The Elias Rogers Company Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Division de première instance, le juge Kerr—
Montréal (P.Q.), le 29 février; Ottawa, le 25
avril 1972.
Impôt sur le revenu—Calcul du revenu d'entreprise—
Dépenses courantes ou dépenses du capital—Frais d'instal-
lation des chaudières louées par une compagnie qui fournit
le mazout—Loi de l'impôt sur le revenu, article 12(1)b).
La compagnie appelante exploitait une entreprise de
vente de mazout. Elle vendait et installait également des
chaudières et leurs accessoires. Pour augmenter ses ventes
de mazout et affronter la concurrence, la compagnie a
décidé de louer des chauffe-eau aux personnes lui achetant
du mazout et elle a cherché à déduire le montant des frais
d'installation des chauffe-eau ($14,450 en 1966 et $27,200
en 1967) comme des dépenses courantes dans le calcul de
son revenu pour lesdites années.
Arrêt: les frais d'installation des chauffe-eau étaient un
débours ou un paiement à compte d: capital au sens de
l'article 12(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu et, de ce
fait, ils ne sont pas déductibles.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
Bruce Verchere et R. W. Pound pour
l'appelante.
L. R. Olsson et R. Thomas pour l'intimé.
LE JUGE KERR—Le présent appel porte sur
des nouvelles cotisations à l'impôt sur le revenu
relatives à la compagnie appelante, établies en
vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les
années d'imposition 1966 et 1967.
Ladite compagnie vend du mazout au détail.
Elle vend également et installe des chaudières
et leurs accessoires. Elle loue des chauffe-eau
au mazout à certains de ses clients et les installe
chez eux. Au cours de ses années d'imposition
1966 et 1967, elle a fait diverses dépenses
totalisant de $14,450 et $27,200, respective-
ment, à titre de frais d'installation de divers
appareils de chauffage qu'elle a ainsi loués et
elle a déduit lesdites sommes dans le calcul de
son revenu desdites années. L'intimé a rejeté
ces déductions.
La compagnie prétend que ces sommes sont
des sommes courantes déboursées ou dépen-
sées en vue de gagner ou de produire un revenu
tiré de son entreprise et que, par conséquent,
elles sont déductibles. L'intimé prétend que ces
sommes constituent des débours ou paiements à
compte de capital au sens des dispositions de
l'article 12(1)b) de la Loi de l'impôt sur le
revenu et que, par conséquent, elles ne sont pas
déductibles comme dépenses et constituent
pour la compagnie une partie du coût en capital
de biens, au sens de l'article 11(1)a) de la Loi,
pour lesquels il est possible de demander une
allocation à l'égard du coût en capital.
Les parties sont d'accord que les chauffe-eau
constituent par eux-mêmes des biens de capital.
Le litige porte sur les frais de leur installation.
Quatre témoins ont été cités au nom de la
compagnie, savoir, M. Leo J. Hanley, vice-pré-
sident de la compagnie et chef des ventes de
mazout de la Texaco Canada, compagnie mère
de la compagnie appelante; M. Calvin Wattie,
directeur général des ventes de la Texaco
Canada; M. H. David Spielman, directeur géné-
ral de l'Association du chauffage à l'huile du
Canada et M. David Tarr, comptable agréé à la
compagnie Arthur Andersen & Co., vérifica-
teurs de la Texaco Canada et de ses filiales.
