Consumers' Gas Co., B. C. Hydro & Power
Authority, Gas Metropolitain, Inc., Greater Win-
nipeg Gas Co., Lloydminster Gas Co. Ltd.,
Inland Natural Gas Co. Ltd., Northern & Cen
tral Gas Corp., Union Gas Co. of Canada Ltd.,
Valley Gas Co. Ltd., North Canadian Oils Ltd.,
Alberta's Southern Gas Co., Alberta Gas Trunk
Line Co. Ltd., Trans Canada Pipelines Ltd., Fort
Nelson Gas Co., Kingston Public Utilities Com
mission, Canadian Western Natural Gas Co. Ltd.
& Northwestern Utilities Ltd., Inter-City Gas
Ltd., Kitchener Public Utilities Commission,
Corp. of the City of Medicine Hat, Saskatchewan
Power Corp., United Gas Ltd., West Coast
Transmission Co. Ltd. et Great Northern Gas
Utilities Ltd. (Appelantes)
c.
Le sous-ministre du Revenu national (Douanes et
Accise) (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge en
chef adjoint Noël et le juge Thurlow—Ottawa,
le 12 septembre 1972.
Douanes et accise—Appel d'une décision de la Commis
sion du tarif—Régulateurs utilisés pour réduire la pression
du gaz livré aux clients d'un service d'utilité publique—
S'agit-il de «fabrication» ou de «production»—Interpréta-
tion de ces termes—Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c.
E-13, ann. III, Partie XIII, al. 1 a).
Les compagnies appelantes, offrant des services d'utilité
publique, ont interjeté appel d'une décision de la Commis
sion du tarif portant que les régulateurs qu'elles utilisaient
pour réduire la pression du gaz livré à leurs clients n'étaient
pas utilisés «dans la fabrication ou la production de mar-
chandises» au sens de l'al. 1 a) de la Partie XIII de l'ann. III
de la Loi sur la taxe d'accise ce qui aurait exempté ces
régulateurs des taxes de vente.
Arrêt (le juge en chef adjoint Noël étant dissident): on ne
peut conclure que la Commission du tarif a commis une
erreur de droit en décidant qu'il n'y avait pas «fabrication»
ou «production» du fait que la pression du gaz naturel était
modifiée dans des régulateurs. En outre, même si c'est une
question de droit, on ne peut considérer que la fonction des
régulateurs consiste à «fabriquer» ou à «produire». Arrêt
examiné: La Commission hydroélectrique de Québec c.
S.-M.R.N. [1970] R.C.S. 30.
Le juge en chef adjoint Noël: étant donné la nature de
l'industrie du gaz, la Commission du tarif a commis une
erreur de droit en interprétant le mot «production». Arrêt
examiné: Canadian Lift Truck Co. c. S.-M.R.N. (1956) 1
D.L.R. (2d) 497.
APPEL d'une décision de la Commission du
tarif.
A. de L. Panet pour les appelantes.
A. Garneau pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT—Le présent
appel porte sur une décision de la Commission
du tarif décidant que certains «régulateurs» ne
sont pas exonérés de la taxe à la consommation
ou de la taxe de vente aux termes de l'alinéa l a)
de la Partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la
taxe d'accise; en vertu de l'article 28 de la Loi
sur la Cour fédérale, on demande aussi, par les
présentes, l'annulation de cette décision.
En ce qui concerne la demande introduite en
vertu de l'article 28, les avocats des appelantes
n'ont pas réussi à convaincre la Cour qu'il
existe des motifs sérieux de la retenir, le redres-
sement recherché étant disponible en appel, les
avocats de l'intimé n'ont pas été appelés à plai-
der sur ce point.
L'appel porte sur la question de savoir si la
Commission a rendu une décision entachée
d'une erreur de droit en décidant que les régula-
teurs en question n'étaient pas couverts par la
disposition d'exonération qui accorde l'exemp-
tion de taxe aux objets suivants:
a) les machines et appareils vendus aux fabricants ou
producteurs ou importés par eux et destinés à être utilisés
par eux directement dans la fabrication ou la production
de marchandises .. .
Aux fins de l'appel, on doit admettre les conclu
sions de fait de la Commission.
Voici la partie de la décision contenant les
conclusions de fait de la Commission:
L'appelant exploite un service d'utilité publique dont l'ac-
tivité consiste à vendre et à livrer du gaz naturel à des
clients situés en Ontario, au Québec et dans la partie nord
de l'État de New York (pièce A-1, p. 21, deux dernières
lignes). L'appelant achète quelque 99 pour cent de son gaz
naturel de la Trans -Canada PipeLines; le reste provient des
puits de l'appelant, situés au Lac Érié. Les clients de
l'appelant utilisent le gaz principalement pour le chauffage
des immeubles et le chauffage de l'eau et autres fins domes-
tiques, commerciales ou industrielles.
A l'état naturel, le gaz peut être constitué par du méthane
presque pur ou par un mélange de plusieurs constituants
comme le méthane, le butane, le propane, le butylène, avec
des impuretés comme le soufre et l'eau. Le gaz naturel
vendu par l'appelant est du méthane pur. Par conséquent,
avant la vente, on traite d'habitude le gaz provenant des
puits dans des unités d'épuration ou des unités de traitement
du gaz pour enlever ou récupérer les constituants autres que
le méthane et les utiliser à d'autres fins. Le gaz sort de la
seconde ou dernière unité d'épuration avec une force de
100 à 150 lbs/po. carré. Il passe ensuite dans la station de
compression de la Trans -Canada PipeLines où, à des fins
d'efficacité et d'économie dans le transport du gaz, la pres-
sion est portée à un chiffre qui varie entre 400 et 925
lbs/po. carré.
Lorsqu'il arrive au réseau de distribution de l'appelant, le
gaz passe dans une station de pompage où la quantité de gaz
vendue est mesurée et où une substance qui dégage une
odeur nauséabonde ou infecte est ajoutée au gaz.
