Bessemer Trust Company et Ogden Phipps en
qualité de fiduciaire (fiducie de 1957)
(Demandeurs)
c.
Le ministre du Revenu national (Défendeur)
Division de première instance, le juge Collier—
Vancouver (C.-B.), le 22 juin; Ottawa, le 13
septembre 1972.
Impôt sur le revenu—Loi sur la Convention relative à
l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, 1943,
art. XIII A 2—Allocations du coût en capital récupérées
rendues imposables après la date d'entrée en vigueur de la
Convention—Résident américain non imposable à l'égard de
ces sommes.
Des résidents américains, fiduciaires de biens locatifs
situés au Canada, ont payé l'impôt sur le revenu tiré de ces
biens relativement à certaines années, en vertu de la Partie I
de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, suite
à un choix qu'ils ont fait aux termes de l'article 110(1). En
1969, par suite de la vente desdits biens, la fiducie a été
cotisée à l'impôt sur le revenu relativement aux allocations
du coût en capital récupérées, en conformité de l'article
110(5) (promulgué en 1955). La fiducie a soutenu que la
cotisation violait l'article XIII A 2 de la Convention relative
à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique
(entré en vigueur en 1951), qui est ainsi libellé:
Les loyers de biens immeubles, retirés de sources situées
au Canada par un particulier ou une société résidant aux
États-Unis d'Amérique, seront soumis par le Canada, aux
fins de l'impôt, à un traitement non moins favorable que
celui accordé aux termes de l'article 99 de la Loi de
l'impôt sur le revenu [maintenant l'article 106 de la Loi de
l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148], telle qu'elle
sera appliquée à la date où le présent article entrera en
vigueur.
En vertu de l'article 3 de la Loi sur la Convention relative à
l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, 1943,
1943-44, c. 21, en cas d'incompatibilité entre les disposi
tions de la Convention et l'application de toute autre loi, ce
sont les dispositions de la Convention qui l'emportent.
Arrêt: Il est fait droit à l'appel de la fiducie. La Conven
tion fiscale a pour effet de soustraire à la cotisation ce
qu'on est convenu d'appeler les allocations du coût en
capital récupérées. Ces allocations étaient des «loyers de
biens immeubles, retirés de sources situées au Canada», au
sens de l'article XIII A 2 de la Convention fiscale.
Arrêts approuvés: Pioneer Envelopes Ltd. c. M.R.N.
(1962) 28 Tax A.B.C. 37; Powell Rouyn Gold Mines
Ltd. c. M.R.N. (1959) 22 Tax A.B.C. 281. Arrêt suivi:
M.R.N. c. Hollinger North Shore Exploration Co.
[1963] R.C.S. 131.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
P. N. Thorsteinsson pour les demandeurs.
M. R. V. Storrow pour le défendeur.
LE JUGE COLLIER—Appel est interjeté par
une fiducie non résidante d'une cotisation du
Ministre visant à ajouter au revenu imposable
de la fiducie pour l'année 1969 des déductions
qui lui avaient été accordées antérieurement au
titre de l'allocation du coût en capital. La fidu-
cie avait été propriétaire de biens immobiliers à
Vancouver (Colombie-Britannique); ces biens,
qui produisaient un revenu locatif, ont été
vendus en 1969. C'est la somme totale des
déductions au titre de l'allocation du coût en
capital, soit $156,777, qui, en l'espèce, est mise
en cause.
Les parties ont déposé un exposé conjoint
des faits que je reproduis ci-dessous:
[TRADUCTION] 1. L'appelante est une fiducie, dont les
fiduciaires sont la Bessemer Trust Company et Ogden
Phipps, tous deux résidents des États-Unis d'Amérique. Les
bénéficiaires de la fiducie résident en Grande-Bretagne.
2. Jusqu'en 1969, des immeubles locatifs situés dans la
ville de Vancouver (Colombie-Britannique) constituaient
une partie des biens de la fiducie.
3. Relativement aux années d'imposition 1965 et 1969, la
fiducie a choisi de produire des déclarations selon le mode
prévu à l'article 110(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu,
pour ce qui a trait aux biens décrits au paragraphe 2
ci-dessus; elle a été cotisée conformément à ce mode de
déclaration.
