Zoltan Szoboszloi (Requérant)
c.
J. M. Hamel, directeur général des élections du
Canada, et Terrence G. Mott, président d'élec-
tion de la circonscription électorale de Spadina
(Intimés)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Noël—Toronto, le 23 octobre; Ottawa,
le 25 octobre 1972.
Mandamus—Loi électorale du Canada—Rejet de bulletin
de présentation—Requête sans fondement—Mandamus refu-
sé—Loi électorale du Canada, S.R.C. 1970, c. 14 (] er
Supp.), art. 14(1) (3), 20, 23(6).
S, n'étant ni citoyen canadien, ni sujet britannique, a
déposé un bulletin de présentation posant sa candidature
aux élections fédérales pour une circonscription électorale
de l'Ontario. Il a déclaré dans ce bulletin de présentation
qu'il n'était pas citoyen canadien. Le président d'élection a
refusé d'accepter son bulletin de présentation.
Arrêt: rejet de la requête en mandamus. Bien que S n'ait
pas nié expressément être sujet britannique dans son bulle
tin de présentation, il n'était pas en fait sujet britannique.
Un mandamus ne doit être accordé que lorsqu'il s'impose
vraiment et il apparaît clairement que le requérant n'est pas
fondé à faire accepter son bulletin de présentation.
REQUÊTE en mandamus.
Le requérant en personne.
E. A. Bowie pour les intimés.
LE JUGE EN CHEF ADJOINT NOËL—Il s'agit
d'une requête en mandamus présentée par
Zoltan Szoboszloi de Toronto (Ontario), pour
contraindre les intimés, J. M. Hamel, directeur
général des élections du Canada, et Terrence G.
Mott, président d'élection de la circonscription
électorale de Spadina (Ontario), à accepter ou à
faire accepter par les officiers compétents le
bulletin de présentation par lequel il posait sa
candidature aux élections fédérales dans la cir-
conscription de Spadina.
Terrence G. Mott, président d'élection de la
circonscription électorale de Spadina, chargé de
recevoir les bulletins de présentation en vertu
de la Loi électorale du Canada, 1970 S.R.C., c.
14 (le , Supp.) a déclaré dans son affidavit que le
10 octobre 1972' il a refusé d'accepter le bulle
tin de présentation du requérant parce que ce
dernier avait modifié le texte de la formule 27
en tirant un trait sur le passage suivant: «Je suis
un citoyen canadien (ou) Je suis un sujet britan-
nique, autre qu'un citoyen canadien, j'avais
qualité d'électeur le 25 juin 1968 et je n'ai pas
cessé de résider ordinairement au Canada
depuis cette date». Selon Mott, cette modifica
tion avait apparemment été signée des initiales
de Szoboszloi.
Lors de l'audience le requérant a produit un
certain nombre de pièces, dont la pièce 1, qui
est le bulletin de présentation que le requérant
déclare avoir présenté le 10 octobre 1972 au
président d'élection et que celui-ci a refusé
d'accepter. Il appert au vu de ce document, que
le requérant n'a pas barré d'un trait le paragra-
phe: «Je suis un citoyen canadien (ou) Je suis
un sujet britannique, autre qu'un citoyen cana-
dien, j'avais qualité d'électeur le 25 juin 1968 et
je n'ai pas cessé de résider ordinairement au
Canada depuis cette date». En réalité il a tapé
ou fait taper à la machine par dessus les expres
sions «Je suis un citoyen canadien» la négation
«ne pas» et après le mot «citoyen» la phrase
suivante: «parce que je refuse de prêter ser-
ment d'allégeance à un souverain étranger». Le
paragraphe «Je suis un sujet britannique, autre
qu'un...» n'a quant à lui été modifié en aucune
façon.
Le requérant est de nationalité et d'origine
hongroise, a vécu dans un certain nombre de
pays depuis sa naissance et est établi au Canada
depuis 1951. Il n'est cependant pas encore
citoyen canadien, car il a toujours refusé de
prêter serment d'allégeance à la Reine, comme
l'indique son bulletin de présentation. Le requé-
rant a aussi déclaré qu'il n'était pas citoyen
britannique et qu'il n'avait pas de patrie.
Le président d'élection déclare dans son affi
davit que le 10 octobre 1972 il a refusé d'accep-
ter le bulletin de présentation du requérant à
cause de la modification décrite au paragraphe
3 de son affidavit; c'est-à-dire parce qu'un trait
avait été tiré sur l'expression «Je suis un
citoyen canadien» et sur le paragraphe relatif à
la déclaration «Je suis un sujet britannique». De
toute évidence, d'après le bulletin de présenta-
tion déposé sous la cote 1 par le requérant et
qui paraît être celui qui a été présenté au prési-
dent d'élection à la date susdite (puisque cela
n'a pas été contesté par les intimés), il semble
que l'on n'ait pas barré le paragraphe mais
plutôt, comme nous venons de le voir, que le
requérant a simplement déclaré qu'il n'était pas
citoyen canadien. L'erreur, si erreur il y a,
commise par Mott est compréhensible, car
après avoir refusé d'accepter le bulletin de pré-
sentation du requérant, il le lui a rendu et
comme il ne l'avait donc plus sous les yeux en
signant son affidavit, sa mémoire a pu le trahir.