Il existe aux abords des villes une station de régulation où
l'on diminue la pression du gaz à un chiffre qui varie entre
250 et 450 lbs/po. carré et où il est quelquefois nécessaire
de chauffer le gaz ou d'y ajouter un brouillard d'huile pour
éviter le dessèchement de certains joints du pipe-line. A la
station de régulation de «frontière», généralement située
aux abords d'une région urbaine, on réduit à nouveau la
pression à un chiffre qui varie entre 60 et 175 lbs/po. carré.
Par la suite, plus près du client, à la station de régulation de
district, la pression est à nouveau réduite à des pressions se
situant entre 15 et 60 lbs/po. carré. Enfin chez le client, un
régulateur domiciliaire réduit la pression une dernière fois
jusqu'à lb/po. carré, pression souvent décrite comme la
pression exercée pour les résidences privées et jusqu'à un
maximum de 5 lbs/po. carré pour certains clients industriels.
C'est l'appareil qui fait l'objet du présent litige, connu
sous le nom de régulateur, qui effectue ces réductions
successives de pression.
Le régulateur est un appareil qui sert à changer la pres-
sion entre deux réseaux de tuyauteries; à l'entrée du régula-
teur, le gaz est admis à une certaine pression, la pression est
réduite et le gaz est libéré à l'autre extrémité à une pression
inférieure. En plus, le régulateur peut être utilisé comme
dispositif de sécurité servant à limiter la pression en vue de
prévenir les accidents.
Selon les témoignages entendus, les régulateurs de pres-
sions sont utilisés dans d'autres systèmes de distribution,
notamment, dans des systèmes de distribution de vapeur, de
pétrolé et d'eau.
Le gaz naturel en cause semble avoir deux usages princi-
paux; il sert en effet de combustible et de matière première
dans l'industrie pétrochimique. Lorsqu'il est utilisé comme
combustible ou source d'énergie, la preuve démontre que le
gaz naturel fait concurrence à d'autres sources d'énergie
telles que l'électricité, le pétrole et le charbon.
Les témoins ont affirmé qu'il y avait «traitement» de la
pression; ils ont expliqué qu'il ne s'agissait là que d'une
réduction de la pression. On a aussi précisé qu'une fois que
le gaz a atteint le pipe-line de la Trans -Canada PipeLines, la
capacité calorifique du gaz (B.T.U.) reste invariable; les
seuls changements qui ont éventuellement lieu après l'ad-
mission du gaz dans le pipe-line, semblent consister à
mélanger une substance odorante au gaz et quelquefois à y
ajouter un brouillard d'huile.
Les parties admettent que les régulateurs sont des
«machines et appareils vendus à .. ou importés par ...»
l'appelant et que le gaz vendu par l'appelant constitue des
«marchandises», au sens de la disposition d'exonération,
dans les deux cas. La Commission accepte l'entente à
laquelle les parties sont arrivées sur ces deux points.
Voici les passages de la décision de la Com
mission contenant sa conclusion:
La transformation que subit le gaz naturel ne modifie pas
les éléments constitutifs ou la nature du gaz lui-même. Ce
n'est que la pression à laquelle le gaz est livré à l'acheteur
qui est modifiée, sans plus. Par contre, s'il est vrai qu'à une
pression moins élevée le gaz contient une quantité moindre
de B.T.U. par unité de volume à cause de l'absence de
compression, il n'est en aucune autre façon différent du gaz
à une pression plus élevée. Ce n'est que la pression du gaz
qui est modifiée et, bien que cela change la concentration en
B.T.U. ou la quantité de B.T.U. par unité de volume, la
nature du gaz reste la même. S'il était question d'un système
de distribution d'eau ou de liquide plutôt que de gaz, on
peut se demander s'il aurait été possible à l'appelant de
plaider le même argument. Faire ou fabriquer un nouveau
produit en changeant les éléments constitutifs ou la nature
ou même la forme d'un objet est une toute autre chose
qu'un simple changement de la pression à laquelle une
substance est livrée au client.
En conséquence, la Commission décide que le régulateur
n'est pas utilisé «directement dans la fabrication ou la
production» du gaz, mais qu'il n'est plutôt utilisé que pour
modifier la pression à laquelle le gaz, déjà fabriqué ou
produit, est livré aux acheteurs.
Pour conclure de la sorte, la Commission a
longuement repris sa décision dans l'affaire
Hydro -Québec, où elle avait décidé que des
transformateurs utilisés pour l'électricité bénéfi-
ciaient de l'exonération prévue à la disposition
invoquée en l'espèce et elle a donné les motifs
qui ont entraîné, en l'espèce, une conclusion
fondée sur la preuve qui est différente de celle
qu'elle avait adoptée dans l'autre cas.' A mon
avis, il n'y a rien dans ce texte qui permette
d'annuler ses conclusions selon lesquelles le
procédé auquel le gaz naturel est soumis dans le
régulateur «n'en modifie pas la nature».
Dans l'arrêt La Commission hydroélectrique
de Québec c. Le sous-ministre du Revenu natio
nal [1970] R.C.S. 30, le juge Abbott, pronon-
çant les motifs de la majorité, a renvoyé aux
conclusions de la Commission du tarif en l'es-
pèce. Voici la citation en question:
La Commission du tarif a entendu la preuve, qui traitait
du commerce de l'appelante, de la nature de l'électricité, du
rôle et du but des transformateurs et d'autres questions
pertinentes. Dans sa déclaration, la Commission en arrive,
entre autres, aux conclusions suivantes:
[TRADUCTION] Il ressort des éléments de preuve que le
courant dans l'enroulement primaire d'un transformateur est
isolé électriquement du noyau du transformateur et de l'en-
roulement secondaire du transformateur. Par induction élec-
tromagnétique, provoquée par l'énergie électrique du cou-
rant alternatif primaire, un nouveau courant alternatif
distinct se produit dans l'enroulement secondaire d'un trans-
formateur. Le courant dans le circuit secondaire diffère
ordinairement, non dans le nombre de watts ou de périodes,
mais dans le nombre de volts et d'ampères. Toutefois, la
fonction du transformateur ne consiste pas seulement à
transmettre le courant primaire, au sens de le faire passer,
se déplacer, ou encore permettre son transport ou son
acheminement du circuit primaire au circuit secondaire.