MM. Hanley et Wattie ont témoigné que la
compagnie appelante exerce son activité dans la
région de Toronto où elle s'occupe de la vente
en gros et au détail de mazout et de matériel de
chauffage. Elle vend du mazout aux particu-
liers, aux établissements commerciaux et aux
revendeurs; elle vend et installe aussi des chau-
dières et leurs accessoires et elle loue et installe
les chauffe-eau dont les frais d'installation
constituent l'objet du présent litige. La compa-
gnie possède une flotte de camions ainsi qu'un
service après vente. Durant les années 1960, la
compagnie a dû affronter la rude concurrence
du gaz naturel et, parmi les plans qu'elle a
conçus pour en retarder l'envahissement, elle a
notamment décidé de louer des chauffe-eau aux
particuliers. Les chauffe-eau sont destinés à
l'usage domestique et sont composés d'un réser-
voir à eau chaude et d'un appareil de chauffage
fonctionnant au mazout au lieu de gaz ou d'é-
lectricité. On avait d'abord pensé vendre des
chauffe-eau et non les louer, mais cette tenta
tive a été infructueuse et il a été décidé de
recourir à la location. Le but de la compagnie
était de conserver ses clients, d'augmenter ses
affaires avec des particuliers et de vendre
chaque année environ 300 gallons de mazout de
plus à chaque locataire d'un chauffe-eau. La
compagnie a publié une brochure (pièce A-2)
représentant le chauffe-eau et faisant valoir les
avantages de celui-ci par rapport aux chauffe-
eau à gaz où à l'électricité.
Le nombre des chauffe-eau installés en 1966
et 1967 a été respectivement de 175 et 268. Le
31 décembre 1971, il en restait respectivement
101 et 197, ainsi que le montre la pièce A-8. En
1969 et 1970, la compagnie avait 578 et 693
clients locataires de chauffe-eau, alors qu'elle
en avait 40,412 et 39,334 autres qui n'avaient
pas de chauffe-eau. Les taux d'annulation des
clients avec chauffe-eau étaient de 1.7% et de
2.2%, alors que les taux des clients sans
chauffe-eau étaient de 6.49% et de 6.28%,
comme l'indique la pièce A-1. Il se dégage des
témoignages des dirigeants de la compagnie
qu'ils estimaient que leur programme avait
permis à la compagnie de demeurer dans les
affaires et que le revenu qu'elle en a tiré valait
cet effort, même si la location des chauffe-eau,
prise en elle-même, n'était pas rentable.
La pièce A-5 montre une installation typique
de chauffe-eau, qui nécessite notamment de la
plomberie, des installations électriques, un
tuyau de ventilation et le raccordement du
chauffe-eau au réservoir à huile. Le montant
moyen des frais d'installation était de $85 en
1966 et de $100 en 1967. Les pièces A-6 et A-7
en donnent les détails. Les frais étaient suppor
tés par la compagnie et n'étaient pas facturés
aux clients. Le prix de revient d'un chauffe-eau
et de ses commandes pour la compagnie était de
$197, installation non comprise. Le prix de
vente du mazout en 1966-67 était d'environ 20
cents le gallon. On prévoyait que la vente de
300 gallons additionnels à chaque locataire d'un
chauffe-eau rapporterait une somme brute d'en-
viron $60 la compagnie. Il y avait également
un prix mensuel de location pour une partie ou
la totalité de la période mentionnée ci-après.
Lorsque les chauffe-eau sont enlevés, ils sont
remis en état et certains sont réutilisés. Les
frais d'enlèvement sont passés par profits et
pertes'. Lorsque les chauffe-eau sont enlevés,
certaines installations, notamment le tuyau de
ventilation et l'arrivée d'eau, sont laissés sur les
lieux, étant donné que les frais de leur enlève-
ment et de leur transport excéderaient leur
valeur pour la compagnie.
Les pièces A-3 et A-4 sont des contrats-types
de location des chauffe-eau de la compagnie. Le
contrat de location a une durée minimum de
deux ans et il peut être ensuite résilié chaque
année moyennant un préavis de deux mois.
Lorsque le client quittait les lieux ou mettait
autrement fin à la location, la compagnie ne
réclamait en fait aucune indemnité et elle absor-
bait elle-même les frais d'installation. Le prix
mensuel de location est de $2.50, plus la taxe de
vente provinciale. Une des clauses du contrat
A-3, le contrat-type employé en 1966, stipule
que la location est gratuite pendant les six pre
miers mois. La compagnie demeure propriétaire
du chauffe-eau et se charge de son entretien
durant la location. Pendant celle-ci, le client
s'engage à acheter exclusivement de la compa-
gnie tout le mazout nécessaire au chauffage de
la résidence et au fonctionnement du chauffe-
eau. Un contrat distinct, du genre de celui qui
est produit sous la cote A-9, était passé pour la
fourniture du mazout.
