Creative Shoes Limited, Danmor Shoe Company
Limited et les Créations Marie-Claude Inc.
(Demanderesses)
c.
Le sous-ministre du Revenu national pour les
douanes et l'accise, le ministre du Revenu natio
nal, la Reine et le Tribunal antidumping
(Défendeurs)
Division de première instance. Le juge
Walsh.—Montréal, le 15 novembre 1971;
Ottawa, le 20 janvier 1972.
Révision judiciaire—Compétence —Certiorari —Prohibi-
tion—Décisions rendues en vertu de la Loi antidumping
avant l'entrée en vigueur de la Loi sur la Cour fédérale—
Compétence de la Division de première instance pour accor-
der un bref de certiorari et de prohibition.
Le 31 mai 1971, le ministre du Revenu national, confor-
mément à l'article 11 de la Loi antidumping, a prescrit que
la valeur normale et la juste valeur marchande des chaussu-
res pour dames importées par les trois demanderesses d'Ita-
lie et d'Espagne devaient être fixées d'après le prix à
• l'exportation en y ajoutant des pourcentages déterminés. Le
ler juin 1971, le sous-ministre a fait une détermination
préliminaire conformément à la Loi selon laquelle les chaus-
sures étaient sous-évaluées au Canada et, ultérieurement, à
la suite d'une audition du Tribunal antidumping, il a fait une
détermination finale du dumping et a imposé un droit
antidumping.
Les trois demanderesses ont demandé qu'on émette des
brefs de certiorari et de prohibition visant à suspendre les
procédures intentées en vertu des décisions du Ministre, du
sous-ministre et du Tribunal antidumping et qu'on les
déclare nulles, partiellement ou totalement; elles ont égale-
ment cherché à obtenir une injonction contre le sous-minis-
tre. Le défendeur a demandé le rejet de la demande des
demanderesses aux motifs, entre autres, qu'aucune cause
d'action ne ressortait des procédures et que la Division de
première instance n'était pas compétente.
Arrêt: (1) compte tenu des dispositions des articles 28 et
61 de la Loi sur la Cour fédérale (entrée en vigueur le le ,
juin 1971), la Division de première instance serait compé-
tente pour accorder un bref de certiorari ou de prohibition
et pour annuler les directives que le Ministre a émises le 31
mai 1971, s'il semblait y avoir une erreur de droit ressortant
à la lecture du dossier ou un défaut d'observer un principe
de justice naturelle; toutefois, la Cour d'appel aurait compé-
tence exclusive à l'égard des ordonnances et des directives
émises après le 31 mai 1971.
(2) les demanderesses ont le droit de demander un bref de
certiorari ou de prohibition, la Loi sur les douanes, la Loi
antidumping ou la Loi sur la Cour fédérale ne supprimant
pas spécifiquement ce droit, en dépit du fait que certaines
procédures d'appel y aient été prévues.
DEMANDE en vue d'obtenir des brefs de
certiorari et de prohibition.
Richard S. Gottlieb pour les demanderesses.
C. R. O. Munro pour les défendeurs.
LE JUGE WALSH—La présente affaire est
venue à l'audience à Montréal à la suite d'une
demande contenant 110 paragraphes et 29
pages que les demanderesses ont formulée en
vue d'obtenir un bref de certiorari et de prohibi
tion ainsi qu'un jugement déclaratoire contre les
défendeurs. Dans leurs conclusions, les deman-
deresses réclament ce qui suit:
[TRADUCTION] A. Qu'on émette un bref sommant les
défendeurs:
i) de répondre à la requête contenue dans la présente
demande;
ii) de suspendre toutes les procédures, passées et futu
res intentées en vertu de la décision du Tribunal anti-
dumping et des directives ministérielles en date du 31
mai 1971, ainsi que l'application de la directive ministé-
rielle par le sous-ministre du Revenu national, confor-
mément à ses déterminations en date du 3 juin [sic] et
du 27 août 1971, en attendant le jugement définitif de
la présente affaire;
iii) en attendant le jugement définitif de la présente
affaire, de s'abstenir de percevoir des droits et des
droits antidumping autrement que sur le prix à l'expor-
tation sur les chaussures pour dames, y compris les
souliers et les chaussures habillés ou de ville fabriqués
sur forme en provenance d'Italie et d'Espagne;
iv) de transmettre à cette Cour, dans le délai qui pourra
être fixé, tous les dossiers et documents concernant son
enquête ouverte en juin 1970, ainsi que l'imposition et
la perception de droits et de droits antidumping sur les
chaussures en provenance d'Italie et d'Espagne, sur la
base d'une augmentation respective des prix à l'expor-
tation de 71% et 12%;
B. Que, par le jugement définitif à venir en la présente
affaire:
(1) Les directives ministérielles en date du 31 mai 1971
soient déclarées nulles, sans effet et (ou) ultra vires;
(2) L'application des directives ministérielles par le sous-
ministre du Revenu national et (ou) ses déterminations en
date du 3 juin [sic] et du 27 août 1971, dans la mesure où
elles s'appliquent à la levée et à la perception des droits
ordinaires et des droits antidumping sur la base d'une
revalorisation respective des prix à l'exportation des
chaussures pour dames, y compris les souliers et les
chaussures habillés ou de ville fabriqués sur forme, en
provenance d'Italie et d'Espagne, de 71% et de 12%,
soient déclarées nulles, sans effet et (ou) ultra vires;
(3) La levée et la perception de droits ordinaires et de
droits antidumping sur les chaussures pour dames, y
compris les souliers et les chaussures habillés ou de ville
fabriqués sur forme en provenance d'Italie et d'Espagne,
sur la base d'une revalorisation respective du prix à
l'exportation de 71% et de 12% dans les cas de l'Italie et
de l'Espagne, soient déclarées nulles, sans effet et (ou)
ultra vires;
(4) Il soit déclaré que les dispositions de l'article 40(2) de
la Loi sur les Douanes ainsi que le Règlement 11 de la Loi
antidumping prévoient la déduction, aux fins des droits et
des droits antidumping, de tous les droits et taxes remis
lors de l'exportation, que lesdits droits et taxes soient
imposés ou levés sur les produits finis ou autrement;
(5) La décision du Tribunal antidumping en date du 25
août 1971, dans la mesure où elle ordonne l'imposition et
la perception de droits antidumping relativement aux sou-
liers et aux chaussures pour dames, habillés ou de ville,
fabriqués sur forme, en provenance d'Italie et d'Espagne,
soit déclarée nulle, ultra vires et sans effet;
(6) Tous les droits et droits antidumping levés et perçus
sur la base d'une revalorisation respective des prix à
l'exportation des chaussures pour dames, y compris les
souliers et les chaussures habillés ou de ville fabriqués
sur forme, en provenance d'Italie et d'Espagne, de 7 i% et
de 12%, soient remboursés aux demanderesses;
(7) Après le jugement définitif de la présente affaire, on
interdise au sous-ministre du Revenu national de faire une
détermination préliminaire du dumping relativement aux
chaussures pour dames en provenance d'Italie et d'Espa-
gne, sauf après une enquête complète, après avoir fait des
recherches sur tous les faits de nature à influer sur sa
décision, après avoir largement donné l'occasion aux
exportateurs et aux demanderesses de présenter des
observations, et seulement s'il constate l'existence d'un
dumping dommageable, tel qu'il est défini aux articles 13
et suivants de la Loi antidumping; et que les droits relatifs
au dumping en question ne soient appliqués en l'espèce
qu'aux chaussures pour dames en provenance des usines
qui pratiquent le dumping et ne soient levés et imposés
que dans la mesure de la marge de dumping concernant
chaque cas;
le tout avec dépens.
La demande était étayée . par l'affidavit de
l'un des avocats des demanderesses et par trois
affidavits produits par des importateurs dont
chacun corroborait certains des paragraphes de
la demande, énumérés aux présentes. Dans son
affidavit, M. William B. Gladstone, président de
la compagnie demanderesse Creative Shoes
Ltd., déclare que celle-ci ne pratique pas le
dumping et importe des chaussures d'Italie et
d'Espagne à des prix égaux ou supérieurs à la
juste valeur marchande ou à la valeur normale,
et que le ministère du Revenu national n'a
jamais communiqué à la Creative Shoes Ltd.
aucun des renseignements qu'il possédait relati-
vement aux usines en provenance desquelles
elle importe les produits, n'a jamais fait part à la
Creative Shoes Ltd. des motifs de ses conclu
sions relatives au dumping, ni ne lui a fourni
l'occasion de corriger, compléter ou contredire
les renseignements qu'il détenait.
Dans son affidavit, M. Leonard Tucker,
directeur général de la compagnie demande-
resse Danmor Shoe Co. Ltd., déclare que cel-
le-ci, à toutes les époques en cause, a importé
des chaussures pour dames d'Italie et d'Espa-
gne à des prix égaux ou supérieurs à la juste
valeur marchande ou à la valeur normale,
qu'elle a continué de le faire jusqu'à ce jour,
qu'elle n'a pas pratiqué et ne pratique pas le
dumping, que le ministère du Revenu national
n'a jamais fourni à la compagnie les renseigne-
ments sur lesquels il a fondé sa décision de
revaloriser le prix à l'exportation des chaussu-
res pour dames respectivement de 7 i% et de
12% dans le cas de l'Italie et de l'Espagne, et
que l'activité commerciale de la compagnie qui
vend des chaussures pour dames en provenance
d'Italie et d'Espagne a été, et est encore, injus-
tement entravée, au point que cela lui a causé
un préjudice grave et irréparable.
Dans son affidavit, M. Aurèle Lacroix, prési-
dent de la compagnie demanderesse les Créa-
tions Marie-Claude Inc., déclare que celle-ci n'a
pas pratiqué le dumping, qu'elle importe des
chaussures d'Italie et d'Espagne à des prix
égaux ou supérieurs à la juste valeur marchande
ou à la valeur normale, et que le ministère du
Revenu national n'a jamais communiqué aux
Créations Marie-Claude Inc. aucun des rensei-
gnements qu'il possédait, relativement aux
usines en provenance desquelles elle importe,
n'a jamais fait part à la compagnie les Créations
Marie-Claude Inc. des motifs de ses conclusions
relatives au dumping, ni ne lui a donné l'occa-
sion de corriger, compléter ou contredire les
renseignements qu'il possédait.