* * *
L'énergie électrique que la requérante produit n'est pas
une denrée qu'elle vend à ses clients ou que ceux-ci utilisent
ordinairement à moins qu'elle n'ait au préalable subi une
transformation; antérieurement à une telle transformation,
elle existe sous une forme qui généralement n'est pas ven-
dable parce qu'elle est impropre à l'usage de la plupart de
ses clients.
* * *
Étant donné que c'est grâce au procédé de transformation
en question que l'énergie électrique devient utilisable par le
client, il faut considérer que cette transformation fait partie
intégrante du procédé de fabrication ou de production de
l'électricité. La transformation de la tension s'effectue
exclusivement dans les transformateurs et par les transfor-
mateurs, appareils vendus à la requérante ou importés par
elle et destinés à être utilisés par elle directement à la
fabrication ou la production de marchandises.
Il a ensuite tranché la question de la façon
suivante:
La principale prétention de l'intimé devant la Commission
du tarif, la Cour de l'Échiquier et cette Cour c'est que les
mots «fabrication ou production» lorsqu'ils s'appliquent à
une marchandise telle que l'électricité doivent s'interpréter
comme voulant dire fabrication ou production dans le sens
de l'anglais «generation», c'est-à-dire production d'électri-
cité dans une génératrice. La Commission du tarif a rejeté
cette affirmation mais le savant Président de la Cour de
l'Échiquier l'a acceptée.
Comme l'a déclaré le Juge en chef Duff, dans l'affaire
The King c. Vandeweghe Limited [1934] R.C.S. 244 à 248,
[1934] 3 D.L.R. 57, le mot «production», tout comme
«fabrication» n'a pas un sens très précis, par conséquent, il
faut examiner le contexte pour en fixer la portée dans les
dispositions que nous devons interpréter. Néanmoins, si l'on
prend ces mots dans leur sens normal et ordinaire, il n'y a
rien dans la Loi sur la taxe d'accise qui oblige à leur donner
un sens aussi restreint que le voudrait l'intimé. De plus, leur
donner un tel sens serait contraire à la preuve qu'a acceptée
la Commission. A mon avis, la Commission a correctement
interprété le par. (a) de l'annexe V de la Loi sur la taxe
d'accise et elle n'a pas fait d'erreur de droit.
La Commission a jugé que les transformateurs qui font
l'objet du litige dans le présent appel sont bien en fait «des
machines et des appareils vendus à l'appelante ou importés
par elle et destinés à être utilisés par elle pour la fabrication
de marchandises». La preuve justifiait amplement cette
conclusion et, d'après les dispositions de l'art. 57 de la Loi
sur la taxe d'accise, cette dernière n'est pas sujette à révi-
sion par les tribunaux.
A mon avis, il semble découler de cette déci-
sion que la question de savoir si, dans un cas
particulier, il s'agit de la «fabrication» ou de la
«production» est, dans une large mesure, une
question de fait que doit trancher la Commis
sion du tarif dans une affaire comme la pré-
sente. En d'autres mots, à mon avis, la défini-
tion de la «fabrication» ou de la «production»
dépend du sens que l'on donne à ces mots selon
les circonstances. Dans le contexte actuel, je ne
peux pas conclure que la Commission du tarif a
commis une erreur de droit en décidant qu'il n'y
a pas «fabrication» ou «production» lorsqu'on
modifie la pression du gaz naturel dans des
régulateurs.
Si je commets une erreur en estimant que
c'est une question de fait—si une fois les faits
fondamentaux établis il s'agit d'une question de
droit, savoir que la Cour doit déterminer s'ils
sont couverts par la disposition d'exonération—
je suis d'avis que la décision de la Commission
du tarif était fondée.
La définition des mots «fabrication» ou «pro-
duction», pris dans leur sens ordinaire, varie en
vertu du contexte ou de la catégorie d'entre-
prise en cause. Au cours de la distribution, un
négociant ou un détaillant fait de nombreuses
opérations nécessaires pour que ses marchandi-
ses soient acceptables ou utilisables par ses
clients. En général, si le distributeur effectue
ces opérations dans le cours normal de la distri
bution, le monde des affaires ne les considère-
rait pas comme faisant partie de la fabrication
ou de la production. Un détaillant serait sans
doute indigné s'il découvrait que ces opérations
le soumettent à la taxe, à la consommation ou à
la taxe de vente sur le prix de vente au détail.
Par ailleurs, un détaillant peut combiner les
rôles de fabricant et de détaillant; c'est alors
une question de qualification, sinon de fait, de
décider si ces opérations frontières tombent
dans une catégorie ou l'autre. A mon avis, lors-
qu'on utilise ces mots dans leur sens ordinaire,
on ne peut considérer la simple modification de
la pression du gaz naturel, quand c'est une
opération réversible, comme il semble que ce
soit le cas en l'espèce, comme faisant partie de
la «fabrication» ou de la «production».
En ce qui concerne l'appel, je dois ajouter
qu'en l'espèce, l'intimé n'a pas avancé le point
de vue adopté par les membres de la Commis
sion, à l'exception du président, selon lequel
l'appelante n'avait pas qualité de fabricant ou
de producteur même si les opérations en ques
tion étaient de la fabrication ou de la produc
tion. En conséquence, cette Cour n'a pas à
exprimer d'opinion à cet égard.
J'en conclus que l'appel doit être rejeté.
LE JUGE EN CHEF ADJOINT NOËL—Le juge
en chef a établi clairement les faits dans cette
affaire et je ne les répéterai pas, sauf lorsqu'il
sera nécessaire de souligner ce que je considère
important pour décider du point litigieux dans
cet appel et déjà soumis à la Commission du
tarif, à savoir si les «régulateurs» dont se ser-
vent les appelantes pour réduire la pression du
gaz qu'elles vendent sont utilisés par elles dans
la fabrication ou la production de marchandises.