4. En 1969, les biens mentionnés au paragraphe 2 ci-des-
sus ont été vendus.
5. Par avis de nouvelle cotisation, le ministre du Revenu
national a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appe-
lante, dans laquelle il prétendait imposer, à la suite de la
vente desdits biens locatifs, la totalité de la somme repré-
sentant la récupération, soit $156,777.00.
A titre de précision supplémentaire, ajoutons
que pour les années 1966, 1967 et 1968, l'appe-
lante n'a pas choisi de produire une déclaration
en vertu de l'article 110(1) de la Loi de l'impôt
sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148 et ses modifi
cations, mais qu'elle a payé l'impôt sur le
revenu locatif sous le régime de l'article
106(1)d).
Pour juger de la valeur des arguments présen-
tés par les parties, il est nécessaire de citer
l'article 110 en entier:
110. (1) Lorsqu'un montant a été payé pendant une
année d'imposition à une personne non résidante au titre,
sous forme ou au lieu de paiement ou en acquittement de
loyer de biens immeubles ou réels au Canada ou d'une
redevance forestière, cette personne peut, dans les deux ans
à compter de la fin de l'année d'imposition, produire une
déclaration de revenu, sous le régime de la Partie I, en la
forme prescrite pour une personne résidant au Canada à
l'égard de l'année d'imposition et, sans porter atteinte à sa
responsabilité en matière d'impôt autrement exigible aux
termes de la Partie I, elle est dès lors tenue, au lieu de payer
l'impôt en vertu de la présente Partie sur ce montant, de
verser l'impôt en vertu de la Partie I [ainsi que l'impôt en
vertu de la Partie IB] pour cette même année d'imposition
comme si
a) elle était une personne résidant au Canada et non
exempte d'impôt aux termes de l'article 62,
b) son intérêt dans des biens immeubles ou réels au
Canada ou des concessions forestières au Canada consti-
tue sa seule source de revenu, et
c) elle n'avait droit à aucune déduction sur son revenu
aux fins de déterminer son revenu imposable.
(2) Lorsqu'une personne non résidante a produit une
déclaration de revenu sous le régime de la Partie I ainsi que
le permet le présent article, le montant déduit aux termes de
la présente Partie sur les loyers qui lui sont payés ou sur les
redevances forestières qui lui sont versées, et remis au
receveur général du Canada, est censé avoir été payé à
compte sur l'impôt en vertu du présent article et toute partie
du montant ainsi remis au receveur général du Canada dans
une année d'imposition en sus de l'impôt à l'égard de
l'année en conformité du présent article, doit lui être
remboursée.
(3) La Partie I s'applique mutatis mutandis au paiement
de l'impôt sous le régime du présent article.
(4) Si une personne non résidante s'est engagée auprès du
Ministre, en la forme prescrite, à produire une déclaration
de revenu sous le régime de la Partie I pour une année
d'imposition, ainsi que le permet le présent article, mais
dans les six mois à compter de la fin de l'année d'imposi-
tion, une personne qui est par ailleurs tenue, aux termes du
paragraphe (3) de l'article 109, de remettre dans l'année un
montant au receveur général du Canada en paiement d'im-
pôt sur le loyer de biens immeubles ou réels ou en paiement
d'impôt sur une redevance forestière, peut choisir, en raison
du présent article, de ne pas faire de remise sous le régime
dudit paragraphe, mais, si elle fait ce choix,
a) elle doit, lorsqu'un montant est disponible sur le loyer
ou la redevance reçue pour être remise au non-résident,
en déduire quinze pour cent et remettre le montant déduit
au receveur général du Canada pour le compte du non-
résident, au titre de l'impôt prévu par la présente Partie,
et
b) elle doit, si la personne non résidante
(i) ne produit pas une déclaration pour l'année d'impo-
sition en conformité de l'engagement qu'elle a produit
auprès du Ministre, ou
(ii) ne paie pas l'impôt qu'elle est tenue de verser pour
l'année d'imposition, sous le régime du présent article,
dans le délai imparti pour le paiement,
payer au receveur général du Canada, dès l'expiration du
délai pour la production de la déclaration ou pour le
paiement, selon le cas, le plein montant qu'elle aurait
autrement été tenue de remettre dans l'année, moins les
montants qu'elle a remis dans l'année aux termes de
l'alinéa a).
