Danielle Fredette et Gerald Leblanc (Deman-
deurs)
c.
La Commission de la Fonction publique (Intime')
Cour d'appel, les juges Thurlow et Cattanach, le
juge suppléant Cameron—Ottawa, le 29 sep-
tembre 1972.
Fonction publique—Concours restreint—Appel du candi-
dat non reçu—Y a-t-il déchéance du droit d'appel du fait que
l'emploi du candidat a pris fin—Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 21.
Aux termes de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, un candidat non
reçu à un concours restreint relatif à un emploi dans la
Fonction publique ne perd pas son droit d'appel d'une
décision défavorable du fait que son emploi dans la Fonc-
tion publique a pris fin avant que l'appel ne soit entendu.
EXAMEN judiciaire des décisions du comité
d'appel établi conformément à la Loi sur l'em-
ploi dans la Fonction publique.
M. W. Wright, c.r. pour les demandeurs.
J. E. Smith pour l'intimé.
LE JUGE THURLOW—Les présentes deman-
des soulèvent la question de savoir si un candi-
dat à un concours restreint en vue d'un emploi
que vise la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique et qui a régulièrement interjeté appel
en vertu de l'article 21 de la loi perd son droit
de faire entendre et juger son appel lorsqu'il
cesse d'être employé dans la fonction publique
avant que l'appel ne vienne à l'audience.
Dans le cas de la demanderesse et du deman-
deur, un concours restreint a été annoncé pen
dant leur emploi, ils se sont régulièrement
portés candidats et ont ensuite participé au con-
cours. Ils ont ensuite été avisés des résultats de
ce concours et de leur droit d'appel et ils ont
par la suite interjeté appel, le tout pendant la
durée de leur emploi. Toutefois, dans l'un et
l'autre cas, le comité d'appel a rejeté l'appel au
motif qu'à la date de l'audience, l'appelant n'é-
tait plus employé et ne pouvait donc plus se
prévaloir de l'article 21 de la loi.
L'argument qu'a invoqué l'avocat à l'appui de
ces décisions est que, si l'on interprète comme il
convient les dispositions de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique, une personne qui
cesse d'être employée dans la Fonction publi-
que ne peut plus être nommée à un poste à la
suite d'un concours restreint et que par consé-
quent, elle est déchue de son droit d'appel lors-
que son emploi prend fin même si le candidat
avait ce droit au moment où il a interjeté appel.
L'avocat a appuyé son argument sur les articles
11 et 13b) et sur la définition d'un concours
«restreint» énoncée à l'article 2(1). Ces disposi
tions se lisent comme suit:
2. (1) Dans la présente loi
«concours restreint» désigne un concours ouvert seulement
aux personnes employées dans la Fonction publique;
11. Les nominations doivent se faire parmi les employés
de la Fonction publique, sauf les cas où la Commission juge
que cette façon de procéder n'est pas la mieux adaptée aux
intérêts de la Fonction publique.
13. Avant de tenir un concours, la Commission doit
b) dans le cas d'un concours restreint, déterminer la
partie, s'il en est, de la Fonction publique, ainsi que la
nature des fonctions et le niveau des postes, s'il en est, où
les candidats éventuels doivent obligatoirement être
employé afin d'être admissibles à une nomination.
L'article 21, qui prévoit un droit d'appel, se
lit comme suit:
21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est
nommée ou est sur le point de l'être et qu'elle est choisie à
cette fin au sein de la Fonction publique
a) à la suite d'un concours restreint, chaque candidat non
reçu, ou
b) sans concours, chaque personne dont les chances d'a-
vancement, de l'avis de la Commission, sont ainsi
amoindries,
peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de la
nomination à un comité établi par la Commission pour faire
une enquête au cours de laquelle il est donné à l'appelant et
au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion
de se faire entendre. La Commission doit, après avoir été
informée de la décision du comité par suite de l'enquête,
c) si la nomination a été faite, la confirmer ou la révo-
quer, ou
d) si la nomination n'a pas été faite, la faire ou ne pas la
faire,
selon ce que requiert la décision du comité.