La Commission a rendu une décision négative.
Si cette décision avait été affirmative, les appe-
lantes n'auraient pas été assujetties à la taxe de
vente et de consommation, en vertu du paragra-
phe 1 a) de la Partie XIII de l'annexe III de la
Loi sur la taxe d'accise.
Le seul point sur lequel on a obtenu la per
mission d'interjeter appel, en vertu de l'article
60 de la Loi sur la taxe d'accise, est strictement
une question de droit, à savoir: la Commission
du tarif a-t-elle commis une erreur de droit en
décidant que ces régulateurs ne sont pas des
«machines et appareils vendus aux fabricants
ou producteurs ou importés par eux et destinés
à être utilisés directement par eux dans la fabri
cation ou la production de marchandises»?
Il est utile, pour saisir le problème posé en
l'espèce, de décrire les activités des appelantes
et d'établir quelles sont les étapes de l'achat, du
traitement et de la livraison du gaz aux clients.
Les appelantes achètent 99% de leur gaz à
l'état naturel de la Trans Canada Pipelines et en
tirent 1% de leurs propres puits, situés dans
l'ouest de l'Ontario. Lorsque le gaz naturel
émerge de leurs puits, il peut contenir des impu-
retés comme le butane, etc., et on doit alors le
traiter. La Trans Canada Pipelines, lorsqu'elle
livre du gaz aux appelantes, pour des raisons
d'économie et d'efficacité, élève la pression du
gaz à un niveau variant de 400 à 925 livres. Le
gaz acheté par les appelantes leur parvient donc
à très haute pression et n'est en général pas
vendable ou utilisable en l'état. Les appelantes
doivent donc, pour la mise en marché et la
vente de ce gaz, en réduire la pression à un
niveau déterminé par les besoins individuels et
particuliers de leurs clients. Ce sont les régula-
teurs qui permettent de réduire la pression et de
rendre ainsi le gaz vendable et utilisable. La
fonction des régulateurs consiste donc à faire
passer le gaz d'une pression élevée à une pres-
sion basse; quelquefois, ils servent de méca-
nisme de sécurité. Un certain nombre de faits
allégués dans les preuves à titre de renseigne-
ments peuvent également aider à comprendre le
problème et je vais les rappeler ici. Le gaz
naturel concurrence l'électricité sur le marché.
Les régulateurs exercent la même fonction,
lorsqu'ils réduisent la pression du gaz naturel
pour le rendre vendable ou utilisable, qu'un
transformateur lorsqu'il réduit le voltage pour
rendre l'électricité utilisable ou vendable. Il n'y
a aucun doute que, lorsqu'elle a envisagé l'ap-
plicabilité de sa décision dans l'affaire de l'Hy-
dry-Québec [1970'] R.C.S. 30 à la présente ins
tance, la Commission a commis une erreur en
disant qu'un volt est un élément constitutif de
l'électricité, alors qu'en fait le voltage est sim-
plement la force électromotrice calculée ou
exprimée en volts, c'est-à-dire une réalité analo
gue à la pression du gaz, et elle s'est également
trompée lorsqu'elle s'est fondée sur cela pour
établir une différence entre les deux situations.
Les preuves établissent que le produit vendu
par les appelantes est non seulement du gaz
naturel, mais du gaz naturel produit pour le
client et porté à une pression particulière. Ce
n'est effectivement pas du gaz à l'état naturel
que l'on fournit aux clients, ou du gaz dans un
réservoir, mais du gaz porté à une pression
particulière, c'est-à-dire, dans la plupart des cas,
à 7 ou 14 pouces de colonne d'eau, ce qui
correspond à une pression très particulière.
Signalons que 28 pouces de colonne d'eau cor
respondent à 1 livre de pression et 7 pouces de
colonne d'eau correspondent à 4 de livre de
pression; dans certains cas, le gaz distribué aux
industries est à une pression de 5 ou 6 livres.
On utilise évidemment les régulateurs surtout
pour réduire le degré de pression en fonction de
ces exigences.
La Commission, dans sa décision, a formulé
la conclusion suivante:
La transformation que subit le gaz naturel ne modifie pas
les éléments constitutifs ou la nature du gaz lui-même. Ce
n'est que la pression à laquelle le gaz est livré à l'acheteur
qui est modifiée sans plus. Par contre, s'il est vrai qu'à une
pression moins élevée le gaz contient une quantité moindre
de B.T.U. par unité de volume à cause de l'absence de
compression, il n'est en aucune autre façon différent du gaz
à une pression plus élevée. Ce n'est que la pression du gaz
qui est modifiée et, bien que cela change la concentration en
B.T.U. ou la quantité de B.T.U. par unité de volume, la
nature du gaz reste la même. S'il était question d'un système
de distribution d'eau ou de liquide plutôt que de gaz, on
peut se demander s'il aurait été possible à l'appelant de
plaider le même argument. Faire ou fabriquer un nouveau
produit en changeant les éléments constitutifs ou la nature
ou même la forme d'un objet est une toute autre chose
qu'un simple changement de la pression à laquelle une
substance est livrée au client.
En conséquence, la Commission décide que le régulateur
n'est pas utilisé «directement dans la fabrication ou la
production» du gaz, mais qu'il n'est plutôt utilisé que pour
modifier la pression à laquelle le gaz, déjà fabriqué ou
produit, est livré aux acheteurs.
Compte tenu de la décision rendue au sujet
des transformateurs dans l'affaire de l'Hydro-
Québec et du sens courant que la Commission y
a donné au mot «production», en acceptant,
comme elle l'a fait, que ce sens courant et
normal comprenne non seulement la production
de courant électrique, mais également les étapes
de sa distribution aux voltages voulus, et
compte tenu également des faits établis de l'es-
pèce présente, j'aurais été disposé, si j'avais
siégé à la Commission du tarif, à décider, d'a-
près les faits, que les régulateurs des appelantes
servent à la production du gaz.