(5) Lorsqu'une personne non résidante a produit une
déclaration de revenu sous le régime de la Partie I pour une
année d'imposition ainsi que le permet le présent article et
qu'elle a, dans le calcul de son revenu aux termes de la
Partie I pour la même année déduit un montant en vertu de
l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 11 à l'égard de biens
immeubles ou réels au Canada ou d'une concession fores-
tière au Canada, cette personne doit, dans le délai prescrit à
l'article 44 pour la production d'une déclaration de revenu
selon la Partie I, produire une déclaration de revenu sous le
régime de la Partie I, en la forme prescrite pour une per-
sonne résidant au Canada, pour toute année d'imposition
subséquente durant laquelle ces biens immeubles ou réels
ou concession forestière, ou tout intérêt dans ces biens
immeubles ou réels ou concession forestière, font l'objet
d'une disposition, au sens de l'article 20, par cette personne.
Ladite personne, sans porter atteinte à son assujettissement
à l'impôt autrement payable en vertu de la Partie I, devient
dès lors assujettie, au lieu de payer l'impôt en vertu de la
présente Partie sur tout montant qui lui a été versé ou qui
est censé, en vertu de la présente Partie, lui avoir été versé
durant cette année d'imposition subséquente à l'égard de
tout intérêt de cette personne dans des biens immeubles ou
réels au Canada ou des concessions forestières au Canada, à
payer l'impôt en vertu de la Partie I pour cette année
d'imposition subséquente comme si
a) elle était une personne résidant au Canada,
b) son intérêt dans des biens immeubles ou réels au
Canada ou des concessions forestières au Canada consti-
tuait sa seule source de revenu, et
c) elle n'avait droit à aucune déduction sur son revenu
dans le calcul de son revenu imposable.
(6) Le paragraphe (5) ne vise pas à obliger une personne
non résidante à produire une déclaration de revenu sous le
régime de la Partie I pour une année d'imposition, sauf
lorsque, en produisant cette déclaration un montant serait
inclus en vertu du paragraphe (1) de l'article 20 dans le
calcul de son revenu pour cette année-là aux termes de la
Partie I.
(7) Lorsqu'une personne non résidante est assujettie en
vertu du paragraphe (5) à payer l'impôt sous le régime de la
Partie I pour une année d'imposition, cette personne ne peut
exercer le choix prévu au paragraphe (1) de l'article 43, sauf
si cette personne a, dans le délai prescrit par le paragraphe
(1) pour la production d'une déclaration de revenu selon la
Partie I, produit une déclaration de revenu suivant la Partie
I, en la forme prescrite pour une personne résidant au
Canada, pour chacune des cinq années d'imposition qui
précèdent immédiatement l'année d'imposition, auquel cas
la personne est réputée, aux fins de l'article 43, avoir été
résidente du Canada ou avoir exercé des affaires au
Canada, selon le cas, durant chacune de ces cinq années
précédant immédiatement l'année d'imposition.
Je souligne que les paragraphes (5)-(7) ont été
ajoutés à l'article 110 en 1955. Avant cette
date, et notamment au 1e1 janvier 1951 (date
d'entrée en vigueur de l'article XIII A 2 de la
Convention relative à l'impôt entre le Canada et
les États-Unis d'Amérique), l'article de la loi
remplacé par la suite par l'article 110 était l'arti-
cle 99, que je reproduis ci-dessous:
99. (1) Lorsqu'un montant a été payé pendant une année
d'imposition à une personne non résidante comme loyer de
biens immobiliers au Canada, cette personne peut, dans les
deux ans à compter de la fin de l'année d'imposition,
produire une déclaration de revenu, sous le régime de la
Partie I en la forme prescrite, pour une personne résidant au
Canada à l'égard de l'année d'imposition et, sans porter
atteinte à sa responsabilité en matière d'impôt autrement
exigible aux termes de la Partie I, elle est dès lors tenue, au
lieu de payer l'impôt en vertu de la présente Partie relative-
ment à ce montant, de verser l'impôt en vertu de la Partie I
comme si
a) Elle était une personne résidant au Canada,
b) Les biens immobiliers constituaient sa seule source de
revenu, et
c) Elle n'avait droit à aucune déduction sur son revenu
aux fins de déterminer son revenu imposable.