La demande était accompagnée des sept
pièces suivantes:
a) Un exemplaire de l'avis d'enquête et du
questionnaire envoyés par le ministère du
Revenu national aux exportateurs d'Italie et
d'Espagne le 8 juin 1970.
b) Les directives ministérielles en date du 31
mai 1971 qui, conformément à l'article 11 de
la Loi antidumping ont revalorisé le prix à
l'exportation des chaussures pour dames en
provenance d'Italie de 7.5%, en se fondant
sur l'article 10 de la Loi pour déterminer le
prix à l'exportation.
c) La directive ministérielle en date du 31 mai
1971 qui, conformément au même article de
la Loi antidumping, a revalorisé de 12% le
prix à l'exportation des chaussures pour
dames en provenance d'Espagne.
d) Les directives ministérielles en date du 31
mai 1971 qui, conformément à l'article 40 de
la Loi sur les douanes, ont de même revalo-
risé les prix à l'exportation, aux fins des
droits ordinaires, des mêmes pourcentages,
en se fondant sur l'insuffisance des rensei-
gnements disponibles pour permettre de
déterminer la juste valeur marchande, confor-
mément aux articles 36 ou 37 de cette Loi.
e) La décision du Tribunal antidumping en
date du 25 août 1971.
f) La lettre des avocats des demanderesses,
datée du 30 août 1971, adressée à l'apprécia-
teur fédéral des douanes du ministère du
Revenu national, qui énonce la plupart des
arguments des demanderesses et émet des
objections contre les valeurs retenues.
g) Des copies de la correspondance échangée
par les avocats des demanderesses et les
fonctionnaires du ministère du Revenu natio
nal à ce sujet.
Les défendeurs ont présenté le même jour
une requête visant à faire rejeter les procédures
ou à faire radier les plaidoiries dans la présente
affaire aux motifs que:
[TRADUCTION] a) le redressement réclamé est par sa
nature discrétionnaire et, compte tenu des circonstances
alléguées, ne serait pas accordé;
b) les plaidoiries ne révèlent aucune cause d'action
raisonnable;
c) la Division de première instance de cette Cour n'est
pas compétente;
d) les plaidoiries sont partout émaillées d'affirmations
non essentielles et redondantes, notamment d'affirma-
tions concernant l'enquête sur le dumping menée par le
sous-ministre du Revenu national pour les douanes et
l'accise;
e) les plaidoiries sont partout émaillées d'affirmations qui
peuvent causer préjudice à l'instruction équitable de l'ac-
tion, la gêner ou la retarder, notamment d'affirmations
concernant l'enquête sur le dumping menée par le sous-
ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise.
Il a été convenu d'entendre simultanément les
plaidoiries sur les deux requêtes.
Le mode de procédure que les demanderesses
ont adopté en l'espèce semble quelque peu inha-
bituel. La Règle 603 des Règles de la Cour
fédérale dispose que les procédures prévues par
l'article 18 de la Loi, ce qui est le cas des
procédures actuelles, peuvent être engagées
a) sous forme d'action en vertu de la Règle
400, ou
b) par demande faite à la Cour en vertu des
Règles 319 et suivantes.
Les présentes procédures sont intitulées [TRA-
DUCTION] «Demande visant à obtenir un bref de
certiorari et de prohibition, ainsi qu'un juge-
ment déclaratoire», elles sont étayées par des
affidavits et accompagnées d'un avis de présen-
tation, comme dans le cas d'une requête, mais
les parties sont désignées en l'espèce sous les
noms de demanderesses et de défendeurs et les
procédures sont semblables à celles d'une
déclaration ou d'un statement of claim, c'est-à-
dire le procédé qui est maintenant prévu pour
intenter une action en vertu de la Règle 400. La
demande de redressement se divise en deux
articles, le redressement réclamé dans l'article
A étant en fait le bref de certiorari et de prohi
bition mentionné dans le titre, et le redresse-
ment prévu à l'article B étant celui que les
demanderesses espèrent obtenir grâce au juge-
ment définitif, qui comprend le jugement décla-
ratoire recherché ainsi qu'une requête en vue
d'obtenir une injonction interdisant dans l'ave-
nir au sous-ministre du Revenu national de
mener une enquête.
Bien que les procédures intentées de cette
façon soient donc d'une nature quelque peu
hybride et que la Division de première instance
ne puisse accorder qu'une partie du redresse-
ment recherché, cela ne justifierait pas leur
rejet à ce stade. Cela est conforme au principe
énoncé dans l'arrêt Dyson c. Le procureur géné-
ral [1911] 1 B.R. 410, que le juge Pigeon, de la
Cour suprême, cite dans l'arrêt Jones et Maheux
c. Gamache [1969] R.C.S. 119 à la p. 129, et
dans lequel le juge Farwell déclarait à la page
424:
[TRADUCTION] Je citerai Lord Baron, juge en chef, qui a
déclaré dans l'affaire Deare c. Le procureur général (1 Y. &
C. Ex., à la page 208): «Il existe une pratique, qui, je
l'espère, ne cessera jamais, selon laquelle les fonctionnaires
de la Couronne n'entravent pas les procédures visant à
porter des affaires devant un tribunal judiciaire lorsqu'est
survenu un point réellement délicat qui exige une décision
judiciaire».
Les questions à trancher à ce stade des pro-
cédures sont de savoir s'il y a lieu d'accorder le
redressement que réclament les demanderesses
dans les paragraphes A(i) à (iv) de leurs conclu
sions et de savoir si, en ce qui concerne la
requête des défendeurs, il convient à ce stade
de rejeter les procédures ou de radier les plai-
doiries pour les motifs énoncés dans cette
requête.
La demande fait intervenir deux lois, à savoir
la Loi antidumping S.R.C. 1970, c. A-15 et la
Loi sur les douanes S.R.C. 1970, c. C-40. Il
serait utile d'examiner ici les articles de ces lois
qui se rapportent à cette affaire.
Traitons d'abord de la Loi antidumping. L'ar-
ticle 8 dispose que les marchandises sont sous-
évaluées si leur valeur normale excède le prix à
l'exportation, la marge de dumping étant l'excé-
dent. L'article 9 énonce le mode de détermina-
tion de la valeur normale des marchandises qui,
en gros, est le prix auquel des marchandises
semblables sont vendues à des acheteurs avec
lesquels l'exportateur traite sans lien de dépen-
dance, dans le cours ordinaire du commerce
pour la consommation intérieure, dans des con
ditions concurrentielles, durant une période
fixée en fonction de l'époque à laquelle ces
marchandises sont importées au Canada, au lieu
en provenance duquel les marchandises ont été
expédiées au Canada, en tenant compte des
dégrèvements faits pour refléter les différences
dans les modalités de vente et dans l'imposition,
ainsi que les autres différences ayant trait à la
comparabilité des prix. Le paragraphe (5) de
l'article 9 dispose que, lorsque la valeur nor-
male des marchandises ne peut être déterminée
de cette façon parce qu'il n'y a pas eu un
nombre suffisant de ventes de marchandises
semblables dans les mêmes conditions, la valeur
normale doit alors être déterminée au gré du
sous-ministre qui se fondera soit sur le prix de
marchandises semblables lorsqu'elles sont ven-
dues par l'exportateur à des importateurs de
tout pays autre que le Canada après avoir fait
des corrections pour refléter les différences
dans les modalités de vente et d'imposition,
ainsi que les autres différences relatives à la
comparabilité des prix, soit sur l'ensemble du
coût de production des marchandises et de ceux
des frais administratifs, des frais de vente et
autres frais plus les bénéfices, calculés de la
manière que prescrivent les règlements. Je n'ai
pas cité intégralement l'article 9, car il est très
long et se réfère souvent aux règlements, que je
n'ai pas à ma disposition, à l'exception du
Règlement 11, cité au paragraphe 48 de la plai-
doirie des demanderesses, qui dispose:
La valeur normale de toutes marchandises, ainsi qu'elle a
été autrement déterminée, peut être corrigée par la déduc-
tion du montant des taxes et droits perçus sur les ventes de
marchandises semblables, quand elles sont destinées à la
consommation intérieure, qui ne sont pas supportées par les
marchandises vendues à l'importateur au Canada.
L'article 10 prévoit le mode de détermination
du prix à l'exportation des marchandises; il est
également assez long et se réfère aux règle-
ments. L'article 11, qui est important pour les
présentes procédures, se lit de la façon
suivante:
11. Lorsque, de l'avis du sous-ministre, des renseigne-
ments suffisants n'ont pas été fournis ou ne sont pas dispo-
nibles pour permettre de déterminer la valeur normale ou le
prix à l'exportation en vertu de l'article 9 ou 10, la valeur
normale ou le prix à l'exportation, selon le cas, sont déter-
minés de la manière que prescrit le Ministre.
L'article 13 expose la procédure de l'enquête
concernant le dumping de marchandises, qui
peut être ouverte soit par le sous-ministre de sa
propre initiative, soit sur réception d'une plainte
écrite portée par des producteurs de marchandi-
ses semblables au Canada ou en leur nom. Un
avis doit être donné à l'importateur, à l'exporta-
teur, au gouvernement du pays d'exportation,
au plaignant, le cas échéant, et à toutes autres
personnes que les règlements peuvent spécifier,
et cet avis doit être publié dans la Gazette du
Canada.
Aux termes de l'article 14, lorsque le sous-
ministre, par suite de l'enquête, est convaincu
que les marchandises sont sous-évaluées et que
la marge de dumping, ainsi que le volume réel
ou éventuel de celui-ci, ne sont pas négligea-
bles, il fait une détermination préliminaire du
dumping. Un avis de cette détermination doit
être donné aux mêmes parties, ainsi qu'au
secrétaire du Tribunal antidumping, et on com
mence alors à percevoir un droit temporaire
dont le montant ne dépasse pas le dumping.
Aux termes de l'article 16, le Tribunal anti-
dumping, dès réception de l'avis d'une détermi-
nation préliminaire du dumping de la part du
sous-ministre, fait alors enquête et doit, dans un
délai de trois mois à compter de la date de
réception de l'avis, faire une détermination défi-
nitive, en tenant compte de l'alinéa 4a) de l'ac-
cord portant sur la mise en oeuvre de l'Article
VI de l'Accord général sur les tarifs et le com
merce, signé à Genève en Suisse, le 30 juin
1967, ci-après désigné sous le nom d'accord
«GATT». Parmi les autres questions sur les-
quelles le Tribunal doit faire enquête, il y a celle
de savoir si le dumping des marchandises qui
constituent l'objet de l'enquête, a causé, cause
ou est susceptible de causer un préjudice sensi
ble à la production au Canada de marchandises
semblables (article 16(1)a)(i)).
Aux termes de l'article 17, le sous-ministre,
sur réception des conclusions du Tribunal, fait
alors une détermination définitive du dumping.
Une série d'appels est prévue au sujet de la
similitude des marchandises et de l'évaluation
de la valeur normale et du prix à l'exportation.
En vertu de l'article 18(1), l'importateur peut
faire appel auprès d'un appréciateur fédéral des
douanes aux fins d'obtenir une nouvelle déter-
mination ou une nouvelle évaluation de l'éva-
luation faite lors de l'entrée qui, sauf cet appel,
est définitive et péremptoire. Aux termes de
l'article 18(3), la décision de l'appréciateur
fédéral des douanes est définitive et péremp-
toire, à moins que l'importateur, dans les 90
jours, n'interjette appel auprès du sous-ministre
en vue d'obtenir une nouvelle détermination ou
une nouvelle évaluation. En vertu de l'article
18(4), le sous-ministre peut déterminer ou éva-
luer de nouveau la valeur normale ou le prix
normal à l'exportation, dans un délai de deux
ans ou à tout moment, aux fins de donner effet
à une décision de la Commission du tarif, de la
Cour fédérale du Canada ou de la Cour suprême
du Canada relativement à ces marchandises.