Toutefois, cela ne suffit pas à me permettre
d'accueillir l'appel, car le droit d'appel d'une
décision de la Commission du tarif ne peut
porter sur les constatations de fait. L'article 60
de la Loi sur la taxe d'accise ne confère un droit
d'appel qu'à l'égard d'une question qui, de l'avis
de la Cour ou d'un de ses juges, constitue une
question de droit; et encore faut-il obtenir l'au-
torisation d'en appeler sur cette question. Il
s'ensuit que, dans la mesure où la décision de la
Commission du tarif représente une constata-
tion de fait, la Cour n'a pas le droit d'intervenir,
sauf si cette constatation est si peu raisonnable
qu'elle équivaut à une erreur de droit, ou si le
tribunal a commis une quelconque erreur d'ap-
préciation, s'est fondé sur des preuves insuffi-
santes, ou est parvenu à une conclusion qu'au-
cun tribunal raisonnable n'aurait pu à bon droit
formuler. Estimerait-on qu'un appel sur le droit
et les faits aurait pu conduire à une décision
toute différente, qu'il n'y aurait pas encore là de
motif suffisant de conclure à une erreur de fait.
Il s'ensuit naturellement que la Cour ne peut
remplacer par sa propre conclusion celle de la
Commission du tarif, si celle-ci avait devant elle
des éléments de preuve d'après lesquels elle
pouvait raisonnablement conclure comme elle
l'a fait. Dans certains cas, il est souvent difficile
d'établir une distinction claire entre le fait et le
droit. On a même dit qu'une question relève des
faits ou du droit selon que la Cour choisit de la
considérer comme une question de fait ou de
droit. On a également laissé entendre que le
procédé qui consiste à qualifier une question de
question de fait ou de question «mixte» permet
à un tribunal de prétendre qu'il doit ratifier une
mesure administrative dès lors qu'elle est
«étayée par les preuves» ou «raisonnable». Cela
n'est naturellement pas exact, mais le fait
demeure qu'il est extrêmement difficile de
déterminer dans des cas particuliers s'il s'agit de
préciser le sens de la loi ou simplement d'établir
si les faits de l'espèce particulière correspon
dent aux conditions prescrites; la question de
savoir si un tribunal se trouve en présence
d'une question de fait ou d'une question de
droit n'est pas toujours facile à résoudre. Le
juge Kellock, de la Cour suprême, dans l'arrêt
Canadian Lift Truck Co. Ltd. c. S.-M.R.N.
(1956) 1 D.L.R. (2d) 497, que cite mon collègue
le juge Thurlow, a traité des pouvoirs des tribu-
naux en ce domaine. A la page 498, il a cité
l'arrêt Edwards c. Bairstow [1955] 3 All E.R.
48, et déclare:
[TRADUCTION] Bien que l'interprétation d'un texte législa-
tif soit une question de droit, et que la question de savoir si
un objet en particulier est compris dans une définition de la
loi en soit une de fait, la Cour d'appel peut néanmoins, s'il
lui semble que le juge du fait s'est prononcé sans preuves
ou qu'il était impossible à une personne ayant une connais-
sance suffisante du droit et agissant dans le respect du
processus judiciaire de rendre une telle décision, prendre
pour acquis que la décision en première instance découle
d'une erreur de droit; ...
On a également rendu au Royaume-Uni plu-
sieurs arrêts qui ont traité longuement de cette
question, et décidé qu'il peut s'agir d'une ques
tion de droit si un tribunal inférieur a rendu sa
décision, (1) en appliquant un critère ou un
principe erronés, qui ont pu influer sur sa con
clusion (voir les motifs du juge MacKenna dans
l'arrêt Goodhew c. Morton [1962] 2 All E.R.
771), (2) en considérant des points non perti-
nents ou (3) en négligeant de prendre en consi-
dération des points pertinents (voir les motifs
de Lord Danckwertz dans l'arrêt Merchandise
Transport Ltd. c. B.T.C. [1961] 3 W.L.R. 1358
à la p. 1392); et que le tribunal inférieur a dû
commettre une erreur de droit, lorsque les preu-
ves et la décision sont contradictoires ou incom
patibles; et enfin que la seule conclusion logi-
que et raisonnable est en contradiction avec la
décision (voir les arrêts Griffiths c. J.P. Harri-
son Ltd. [1962] 2 W.L.R. 909 et Bracegirdle c.
Oxley [1947] K.B. 349).
A mon avis, il était impossible à une personne
ayant une connaissance suffisante du droit et
agissant dans le respect du processus judiciaire
de rendre la décision qu'a rendue la Commis
sion du tarif en l'espèce; j'estime qu'une erreur
de droit a été commise par la Commission quant
à l'interprétation du mot «production» dans la
Loi sur la taxe d'accise, en ce qui concerne
l'industrie du gaz.
Comme le faisait observer le juge en chef
Duff dans l'arrêt Le Roi c. Vandeweghe Limited
[1934] R.C.S. 244, à la page 248:
[TRADUCTION] Les termes «fabrication» et «production»
ne sont pas des termes très précis; il faut donc considérer
leur contexte pour en préciser le sens et les modalités
d'application dans les dispositions qu'il s'agit d'interpréter.
Le gaz, tout comme l'électricité, est un pro-
duit d'un genre tout à fait spécial. On ne peut
les considérer comme marchandise que parce
qu'elles figurent à l'annexe III (au paragraphe 3
de la Partie VI), à titre de marchandises exemp-
tes de la taxe de vente. Ces produits possèdent
un certain nombre de propriétés tout à fait
distinctes; on ne saurait les assimiler aux caté-
gories habituelles de biens corporels. Ils ne sont
susceptibles que d'un nombre limité de transfor
mations précisément définies, contrairement par
exemple au bois, au plastique ou au charbon.