(2) Lorsqu'une personne non résidante a produit une
déclaration sous le régime du paragraphe premier, le mon-
tant déduit, aux termes de la présente Partie, à même les
paiements de loyers qu'elle reçoit, et remis au Receveur
général du Canada, est censé avoir été payé à compte sur
l'impôt en vertu du présent article, et toute partie du mon-
tant ainsi remis au Receveur général du Canada en une
année d'imposition, en sus de l'impôt à l'égard de l'année en
conformité du présent article, doit lui être remboursée.
(3) La Partie I s'applique mutatis mutandis au paiement
de l'impôt sous le régime du présent article.
(4) Si une personne non résidante s'est engagée auprès du
Ministre, en la forme prescrite, à produire une déclaration
de revenu pour une année d'imposition, ainsi que le permet
le présent article, une personne qui est par ailleurs tenue,
aux termes du paragraphe trois de l'article quatre-vingt-dix-
huit, de remettre dans l'année un montant au Receveur
général du Canada en paiement d'impôt sur le loyer de biens
immobiliers, peut choisir, en raison du présent article, de ne
pas faire de remise sous le régime dudit paragraphe, mais, si
elle fait ce choix,
a) elle doit, lorsqu'un montant est disponible à même les
loyers reçus pour être remis au non-résident, en déduire
quinze pour cent et remettre le montant déduit au Rece-
veur général du Canada pour le compte du non-résident,
au titre de l'impôt prévu par la présente Partie, et
b) elle doit, si la personne non résidante
(i) ne produit pas une déclaration pour l'année d'impo-
sition ainsi et au moment que la chose est permise, ou
(ii) ne paie pas l'impôt qu'elle est tenue de verser pour
l'année d'imposition, sous le régime du présent article,
dans le délai imparti pour le paiement,
payer au Receveur général du Canada, dès l'expiration du
délai pour la production de la déclaration ou pour le
paiement, selon le cas, le plein montant qu'elle aurait
autrement été tenue de remettre dans l'année, moins les
montants qu'elle a remis dans l'année aux termes de
l'alinéa a).
Comme nous pouvons le voir, les articles
99(1) et 110(1) sont identiques, à quelques peti
tes différences rédactionnelles près. Cependant,
il n'y avait dans l'article 99 aucune disposition
relative à la «récupération» similaire à celle du
paragraphe (5) de l'article 110.
En 1951, l'article 20 de la loi contenait des
dispositions sur la «récupération» essentielle-
ment les mêmes que celles figurant à l'article 20
de la loi en 1969.
Il y a lieu de reproduire l'article XIII A 2 de
la Conventions:
ARTICLE XIII A
2. Les loyers de biens immeubles, retirés de sources
situées au Canada par un particulier ou une société résidant
aux États-Unis d'Amérique, seront soumis par le Canada,
aux fins de l'impôt, à un traitement non moins favorable que
celui accordé aux termes de l'article 99 de la Loi de l'impôt
sur le revenu, telle qu'elle sera appliquée à la date où le
présent Article entrera en vigueur.
De l'aveu même de l'appelante, si les paragra-
phes (5) et (6) de l'article 110 sont applicables
en l'espèce, la cotisation est bien fondée. L'avo-
cat de l'appelante soutient toutefois qu'il faut
tenir compte de la nature véritable de la somme
dont il est ici question. L'appelante affirme qu'il
s'agit, de par sa nature, d'un revenu tiré de
loyers qui n'a pas encore fait l'objet d'une
imposition. S'il en est ainsi, comme aucune dis
position relative à la «récupération» ne figurait
à l'article 99 en 1951 (date d'entrée en vigueur
de l'article XIII A 2), le Ministre n'est pas
fondé, au dire de l'appelante, à établir lesdites
cotisations.