A mon avis cette inexactitude est cependant
sans importance pour trancher la question de
savoir si le requérant avait le droit de déposer
son bulletin de présentation, ainsi qu'il cherche
à le faire reconnaître par cette instance. Je dis
cela parce qu'il ressort de la pièce 1, produite
par le requérant lui-même, qu'il n'était pas à
cette date citoyen canadien ni, selon ses propres
dires, sujet britannique. Il n'était donc pas éligi-
ble le 10 octobre et l'on n'aurait pas accepté son
bulletin de présentation à cette date si le requé-
rant avait répondu de façon véridique au para-
graphe 1 de sa déclaration selon la formule 27,
et déclaré qu'il n'était pas sujet britannique.
L'article 23(6) de la Loi électorale du
Canada, 1970 S.R.C., c. 14 (1 ef Supp.) dispose
que «Le président d'élection ne doit pas refuser
d'accepter pour dépôt un bulletin de présenta-
tion en raison de l'inéligibilité du candidat pré-
senté, à moins que l'inéligibilité n'apparaisse sur
le bulletin de présentation».
L'article 20 de cette loi dispose:
20. Sous réserve des dispositions de la présente loi, tout
individu qui, à la date où il dépose son bulletin de présenta-
tion à une élection, a qualité d'électeur ou est censé avoir
qualité d'électeur en vertu du paragraphe 14(3), peut être
candidat à une élection.
Les articles 14(1)a) et b) et 14(3)a) et b)
disposent ce qui suit:
14. (1) Tout homme ou toute femme qui
a) a atteint l'âge de dix-huit ans, et
b) est citoyen canadien,
a qualité d'électeur.
(3) Tout sujet britannique, autre qu'un citoyen canadien,
qui
a) avait qualité d'électeur le 25 juin 1968, et
b) n'a pas cessé de résider ordinairement au Canada
depuis cette date,
est censé, pendant la période commençant le 26 juin 1970 et
se terminant cinq ans après cette date, avoir qualité
d'électeur.
Même si l'on peut soutenir théoriquement
que, puisque le paragraphe traitant de la qualité
de sujet britannique n'avait pas été barré, le
président d'élection aurait dû accepter le bulle
tin de présentation du requérant, cette accepta-
tion aurait été fondée, étant donné ce que le
requérant a lui-même reconnu, sur une fausse
déclaration, puisque le requérant n'est pas sujet
britannique et ne l'a jamais été.
D'ailleurs, le requérant n'a pas invoqué, à
l'appui de son argumentation, le fait que son
inéligibilité en vertu de l'article 23(6) de la Loi
électorale du Canada n'apparaît pas sur son
bulletin de présentation. Il soutient essentielle-
ment qu'on ne peut lui interdire de se porter
candidat sous prétexte qu'il refuse de prêter
serment d'allégeance à Elizabeth II, qu'il consi-
dère, en tant que Reine de Grande-Bretagne,
comme un souverain étranger.
Il soutient aussi que l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique ne peut être considéré comme
un texte légalement valide, étant donné qu'il n'a
pas été ratifié au Canada mais plutôt parce qu'il
appelle «l'infâme Parlement britannique». Il en
conclut que la Loi électorale du Canada, qui
exige de tout candidat qu'il soit citoyen cana-
dien ou sujet britannique, est également nulle
puisque selon lui elle fait partie d'une législation
adoptée par un Parlement créé par l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, loi qu'il estime
nulle.
Son argumentation était beaucoup plus dif
fuse, je dirais même beaucoup plus embrouillée
que cela, mais voilà en substance ce qu'il soute-
nait. Je ne vois bien sûr aucun fondement aux
moyens invoqués contre les textes législatifs en
question et par conséquent je les rejette.
Un mandamus ne doit être accordé que lors-
qu'il s'impose vraiment; puisqu'il ressort claire-
ment des preuves apportées par le requérant
lui-même qu'il n'a pas qualité pour attaquer la
validité des lois en question, qu'il n'est pas en
droit d'exiger des intimés l'accomplissement
d'un devoir public que leur impose la loi, et qu'il
n'est pas en droit de faire accepter pour dépôt
son bulletin de présentation, sa requête en man-
damus est rejetée. Il n'y a pas lieu d'accorder
de dépens.
'Le paragraphe 2 de cet affidavit indique que c'est le 23
octobre 1972 que le requérant a tenté de déposer son
bulletin de présentation rédigé selon la formule no 27. Il
s'agit cependant d'une erreur et la date exacte, telle qu'elle
ressort de la pièce 1, le bulletin de présentation (formule 27)
du requérant, est le 10 octobre 1972. Sur requête de l'avo-
cat de l'intimé, la rectification de cette date a été accordée.
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