L'article 19 prévoit l'appel à la Commisssion
du tarif d'une décision du sous-ministre, rendue
en conformité de l'article 17(1) ou de l'article
18(4) de la Loi, dans les 60 jours de cette
décision. La Commission du tarif peut déclarer
quel droit est payable ou qu'aucun droit n'est
payable sur les marchandises auxquelles a trait
l'appel. L'article 20 prévoit une autre possibilité
d'appel, dans les 60 jours, auprès de la Cour
fédérale du Canada «sur une question de droit».
La Cour fédérale peut déclarer quel droit est
payable ou qu'aucun droit n'est payable, ou
renvoyer l'affaire à la Commission du tarif pour
une nouvelle audition.
Examinons maintenant la Loi sur les douanes.
Nous constatons que l'article 36, même si sa
rédaction est différente de celle de l'article 9 de
la Loi antidumping, et s'il utilise les termes
«juste valeur marchande» au lieu de «valeur
normale», contient sensiblement les mêmes dis
positions. L'article 37 prévoit une méthode sub-
sidiaire d'évaluation lorsque des effets pareils
n'ont pas été vendus pour la consommation
intérieure dans des circonstances identiques à
celles où les marchandises importées ont été
vendues et déclare qu'en ce cas, la valeur impo-
sable doit se fonder sur l'ensemble du coût de
production et d'un montant qui est dans le
même rapport avec le coût de production des
effets importés que le profit brut sur les effets
semblables avec le coût de production de ces
derniers.
L'article 40, dont on s'est servi dans cette
affaire, se lit de la façon suivante:
40. Lorsque des renseignements suffisants n'ont pas été
fournis ni ne sont disponibles pour permettre la détermina-
tion du coût de production, du profit brut ou de la juste
valeur marchande aux termes de l'article 36 ou 37, le coût
de production, le profit brut ou la juste valeur marchande,
selon le cas, doit être déterminé de la manière que le
Ministre prescrit.
L'article 41(2), qui prévoit certaines remises
fiscales dans le pays d'exportation, se lit de la
façon suivante:
41. (2) Le montant de toute taxe intérieure imposée dans
les limites du pays d'exportation ou d'origine sur des effets
importés au Canada, dont ils ont été exemptés ou ont été ou
seront dégrevés au moyen d'un remboursement ou d'un
drawback, doit être déduit de la valeur imposable desdits
effets, telle qu'elle est déterminée en vertu des articles 36 à
40.
En vertu de l'article 46, il existe une possibi-
lité d'appel dans les 90 jours à compter de la
date de déclaration en douane auprès d'un
appréciateur fédéral des douanes, en vue d'une
nouvelle détermination ou estimation dont on
peut également, dans les 90 jours, faire appel
auprès du sous-ministre. Comme dans la Loi
antidumping, le sous-ministre peut établir de
nouveau l'estimation de la valeur, à toute
époque, pour donner suite à une décision de la
Commission du tarif, de la Cour fédérale du
Canada ou de la Cour suprême du Canada en ce
qui regarde ces effets. L'article 47 prévoit une
possibilité d'appel de la décision du sous-minis-
tre auprès de la Commission du tarif, dans les
60 jours, pour qu'elle détermine notamment la
valeur imposable des marchandises particulières
ou de la catégorie de marchandises. En vertu de
l'article 48, il existe en outre une possibilité
d'appel auprès de la Cour fédérale du Canada
sur toute question de droit, et celle-ci peut
déclarer le taux de droit qui est applicable aux
marchandises particulières ou à la catégorie de
marchandises, ou déclarer qu'aucun taux de
droit n'y est applicable, ou déclarer la valeur
imposable des marchandises particulières ou de
la catégorie de marchandises, ou renvoyer l'af-
faire devant la Commission du tarif pour une
nouvelle audition. Il existe en outre une possibi-
lité d'appel de ce jugement auprès de la Cour
suprême du Canada.
Conformément à l'article 11 de la Loi anti-
dumping et en se fondant sur le fait que, de
l'avis du sous-ministre du Revenu national, des
renseignements suffisants n'avaient pas été
fournis ou n'étaient pas disponibles pour per-
mettre de déterminer la «valeur normale», en
vertu de l'article 9 de la Loi, des chaussures
pour dames en provenance d'Italie, le Ministre a
émis, le 31 mai 1971, la directive dont nous
avons déjà parlé, selon laquelle cette valeur
devait être fixée en se fondant sur le prix à
l'exportation déterminé en vertu de l'article 10
de la Loi, et en le revalorisant de 7.5%. A la
même date et selon le même principe, il a émis
une directive selon laquelle la valeur normale
des chaussures pour dames en provenance
d'Espagne devait être fixée en se fondant sur le
prix à l'exportation déterminé en vertu de l'arti-
cle 10 de la Loi, et en le revalorisant de 12%.
En outre, à la même date, il a émis deux autres
directives, conformément à l'article 40 de la Loi
sur les douanes et, en se fondant sur le fait que
des renseignements suffisants n'avaient pas été
fournis ni n'étaient disponibles pour permettre
de déterminer la «juste valeur marchande»
prévue par les articles 36 et 37 de cette loi, des
chaussures pour dames en provenance d'Italie
et d'Espagne, le Ministre a émis une directive
selon laquelle cette valeur devait être fixée en
se fondant sur le prix à l'exportation, déterminé
en vertu de l'article 10 de la Loi antidumping, et
en l'augmentant respectivement de 7.5% et de
12%.
Conformément à la procédure exposée dans
la Loi antidumping, le Tribunal antidumping a
effectué une enquête à la suite de la détermina-
tion préliminaire du dumping que le sous-minis-
tre du Revenu national pour les douanes et
l'accise a faite le ler juin 1971. Ses conclusions
en date du 25 août 1971 font état du fait que le
sous-ministre, le 3 juin 1970, a fait ouvrir une
enquête en vertu de l'article 13(1) de la Loi
antidumping concernant l'importation de chaus-
sures pour dames en provenance de France,
d'Italie et d'Espagne, et que l'enquête l'a con-
vaincu que les chaussures pour dames en prove
nance d'Italie et d'Espagne étaient sous-éva-
luées et que la marge de dumping des
marchandises sous-évaluées, ainsi que le
volume réel ou éventuel de celui-ci n'étaient pas
négligeables. Par la suite, conformément à l'arti-
cle 14(2)b) de la Loi, il a donné, le ler juin 1971,
avis de la détermination préliminaire du dum
ping qu'il a faite en vertu de l'article 14(1). Son
avis de détermination préliminaire indiquait que
le ministère avait constaté qu'un certain nombre
de sociétés ne faisaient pas de dumping et que
le nom de ces firmes avait été mis à la disposi
tion du Tribunal antidumping. Son avis déclarait
ensuite que, lorsque cela était possible, la valeur
normale était déterminée en vertu de l'article 9
de la Loi, mais que, lorsque de l'avis du sous-
ministre, des renseignements suffisants n'a-
vaient pas été fournis ou n'étaient pas disponi-
bles, la valeur normale était alors déterminée
conformément à l'article 11 de la Loi, le prix à
l'exportation étant établi en vertu de l'article 10
de la Loi, en se fondant sur le prix à la sortie de
l'usine et que, dans de nombreux cas, la valeur
normale des marchandises était supérieure au
prix à l'exportation. En vertu de l'article 15(1)
de la Loi, les marchandises sont censées être
entrées temporairement et, au cours de la
période commençant à la date où la détermina-
tion préliminaire a été faite, c'est-à-dire le l er
juin 1971, et se terminant à la date où le Tribu
nal antidumping a rendu une ordonnance ou a
pris des conclusions, I'importateur était obligé
de payer un droit temporaire dont le montant ne
dépassait pas la marge de dumping.
Le Tribunal a tenu une audience publique au
cours de laquelle les parties intéressées ont pré-
senté des mémoires et il a estimé qu'il lui était
nécessaire pour conclure de se fier à des recher-
ches et à des entrevues qu'il a menées par
lui-même. Seule, une représentation symbolique
choisie parmi les membres de l'Association
canadienne des fabricants de chaussures a
assisté aux séances publiques et, selon les con
clusions du Tribunal antidumping, la qualité des
témoignages et des arguments présentés révélait
un manque de préparation. La décision du Tri
bunal indiquait que les usines canadiennes qui
ont été obligées de fermer leurs portes l'avaient
fait pour diverses raisons dont aucune ne sem-
blait être liée de façon significative aux impor
tations en provenance de l'Italie et de l'Espa-
gne, et que les détaillants qui ont témoigné ont
signalé le fait que la croissance des importations
en provenance de ces pays ne provenait pas de
façon sensible du dumping, mais résultait plutôt
d'une évolution radicale de la mode dans le
domaine de la chaussure, à laquelle l'industrie
nationale n'avait pas réussi à s'adapter, ce qui
reflète l'allure plus sport que prennent les
chaussures pour dames en général. Tous étaient
d'accord pour dire que les tendances de la mode
prennent maintenant naissance en Europe, ce
qui a pour résultat qu'en ce qui concerne une
partie importante de la gamme de chaussures
dont les détaillants avaient besoin, il n'y avait
aucune source nationale sur laquelle on puisse
compter. Les fabricants, pour leur part, avaient
prétendu devant le Tribunal que, s'ils n'avaient
pas réussi à fournir les genres de chaussures
demandés, cette situation ne provenait pas du
fait qu'ils n'étaient pas capables de le faire,
mais de celui qu'ils ne pouvaient le faire de
façon concurrentielle avec les prix sous-éva-
lués. Le Tribunal a en outre fait remarquer que
des détaillants compétents avaient formulé l'o-
pinion que les prix en Italie et en Espagne
montaient si rapidement, au taux estimatif de
12% pour la saison 1972, qu'il est probable
qu'ils constitueront un élément moins important
du marché canadien au cours des années à
venir. Finalement les conclusions déclaraient:
Bien qu'il y ait peu de preuves convaincantes que les
importations sous-évaluées en provenance de l'Italie et de
l'Espagne aient constitué autre chose qu'un facteur insigni-
fiant dans les difficultés auxquelles fait face l'industrie au
Canada, nous sommes convaincus qu'un dumping continu
pourrait être de nature à empêcher le genre d'adaptations
que nous estimons urgentes pour que l'industrie canadienne
puisse conserver une position importante sur le marché.
Nous sommes convaincus que beaucoup de producteurs
canadiens, si on leur donne l'assurance suffisante que le
dumping futur provoquera l'application de droits antidum-
ping, sont disposés à apporter les modifications nécessaires
à leurs opérations afin de produire et de mettre sur le
marché la plupart des genres de chaussures maintenant
importées de l'Italie et de l'Espagne. Il y a certains styles de
chaussures, dont les chaussures tressées espagnoles consti
tuent un exemple, qui sont impropres à la fabrication au
Canada et continueront à être importés.