D'après la preuve, je crois que durant les
années 1960, la durée moyenne des contrats de
fourniture de mazout était de 6.8 ans et la durée
moyenne des contrats de fourniture de ceux qui
louaient des chauffe-eau était un peu plus
longue. Les chauffe-eau avaient une durée d'u-
tilisation d'environ 8 ans.
Les dirigeants de la compagnie, MM. Hanley
et Wattie, ont affirmé que les frais d'installation
étaient affectés aux dépenses courantes. On
considérait qu'ils représentaient des dépenses
que la compagnie engageait pour lutter contre la
concurrence du gaz naturel et pour augmenter
les ventes de mazout. La compagnie estimait
qu'elle était fondée à les faire passer dans les
dépenses courantes, au même titre que ses
dépenses de publicité. M. Tarr, le vérificateur, a
considéré ces frais comme des dépenses de
promotion, étant donné que la compagnie ne
savait pas pendant combien de temps le client
conserverait le chauffe-eau et achèterait le
mazout nécessaire à son fonctionnement, et
qu'elle n'était pas certaine de récupérer les frais
d'installation, car il s'agissait de dépenses non
récurrentes qui étaient perdues si la durée du
contrat était trop courte. La compagnie espérait
conserver ses clients suffisamment longtemps
pour couvrir ces dépenses. Celles-ci se ratta-
chaient au programme de promotion que la
compagnie avait mis sur pied pour conserver
ses clients, combattre la concurrence du gaz
naturel et augmenter le nombre de ses comptes
de mazout ainsi que les ventes d'huile. D'après
ce que j'ai compris du témoignage de M. Tarr,
celui-ci a convenu que les dépenses d'installa-
tion étaient engagées dans l'espoir de gagner un
revenu sur une période de plusieurs années, que
les chauffe-eau eux-mêmes étaient des immobi-
lisations et que leur installation chez le client
était une condition préalable à leur utilisation et
à leur capacité de produire des revenus. Toute-
fois, M. Tarr considère, et c'est également l'opi-
nion de la firme Arthur Andersen & Company à
laquelle il appartient, que dans le cas de l'appe-
lante il était justifié de faire passer les frais
d'installation en dépenses courantes de l'année
durant laquelle ils étaient engagés, et qu'il n'au-
rait pas convenu de les imputer au compte de
capital. Il s'est déclaré d'accord avec l'énoncé
contenu à la page 431 de l'ouvrage de Finney et
Miller, Principles of Accounting (Principes de
comptabilité), 4 e éd., 1951, selon lequel [TRA-
DUCTION] «le coût des machines comprend le
prix d'achat, les frais de transport, les droits et
les frais d'installation» mais il ne semblait pas
considérer les chauffe-eau comme des
«machines».
M. Spielman, directeur général de l'Associa-
tion du chauffage à l'huile du Canada, a parlé de
la concurrence entre le gaz naturel, l'électricité
et le mazout et de la concurrence à l'intérieur
d'une même industrie. Il a dit que les grandes
compagnies pétrolières fournissent des chauffe-
eau à leurs clients et que la majorité de cel-
les-ci, plus 70%, passent les frais d'installation
en dépenses courantes, tandis que d'autres les
imputent au compte de capital.
Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelante a
présenté un argument général selon lequel la
réponse à la question de savoir si une somme
déboursée est une dépense de capital ou d'ex-
ploitation doit se déduire de nombreux aspects
d'un ensemble de circonstances et d'une appré-
ciation raisonnable de tous les facteurs domi
nants. 2 Cette réponse doit également se fonder
sur les résultats que l'on escompte de la
dépense en se plaçant sur un plan pratique et
commercial plutôt qu'au point de vue de la
classification juridique des droits qui ont été
garantis, employés ou épuisés, le cas échéant,
dans l'opération'. Il a plaidé que selon une
appréciation «raisonnable» des faits de la pré-
sente affaire, les frais d'installation des chauffe-
eau font partie du coût total de la commerciali
sation du mazout et [TRADUCTION] «sur le plan
pratique et commercial», ces dépenses ont été
engagées en vue de créer a) une augmentation
des ventes de mazout de l'appelante et b) une
protection contre une diminution éventuelle de
ses affaires, causée par la perte, au profit de la
concurrence, d'une partie du marché du chauf-
fage. En tant que tels, les frais d'installation
constituent [TRADUCTION] «une dépense enga
gée dans le cours de l'exploitation d'une entre-
prise à but lucratif» et sont à bon droit déducti-
bles comme dépenses au cours de l'année
durant laquelle elles ont été engagées'.
En ce qui concerne les faits de la présente
affaire, l'avocat a soutenu que l'entreprise de
l'appelante consiste à vendre du mazout. Les
ventes de ladite compagnie ont souffert de la
concurrence du gaz naturel et l'appelante a
conçu un programme aux termes duquel elle a
d'abord vendu et ensuite loué des chauffe-eau
afin d'augmenter ses ventes de mazout et de
conserver ses clients. La location n'était pas
rentable en elle-même mais elle l'était eu égard
à l'augmentation des ventes de mazout qui en
était le résultat. La durée des contrats de loca
tion n'était pas certaine. La récupération des
frais d'installation était également incertaine et,
en fait, ces frais ont été perdus dans le cas des
contrats de courte durée. Il s'agit de frais de
promotion, comme les frais de publicité. La
compagnie sait mieux que quiconque comment
gérer ses affaires, et ses dirigeants et vérifica-
teurs ont jugé à propos de faire passer les frais
d'installation en dépenses courantes plutôt
qu'en dépenses de capital, étant donné la con
currence vigoureuse et incessante et la néces-
sité d'y faire face en augmentant constamment
les ventes de mazout. La compagnie s'est vue
contrainte par les circonstances de se lancer
dans la location afin de conserver ses clients et
de rester à la tête de ses affaires. La grande
majorité des autres compagnies de mazout con-
sidèrent ces frais d'installation comme des
dépenses courantes de leur entreprise. Le véri-
ficateur de l'appelante, ainsi que la Arthur And-
ersen & Company, ont estimé qu'il était con-
forme aux principes généralement admis dans
les affaires et en comptabilité de faire passer
ces frais en dépenses courantes plutôt qu'en
dépenses de capital.
L'avocat de l'intimé a soutenu que les frais
d'installation étaient des dépenses de capital. Il
a affirmé que les chauffe-eau ne peuvent pro-
duire un revenu qu'après leur installation, que
les frais de mise en état de fonctionnement d'un
bien d'immobilisation en vue de son utilisation
sont généralement jugés comme faisant partie
des dépenses de capital et que, dans la présente
affaire, les frais d'installation représentaient
une partie des frais engagés pour que des biens
de capital permettent de gagner un revenu sur
un certain nombre d'années, afin de conserver
des clients le plus longtemps possible. L'appe-
lante cherche à déduire ces frais d'un revenu
locatif et des profits tirés de ventes additionnel-
les de mazout au cours des années qui suivent
celle de l'installation des chauffe-eau. On pré-
voyait que les chauffe-eau demeuraient chez le
client pendant un nombre moyen d'années et ils
avaient une durée d'utilisation de plusieurs
années, ce qui n'est pas contredit par le fait