Des produits tels que l'électricité et le gaz peu-
vent fort bien, de par leur nature même être
produit par un processus de réduction de vol
tage, comme dans l'affaire de l'Hydro-Québec,
ou par une réduction de la pression, comme
dans l'industrie du gaz; ce processus, dans un
cas comme dans l'autre, n'implique qu'une
simple modification de leurs propriétés; toute-
fois, dans l'affaire de l'Hydro-Québec, la Com
mission a estimé que l'ampleur de cette modifi
cation justifiait qu'on la considère comme un
acte de production. Comme le faisait fort juste-
ment remarquer mon collègue Thurlow au cours
de l'audience, l'acte du marchand de charbon
qui débite de gros morceaux en petits fragments
pour satisfaire aux exigences de sa clientèle
serait certainement considéré comme produi-
sant du charbon; et pourtant, on ne pourrait pas
dire qu'il s'agisse là d'un travail plus complexe
que celui du marchand de gaz qui en réduit la
pression en fonction des exigences du dernier
consommateur.
Le jugement de la Commission du tarif, selon
lequel le mot «production» ne comprend pas
dans le cas du gaz, l'opération par laquelle on
ramène progressivement, à l'aide d'un régula-
teur, la pression du gaz à un niveau qui en
permette la vente aux usagers et l'utilisation par
ceux-ci, même si cette réduction de la pression
s'effectue au cours du transport par pipe-line,
de façon à ce que le gaz parvienne au dernier
consommateur à la pression appropriée, m'ap-
paraît ne tenir aucun compte des réalités d'un
produit tout à fait spécial; qu'on soit parvenu à
cette conclusion à partir d'une distinction falla-
cieuse établie entre le fonctionnement d'un
régulateur et celui d'un transformateur, dénote
une erreur dans le choix du critère ou du prin-
cipe applicable en l'espèce, erreur susceptible
d'avoir faussé les conclusions de la Commis
sion, et constitue à mon sens une erreur de
droit.
De surcroît, l'affirmation qu'une opération
consistant à réduire la pression du gaz ne pré-
sente pas les caractères d'un acte de produc
tion, parce que la nature ou la forme du produit
ne s'en trouverait pas modifiée, m'apparaît éga-
lement procéder d'une conception tout à fait
erronée, et manifester clairement une erreur
d'appréciation de la part de la Commission.
J'ajoute même que de dénier à une opération
quelconque le caractère d'un acte de produc
tion, parce qu'elle pourrait être qualifiée en
même temps d'acte de transport ou de distribu
tion, constitue également une erreur de droit.
C'est là une interprétation erronée des termes
de la loi, qui n'exigent pas que cette opération
comporte exclusivement ou uniquement un
aspect «production», ainsi qu'une mauvaise
analyse du véritable sens à donner au mot «pro-
duction» dans cette loi. Il ne s'agit pas ici d'une
commission d'experts en la matière qui aurait
adopté une conclusion justifiable en fonction
des éléments de preuve dont elle disposait, mais
plutôt d'un cas où, ayant déjà en d'autres cir-
constances déterminé le sens du terme «produc-
tion» refuse de l'appliquer dans des circonstan-
ces analogues. En effet, la Commission a donné
au mot «production», dans le contexte d'une
industrie, celle de l'électricité, un certain sens,
qu'il faut considérer comme le sens dans lequel
elle entend ordinairement ce terme (dès lors, il
est permis de penser que les connaissances
techniques des membres de la Commission ne
jouaient plus à cet égard un rôle déterminant),
mais refuse maintenant de donner le même sens
au mot «production» dans le contexte analogue
d'une autre industrie, celle du gaz, qui, nous
l'avons signalé, se trouve précisément en con
currence directe avec l'industrie de l'électricité.
En outre, si la Commission a refusé de donner
le même sens à ce mot, c'est qu'elle avait
commis une erreur d'appréciation quant à la
nature du voltage, et établi par la suite une
distinction erronée entre deux opérations qui,
manifestement, sont de même nature. C'était là,
à mon sens, refuser d'appliquer uniformément
des règles, des principes ou des normes, ce qui
constitue encore une grave erreur de droit.
En fait, on ne se trouve pas ici en présence
d'une situation où la Commission pouvait vala-
blement décider comme elle l'a fait à partir des
éléments de preuve dont elle disposait; au con-
traire, étant donné le sens qu'elle avait retenu
dans l'affaire de l'Hydro-Québec, la Commis
sion était forcée de conclure que les régulateurs
des appelantes servaient à la production de
marchandises.
J'estime qu'une fois que la jurisprudence a
donné son véritable sens à un mot employé par
le législateur, cette définition fait autorité; elle
constitue un précédent à l'égard de toute situa
tion analogue, et exprime l'état du droit applica
ble à toute contestation portant sur la même
disposition législative.
J'en suis donc venu à la conclusion que la
décision de la Commission du tarif est entachée
d'une erreur de droit, et que les régulateurs des
appelantes sont utilisés dans la production de
marchandises, et donc exempts de taxe de con-
sommation ou de vente en vertu du paragraphe
1 a) de la Partie XIII de l'annexe III de la Loi
sur la taxe d'accise. Je ferais donc droit à l'ap-
pel, avec dépens.
* * *
LE JUGE THURLOW—Les faits de cette
affaire sont exposés en détail dans les motifs du
juge en chef; il est donc inutile que je les
répète.