L'application du droit antidumping, dans des circonstances
opportunes, supprimerait une part d'incertitude concernant
l'avenir et permettrait probablement aux fabricants locaux
d'obtenir un prix modérément meilleur pour leur
production.
En conséquence, le Tribunal est d'avis que tout dumping
futur de souliers de toilette ou de sport et bottes pour dames
fabriqués sur forme en provenance de l'Italie et de l'Espa-
gne pourrait compromettre les adaptations nécessaires de
l'industrie canadienne et conclut, conformément à l'article
16, paragraphe (3) de la Loi antidumping, que le dumping
futur de souliers de toilette ou de sport et bottes pour dames
fabriqués sur forme en provenance de l'Italie et de l'Espa-
gne «est susceptible de causer un préjudice important à la
production au Canada de marchandises semblables».
Bien que l'application du droit antidumping soit, dans des
circonstances appropriées, nécessaire et utile pour faciliter
l'adaptation de l'industrie canadienne aux besoins du
marché, son application ne garantit pas qu'une telle adapta
tion se produira effectivement.
A la suite de ces conclusions du Tribunal
antidumping, le sous-ministre a fait une déter-
mination définitive du dumping, conformément
à l'article 17(1) de la Loi, et a remboursé les
droits temporaires acquittés par l'importateur,
conformément aux dispositions de l'article
15(1) et (2) de la Loi, mais il a, en vertu de
l'article 3, imposé un droit antidumping d'un
montant égal à la marge de dumping sur toutes
les chaussures et tous les souliers habillés ou de
ville fabriqués sur forme en provenance de l'Ita-
lie et de l'Espagne, qui sont entrés au Canada
après le 25 août 1971. On a exempté de ce droit
certaines sociétés figurant à l'annexe jointe à la
détermination définitive, qu'on a déclarées non
coupables de dumping, ainsi que les chaussures
de ski pour dames et les chaussures ou les
souliers pour dames qu'on utilise pour des
genres particuliers d'activités sportives. Cette
décision, ainsi que l'avis de détermination défi-
nitive, dont la publication a été faite dans la
Gazette du Canada le 11 septembre 1971, n'ont
pas été produits comme pièces, mais ont été
reproduits en entier aux paragraphes 67 et 68
de la demande des demanderesses. Cette con
clusion était fondée sur l'article 3 de la Loi, qui
fait dépendre la perception des droits antidum-
ping du fait que le Tribunal antidumping est
arrivé à la conclusion que le dumping de mar-
chandises de même genre
a) a causé, cause ou est susceptible de causer
un préjudice sensible à la production au
Canada de marchandises semblables; ou
b) a retardé ou retarde sensiblement la mise
en production au Canada de marchandises
semblables. (Les italiques sont de moi.)
La mesure suivante a consisté à donner avis
de cette décision, conformément à l'article
17(3) de la Loi antidumping. Une copie de la
lettre donnant cet avis fait partie de la corres-
pondance produite comme pièce P-7 et cette
lettre fait savoir à l'exportateur que, tant qu'il
n'aura pas donné les renseignements requis
dans les annexes de la lettre, le ministère impo-
sera un droit s'élevant à 7.5% (ou suivant le cas
à 12%) du prix de vente à la sortie de l'usine sur
les importations de chaussures qu'il effectuera,
et que la valeur imposable sera déterminée de
façon semblable. Le questionnaire demande des
renseignements détaillés, notamment les copies
des commandes ou des contrats concernant
toutes les ventes de chaussures pour dames aux
clients canadiens depuis le 25 août 1971, des
copies des commandes livrables à terme, des
renseignements sur le point de savoir si le
modèle, le dessin ou la forme utilisés pour la
production de ces chaussures destinées au
marché canadien leur ont été fournis sans frais,
des détails concernant les rabais, l'emballage et
l'expédition, les commissions, etc., si la société
vend sur le marché intérieur des chaussures
identiques ou des chaussures différentes ou si le
fabricant est uniquement exportateur. Dans
chacun de ces trois cas, un questionnaire diffé-
rent est prévu. Prenons par exemple le cas de
l'exportateur qui vend des chaussures identi-
ques sur le marché intérieur; on lui demande
dans le questionnaire de donner des renseigne-
ments sur toutes différences en ce qui concerne
les quantités de modèles ou de styles, de fournir
les copies des factures concernant les ventes à
des clients intérieurs au cours des 60 jours
précédant la vente au Canada et la copie du
tarif intérieur pour la même période, de donner
des renseignements concernant tous rabais ou
toutes réductions effectués en fonction de la
quantité, des précisions sur les quantités ven-
dues sur le marché intérieur et sur le marché
d'exportation au cours de la période ayant com-
mencé le 25 juin 1971, des renseignements con-
cernant les escomptes de caisse accordés aux
acheteurs intérieurs, les modalités de transport
en ce qui concerne les ventes intérieures, l'ex-
plication des différences d'emballage relatives
aux ventes destinées au marché intérieur et
toutes autres explications qui peuvent sembler
nécessaires.
Aucune directive nouvelle du Ministre
n'ayant été émise après le 25 août 1971, d'après
la lettre du sous-ministre datée du 19 octobre
1971, adressée à l'avocat des demanderesses,
les directives ministérielles du 31 mai 1971 ont
servi de fondement à la nouvelle imposition des
droits antidumping et des droits de douane spé-
ciaux après le 25 août 1971, en dépit du rem-
boursement des droits payés jusqu'à cette date,
conformément à l'article 15(2) de la Loi, à la
suite de la décision du Tribunal antidumping. Il
est évident que les renseignements généraux
obtenus à l'aide du questionnaire envoyé avec
les lettres du ler septembre 1971 n'a pas
entraîné de nouvelles directives ministérielles.
Le sous-ministre était parvenu à la conclusion
que des renseignements suffisants n'étaient pas
disponibles pour déterminer la «valeur nor-
male» définie à l'article 9 de la Loi antidumping
ou la «juste valeur marchande» ou le «coût de
production», au sens des articles 36 et 37 de la
Loi sur les douanes, est que le Ministre était
donc fondé à invoquer l'article 11 de la Loi
antidumping et l'article 40 de la Loi sur les
douanes, en s'appuyant en partie sur les ques
tionnaires envoyés le 8 juin 1970 aux exporta-
teurs d'Espagne et d'Italie. La copie de l'une de
ces lettres et de l'un de ces questionnaires a été
produite comme pièce P-1. Cette lettre déclare
que le sous-ministre est d'avis qu'il y a des
éléments de preuve indiquant que les chaussu-
res pour dames en provenance d'Espagne (ou,
suivant le cas, d'Italie) ont été ou sont sous-éva-
luées et, selon cette lettre, «en formulant son
opinion, le sous-ministre avait en mains certains
renseignements confidentiels». Cette lettre
déclare qu'on exige des renseignements sur
toutes les expéditions de chaussures pour
dames facturées depuis le 1" décembre 1969,
ainsi que sur toutes les commandes en porte-
feuille, livrables à terme à des clients canadiens,
et elle se termine par le paragraphe suivant:
[TRADUCTION] Si le ministère ne reçoit pas tous les rensei-
gnements qu'il vous demande dans un délai raisonnable à
compter de la date de la présente lettre, il ne pourra que
présumer que vous n'avez pas l'intention de fournir les
renseignements demandés ou que ces renseignements ne
sont pas disponibles. Dans ces conditions, il engagera dans
cette affaire toutes les autres procédures prévues par la Loi.
Il s'agit d'un questionnaire très long qui exige,
entre autres, des copies des commandes ou des
contrats d'achat concernant toutes les ventes
facturées depuis le ler décembre 1969, des
copies des factures relatives à des marchandises
qui ont été déjà expédiées au Canada, des préci-
sions sur la similitude de ces chaussures avec
celles qui sont vendues sur le marché intérieur,
des copies des tarifs intérieurs, des renseigne-
ments concernant les rabais sur la quantité de
marchandises ou les rabais différés sur les mar-
chandises vendues aux clients intérieurs, des
copies des factures relatives aux ventes faites à
des clients intérieurs au cours de la période de
soixante jours précédant la date de chaque
vente au Canada, des renseignements concer-
nant à la fois le volume et la valeur de l'ensem-
ble des ventes survenues au cours de la période
en question, des précisions sur le coût de pro
duction de chaque type de chaussures expé-
diées ou à expédier au Canada, ventilées en
matières premières, main-d'oeuvre directe et
frais généraux de fabrication, des renseigne-
ments sur les frais administratifs, les frais de
vente et autres imputables aux marchandises,
les frais de modèles, de dessin et de formes, des
renseignements sur le point de savoir si l'impor-
tateur canadien fournissait gratuitement le
modèle, le dessin et les formes destinés aux
chaussures vendues sur le marché canadien, des
copies des comptes de profits et pertes concer-
nant les deux derniers exercices fiscaux de l'ex-
portateur, réajustés de façon à exclure toutes
les_ ventes à l'exportation, des précisions con-
cernant les escomptes de caisse, le mode de
transport en ce qui concerne à la fois les ventes
intérieures et les ventes à l'exportation desti
nées au Canada et les taxes intérieures y com-
pris les taxes intérieures ou les droits à l'impor-
tation applicables aux matières premières, des
renseignements concernant les remboursements
ou les remises qui s'appliquent au marché inté-
rieur ou au marché .à l'exportation, des rensei-
gnements sur les subventions gouvernementales
ainsi que sur leur mode de calcul, la description
des différences entre l'emballage pour le pays et
l'emballage pour l'exportation ainsi que le coût
de ceux-ci, et enfin des renseignements sur tous
les autres coûts, frais et dépenses concernant
les marchandises expédiées ou à expédier au
Canada. On peut facilement se rendre compte
qu'un tel questionnaire, tout en cherchant sans
aucun doute à recueillir des renseignements très
utiles pour le ministère du Revenu national,
douanes et accise, dans le cadre de son enquête,
pose néanmoins des questions qu'un exporta-
teur espagnol ou italien qui, à coup sûr, n'est
pas obligé de donner des renseignements à un
pays étranger sur ses bénéfices ou sur le
volume de ses ventes intérieures ou des rensei-
gnements semblables peut considérer comme
tout à fait hors de propos. En fait, seuls les
exportateurs les plus importants sont suscepti-
bles d'avoir à leur disposition l'organisation, la
comptabilité détaillée et les conseils fiscaux qui
leur permettraient de répondre à un tel ques
tionnaire de façon pleine et entière, même s'ils
étaient tous disposés à le faire. Il n'est donc pas
surprenant que seul dix pour cent aient
répondu, comme on le prétend. Apparemment,
parmi ceux qui ont répondu, quelques-uns ont
donné des renseignements suffisants pour con-
vaincre le ministère qu'ils n'étaient pas coupa-
bles d'avoir pratiqué le dumping et, de ce fait,
ils ont été mis sur la liste des personnes exemp-
tées de l'imposition de ces droits. Malgré cela,
en se fondant sur les renseignements assez
minces fournis par les réponses à ce question
naire, sur les autres renseignements qu'il avait
pu obtenir grâce aux enquêtes que ses agents
avaient pu mener en Espagne et en Italie et sur
ce qui est indiqué dans la lettre du 8 juin 1970
comme étant «certains renseignements confi-
dentiels», le sous-ministre a pu formuler les
deux conclusions suivantes:
a) Il y a eu un dumping en ce qui concerne les
chaussures pour dames en provenance d'Es-
pagne et d'Italie (et non de France); et
b) Les renseignements disponibles sont insuf-
fisants pour permettre de déterminer la
«valeur normale» des marchandises sous le
régime de l'article 9 de la Loi antidumping ou
la «juste valeur marchande» ou le «coût de
production», qui sont des notions identiques,
sous le régime des articles 36 et 37 de la Loi
sur les douanes, ce qui justifie la détermina-
tion de ces valeurs par le Ministre par suite
de ladite opinion du sous-ministre, et, en con-
séquence, les directives ministérielles du 31
mai 1971 et la détermination préliminaire du
dumping du ler juin 1971.