Il y a lieu de remarquer que cet article ne
limite nullement le droit d'appel aux employés
de la Fonction publique ni aux personnes qui
sont encore employées de la Fonction publique.
De même, cet article ne vise pas à déterminer
qui peut être nommé ni à limiter le droit d'appel
aux personnes qui peuvent être nommées ou qui
conservent cette qualité. Dans le cas d'un con-
cours restreint, le droit d'appel est accordé à
«chaque candidat non reçu». Il n'y a donc à
mon avis aucune raison de douter que les
demandeurs avaient un droit d'appel et qu'ils
l'ont conservé après la fin de leur emploi.
Il me semble également qu'une personne
devient candidat à un poste lorsqu'elle s'inscrit
au concours et que son admissibilité est fonc-
tion des faits tels qu'ils existent à ce moment-là.
Si cette personne répond aux conditions de
candidature à ce moment, elle demeure admissi
ble jusqu'à la fin du concours et jusqu'à ce
qu'une décision soit rendue dans tout appel
pouvant en résulter.
A mon avis, également, les articles cités ne
justifient en rien l'argument selon lequel l'une
des conditions de nomination, par suite ou à la
suite d'un concours «restreint», est que le can-
didat reçu demeure employé jusqu'au moment
de la nomination.
Je suis d'avis d'infirmer le rejet de l'appel des
demandeurs et, dans chacun des cas, de ren-
voyer le dossier à un comité qu'établit la Com
mission de la Fonction publique en vertu de
l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonc-
tion publique, avec instructions d'entendre et de
juger l'appel des demandeurs en tenant compte
du fait que la cessation de leur emploi avant
l'audition et le jugement de l'appel ne les prive
pas du droit d'être candidats au concours ni de
celui d'être nommés.
* * *
LE JUGE CATTANACH—Je souscris entière-
ment aux conclusions que mon collègue a pro-
noncées à l'audience et j'ai exprimé la même
opinion en des termes légèrement différents.
Les présentes sont des demandes distinctes
que les demandeurs Danielle Fredette et Gérald
Leblanc ont présentées en application de l'arti-
cle 28 de la Loi sur la Cour fédérale aux fins
d'obtenir l'examen de certaines décisions de
comités d'appel créés en vertu de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C.
1970, c. P-32.
Les deux demandeurs étaient des employés
temporaires ou occasionnels de la Fonction
publique pour une période déterminée. Tous
deux se sont portés candidats à des postes
annoncés par voie de concours restreint, les-
quels, aux termes de l'article 2(1) de la loi, sont
ouverts seulement aux employés de la Fonction
publique.
Il est admis qu'au moment des concours,
chacun des demandeurs était employé dans la
Fonction publique et qu'il remplissait les condi
tions nécessaires pour se présenter au concours.
Les deux demandeurs se sont inscrits au con-
cours et un jury d'appréciation a examiné leur
candidature; les demandeurs répondaient à ce
moment-là aux conditions de candidature. Les
deux demandeurs ont échoué et ils en ont été
avisés par lettre, qui les informait également de
leur droit d'appel résultant de l'article 21 de la
loi. Les deux demandeurs ont interjeté appel.
Chacun des demandeurs a cessé son emploi
entre le moment où les appels ont été interjetés
et l'audience de ceux-ci, de sorte qu'à ces der-
nières dates, les demandeurs n'étaient plus
employés de la Fonction publique.
Les décisions dont appel déclarent que les
candidats ont cessé de répondre aux conditions
de candidature dès lors qu'ils ont cessé leur
emploi, qu'ils ne pouvaient pas être nommés
aux postes annoncés dans les concours, n'étant
plus employés, et que le comité n'avait donc pas
le pouvoir d'entendre leurs appels.