La Consumers' Gas Company, ci-après dési-
gnée sous le nom d'appelante, achète et reçoit
dans son réseau de distribution du gaz à une
pression d'environ 900 lbs/po. carré en prove
nance du pipe-line trans -canadien. A cette pres-
sion, le gaz est inutilisable comme carburant ou
comme source d'énergie pour l'industrie. La
pression du gaz a été portée à un niveau très
élevé pour pouvoir le faire circuler de façon
économique et efficace dans le pipe-line trans-
canadien. La même source de pression sert à
faire circuler le gaz dans le réseau de distribu
tion de l'appelante, mais, pour un certain
nombre de raisons, on ne peut pas le faire
circuler dans ces réseaux ni le livrer aux clients
à une pression aussi élevée. En conséquence, la
pression est réduite par différentes étapes men-
tionnées dans les conclusions de la Commission
du tarif. La pression est réduite par étapes au
moyen des régulateurs en cause en l'espèce et,
en fin de compte, leur effet est suffisant pour
permettre à l'appelante de fournir et de livrer du
gaz à ses clients à une pression que leurs appa-
reils peuvent supporter et à laquelle ils peuvent
l'utiliser. La modification globale de la pression
est très importante puisqu'elle représente une
baisse de 900 lbs/po. carré à lb/po. carré pour
la plupart des usages domestiques et à 5 lbs/po.
carré pour certains autres consommateurs.
La question soumise par la Commission du
tarif était de savoir si les régulateurs permettant
de réduire la pression du gaz étaient utilisés par
l'appelante directement dans la fabrication ou la
production du gaz naturel; la Commission y a
répondu par la négative. Voici un extrait de ses
conclusions:
La transformation que subit le gaz naturel ne modifie pas
les éléments constitutifs ou la nature du gaz lui-même. Ce
n'est que la pression à laquelle le gaz est livré à l'acheteur
qui est modifiée, sans plus. Par contre, s'il est vrai qu'à une
pression moins élevée le gaz contient une quantité moindre
de B.T.U. par unité de volume à cause de l'absence de
compression, il n'est en aucune autre façon différent du gaz
à une pression plus élevée. Ce n'est que la pression du gaz
qui est modifiée et, bien que cela change la concentration en
B.T.U. ou la quantité de B.T.U. par unité de volume, la
nature du gaz reste la même. S'il était question d'un système
de distribution d'eau ou de liquide plutôt que de gaz, on
peut se demander s'il aurait été possible à l'appelante de
plaider le même argument. Faire ou fabriquer un nouveau
produit en changeant les éléments constitutifs ou la nature
ou même la forme d'un objet est une toute autre chose
qu'un simple changement de la pression à laquelle une
substance est livrée au client.
A cause de la nature de la pression d'un gaz, on ne peut dire
que les marchandises—le gaz—sont fabriquées ou produites
puisque le régulateur ne fait que changer le pression à
laquelle elles sont livrées. La fabrication ou la production a
déjà eu lieu. Le changement de pression n'est pas une
modification du produit lui-même mais uniquement de la
pression à laquelle il est livré.
Mais, dans la présente affaire, le régulateur ne fait pas
partie du processus même de production du gaz et n'en-
traîne aucun changement dans les éléments constitutifs du
gaz lui-même puisqu'il ne fait que modifier la pression à
laquelle le gaz est livré à l'acheteur, ce qui ne fait que
modifier la teneur en B.T.U. ou le nombre de B.T.U. par
unité de volume.
En conséquence, la Commission décide que le régulateur
n'est pas utilisé «directement dans la fabrication ou la
production» du gaz mais qu'il n'est plutôt utilisé que pour
modifier la pression à laquelle le gaz, déjà fabriqué et
produit, est livré aux acheteurs.
L'article 60 de la Loi sur la taxe d'accise
prévoit que l'on peut accorder la permission
d'interjeter appel de cette décision, mais il ne
s'agit pas d'un appel embrassant toutes les
questions de fait et de droit comme c'était le cas
dans les affaires Le Roi c. Vandeweghe [1934]
R.C.S. 244, La Reine c. York Marble, Tile and
Terrazzo Ltd. [1968] R.C.S. 140', et La Reine c.
C.P.R. [1971] R.C.S. 821. Dans l'affaire pré-
sente, elle est limitée à la question de droit au
sujet de laquelle la permission d'interjeter appel
a été obtenue, c'est-à-dire:
[TRADUCTION] La Commission du tarif a-t-elle commis une
erreur de droit en décidant que les régulateurs en question
ne sont pas des «machines et appareils vendus aux fabri-
cants ou producteurs ou importés par eux et destinés à être
utilisés par eux directement dans la fabrication ou la pro
duction de marchandises».
Dans l'affaire Canadian Lift Truck Co. Ltd.
c. S-.M.R.N. (1956) 1 D.L.R. (2d) 497, à la p.
498, le juge Kellock, en rendant la décision de
la Cour suprême, a déclaré à cet égard:
[TRADUCTION] La question de droit susmentionnée soulève
au moins deux questions, savoir, si la Commission du tarif a
tenu compte des principes juridiques applicables à l'inter-
prétation des textes législatifs et si, par ailleurs, compte
tenu desdits principes, la preuve était de nature à lui per-
mettre d'arriver à une telle conclusion.
Alors que l'interprétation d'un texte législatif est une ques
tion de droit et que la question de savoir si une chose
précise est d'une nature telle qu'elle se situe dans le cadre
législatif ainsi défini est une question de fait, néanmoins, s'il
apparaît à la Cour d'appel que le tribunal, juge des faits, a
statué sans preuve ou que personne au fait du droit et
exerçant des fonctions judiciaires n'aurait pu arriver à une
telle décision, la Cour peut statuer en présumant que ladite
décision est imputable à une conception erronée du droit;
Edwards c. Bairstow, [1955] 3 All E.R. 48.
A mon avis, le principal argument de l'appe-
lante est que la Commission du tarif en tran-
chant la question a omis d'appliquer le sens
véritable de «fabrication ou production» dans la
disposition législative en cause, ainsi que cette
expression a été interprétée et appliquée dans
l'arrêt La Commission hydroélectrique de
Québec c. S.-M.R.N. [1970] R.C.S. 30, eu égard
au fait que les régulateurs dans un réseau de
distribution du gaz ont une fonction tout à fait
analogue à celle des transformateurs dans un
réseau de distribution d'électricité et que,
comme les transformateurs en cause dans l'ar-
rêt Hydro -Québec, les régulateurs dans la pré-
sente affaire sont utilisés pour transformer du
gaz à haute pression, donc invendable et inutili-
sable, en un gaz à basse pression, vendable et
utilisable.