qu'un pourcentage relativement faible des
chauffe-eau a été enlevé dans les deux ans, soit
8.6% de ceux qui avaient été installés en 1966
et 4.9% de ceux qui avaient été installés en
1967, comme le montre la pièce A-8. Le
chauffe-eau installé devient, à partir de son
installation, un bien de capital qui produit un
revenu et il diffère ainsi d'un chauffe-eau non
installé qui n'a aucune capacité, en cet état, de
produire un revenu. Dans le cas de chaque
client pris en particulier,-l'installation et les frais
qu'elle occasionne ne se renouvellent pas
chaque année. L'installation d'un bien d'immo-
bilisation est le résultat d'un débours et on
prévoit qu'elle rapportera un bénéfice durable
pendant un certain nombre d'années, ce qui est
normalement le cas. Le résultat principal,
immédiat et direct, est le revenu locatif, une
augmentation des ventes de mazout, un peu de
clientèle peut-être, mais l'aspect relatif à la pro
motion est secondaire. Le revenu locatif et le
bénéfice tiré des ventes supplémentaires de
mazout semblent assez importants pour justifier
la conclusion que la location des chauffe-eau
n'est pas en elle-même non rentable. La prati-
que de l'appelante et de nombreuses autres
compagnies pétrolières, mais non de toutes, de
faire passer les frais d'installation des chauffe-
eau en dépenses courantes, ne constitue pas une
preuve concluante du bien-fondé de cette façon
de faire; l'appelante n'a cité sur ce point aucun
ouvrage de comptabilité faisant autorité et le
vérificateur de la compagnie a convenu que
dans le cas de l'appelante, le noeud du problème
était l'incertitude quant au résultat des dépen-
ses, en raison de l'incertitude de la période
pendant laquelle les clients conserveraient les
chauffe-eau.
L'avocat de l'intimé a cité les affaires
suivantes:
B.C. Electric Rly. c. M.R.N. [1958] R.C.S. 133; Thom-
son Construction (Chemong) Ltd. c. M.R.N. [ 1957]
R.C.É. 97, aux pp. 104 à 106; Law Shipping Co. c.
C.I.R. 12 T.C. 621; Glenco Investments Corp. c.
M.R.N. [1968] R.C.É. 98; M.R.N. c. Lumor Interests
Ltd. [1960] R.C.É. 161; M.R.N. c. Vancouver Tugboat
Co. [ 1957] R.C.É. 160; M.R.N. c. Haddon Hall Realty
Inc. [1962] R.C.S. 109; C.I.R. c. Granite City Steam
ship Co. (1927) 13 T.C. 1; Sherritt Gordon Mines Ltd.
c. M.R.N. [1968] R.C.É. 459; British Insulated and
Helsby Cables Ltd. c. Atherton [1926] A.C. 205; Val-
lambrosa Rubber Co. c. Farmer, 5 T.C. 529; Montship
Lines Ltd. c. M.R.N. [1954] R.C.É. 376; Regent Oil Co.
c. Strick [1965] 3 W.L.R. 636.
Les articles 11(1)a) et 12(1)a) et b) de la Loi
de l'impôt sur le revenu s'appliquant aux années
d'imposition en cause sont rédigés comme suit:
11. (1) Par dérogation aux alinéas a), b) et h) du paragra-
phe (1) de l'article 12, les montants suivants peuvent être
déduits dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une
année d'imposition:
a) la partie de ce que coûtent en capital les biens au
contribuable, ou la somme à l'égard de ce que coûtent en
capital les biens au contribuable, s'il en est, qui est
allouée par règlement;
12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune
déduction à l'égard
a) d'une somme déboursée ou dépensée, sauf dans la
mesure où elle l'a été par le contribuable en vue de gagner
ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise
du contribuable,
b) d'une somme déboursée, d'une perte ou d'un remplace-
ment de capital, d'un paiement à compte de capital ou
d'une allocation à l'égard de dépréciation, désuétude ou
d'épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la
présente Partie,
Il est parfois difficile de déterminer si une
somme déboursée ou dépensée peut être défal-
quée des revenus ou si elle doit être considérée
comme une dépense de capital. Plusieurs critè-
res ont été utilisés dans les affaires citées au
cours des plaidoiries. Dans l'affaire Regent Oil
Co. c. Strick [1965] 3 W.L.R. 636, Lord Read
déclare aux pages 645 et 646:
[TRADUCTION] Il est difficile de savoir si un commerçant
qui débourse une somme donnée doit la défalquer de son
revenu ou s'il doit la considérer comme une dépense de
capital ....