La décision du Tribunal antidumping du 25
août 1971 parle de la lettre du 1 er juin 1971,
adressée au secrétaire du Tribunal, dans
laquelle le sous-ministre se réfère à la détermi-
nation préliminaire du dumping qu'il a faite à
cette date à la suite de ses enquêtes, lettre qui
se termine par les mots: «Nous vous adressons
ci-joints des documents pertinents relatifs à la
détermination». La décision déclare: «Ces
documents ont été fournis au Tribunal à titre
confidentiel». Ni les demanderesses ni la Cour
n'ont donc à ce stade accès aux documents
d'après lesquels la détermination a été préten-
dument faite.' Le Tribunal ne semble pas avoir
beaucoup approfondi la question de savoir si on
avait établi l'existence d'un véritable dumping,
mais il a traité essentiellement du préjudice que,
le cas échéant, ce dumping avait causé ou aurait
pu causer aux fabricants canadiens et, après
avoir constaté, comme on l'a déjà dit, qu'il n'est
résulté qu'un faible préjudice ou pas de préju-
dice du dumping qui avait pu avoir lieu à la date
de ses conclusions, il a néanmoins jugé néces-
saire de donner l'assurance aux fabricants cana-
diens que «le dumping futur provoquera l'appli-
cation de droits antidumping». Déclarer que le
dumping futur est susceptible de causer un pré-
judice sensible à la production au Canada de
marchandises semblables ou retarde sensible-
ment la mise en production au Canada de mar-
chandises semblables, comme l'exige l'article 3
de la Loi antidumping, n'est pas du tout la
même chose que de déterminer s'il y a eu ou s'il
y a un dumping.
L'un des arguments soulevés par les deman-
deresses se fonde sur la rédaction de l'article 11
de la Loi antidumping, qui ne peut s'appliquer
que lorsque des renseignements suffisants n'ont
pas été fournis ou ne sont pas disponibles «pour
permettre de déterminer la valeur normale ou le
prix à l'exportation en vertu de l'article 9 ou
10». Selon leur thèse, puisque le Ministre avait,
et admet avoir eu, des renseignements suffi-
sants sur le prix à l'exportation (voir la lettre du
21 décembre 1971 que le sous-ministre a
envoyée à l'avocat des demanderesses, et qui
fait partie de la pièce P-7), il ne pouvait appli-
quer cet article. Je trouve cette argumentation
mal fondée. La «valeur normale» et le «prix à
l'exportation» sont deux choses entièrement
différentes. L'article 8b) de la Loi définit la
marge de dumping comme étant l'excédent de la
valeur normale sur le prix à l'exportation. L'ar-
ticle 9 poursuit en expliquant le mode de déter-
mination de la valeur normale et l'article 10,
pour sa part, expose le mode de détermination
du prix à l'exportation, tandis que l'article 11
dispose que, si l'un ou l'autre ne peuvent être
déterminés en se fondant sur les renseigne-
ments fournis ou disponibles, le Ministre peut
déterminer «la valeur normale ou le prix à l'ex-
portation, selon le cas». Dans ses directives
ministérielles du 31 mai 1971, le Ministre n'a
pas déterminé le prix à l'exportation à propos
duquel, de son propre aveu, il avait des rensei-
gnements suffisants, mais plutôt la valeur nor-
male, à propos de laquelle il ne pensait pas
avoir des renseignements suffisants. La vérita-
ble question qui se pose à la Cour n'est pas de
savoir s'il avait le droit de faire une telle déter-
mination, car il l'avait indiscutablement, mais de
savoir si, en exerçant ce droit, il agissait abusi-
vement, sans avoir bien considéré les renseigne-
ments qu'il avait ou sans avoir communiqué aux
parties adverses, c'est-à-dire les importateurs et
leurs agents, ces prétendus «renseignements
confidentiels», et sans leur avoir- donné l'occa-
sion de. les réfuter et d'être entendus; en bref,
sans avoir examiné la question d'une manière
judiciaire ou quasi judiciaire comme il devait le
faire, même s'il s'agissait d'une décision
administrative.
L'avocat des défendeurs a soulevé la
question de la compétence de la Division de
première instance pour connaître de la présente
demande, en se fondant sur le fait que le sous-
ministre n'a fait la détermination préliminaire
du dumping que le l er juin 1971 et la détermina-
tion finale que le 27 août 1971. De ce fait, par
suite de l'article 61(1) de la Loi sur la Cour
fédérale, c'est en vertu de l'article 28(1) de cette
Loi qu'il existe un droit d'examen de la décision
du sous-ministre; aux termes de l'article 28(3),
la Division de première instance n'est pas com-
pétente pour connaître de toute procédure rela
tive à cette décision ou ordonnance. 2
Les présentes procédures s'attaquent non
seulement à la détermination préliminaire du
dumping faite par le sous-ministre le ler juin
1971, mais aussi aux directives ministérielles,
toutes du 31 mai 1971, que le Ministre a émises
en vue de déterminer la «valeur normale»
prévue à l'article 10 de la Loi antidumping, en
appliquant l'article 11 de cette loi et la «juste
valeur marchande» ou la «valeur imposable»
prévues aux articles 36 et 37 de la Loi sur les
douanes, en appliquant l'article 40 de cette loi
et en revalorisant les prix à l'exportation des
chaussures pour dames fabriquées en Italie et
en Espagne respectivement de 71% et de 12%.
La Division de première instance, tout en n'é-
tant pas compétente à l'égard de la décision
rendue le ler juin 1971, date à laquelle la Loi sur
la Cour fédérale est entrée en vigueur, serait
compétente pour accorder un bref de certiorari
ou de prohibition et pour annuler les directives
ministérielles émises le 31 mai 1971 s'il sem-
blait y avoir une erreur de droit ressortant à la
lecture du dossier ou un viol de la justice natu-
relle. Si l'on avait rendu ces décisions de façon
à donner ouverture au redressement réclamé
par les demanderesses, la Division de première
instance aurait alors été compétente pour les
annuler. Bien que le sous-ministre n'ait fait la
détermination préliminaire officielle du dum
ping prévue par l'article 14(1) de la Loi que le
ter juin 1971, il était clair, à coup sûr, que le
Ministre, en prenant les directives ministérielles
du 31 mai, était, à la suite des conseils du
sous-ministre, parvenu à la conclusion, que, d'a-
près l'enquête menée, il existait un dumping de
ces marchandises, car autrement, il n'aurait eu
aucun motif de revaloriser les prix à l'exporta-
tion comme il l'a fait. Les deux décisions doi-
vent nécessairement aller ensemble et, selon
moi, la détermination préliminaire du dumping
aurait dû être faite avant que la directive minis-
térielle qui, en fait, en a déterminé l'étendue, ne
soit émise. Néanmoins, les dispositions de la
Loi sur la Cour fédérale empêchent la Division
de première instance de connaître de la détermi-
nation préliminaire du dumping faite le 1 er juin
1971, de la décision du Tribunal antidumping
rendue le 25 août 1971, ou de la détermination
finale du dumping que le sous-ministre a faite et
qui est en vigueur depuis cette date.
Bien que j'aie examiné assez longuement tout
le dossier de l'affaire en litige dont j'ai à connaî-
tre, y compris les décisions rendues le ler juin
1971 et par la suite, pour traiter complètement
la question, je suis obligé de conclure qu'en
raison de la dualité résultant des dispositions de
la Loi sur la Cour fédérale, je ne peux connaître
que des directives ministérielles émises le 31
mai 1971, laissant à la Cour d'appel, si on
intente devant elle les procédures voulues, le
soin de connaître des décisions relatives au
dumping que le sous-ministre et le Tribunal
antidumping ont rendues le l er juin 1971 et par
la suite.
Les questions en litige dont je peux connaître
en qualité de juge de la Division de première
instance se limitent donc aux questions:
a) de l'emploi de l'article 11 de la Loi anti-
dumping et de l'article 40 de la Loi sur les
douanes pour déterminer respectivement la
«valeur normale» et la «valeur imposable»
des marchandises en question;
b) de la fixation des taux de 74% et de 12%
en ce qui concerne respectivement l'Italie et
l'Espagne; et
c) de l'application de ces taux à toutes les
chaussures pour dames en provenance de ces
pays, plutôt qu'aux exportations faites par
des fabricants particuliers.
Puisque la Division de première instance ne
peut connaître des décisions rendues le 1 e juin
1971 et par la suite, il s'ensuit qu'il y a lieu de
radier certains paragraphes et certaines parties
des conclusions de la demande dont j'ai à con-
naître, et je ne traiterai pas des arguments avan-
cés relativement à ceux-ci.
Il importe également de remarquer que,
malgré certaines modifications apportées à la
fois à la Loi antidumping et à la Loi sur les
douanes par la Loi sur la Cour fédérale, ces
deux lois contiennent encore le droit d'en appe-
ler d'une décision de la Commission du tarif
devant la Cour fédérale «sur une question de
droit» (voir l'article 20(1) de la Loi antidumping
et l'article 48(1) de la Loi sur les douanes).
L'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale est
rédigé comme suit:
29. Nonobstant les articles 18 et 28, lorsqu'une loi du
Parlement du Canada prévoit expressément qu'il peut être
interjeté appel, devant la Cour, la Cour suprême, le gouver-
neur en conseil ou le conseil du Trésor, d'une décision ou
ordonnance d'un office, d'une commission ou d'un autre
tribunal fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette
décision ou ordonnance ne peut, dans la mesure où il peut
en être ainsi interjeté appel, faire l'objet d'examen, de
restriction, de prohibition, d'évocation, d'annulation ni d'au-
cune autre intervention, sauf dans la mesure et de la
manière prévues dans cette loi.
et s'il y avait eu une décision de la Commission
du tarif relativement à une question de droit, la
Division de première instance n'aurait pas eu le
droit de connaître des présentes procédures.
Toutefois, la Commission du tarif n'a pas
encore traité de cette question, de sorte qu'on
ne peut soulever cette objection.