Je n'ai pas trouvé dans les motifs de la Com
mission du tarif de déclaration erronée relative
au droit applicable et je ne me souviens pas
qu'on ait fait état d'une telle déclaration au
cours des plaidoiries. A mon avis, il s'ensuit que
le seul fondement valable restant pour attaquer
la conclusion de la Commission qui, à première
vue, est une conclusion de fait, comme étant
entachée d'une erreur de droit, est qu'il y a une
telle contradiction entre la conclusion et les
faits et documents soumis à la Commission que,
nécessairement, on doit conclure que la déci-
sion de la Commission découle d'une concep
tion erronée du droit.
Je ne pense pas que cet argument ait été
justifié. Déterminer quelles modifications l'utili-
sation des régulateurs avait fait subir au produit
définitif n'était qu'une question de fait tout
comme déterminer si ces modifications étaient
suffisantes, dans les circonstances, pour revenir
à la «fabrication ou production» de marchandi-
ses au sens de la loi. Selon moi, il n'incombait
pas à la Commission de considérer les faits de
l'espèce présente en parallèle avec des traits
assez analogues dans l'affaire des transforma-
teurs ou d'en venir à une conclusion semblable
à celle adoptée dans ce cas-là. Même si, en fait,
la Commission a examiné les faits en se référant
à ceux établis dans ladite affaire et si elle a fait
certaines comparaisons, elle conservait la possi-
bilité de considérer, comme elle l'a fait, d'après
la preuve en sa possession, le gaz lui-même en
tant que «marchandises» mentionnées dans la
loi et de décider, comme elle l'a aussi fait, que
les régulateurs de pression n'avaient pas modi-
fié les qualités ou caractéristiques de ce gaz de
façon à revenir à la «fabrication ou production»
de gaz d'après la signification ou le sens ordi-
naire de cette expression.
A mon avis, la Commission pouvait égale-
ment décider, comme elle l'a fait, accessoire-
ment à cette conclusion, que la modification de
la pression n'était qu'une modification de la
pression à laquelle le gaz était livré, car, selon
moi, il ressort de la preuve qu'on pourrait consi-
dérer les étapes successives de réduction de la
pression du gaz pour le faire circuler en toute
sécurité et de façon économique dans le réseau
de distribution de l'appelante ainsi que la pres-
sion maintenue aux différentes étapes de circu
lation du gaz dans le réseau comme des traits ou
caractéristiques de ce réseau et comme prescri-
tes par ses besoins et l'obligation de livrer du
gaz aux consommateurs à des pressions suffi-
samment élevées pour permettre au régulateur
,
final de maintenir le débit à une pression basse
mais constante.
En conséquence, je souscris au premier motif
de la décision du juge en chef et, me fondant
sur ce seul motif, je suis d'avis de rejeter
l'appel.
LE JUGE EN CHEF JACKETT:
A cet égard, la Commission a, entre autres, déclaré:
En premier lieu, la Commission décide que le transfor-
mateur ne fait pas une simple transformation, un change-
ment ou une mutation dans le courant existant, mais qu'il
«produit» un «nouveau» courant «distinct». Ce n'est
cependant pas sur cet aspect de la question que l'appe-
lante tente d'établir une analogie.
En second lieu, la Commission décide que le transfor-
mateur, qu'il «produise» ou non «une forme d'électricité
nouvelle et distincte de l'électricité produite dans le cir
cuit primaire, fait subir à l'énergie électrique une transfor
mation qui la rend propre à l'usage du client» et «qu'il
faut considérer cette transformation comme un procédé
de production ou de fabrication de l'électricité». En se
fondant sur cette conclusion, l'appelante prétend que le
régulateur joue un rôle identique dans le cas du gaz
naturel.
Pour décider du bien-fondé de cette prétention, il faut
examiner la nature de tout changement ou de toute trans
formation que subissent l'électricité ou le gaz.
La transformation que subit l'électricité, bien qu'elle ne
change en rien la fréquence ou le cycle d'alternance et la
quantité d'énergie électrique, exprimés en watts, produit
«un nouveau courant distinct» dans ses deux éléments
constitutifs, soit la pression ou la force électromotrice,
exprimées en volts, et le débit du courant, exprimé en
ampères. Ainsi le changement ou la modification qui fait
de l'électricité un produit propre à la vente et à l'usage est
un changement de chacun des deux éléments constitutifs
de l'électricité.
Il est évident que lorsqu'on définit le volt comme
l'unité de pression en électricité, le mot pression a un sens
bien différent de celui qu'on donne en parlant des gaz.
Dans le cas du gaz, la pression est mesurable en livres sur
une unité de surface, ou encore elle est «la pression
exercée sur une surface». Ce n'est pas le cas de l'électri-
cité et il faut se garder de pousser l'analogie trop loin.
A cause de la nature de la pression d'un gaz, on ne peut
dire que les marchandises—le gaz—sont fabriquées ou
produites, puisque le régulateur ne fait que changer la
pression à laquelle elles sont livrées. La fabrication ou la
production a déjà eu lieu. Le changement de pression
n'est pas une modification du produit lui-même, mais
uniquement de la pression à laquelle il est livré.
La Commission est donc d'avis qu'il existe une distinc
tion très nette à faire entre l'affaire portant sur les trans-
formateurs et la présente affaire. Dans la première, il était
en effet question de la production d'un nouveau courant
distinct et il y avait un changement dans les éléments
constitutifs mêmes de l'électricité. Mais, dans la présente
affaire, le régulateur ne fait pas partie du processus même
de production du gaz et n'entraîne aucun changement
dans les éléments constitutifs du gaz lui-même, puisqu'il
ne fait que modifier la pression à laquelle le gaz est livré à
l'acheteur, ce qui ne fait que modifier la teneur en B.T.U.
ou le nombre de B.T.U. par unité de volume.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.