Il ne faut jamais perdre de vue, à mon avis, la nature
essentielle de la question. La Loi de l'impôt sur le revenu
oblige le contribuable à établir le solde des profits et des
gains. Il doit donc établir un compte des profits et des
pertes, en inscrivant les recettes d'un côté et les dépenses
qu'il peut à bon droit leur imputer de l'autre. Il doit se
conformer à la Loi dans la mesure où celle-ci interdit
certaines déductions. Mais à ma connaissance, personne n'a
encore, hors de ces limites, contesté l'opinion du président
Lord Clyde dans l'affaire Whimster & Co. c. Inland Reve
nue Commissioners, (1926 S.C. 20; 12 T.C. 813) dans
laquelle, après avoir défini le profit comme étant la diffé-
rence entre les recettes et les dépenses, il a déclaré: «le
compte des profits et des pertes qui doit être établi aux fins
de déterminer cette différence doit être conforme aux princi-
pes ordinaires de la comptabilité commerciale dans la
mesure où ils s'appliquent ...» Il n'est donc pas étonnant
qu'il n'existe aucun critère, principe ni règle empirique
dominants. La question est en fin de compte une question
de droit que la Cour doit trancher, mais c'est également une
question à laquelle on doit répondre à la lumière de toutes
les circonstances qu'il est raisonnable de prendre en consi-
dération et l'importance que l'on doit attribuer à une cir-
constance donnée d'une affaire relève plutôt du bon sens
que d'une application rigoureuse d'un principe de droit
quelconque.
Dans l'affaire Bowater Power Co. c. M.R.N.
[1971] C.T.C. 818, le juge Noël J.C.A. de cette
Cour, a déclaré aux pages 836, 837 et 838:
En ce qui concerne la déduction de ce qu'on pourrait
appeler les dépenses se trouvant dans des cas limités ou les
«riens» le droit a considérablement évolué au cours des
dernières années, comme on peut le constater dans les
décisions qui précèdent. A la page 162 de l'arrêt M.R.N. c.
Algoma Central Rly. (précité), le juge en chef de la Cour
suprême, en rejetant l'appel de la décision du président, se
reportait, en y souscrivant à la déclaration suivante de Lord
Pearce dans l'arrêt B.P. Australia Ltd. c. Comm'r of Taxa
tion of Australia [1966] A.C. 224, à la page 264:
[TRADUCTION] On ne peut pas trouver la solution du
problème en appliquant un critère ou une description
rigide. Elle doit découler de plusieurs aspects de l'ensem-
ble des circonstances dont certaines peuvent aller dans un
sens et d'autres dans un autre. Une observation peut se
détacher si nettement qu'elle domine d'autres indications
plus vagues dans le sens contraire. C'est une appréciation
saine de toutes les caractéristiques directrices qui doit
apporter la réponse finale.
La solution donc, [TRADUCTION] «dépend de l'effet envi-
sagé de la dépense d'un point de vue pratique et commercial
plutôt que de la classification juridique des droits, s'il en
est, garantis, employés ou épuisés en cours de route» Hall-
stroms Pty. Ltd. c. F.T.C. 8 A.T.D. 190 la p. 196. La
question de la déductibilité des dépenses doit donc, en
pratique, être considérée du point de vue de la compagnie
ou de ses activités.
... En faisant une distinction entre un paiement de capital
et un paiement au compte courant, il faut toujours tenir
compte des réalités industrielles et commerciales en cause.
Une fois installés, les chauffe-eau constituent
un bien de capital immobilisé. Ils ne produisent
un revenu qu'après leur installation, et non
avant. Les frais de leur installation sont préala-
bles et nécessaires à la capacité des chauffe-eau
de produire un revenu et ils sont engagés dans
ce but. Je pense que si l'appelante avait acheté
d'un fournisseur des chauffe-eau déjà installés
et prêts à être utilisés au moment de leur achat,
le coût en capital de ceux-ci pour l'appelante
aurait été le prix payé au fournisseur, compre-
nant les frais d'installation. Si tel est le cas,
pourquoi la catégorie dans laquelle les frais
d'installation doivent être classés change-t-elle
du seul fait que l'appelante installe elle-même
les chauffe-eau? L'intimé soutient que les frais
d'installation font partie du coût en capital des
chauffe-eau pour l'appelante, à mesure qu'ils
sont installés, et que l'appelante peut réclamer
une allocation à l'égard du coût en capital à
mesure de ces installations.