Les avocats des défendeurs ont soutenu que
les demanderesses devaient épuiser les possibi-
lités d'appel prévues à ces deux lois avant de
présenter une demande auprès de la Cour fédé-
rale, que ce soit par la voie de l'article 18 ou de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, mais il
existe quelque doute sur la question de savoir si
un appel auprès de la Commission du tarif pour-
rait aboutir à la révision d'une directive ministé-
rielle émise par le Ministre. Dans la décision
récente que la Commission d'appel du tarif a
rendue dans l'affaire International Metal Fabri-
cators c. Le sous-ministre du Revenu national,
n° du greffe 982, dans laquelle une audition
avait été tenue en vertu de la Loi antidumping,
on a cependant décidé que la Commission pou-
vait examiner la méthode d'évaluation utilisée
par le sous-ministre, qui avait appliqué l'article
9(5)b) de la Loi, au lieu de l'article 9(5)a), pour
déterminer la «valeur normale» de marchandi-
ses.
Même si les demanderesses pouvaient obtenir
un redressement adéquat en suivant les procé-
dures d'appel exposées dans ces deux lois, cela
entraînerait des retards considérables qui
auraient pour elles des conséquences graves.
C'est une maigre consolation que d'être fondé à
obtenir le remboursement de droits lorsqu'on
détermine par la suite qu'ils ont été imposés à
tort, si cette imposition a entraîné pour les
demanderesses l'obligation de cesser l'importa-
tion des marchandises en question, après avoir
conclu qu'elles n'étaient plus concurrentielles
en raison de l'imposition de ces droits
supplémentaires.
A moins que la Loi sur les douanes, la Loi
antidumping ou la Loi sur la Cour fédérale ne
leur retirent expressément le droit d'obtenir un
bref de certiorari ou de prohibition, et je ne
crois pas que ce soit le cas, les demanderesses
sont fondées à s'en prévaloir en dépit du fait
que ces lois prévoient certaines procédures
d'appel.
Selon la jurisprudence, il est évident que,
même si la Cour ne doit pas enquêter sur le
fond d'une décision rendue par le Ministre ou
une Commission, ni sur les pouvoirs discrétion-
naires de rendre une décision accordés à un
tribunal semblable, elle peut toutefois, à moins
qu'il ne s'agisse manifestement d'une décision
qui n'est pas soumise à un processus judiciaire
ou quasi judiciaire, (même dans le cas d'une
décision purement administrative touchant à
des droits privés, qui a été prise au mépris des
règles de la justice naturelle (voir l'arrêt Ridge
c. Baldwin [1964] A.C. 40)), enquêter sur les
motifs de la décision et, à moins que ces motifs
ne soient donnés, la Cour ne dispose d'aucun
moyen qui lui permette de savoir si la décision a
été soumise à un processus judiciaire ou quasi
judiciaire. En outre, il existe une jurisprudence
constante selon laquelle la partie adverse doit
avoir toute possibilité d'être entendue et de
recevoir communication de toute preuve avan-
cée contre elle, afin de pouvoir la réfuter avant
qu'une décision ne soit rendue. Bien que certai-
nes de ces affaires constituent des appels plutôt
que des demandes de brefs de certiorari, de
mandamus ou autres brefs de prérogative, les
principes à appliquer sont semblables. Voir l'ar-
rêt Nicholson Ltd. c. M.R.N. [1945] R.C.É.
191, dans lequel le juge Thorson a déclaré à la
page 205:
[TRADUCTION] Les pouvoirs discrétionnaires dont dispose
le Ministre en vertu de l'article 6(2) doivent être exercés de
la manière qui s'impose. Si, en faisant sa détermination, il
n'a pas agi de manière judiciaire, au sens des affaires citées,
il n'a absolument pas exercé les pouvoirs discrétionnaires
qu'exige cet article et, si la détermination ainsi faite est
insérée dans une cotisation, cette cotisation est, dans cette
mesure, irrégulière. Le point de savoir si les pouvoirs dis-
crétionnaires ont été exercés de la manière qui s'impose est
donc une question liée à la cotisation, à l'égard de laquelle la
Cour est compétente. La Cour a certes le devoir de contrô-
ler la façon dont le Ministre exerce ces pouvoirs, afin de
faire en sorte que le Ministre agisse comme la loi l'ordonne.
Le fait qu'elle a une compétence d'appel ne modifie pas la
nature des principes à appliquer dans son devoir de con-
trôle; ils sont identiques à ceux qu'appliquent les tribunaux
dans des affaires de certiorari et de mandamus.
Dans l'affaire Wrights' Canadian Ropes Ltd.
c. M.R.N. [1946] R.C.S. 139, la Cour suprême a
traité de l'exercice par le ministre du Revenu
national de ses pouvoirs discrétionnaires, en
vertu de ce qui était alors l'article 6(2) de la Loi
de l'impôt de guerre sur le revenu. A la page 157,
le juge Hudson déclare:
[TRADUCTION] Dans sa décision, le Ministre ne révèle
aucun motif. Il avait sans doute ce qui lui a semblé être des
motifs très valables pour rendre sa décision, mais nous ne
les connaissons pas. La Cour n'a pas à apprécier ces motifs,
mais nous sommes fondés à les connaître, afin que nous
puissions décider s'ils s'appuient ou non sur des principes
solides et fondamentaux.
A la page 163, le juge Kellock cite l'arrêt Le
Roi c. Noxzema Chemical Company of Canada
Ltd. [ 1942] R.C.S. 178 dans lequel le juge
Davis a déclaré à la page 180:
[TRADUCTION] Si, par ailleurs, on peut dire que la fonction
que le Ministre tient de cet article est d'une nature quasi
judiciaire, il était encore alors nécessaire que le contribua-
ble ait équitablement la chance d'être entendu dans le litige,
de corriger ou de modifier toute déclaration s'y rapportant,
préjudiciable à ses intérêts.
De nouveau, à la page 168, le juge Kellock
déclare:
[TRADUCTION] ... Je ne pense pas que l'appelant soit en
situation de succomber dans son appel, car, ne connaissant
pas le motif de la décision, il est incapable d'en dégager
l'erreur. Je pense en outre qu'on ne peut pas dire que la Loi
ait voulu que le silence pur et simple de la décision elle-
même quant aux motifs qui sont à son origine puisse faire
échouer un appel prévu par ses dispositions.
L'affaire Randolph and World Wide Mail
Services Corp. c. La Reine [1966] R.C.É. 157
traite d'une ordonnance que le ministre des
Postes a prise en vertu de l'article 7 de la Loi
sur les postes, pour interdire la livraison de
courrier aux demandeurs ou à leur nom, sans
leur avoir donné l'occasion d'être entendus
avant que l'ordonnance ne soit rendue; dans
cette affaire, le président Jackett (aujourd'hui
juge en chef) expose le principe général à la
page 164:
[TRADUCTION] Il existe une règle générale selon laquelle, à
moins que le Parlement n'en ait disposé autrement pour une
catégorie particulière d'affaires, toute personne a le droit
d'être entendue et d'avoir équitablement l'occasion de corri-
ger ou de contredire ce qu'on allègue contre elle, avant
qu'une ordonnance ne soit rendue contre elle. C'est une
règle fondamentale de la justice britannique, qui figure dans
les lois conférant le pouvoir de rendre des décisions. Elle
s'applique non seulement lorsque le pouvoir de rendre des
décisions est conféré à des tribunaux judiciaires constitués
en tant que tels, mais chaque fois qu'un tel pouvoir est
conféré à des organismes administratifs, aux ministres de la
Couronne ou à d'autres autorités purement administratives.
La règle ne s'applique toutefois, en l'absence de toute règle
statutaire expresse à l'effet contraire, qu'aux pouvoirs de
rendre des décisions conférés par la loi, qui sont du genre
de ceux dont on dit parfois qu'ils ont une nature judiciaire
ou quasi judiciaire, parce qu'ils sont orientés essentielle-
ment vers la détermination ou l'abrogation des droits des
particuliers en vertu de l'application d'une règle statutaire
aux faits d'une affaire particulière que le tribunal tranche.
Dans l'arrêt L'Alliance des Professeurs
catholiques de Montréal c. La Commission des
Relations ouvrières du Québec et la Commission
des Écoles catholiques de Montréal [1953] 2
R.C.S. 140, le juge Rand déclare à la page 161
ce qui suit:
... La règle Audi alteram partem constitue un principe
dominant de notre droit et s'applique particulièrement à
l'interprétation des lois qui délèguent l'activité judiciaire
sous n'importe quelle forme aux tribunaux inférieurs: en
rendant des décisions d'une nature judiciaire, ils doivent
entendre les deux parties et il n'y a rien dans la loi qui
restreint l'application de ce principe.
La seule réfutation proposée à ce sujet consiste à dire que
la Commission, étant un «organe administratif», peut en fait
agir comme elle l'entend. Toutefois, en ce domaine, nous
sommes trop prisonniers des mots. D'un point de vue admi-
nistratif, dans les dispositions des lois secondaires ou quasi-
lois, le principe a une application limitée; toutefois, dans la
complexité de l'activité gouvernementale d'aujourd'hui, une
soi-disant commission administrative peut être chargée non
seulement de fonctions d'administration et d'exécution mais
aussi de fonctions judiciaires et c'est sur ces fonctions que
nous devons porter notre attention. Lorsqu'elles sont d'une
nature judiciaire, elle touchent à l'extinction ou à la modifi
cation de droits ou d'intérêts privés. Le plein exercice des
droits en question, dont certains sont reconnus et d'autres
conférés par la loi, dépend des conclusions de la Commis
sion; toutefois ces droits ne sont pas créés par la Commis
sion et leur jouissance n'est pas davantage soumise à la
volonté pure et simple de la Commission; l'Association ne
peut être privée de leur jouissance qu'au moyen d'une
procédure inhérente à une action judiciaire.
Particulièrement, pour qu'une ordonnance de
certiorari soit applicable, la décision qui s'y
rattache doit être une décision qui touche les
droits des personnes en cause et dans laquelle
une erreur de droit ressort à la lecture des
procédures. Dans l'arrêt La Reine c. London
Committee of Adjustment Ex Parte Weinstein
[1960] O.R. 225, le juge d'appel Morden, en
prononçant le jugement de la Cour d'appel, a
cité à la page 234, en l'approuvant, la déclara-
tion de Lord Atkin dans l'arrêt Le Roi c. Elec
tricity Commissioners [1924] 1 K.B. 171, aux
pages 204 et 205:
[TRADUCTION] Nous avons à connaître dans cette affaire
des règles d'obtention d'un bref de prohibition et de certio-
rari, que la «Divisional Court» a annulées. Ces deux brefs
sont très anciens et faisaient partie de la procédure utilisée
par les «King's Courts» pour empêcher les tribunaux infé-
rieurs d'excéder leurs pouvoirs. Le bref de prohibition
empêche le tribunal d'outrepasser sa compétence; le bref de
certiorari prescrit d'envoyer le procès-verbal ou l'ordon-
nance de la Cour devant la «King's Bench Division» pour
que celle-ci en examine la légalité et, si cela est nécessaire,
pour qu'elle annule l'ordonnance. Il convient de remarquer
que ces deux brefs traitent de questions d'abus de compé-
tence et qu'à l'origine, ils traitaient sans aucun doute pres-
que exclusivement de la compétence de ce que le langage
ordinaire désigne sous le nom de «Court of Justice». Toute-
fois, le champ d'application des brefs s'est étendu au con-
trôle des procédures d'organismes qui ne prétendent pas
être des «Courts of Justice» et qui ne seraient pas considé-
rés comme tels. Partout où un groupe de personnes dispo-
sant du pouvoir juridique de trancher des questions tou-
chant les droits des personnes et ayant le devoir d'agir de
façon judiciaire, outrepasse les limites de son pouvoir juri-
dique, il est soumis à la compétence de contrôle de la
«King's Bench Division», énoncé dans ces brefs.