Étudions d'abord l'argument de l'appelante
selon lequel la somme en question est, de par sa
nature, un revenu locatif. Le mot «récupéra-
tion» ne figure nulle part à l'article 110(5), pas
plus d'ailleurs qu'à l'article 20. On s'est mis à
employer ce terme parce qu'il correspond à ce
qui semble être l'objet de ces articles. Étude
faite de ces articles ainsi que des articles
11(1)a) de la loi et 1100 des Règlements de
l'impôt sur le revenu, je partage le point de vue
de l'avocat de l'appelante selon lequel les dispo
sitions visant ce qu'on appelle la «récupération»
reviennent à ajuster le revenu des années précé-
dentes; elles n'en font pas dans l'année où le
bien a été vendu une nouvelle source de revenu,
que l'intimé décrit comme étant un revenu pro-
venant de la vente de biens dépréciés. L'article
11(1)a) permet une déduction, lors du calcul du
revenu du contribuable, d'une somme à l'égard
du coût en capital de certains biens. L'article
1100(1) des règlements porte qu'il est alloué au
contribuable, dans le calcul de son revenu, cer-
taines déductions; sont ensuite énumérées ce
que l'on appelle de façon assez peu précise les
allocations du coût en capital.
Si l'on applique ce concept aux faits de la
présente affaire, voici ce qui me semble s'être
produit. L'appelante était propriétaire de biens
immobiliers au Canada dont elle tirait des
loyers. Ces loyers constituaient manifestement
un revenu. Lorsque l'appelante a choisi de pro-
duire une déclaration sous le régime de la Partie
I de la loi, on lui a permis de déduire de ce
revenu certains montants, appellés allocations
du coût en capital.
Ces allocations, me semble-t-il, ne constituent
pas un amortissement au sens de cette expres
sion en comptabilité, mais plutôt un système
artificiel d'amortissement qui peut ne pas reflé-
ter fidèlement la réalité financière dans une
affaire donnée. En l'espèce, les allocations ont
été accordées à l'égard de biens immobiliers
dont était tiré le revenu, mais, selon moi, elles
n'avaient d'autre effet que de réduire le mon-
tant du revenu imposable pour une année
donnée. A mon avis, elles n'impliquaient pas
une nouvelle source de revenu lors de la vente
du bien à un prix plus élevé que le «coût en
capital non déprécié» 2 . A mon point de vue, les
dispositions visant la récupération dans la pré-
sente affaire reviennent à ceci: la réduction de
votre revenu locatif au cours des années précé-
dentes s'est révélée être trop élevée par suite de
ces allocations artificielles et cet excédent sera
ajouté à votre revenu locatif maintenant que
vous avez vendu ce bien.
J'appuie mon opinion sur deux décisions de la
Commission d'appel de l'impôt, Pioneer
Envelopes Limited c. M.R.N. (1962) 28 Tax
A.B.C. 225; Powell Rouyn Gold Mines Limited
c. M.R.N. (1959) 22 Tax A.B.C. 281, même si
ces arrêts ne portent pas directement sur la
question. Dans l'affaire Pioneer, le contribuable,
qui exploitait une entreprise agricole et une
entreprise d'imprimerie, avait vendu cette der-
nière et son revenu a été majoré de quelque
$70,000 en vertu de l'article 20(1), ladite
somme représentant la récupération de l'alloca-
tion du coût en capital. Le contribuable a voulu
déduire de ce montant ses pertes agricoles
subies au cours des années précédentes, au
motif que la somme en question n'était pas du
revenu tiré de ses trois principales sources de
revenu mais qu'il s'agissait d'un «revenu créé
par la loi». L'argument du contribuable a été
rejeté. Le président a déclaré, aux pages 226 et
227:
[TRADUCTION] L'avocat du Ministre a soutenu que l'argu-
ment de l'appelante selon lequel les divers domaines d'acti-
vité de cette dernière constituaient une seule entreprise
n'était pas conforme à l'arrêt Eastern Textile Products, où il
a été décidé que des pertes subies par une entreprise de
textile exploitée par cette appelante ne pouvaient être
déduites des gains tirés d'une autre phase de l'exploitation
de la compagnie. On a souligné que l'article 13 faisait une
distinction entre les sources du revenu et que cet article ne
permettait de déduire du revenu tiré d'une autre source que
la moitié des pertes provenant d'une exploitation agricole.