Le contrat de location des chauffe-eau pré-
voit une durée minimum de 2 ans, renouvelable
ensuite d'année en année, et résiliable à l'expi-
ration de la période de deux ans ou de toute
année subséquente, moyennant un préavis écrit
de 2 mois. Les clients peuvent toujours résilier
leur contrat de location à n'importe quel
moment et quelques-uns l'ont fait dans les 2
ans, mais la compagnie a installé les chauffe-
eau dans l'espoir que les clients les conserve-
raient généralement pendant un certain nombre
d'années. La compagnie sait par expérience que
la majorité des locations se poursuivent pendant
plusieurs années au moins et que les chauff e-
eau ont une durée d'utilisation moyenne supé-
rieure à 8 ans, pendant laquelle ils peuvent
produire un revenu. Les frais d'installation sont
engagés une fois pour toutes en vue d'utiliser un
bien de capital pour assurer un bénéfice durable
à l'entreprise, au moins en ce sens qu'en louant
le chauffe-eau, la compagnie prévoit que le
bénéfice durera pendant quelques années et que
le chauffe-eau produira des revenus pendant
tout ce temps. La compagnie ne se serait sûre-
ment pas engagée dans la location de chauffe-
eau si elle n'avait pas un tel but, eu égard au
coût et aux frais d'installation de l'appareil par
rapport au revenu net qui en résulte. Les frais
d'installation sont des frais de premier établisse-
ment et ils représentent une somme importante
par rapport au coût du chauffe-eau, et bien que
ces frais doivent être engagés de nouveau à la
fin de la période d'utilisation normale du
chauffe-eau, lorsqu'il doit être remplacé, ou
lorsqu'un contrat est résilié et que l'appareil est
enlevé et installé ailleurs, je ne pense pas que la
dépense en cause puisse être considérée comme
l'exécution d'une obligation constante ou
comme une dépense récurrente déductible à
titre de dépense courante du revenu de l'année
au cours de laquelle elle est effectuée. Il est vrai
que les chauffe-eau servent à faire face à une
demande continuelle de mazout et qu'ils servent
les buts et les intérêts généraux de l'entreprise
de la compagnie, mais il en est de même des
réservoirs et des autres immobilisations de la
compagnie et il ne fait pas de doute qu'ils sont
des biens de capital.
Quant aux importantes compagnies pétroliè-
res, elles ne considèrent pas tous les frais d'ins-
tallation des chauffe-eau de la même façon. La
plupart les font passer dans les dépenses cou-
rantes et d'autres dans les dépenses de capital.
L'appelante est parmi celles qui ont choisi de
les déduire des revenus de leur année d'installa-
tion. Il est possible qu'elles trouvent plus prati-
que de déduire les dépenses une fois pour
toutes dans l'année durant laquelle elles ont été
faites, au lieu de les ajouter au prix des chauffe-
eau et de réclamer des allocations à l'égard du
coût en capital pour le coût total du bien de
capital installé. Le vérificateur de la compagnie
appelante s'est déclaré en faveur de cette façon
de faire pour la raison principale que la durée
de location des chauffe-eau était incertaine et
que la compagnie n'était pas certaine de récupé-
rer les frais d'installation, étant donné que les
clients pouvaient résilier leur contrat avant que
les dépenses ne soient récupérées. La pratique
que suivent les compagnies pétrolières n'est pas
uniforme et ce facteur doit être pris en considé-
ration, mais je ne pense pas que le fait qu'une
méthode donnée est utilisée par la majorité
d'entre elles soit un facteur déterminant. Je
pense également que l'incertitude dont nous
avons parlé ci-dessus ne peut guère servir de
critère pour décider dans quelle catégorie les
dépenses entrent normalement.