De nouveau, à la page 236, le juge Morden
déclare:
[TRADUCTION] M. Williston a soutenu que, lorsqu'un appel
est interjeté, la Cour a alors le pouvoir discrétionnaire
d'apprécier s'il y a lieu ou non d'accorder le certiorari et il a
fondé cette prétention sur les affaires récemment jugées, Ex
p. Atikokan, [1959] O.W.N. 200 et La Reine c. Shea Ex p.
Weston, [1959] O.R. 664. Dans ces affaires, l'erreur de droit
ne ressortait pas à la lecture des procédures comme en
l'espèce présente, et elles doivent donc être distinguées.
Dans l'arrêt Local Government Board c.
Arlidge [1915] A.C. 120 que le juge en chef de
la Haute Cour a cité dans l'arrêt La Reine c.
Bureau des gouverneurs de la radiodiffusion et
le ministre des Transports, Ex parte Swift Cur
rent Telecasting Co. Ltd. [1962] O.R. 190, à la
p. 197, Lord Parmoor, faisant allusion au défaut
de divulgation du rapport d'un inspecteur, a
déclaré aux pages 143 et 144:
[TRADUCTION] Si je pensais que ce défaut de divulgation a
privé l'intimé d'une audience juste et conforme à la vraie
justice, j'accueillerais l'argumentation présentée au nom de
l'intimé et je jugerais dans le même sens, que l'appel doive
être considéré comme un acte quasi judiciaire ou comme
une décision relative au contrôle de l'activité administrative
de l'autorité locale.
A ce stade des procédures, nous avons les
affidavits des dirigeants des trois compagnies
demanderesses, toutes importatrices qui, en
plus d'avoir nié qu'il y ait eu un dumping relati-
vement aux chaussures pour dames qu'elles
importaient d'Italie ou d'Espagne, déclarent
qu'on ne leur a jamais communiqué aucun des
renseignements que le ministère du Revenu
national avait sur les usines exportatrices, et
qu'on ne leur a pas davantage donné l'occasion
de contredire ces renseignements ni les motifs
des conclusions formulées à l'égard du dum
ping; M. Tucker, dans son affidavit, déclare que
sa compagnie n'a jamais eu à sa disposition les
renseignements qui ont abouti à la décision de
revaloriser les prix à l'exportation respective-
ment de 74% et de 12%.
Dans la mesure où les directives ministériel-
les du 31 mai 1971 sont en cause, les motifs des
demanderesses pour attaquer ces décisions peu-
vent se résumer de la façon suivante:
a) Le sous-ministre a eu tort de conclure à
une insuffisance des renseignements fournis
ou disponibles pour déterminer la valeur nor-
male en vertu de l'article 9 de la Loi antidum-
ping ou la juste valeur marchande, ou subsi-
diairement le coût de production en vertu des
articles 36 et 37 de la Loi sur les douanes, et
par conséquent, en utilisant l'article 11 de la
Loi antidumping et l'article 40 de la Loi sur
les douanes, qui autorisent le Ministre à émet-
tre une directive à l'égard de ces valeurs.
Bien qu'il existe quelque doute sur le point de
savoir si toutes les parties qui souhaitaient
être entendues l'ont en fait été avant qu'il ne
prenne cette décision ou sur celui de savoir si
les renseignements que lui avaient fournis les
réponses au questionnaire ainsi que les
importateurs qui avaient présenté des mémoi-
res étaient en fait insuffisants pour lui per-
mettre de déterminer la valeur normale, la
juste valeur marchande ou le coût de produc
tion, il ne ressort pas, semble-t-il, à la lecture
du dossier, une erreur qui justifierait l'annula-
tion de sa décision pour ce motif.
b) Rien n'indique le fondement sur lequel le
Ministre, en appliquant l'article 11 de la Loi
antidumping et l'article 40 de la Loi sur les
douanes, a formulé la conclusion selon
laquelle les prix à l'exportation devaient être
revalorisés de 74% dans le cas des chaussures
pour dames en provenance d'Italie et de 12%
dans le cas de celles en provenance d'Espa-
gne. En l'absence de ces explications, les
demanderesses ou la Cour n'ont pas la possi-
bilité de conclure qu'il est parvenu à ces
chiffres après un examen judiciaire régulier
des données dont il disposait. Bien que la
Cour ne doive pas réviser la décision sur les
taux auxquels il est parvenu, elle doit être
convaincue qu'il n'a atteint ses conclusions
qu'après une appréciation juste et complète
de la preuve dont il disposait et qu'il n'a pas
simplement choisi ces taux de façon arbi-
traire. Absolument rien dans les documents
qui me sont soumis n'indique de quelle façon
le Ministre est parvenu à ces chiffres de 74%
dans le cas de l'Italie et de 12% dans le cas de
l'Espagne. Ces chiffres n'ont rien de magique
et, en l'absence d'explications, on aurait pu
tout aussi facilement les fixer à 15% et à24%
ou à 3% et à 5%. Lorsque l'article 11 de la
Loi antidumping et l'article 40 de la Loi sur
les douanes permettent de déterminer la
valeur normale ou la juste valeur marchande,
selon le cas, «de la manière que prescrit le
Ministre», cela ne lui donne certainement pas
la pleine liberté de prescrire des pourcentages
pris au hasard sans fournir aucune explication
sur la façon dont il y est arrivé. Les demande-
resses sont fondées à obtenir une explication
sur la façon d'arriver à ces pourcentages et
on aurait dû leur donner la possibilité de les
discuter avant qu'une décision ne soit prise.
La Cour n'est pas en mesure de décider, en
l'absence de toute explication, si ces chiffres
ont été atteints après un examen judiciaire ou
quasi judiciaire régulier de la preuve soumise
au Ministre à l'époque où ces déterminations
ont été faites. Le paragraphe 45 de la
demande des demanderesses expose que le
ministère du Revenu national a refusé et a
négligé d'autoriser les corrections de la valeur
normale applicables dans presque tous les
cas, de façon à tenir compte de la ristourne
de l'impôt sur le chiffre d'affaire qui s'élève à
10% dans le cas de l'Espagne et à 5 Mdans,le
cas de l'Italie, des escomptes de caisse de 3%
dans chaque cas, des remises quantitatives de
10% dans chaque cas et des remises relatives
aux commissions que l'usine verse aux ven-
deurs du marché intérieur pour la commercia
lisation de leurs produits, commissions qui ne
sont pas versées lorsque les marchandises
sont exportées et qui sont de l'ordre de 7%
dans le cas de l'Espagne et de 5% dans le cas
de l'Italie. A partir de ces données, les
demanderesses soutiennent que, si on avait
tenu un compte suffisant de ces facteurs, le
total des remises aurait dépassé de beaucoup
la prétendue marge de dumping qu'ont rete-
nue les directives ministérielles. Cette alléga-
tion des plaidoiries n'a certes pas été prouvée
jusqu'ici et je n'ai pas non plus l'intention
d'examiner les arguments soulevés par l'avo-
cat des demanderesses au sujet des déduc-
tions normales à faire en vertu de l'article 11
(précité) du Règlement antidumping, me con-
tentant de dire que, selon la lettre du 10
septembre 1971 que l'appréciateur fédéral
des douanes lui a adressée (qui fait partie de
la pièce 7), «en ce qui concerne les correc
tions aux fins de la valeur normale, le minis-
tère déduit le montant des taxes et droits
perçus sur la vente de marchandises sembla-
bles qui, quand elles sont destinées à la con-
sommation intérieure, ne sont pas supportés
par les marchandises vendues à l'importateur
au Canada. Cette correction ne s'applique pas
aux droits et taxes perçus sur la vente des
matières entrant dans la fabrication de mar-
chandises semblables». Cela écarte toute cor
rection en ce qui concerne la remise, lors de
l'exportation, des droits et taxes perçus aux
différentes étapes de la production des chaus-
sures, en vertu de ce que les demanderesses
appellent dans leurs plaidoiries le régime des
impôts «en cascade» sur le chiffre d'affaires
qui est en vigueur en Italie et en Espagne.
Les avocats des demanderesses ont soutenu
que cette interprétation est contraire aux dis
positions de l'article VI de l'alinéa 4 de l'ac-
cord GATT. Le fait que ces arguments puis-
sent être soulevés souligne la nécessité
d'obtenir des explications sur la façon dont
on a obtenu les chiffres de 74% et de 12%,
ces explications devant être au moins suffi-
samment détaillées pour permettre à la Cour
d'établir si ces chiffres ont été obtenus à la
suite d'une décision arbitraire sans avoir bien
tenu compte de tous les faits sur lesquels la
décision aurait dû s'appuyer. L'absence d'ex-
plication semble constituer l'erreur de droit
qui ressort à la lecture du dossier. En outre,
les demanderesses n'ont pas été entendues
avant que ne soient émises les directives
ministérielles touchant leurs droits person-
nels. On a fondé la décision, du moins en
partie, sur des renseignements confidentiels
qui n'ont pas été communiqués aux demande-
resses et qu'elles n'ont pas eu l'occasion de
réfuter. De plus, il semble qu'au moins cer-
tains exportateurs ne pratiquaient pas le dum
ping et rien n'indique combien d'exemples de
dumping on a découvert à la suite de l'en-
quête. Appliquer les directives ministérielles
aux demanderesses dans de telles conditions
semble constituer un déni de justice naturelle.
c) La question se pose également de savoir si
l'article 11 de la Loi antidumping ou l'article
40 de la Loi sur les douanes ont pour objet
d'autoriser, ou autorisent en fait, une applica
tion aussi large des directives ministérielles,
de sorte qu'elles s'appliqueraient à toutes les
marchandises d'une certaine catégorie prove-
nant d'un pays donné, ou si, au contraire, la
directive ministérielle ne doit pas s'appliquer
à chaque expédition particulière, ou du moins
aux importations en provenance d'un expor-
tateur donné lorsqu'on a conclu que celui-ci
exporte à un prix tel que ses marchandises
sont sous-évaluées au Canada. Dans une
industrie comme celle de la chaussure, il y a,
comme le soulignent les plaidoiries, des mil-
liers de fabricants différents dans chacun des
pays en question, qui vont des grandes usines
aux petites fabriques à domicile, dont chacun
peut fabriquer des douzaines de genres diffé-
rents de chaussures pour dames. Tous n'ex-
portent pas au Canada, mais il y a néanmoins
un grand nombre d'exportateurs et de styles
différents de chaussures qui sont en cause. Il
n'est pas surprenant, lorsqu'autant d'expédi-
tions différentes sont en jeu, qu'un dumping
puisse exister dans certains cas. Par ailleurs,
il serait également surprenant de constater
que chaque modèle de chaussure de chaque
exportateur d'Espagne ou d'Italie est exporté
au Canada à des prix inférieurs à ceux que les
clients intérieurs paient, après avoir fait les
déductions voulues pour remises fiscales,
réductions quantitatives, etc. qu'autorisent les
lois et règlements. Faire une conclusion glo-
bale selon laquelle il y a un dumping respectif
de l'ordre de 74% et de 12% à l'égard de
toutes les chaussures pour dames importées
d'Italie ou d'Espagne et imposer alors à l'ex-
portateur (ou en pratique à l'importateur qui
devra sans doute obtenir les renseignements
nécessaires de l'exportateur) la charge de
prouver que, dans le cas de chacune des
expéditions de chaussures, aucun droit sem-
blable ne devrait être perçu, semble imposer
une épreuve injuste et constituer un renverse-
ment de la charge habituelle de la preuve. Je
doute que le Ministre puisse sincèrement dire
que la valeur normale ou le juste prix courant
des chaussures pour dames expédiées soit
d'Italie soit d'Espagne doivent être augmen
tés dans tous les cas de ces pourcentages. Si
le Ministre ne pouvait agir de cette manière,
cela constituerait une erreur de droit ressor-
tant à la lecture du dossier.