L'argument de l'avocat de l'intimé est qu'en
droit, ainsi qu'il résulte de l'interprétation de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, une
personne qui n'est plus employée de la Fonction
publique ne peut pas être nommée à un poste à
la suite d'un concours restreint auquel elle pou-
vait antérieurement s'inscrire. En d'autres
termes, la position de l'avocat de l'intimé est
que les demandeurs ont cessé de répondre aux
conditions de candidature du fait qu'ils ont
cessé d'être employés et que, puisqu'ils n'é-
taient pas candidats, ils n'avaient aucun droit
d'appel.
Je rejette cet argument.
Le juge Thurlow a donné lecture de l'article
21a) de la loi qui précise: «Lorsque, en vertu de
la présente loi, une personne est nommée ou est
sur le point de l'être et qu'elle est choisie à cette
fin au sein de la Fonction publique a) à la suite
d'un concours restreint, chaque candidat non
reçu» peut interjeter appel.
A mon avis, les deux demandeurs étaient
candidats, chacun des deux était un «candidat
non reçu» et, à ce titre, les termes clairs et non
équivoques de l'article 21 leur donnent un droit
d'appel qui continue d'exister même si les can-
didats cessent leur emploi avant l'audition de
leurs appels. Une lecture attentive des autres
articles de la loi, en particulier les articles 2(1),
11, 12, 13, 17, 18 et 29, tous articles dont le
juge Thurlow a donné lecture, ne permet
aucune autre interprétation, par déduction ou
autrement.
Il s'ensuit donc que les comités d'appel
avaient le pouvoir d'entendre les appels et de
statuer sur le fond de ceux-ci, et qu'ils ont
refusé de l'exercer.
L'avocat de l'intimé a plaidé en outre que
cette Cour devait rejeter les demandes en vertu
de son pouvoir discrétionnaire parce qu'il ne
servirait à rien d'infirmer les décisions et de
renvoyer les dossiers. Le premier motif sur
lequel se fonde cet argument est probablement
que les demandeurs ne sont pas actuellement
employés de la Fonction publique et qu'ils ne
peuvent plus être nommés, même si leur appel
réussit. Le juge Thurlow a expressément
déclaré que les demandeurs pourraient être
nommés et je partage cet avis. Le deuxième
motif invoqué pour que la Cour rejette les
demandes en vertu de son pouvoir discrétion-
naire est sans doute que le résultat serait le
même. Je ne suis pas fondé à préjuger de ce
résultat.
Je considère, sans prétendre trancher la ques
tion, que le fondement de l'argument de l'avocat
sur ce point est que les demandes sont de la
nature du certiorari, la Cour ayant, dans ce cas,
le pouvoir d'accorder ou de refuser discrétion-
nairement ce qui est demandé. Même si l'on
considère que c'est le cas, les circonstances
dans lesquelles les demandes ont été déposées
ne justifient pas l'exercice d'un pouvoir discré-
tionnaire d'une manière défavorable aux
demandeurs.
Je suis donc d'avis de faire droit aux deux
demandes, d'infirmer les décisions des comités
d'appel et de renvoyer les dossiers aux autorités
compétentes afin qu'elles les entendent et les
jugent sur le fond. Je ne rendrais aucune ordon-
nance quant aux dépens.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT CAMERON—Je partage
entièrement les opinions et les conclusions dont
le juge Thurlow et le juge Cattanach viennent
de donner lecture, et qui s'appliquent au présent
appel et à celui de Gérald Leblanc (no du greffe:
A-121-72). J'ai toutefois rédigé des motifs dis-
tincts dont je vais maintenant donner lecture.
La demanderesse dans la présente affaire est
directement visée par la décision du président
du comité d'appel établi en vertu de l'article 21
de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publi-
que, S.R.C. 1970, c. P-32, et la présente
demande est faite en vertu des dispositions de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970, c. 10 (2e Supp.).