Le vérificateur a également considéré les
dépenses comme des dépenses de promotion
engagées en vue d'augmenter les ventes de
mazout et de faire face à la concurrence du gaz
naturel. Je suis convaincu que ces dépenses ont
été engagées en vue d'augmenter les ventes de
mazout et de faire face à la concurrence. Mais
je trouve difficile de les classer dans la catégo-
rie des dépenses de promotion ou de les consi-
dérer, comme le sont les dépenses de publicité,
comme des dépenses courantes déductibles au
titre de l'année dans laquelle elles sont suppor-
tées. Elles n'ont, à mon avis, que peu d'analogie
avec des dépenses de promotion ou de
publicité.
Comme nous l'avons déjà indiqué, le chapitre
19 de l'ouvrage de Finney et Miller, Principles
of Accounting, traite des immobilisations maté-
rielles, et il est écrit à la page 431:
[TRADUCTION] Le coût des machines comprend le prix
d'achat, les frais de transport, les droits et les frais d'instal-
lation. Si les machines doivent fonctionner un certain temps
pour être rodées et essayées, le coût de ces opérations
préliminaires nécessaires peut être capitalisé.
Le vérificateur de l'appelante n'a pas mis en
question l'exactitude de cet énoncé au sujet des
machines, mais il n'était pas disposé à convenir
qu'il s'applique aux chauffe-eau en cause. Je ne
pense pas qu'il faut le considérer comme s'ap-
pliquant aux chauffe-eau, même s'ils sont des
immobilisations matérielles, étant donné que les
auteurs de l'ouvrage n'auraient peut-être pas
considéré les chauffe-eau de la même manière
que les machines.
D'après mon appréciation des faits et des
principes directeurs, appréciation qui, je l'es-
père, se fonde sur le bon sens et sur les réalités
commerciales de ladite affaire, je conclus que
les dépenses de $14,450 et de $27,200, que
l'appelante a engagées au cours de ses années
d'imposition 1966 et 1967 au titre de divers
frais d'installation des chauffe-eau, constituent
des sommes déboursées ou des paiements à
compte de capital au sens de l'article 12(1)b) de
la Loi de l'impôt sur le revenu qui par consé-
quent, ne sont pas déductibles du revenu. L'ap-
pel est donc rejeté. L'intimé est fondé à rece-
voir ses frais.
1 Le Ministère n'a pas contesté le passage par profits et
pertes des frais d'enlèvement et ils ne sont pas en litige ici.
2 Affaires citées:
B. P. Australia Ltd. c. Comm'r of Taxation [1966]
A.C. 224, appliqué dans l'affaire M.R.N. [1968] C.T.C.
161, à la p. 162; Canada Starch Co. c. M.R.N. [1968]
C.T.C. 466 (le président Jackett, à la p. 471); Bowater
Power Co. c. M.R.N. [1971] C.T.C. 818, (le juge Noël
J.C.A. aux pp. 836 et 837).
3 Affaires citées:
Hallstroms Pty. Ltd. c. Federal Comm'r of Taxation
(1946) 72 C.L.R. 634, à la page 648 (le juge Dixon),
(1948) 8 A.T.D. 190, à la p. 196 (appliqué dans l'affaire
B. P. Australia Ltd. c. Comm'r of Taxation [1966] A.C.
224, à la p. 264); C.I.R. c. Carron Co. (1968) 29 T.R.
173, à la p. 177 (Lord Guest); C.I.R. c. Carron Co.
(1967) 28 T.R. 101, à la p. 109 (Lord Guthrie); C.I.R.
(N.Z.) c. Murray Equipment Ltd. (1965) 14 A.T.D. 212,
aux pp. 219 et 220 (le juge Moller); Bowater Power Co.
c. M.R.N. [1971] C.T.C. 818, aux pp. 837 et 838.
4 Affaires citées:
Le président Jackett dans l'affaire Canada Starch Co.
c. M.R.N. [1968] C.T.C. 466.
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