Pour les motifs qui précèdent, je conclus qu'il
y a lieu d'accueillir la demande que les deman-
deresses ont formulée en vue d'obtenir un bref
de certiorari et de prohibition à l'encontre des
défendeurs, et que les défendeurs devront
authentifier et remettre au bureau de l'Adminis-
trateur de la Cour fédérale du Canada, à
Ottawa, dans un délai de trente jours à compter
de la date du présent jugement ou dans tout
autre délai plus long que cette Cour pourra
autoriser sur demande faite en bonne et due
forme, tous les dossiers et documents concer-
nant l'enquête ouverte en juin 1970, ainsi que
ceux concernant l'imposition et la perception de
droits et de droits antidumping sur les chaussu-
res pour dames en provenance d'Italie et d'Es-
pagne sur la base d'une revalorisation respec
tive des prix à l'exportation de 74% et de 12%,
de même que les directives ministérielles du 31
mai 1971, les motifs de celles-ci et tout ce qui
les concerne, aussi complètement et entière-
ment qu'ils se trouvent à la garde desdits défen-
deurs, ainsi que l'ordonnance qui sera rendue en
l'espèce, de façon que cette Cour puisse mieux
faire prendre à ce sujet les mesures qu'elle
jugera bon de prendre, que, de plus, les défen-
deurs suspendent toutes les procédures inten-
tées en vertu desdites directives ministérielles
du 31 mai 1971, ainsi que leur application par
les soins du sous-ministre du Revenu national,
et qu'en attendant le jugement définitif de la
présente affaire, il s'abstienne de percevoir les
droits et les droits antidumping autrement que
sur le prix à l'exportation des chaussures pour
dames, y compris les chaussures ou les souliers
habillés ou de ville fabriqués sur forme en pro
venance d'Italie et d'Espagne; les dépens de la
présente demande à suivre la cause.
En ce qui concerne la requête des défendeurs
visant à faire rejeter ou radier les plaidoiries, je
conclus qu'il n'est pas exact de dire que, dans
les circonstances présentes, le redressement
réclamé ne serait pas accordé, au moins en
partie, ni que les plaidoiries ne révèlent aucune
cause d'action raisonnable ou que la Division de
première instance n'est absolument pas compé-
tente. Par ailleurs, comme je l'ai déjà déclaré, la
Division de première instance n'a aucune com-
pétence à l'égard de la détermination prélimi-
naire du dumping, de la détermination finale du
dumping ou de la décision du Tribunal antidum-
ping, qui toutes sont intervenues le l ef juin 1971
ou par la suite, et il est donc évident que cer-
tains paragraphes des plaidoiries des demande-
resses ne sont pas essentiels, sont hors de
propos et doivent être radiés ainsi que certaines
de leurs conclusions.
Bien que la demande des demanderesses soit
inutilement diffuse et discutable, et cite intégra-
lement des extraits de lois, de règlements, d'or-
donnances et de correspondance, l'attaque des
défendeurs s'orientait plutôt vers une tentative
de rejet global des procédures à ce stade que
vers la radiation de certains paragraphes parti-
culiers de la demande. Néanmoins, compte tenu
de mes conclusions selon lesquelles les présen-
tes procédures devant la Division de première
instance ne peuvent concerner que la critique
des directives ministérielles du 31 mai 1971,
j'ordonne ce qui suit:
a) Le Tribunal antidumping ne doit pas faire
partie des défendeurs et il doit être mis hors
de cause. Puisque la seule décision attaquée
est celle du Ministre lui-même, le sous-minis-
tre ne doit pas rester au procès comme défen-
deur, même si les directives ministérielles ont
été émises en se fondant sur l'opinion qu'il a
formulée, car c'est le Ministre qui doit assu-
mer en dernier lieu la responsabilité d'émettre
les directives. Il semble inutile d'ajouter Sa
Majesté la Reine comme défenderesse, mais
je n'interviendrai pas dans cette question à ce
stade des procédures, d'autant plus qu'elle n'a
pas été soulevée devant moi;
b) Le paragraphe 55 doit être radié, car il
rapporte des ouï-dire et est discutable en ce
qui concerne les motifs du ministère;
c) Les paragraphes 60, 62, 63, 64, 65, 66, 67,
68, 71, 72, 73 et 74 doivent être radiés;
d) Les alinéas a), c), d) et e) du paragraphe
75 doivent être radiés, en ne conservant que
le seul paragraphe b), qui soutient que la
charge de la preuve du dumping et de la
marge de dumping incombe au ministère du
Revenu national;
e) L'alinéa c) du paragraphe 76 doit être
radié;
f) Les mots «qui est devenu sans effet en
vertu de la décision du Tribunal antidumping
et de la détermination définitive que le sous-
ministre du Revenu national a faite le 27 août
1971 et» doivent être radiés du paragraphe
77, de sorte qu'il se lise désormais comme
suit:
[TRADUCTION] 77. En agissant ainsi, le ministère du
Revenu national continuait de se fonder sur la directive
ministérielle du 31 mai 1971 qui, en tout état de cause,
s'appuyait sur des renseignements fragmentaires d'une
nature contestable, obtenus au cours de l'été et de
l'automne de 1970;
g) Les paragraphes 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85,
86, 87,, 88, 89, 90, 91 et 99 doivent être
radiés;
h) Les paragraphes B(2) et B(5) des conclu
sions de la réclamation des demanderesses
doivent être radiés.
Les défendeurs recevront les dépens de la
présente requête en radiation.
' L'article 29(3) qui traite du Tribunal antidumping se lit
de la façon suivante:
29. (3) Lorsque des témoignages ou des renseignements
qui sont d'une nature confidentielle, relativement aux tra-
vaux ou aux affaires d'une personne, d'une firme ou d'une
corporation, sont fournis ou obtenus au cours d'une audi
tion devant le Tribunal, les témoignages ou renseignements
ne seront pas rendus publics de manière à pouvoir être
utilisés par un concurrent ou par un rival commercial de la
personne, de la firme ou de la corporation.
Bien que la nécessité d'une telle précaution soit évidente et
que ce fait justifie que le sous-ministre fournisse à titre
confidentiel certains documents au Tribunal antidumping,
on ne peut s'en servir pour justifier de ne pas communiquer
à chaque exportateur particulier toute preuve confidentielle
qui a pu être obtenue relativement à ses exportations et de
ne pas lui donner la possibilité de la réfuter. Malgré cela, le
questionnaire envoyé à chaque exportateur le 8 juin 1970
déclare simplement que le sous-ministre est d'avis qu'il y a
eu un dumping et que, lorsqu'il a formulé cette opinion, il
avait en main «certains renseignements confidentiels» sans
en indiquer en aucune façon la nature. On présente en fait à
l'exportateur une décision fondée sur des renseignements
indéterminés, dont on prétend qu'ils existent, mais auxquels
on ne lui a pas donné l'occasion de répondre, et on lui
demande de fournir des renseignements indiquant pourquoi
on ne devrait pas percevoir de droits antidumping dans son
cas. Si ces renseignements confidentiels étaient d'une
nature telle qu'ils puissent révéler des secrets commerciaux
de la compagnie, on pourrait prendre des mesures, comme
cette Cour l'a fait depuis quelque temps, pour que les
renseignements soient donnés à la Cour et aux avocats des
parties sous réserve de leur engagement personnel de ne pas
les divulguer à leurs clients respectifs ou au public en
général, et les plaidoiries sur ces questions seraient enten-
dues à huis clos.
z Ces articles se lisent de la façon suivante:
61. (1) Lorsque la présente loi crée un droit d'appel
devant la Cour d'appel ou le droit de demander à la Cour
d'appel en vertu de l'article 28, d'examiner et rejeter une
décision ou ordonnance, ce droit s'applique, à l'exclusion de
tout autre droit d'appel, à un jugement, une décision ou une
ordonnance rendus ou établis après l'entrée en vigueur de la
présente loi, à moins que, dans le cas d'un droit d'appel, il
n'y ait eu à ce moment un droit d'appel devant la Cour de
l'Échiquier du Canada.
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de
toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre
et juger une demande d'examen et d'annulation d'une déci-
sion ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance
de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à
un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un
office, une commission ou un autre tribunal fédéral ou à
l'occasion de procédures devant un office, une commission
ou un autre tribunal fédéral, au motif que l'office, la com
mission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a
autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée
d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la
lecture du dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclu
sion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire
ou sans tenir compte des éléments portés à sa
connaissance.
(3) Lorsque, en vertu du présent article, la Cour d'appel a
compétence pour entendre et juger une demande d'examen
et d'annulation d'une décision ou ordonnance, la Division de
première instance est sans compétence pour connaître de
toute procédure relative à cette décision ou ordonnance.
L'article 2g) définit l'expression «office, commission ou
autre tribunal fédéral» de la façon suivante:
2. Dans la présente loi,
g) «office, commission ou autre tribunal fédéral» désigne
un organisme ou une ou plusieurs personnes ayant, exer-
çant ou prétendant exercer une compétence ou des pou-
voirs conférés par une loi du Parlement du Canada ou
sous le régime d'une telle loi, à l'exclusion des organismes
de ce genre constitués ou établis par une loi d'une pro
vince ou sous le régime d'une telle loi ainsi que des
personnes nommées en vertu ou en conformité du droit
d'une province ou en vertu de l'article 96 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, 1867;
et est assez large pour s'appliquer aux décisions du Ministre
ou du sous-ministre.
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