L'allocation du coût en capital accordée à l'appelante pour
des biens utilisés dans son entreprise d'imprimerie se rap-
portait au calcul du revenu qu'elle en tirait et, au moment de
la récupération, cette allocation était toujours afférente à
l'entreprise d'imprimerie. Les pertes imputables à l'exploita-
tion agricole n'étaient donc pas déductibles de la somme
récupérée.
En ce qui concerne l'argument de l'appelante selon lequel
elle serait fondée à déduire les pertes provenant de son
exploitation agricole de ce qu'elle a appelé son «revenu créé
par la loi» il y a lieu d'examiner le texte de l'article 27(1)e)
en vertu duquel cette déduction est réclamée. Ledit article
permet la déduction de pertes commerciales subies au cours
d'années précédentes du «revenu du contribuable, pour
l'année d'imposition, provenant des affaires dans lesquelles
la perte a été subie». L'article en question n'indique pas
qu'on puisse déduire une perte du «revenu, pour l'année
d'imposition, quelle qu'en soit la source». Malgré l'argument
inusité de l'appelante selon lequel le montant de l'allocation
du coût en capital récupérée n'était pas un revenu tiré d'une
phase particulière de son exploitation mais était plutôt «un
revenu créé par la loi», il faut se souvenir qu'on n'inclurait
pas ce montant dans le revenu de l'appelante pour l'année
1956 si la compagnie n'avait pas vendu son entreprise
d'imprimerie au cours de son exercice financier 1956. S'il
est vrai que l'entreprise d'imprimerie ne produisait pas un
revenu de cet ordre dans le cadre de son exploitation
ordinaire, on ne peut tout de même pas sérieusement attri-
buer ce montant à une autre source que ladite entreprise
d'imprimerie... .
A mon avis, la source des allocations du coût
en capital récupérées est, dans le présent cas, le
revenu locatif tiré de biens immobiliers.
Dans l'affaire Powell, le Ministre avait adopté
la même attitude que dans la présente affaire; il
soutenait en effet que les allocations du coût en
capital récupérées représentaient le produit de
la vente de certains biens en capital et n'étaient
pas des bénéfices raisonnablement attribuables
à la production de métal brut tiré de la mine du
contribuable. L'argument du Ministre n'a pas eu
gain de cause. La Commission a déclaré, aux
pages 286 et 287:
[TRADUCTION] En se fondant sur le dernier arrêt cité, la
présente appelante a soutenu que, du fait que le revenu
qu'elle a tiré au cours des années passées de l'exploitation
de sa mine d'or a été inclus dans son revenu aux fins de
l'impôt, même si le montant a pu en être réduit par des
déductions au titre de l'allocation du coût en capital, il doit
s'ensuivre que, lorsque les sommes déduites au titre de cette
allocation du coût en capital sont récupérées et ajoutées au
revenu aux fins de l'impôt, le contribuable, soit l'appelante
en l'espèce, est fondé à obtenir une déduction pour épuise-
ment à l'égard de ces montants; en d'autres termes, la
réciproque du principe admis dans l'arrêt Sheep Creek Gold
Mines doit être applicable dans la présente espèce.
