amortir, en les déduisant du
revenu tiré du bail emphytéotique, les dépenses
engagées par l'appelante en vue de celui-ci.
Bien que les conséquences pratiques de cette
décision soient malheureuses du point de vue de
l'appelante, on peut trouver de nombreux exem-
ples de dépenses de capital qui ne peuvent être
amorties selon les articles de la Loi ou des
Règlements, bien qu'elles contribuent à procu
rer un revenu au contribuable sur une longue
période de temps.
L'appel est donc rejeté avec dépens.
1 Remarquons que ce jugement a été rendu en application
des dispositions de l'article 6b) de la Loi de l'impôt de
guerre sur le revenu; les dispositions de cet article étaient en
substance semblables à celles de l'article actuel 12(1)b) de
la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, dont
nous traitons dans l'affaire présente.
2 Bien qu'il faille noter que ces deux jugements ont été
rendus à une époque où l'article en question, soit l'article
6a) de la Loi sur l'impôt de guerre sur le revenu, interdisait
des déductions de «déboursés ou dépenses qui ne sont pas
totalement, exclusivement et nécessairement faites en vue
de la production du revenu» tandis que l'article actuel
12(1)a) interdit la déduction d'«une somme déboursée ou
dépensée, sauf dans la mesure où elle l'a été par le contri-
buable en vue de gagner ou de produire un revenu tiré de
biens ou d'une entreprise du contribuable», texte qui est
dans une certaine mesure plus large, une lecture attentive de
ces jugements n'indique pas qu'ils portaient sur ce point ou
qu'ils auraient été différents en vertu de l'article actuel.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.