Les faits ne sont pas contestés et nous pou-
vons les résumer en peu de mots. La demande-
resse travaillait au ministère des Travaux
publics, à Montréal, à titre d'employée occa-
sionnelle. Elle est entrée en fonctions le 23
septembre 1970 ou vers cette date. En mars
1972, la Commission de la Fonction publique a
annoncé la tenue d'un «concours restreint»
(c.-à-d. un concours ouvert seulement aux per-
sonnes employées dans la Fonction publique)
aux fins de pourvoir un poste de «commis aux
dossiers du personnel» dans la région de
Québec. Le 15 mars 1972, la demanderesse
s'est inscrite au concours mais elle a échoué,
son nom ayant été placé au quatrième rang sur
la liste d'admissibilité, ainsi qu'elle en a été
avisée par lettre du 12 avril 1972. Le 20 avril
1972, la demanderesse a déposé un avis d'appel
devant le comité en application de l'article 21
de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publi-
que. Le 5 mai 1972, son emploi au ministère des
Travaux publics a pris fin, le projet dans le
cadre duquel elle travaillait étant arrivé à son
terme. Le 25 mai 1972, le comité d'appel établi
par la Commission de la Fonction publique en
application de l'article 5d) de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique a tenu une audience à
la suite de l'appel de la demanderesse. A l'ou-
verture de l'audience, les représentants du
ministère des Travaux publics ont déposé des
preuves tendant à établir que la demanderesse
n'était plus employée de la Fonction publique.
Se fondant sur ces preuves, le comité a décidé
de ne pas entendre la demanderesse et de ne
pas statuer sur le fond de son appel, et a rejeté
l'appel au seul motif que la demanderesse ne
répondait plus aux conditions de nomination, du
fait qu'elle avait cessé d'être membre de la
Fonction publique.
L'avocat de l'intimé admet qu'à toutes les
époques qui nous intéressent, depuis la date de
son inscription, pendant toute la durée du con-
cours et jusqu'à la date de son congédiement, le
5 mai 1972, la demanderesse remplissait à tous
égards toutes les conditions de candidature à ce
poste. Il admet de plus que si la demanderesse
n'avait pas été congédiée de son emploi, elle
aurait été fondée à voir le comité entendre son
appel.
La seule question litigieuse est donc de savoir
si le simple fait que la demanderesse n'était plus
employée de la Fonction publique à la date de
l'audience du comité lui faisait perdre le droit à
une audience de celui-ci.
A mon avis, la réponse se trouve à l'article 21
de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publi-
que, cité intégralement dans les jugements qui
viennent d'être lus. Il y a lieu de remarquer que
lorsqu'une nomination doit être faite à la suite
d'un concours restreint, comme c'est le cas
dans la présente affaire, «chaque candidat non
reçu ... peut ... en appeler ...».
Je considère que ces termes sont clairs et
sans ambiguïté et qu'ils confèrent un droit d'ap-
pel à «chaque candidat non reçu», et non [TRA-
DUCTION] «à tous les candidats non reçus qui
sont encore employés de la Fonction publique»,
comme l'a prétendu l'avocat de l'intimé. Je con-
clus donc que le comité avait le pouvoir d'en-
tendre l'appel.
Il est en conséquence fait droit à la demande,
la décision du comité est infirmée et le dossier
est renvoyé à un comité établi par la Commis-
Sion de la Fonction publique pour que l'appel de
la demanderesse soit entendu sur le fond.
[Re Gérald Leblanc]
Les faits essentiels de la présente affaire sont
analogues à tous points de vue à ceux de l'af-
faire Danielle Fredette (no du greffe: A-115-72).
Pour les motifs que nous venons d'indiquer
relativement à la demande de Danielle Fredette,
la présente demande est également accueillie, la
décision du comité est infirmée et le dossier est
renvoyé à un comité établi par la Commission
de la Fonction publique pour que l'appel du
demandeur soit entendu sur le fond.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.