Il est un principe établi depuis longtemps par les tribu-
naux qu'un contribuable ne peut être tenu d'acquitter un
impôt du seul fait d'une écriture comptable. Il n'est pas
besoin de citer d'arrêts en ce sens. A mon avis, il y a lieu de
faire droit à l'appel dans les circonstances de l'espèce. Au
cours des années antérieures à 1956, pour établir le revenu
imposable de la compagnie appelante, on lui avait permis de
déduire, au titre d'une allocation du coût en capital, une
partie du revenu qu'elle avait tiré de l'exploitation d'une
mine d'or. Tous les montants ainsi déduits ont été inscrits
chaque année dans un compte appelé «Compte de l'alloca-
tion du coût en capital». En 1956, la compagnie appelante a
vendu certains de ses biens à un prix supérieur à leur coût
en capital non déprécié tel qu'il figurait dans ses livres
comptables au moment de la vente. Elle a, en conséquence,
été obligée d'ajouter cet excédent à son revenu jusqu'à
concurrence du montant total des déductions au titre de
l'allocation du coût en capital telles qu'elles figurent dans sa
comptabilité aux fins de l'impôt sur le revenu. Il faut
accepter, selon moi, qu'à l'origine, l'exploitation de la mine
d'or de l'appelante était la source de ce revenu et que ce
dernier, aux termes des Règlements de l'impôt sur le
revenu, «peut raisonnablement être attribué à la production
de métal brut».
Cette argumentation me paraît convaincante.
Je passe à l'étape suivante. Ces sommes
étaient-elles des «loyers de biens immeubles,
retirés de sources situées au Canada»? (Article
XIII A 2 de la Convention). La seule difficulté
consiste à déterminer le sens à donner au terme
«retirés» et il me semble que cette difficulté est
résolue si l'on adopte l'interprétation donnée à
ce terme par la Cour suprême du Canada dans
l'arrêt M.R.N. c. Hollinger North Shore
Exploration Co. [1963] R.C.S. 131, à la p. 134,
où on lui a donné le sens de «découlant ou
dérivant» plutôt que celui de «reçus». Cette
interprétation emporte une connotation de
source ou d'origine du revenu plutôt que la
connotation de la seule réception.
L'avocat de l'intimé a avancé un autre argu
ment à l'appui de sa prétention selon laquelle
ces sommes récupérées ne sont pas des loyers
au sens de l'article 99(1) ni de l'article 110(1).
On a avancé que l'appelante a fait jouer le
mécanisme de l'article 20 en choisissant de pro-
duire une déclaration sous le régime de l'article
99(1) et elle est donc imposable sur ces sommes
«récupérées» sous le régime de cet article. A
mon avis, souscrire à cette prétention aurait
pour effet de nier tout sens à l'adjonction en
1955 des paragraphes (5) et (6) à l'article 110.
Jusque là, le concept de la récupération ne
s'appliquait que sous le régime de la Partie I de
la loi. La Partie III, qui traitait des non-rési-
dents tels que l'appelante en l'espèce, n'en fai-
sait pas mention. Selon moi, il y avait là une
lacune dans la loi, en ce sens que les non-rési-
dents qui choisissaient de produire une déclara-
tion sous le régime de l'article 99 n'étaient pas
assujettis à l'article 20, et le Parlement a voulu
faire disparaître cette lacune quand il a adopté
les deux paragraphes susmentionnés.
Cela m'amène à la dernière question: l'article
de la Convention soustrait-il le présent cas à
l'application de l'article 110(5)? Même si les
termes «... seront soumis par le Canada, aux
fins de l'impôt, à un traitement non moins favo
rable que celui accordé aux termes de l'article
99 ...» sont de nature assez générale, je suis
incapable de les interpréter autrement et je
décide que l'article de la Convention soustrait
effectivement le présent cas à l'application de
l'article 110(5).
L'appelante en l'espèce est fondée à voir son
revenu locatif imposé conformément à l'article
99. L'application du paragraphe (5) de l'article
110 constituerait, selon moi, un traitement
moins favorable.
L'appel est donc accueilli avec dépens et la
cotisation déférée au Ministre pour être modi-
fiée en conséquence.
La Loi sur la Convention relative à l'impôt entre le
Canada et les États-Unis d'Amérique, S.C. 1943, porte
qu'en cas d'incompatibilité entre les dispositions de la Con
vention «et l'application de toute autre loi,,, les stipulations
de la Convention l'emportent (art. 3).
2 Les termes employés à l'article 20(1) sont définis à
l'article 20(5)e).
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